Le poème de La Pitié de Delille, qui venait de paraître, occupait et passionnait tous les esprits ; il traduisait en vers faciles les sentiments de cette société restaurée, rassurée et redevenue humaine à loisir ; il lui donnait satisfaction dans ses ressouvenirs royalistes et bourboniens, et dissimulait quelque retour d’espérance sous ce qui ne semblait qu’un culte de deuil pieux et de regrets. […] Combattant, ainsi que nous avons vu faire aux Portalis et aux Rivarol, avec moins de vigueur qu’eux, mais dans le même sens, les philosophes et les sophistes qui avaient décomposé le cœur humain comme le corps social et voulu disséquer toutes choses, il disait : « La société doit avoir son côté mystérieux comme la religion, et j’ai toujours pensé qu’il fallait quelquefois croire aux lois de la patrie comme on croit aux préceptes de Dieu. » Il remarquait que « dans le cours ordinaire de la vie, et même sur la scène politique, il est des choses qu’on fait mieux lorsqu’on ne songe point à la cause qui nous fait agir : l’homme est souvent porté à la vertu et à l’héroïsme par un mouvement irréfléchi […] Quand les raisonneurs et les beaux esprits ont ainsi abusé et que les conséquences ruineuses sont sorties de toutes parts, l’instinct de la conservation se réveille puissamment dans le gros de la société. […] Il était ce qu’on aurait nommé autrefois un gentil esprit, narquois, un peu risqué et pourtant de très bonne compagnie, d’une élégance naturelle, bien que très négligé sur sa personne ; il avait beau se couvrir de tabac et garder au doigt sa tache d’encre, on le sentait essentiellement distingué, fait pour plaire, et ayant tout le meilleur goût de l’ancienne société.
Entre toutes celles qui pouvaient convenir à une âme élevée, à un homme public jeté avant l’heure dans la retraite, il n’en était point de plus digne assurément que de considérer l’idée religieuse dans ses rapports essentiels avec le maintien de la société. […] Necker dans son ouvrage, c’est de faire voir ce qui peut, dans l’ordre actuel de la société, réconcilier le pauvre avec le riche ; le prolétaire avec le propriétaire, celui qui vit de son salaire de chaque jour avec « les dispensateurs des subsistances ». […] Il démontre sous toutes les formes, et par une quantité de considérations prises dans le cœur humain, que la morale religieuse vient sans cesse au secours de la législation civile : Elle parle un langage que les lois ne connaissent point ; elle échauffe cette sensibilité qui doit devancer la raison même ; elle agit, et comme la lumière et comme la chaleur intérieure ; elle éclaire, elle anime, elle s’insinue partout ; et ce qu’on n’observe point assez, c’est qu’au milieu des sociétés cette morale est le lien imperceptible d’une multitude de parties qui semblent se tenir par leurs propres affinités, et qui se détacheraient successivement, si la chaîne qui les unit venait jamais à se rompre. […] Son illustre fille, Mme de Staël, s’est chargée depuis d’imprimer aux pensées politiques de son père un cachet de précision et d’à-propos, et de leur prêter une expression d’éclat, en composant ses Considérations sur la Révolution française, qui eurent un si grand succès dans la haute société en 1818, et qui présentèrent une théorie spécieuse à la politique de la Restauration.
Mais Arnault jeune, amoureux et déjà marié, ami de la poésie, du théâtre, faisant de jolis vers de société, et aspirant dès lors à la muse tragique, n’avait pas de théorie ni de prévision politique bien longue. […] Poésie, famille et société, c’était assez pour l’occuper et le rendre heureux. […] Aussi Cazalès n’obtenait-il guère en société qu’une faveur de souvenir… Les portraits qu’Arnault a donnés des personnages de sa connaissance, et qu’il s’est amusé à tracer dans les années de sa vieillesse, sont animés de ces traits heureux et vraiment spirituels, qui sortent tout à fait du commun. […] D’une haute taille élégante, d’une figure régulière, avec des yeux expressifs où riait la malice, avec la riposte prompte sur les lèvres, aimant franchement ceux qu’il aimait et se passant des autres, il payait de sa personne, il avait de l’esprit argent comptant et tenait sans effort son rang dans la société.
A première vue on est tenté d’établir des similitudes, d’identifier Diâtrou, l’hyène, au brutal Isengrin et frère lièvre à Goupil le renard, mais l’ouvre médiévale est avant tout une suite de fabliaux satiriques où l’humeur gouailleuse du populaire s’esbaudit à un pastiche de la société féodale. […] Quoi qu’il en soit, il est un fait à retenir c’est qu’à part le titre de roi donné à l’éléphant on ne voit pas trace dans les fables indigènes d’une société animale constituée avec ses marabouts, ses parasites des puissants, ses dignitaires et ses magistrats, bien que la société indigène offre des exemples d’un semblable état de choses29. […] J’ai répondu, je réponds encore ceci que ceux qui me les ont racontés appartenaient tous aux classes les plus modestes de la société ; que d’ailleurs, au cours de déplacements qui m’amenaient parmi des peuplades très diverses ; j’avais entendu raconter avec quelques variantes insignifiantes, les mêmes récits.
Taine, dont nous parlerons plus loin, a donnée de la Science et qui permettrait à toutes les deux de faire leur travail de destruction dans la plus complète sécurité et sans s’inquiéter de savoir s’il y a une morale, une société, des gouvernements, un foyer domestique, tout un ensemble de choses organisées autour de soi, à respecter, cette définition, qu’il est si important de faire admettre à tout le monde, est la grande affaire et le coup d’État actuel des philosophes. […] C’était la guerre à Dieu qu’il fallait faire, armé de prudence, car cette guerre a son danger dans une société où il existe un peu d’ordre encore. […] La société a préexisté, à l’homme, Dieu à la société, et comme il leur préexistait, il les a constitués par le langage, cette condition sine qua non de tous nos développements en tous genres, sans laquelle l’esprit de l’homme avorterait.
Celui du mot étranger, entre mille autres, a évolué jusqu’à signifier uniquement, pour nous : ce qui n’appartient pas à notre nation, tout ce qui est de l’extérieur, du dehors (ce que les Latins nommaient extraneus), toute question d’amitié ou d’inimitié étant écartée. « Les peuples de l’antiquité vivent isolés, se défient les uns des autres et n’ont entre eux d’autres rapports que ceux de la guerre », tandis que « aujourd’hui les peuples civilisés forment une véritable société »44. […] I De l’immense labeur sociologique accompli en ce siècle par des myriades de savants et de philosophes, de l’accumulation des enquêtes et des hypothèses, se dégagent lentement quelques unes des lois capitales dominant la vie des sociétés. […] Paul de Lilienfeld, dont la formule nous paraît des plus satisfaisantes, « la société humaine est, comme les organismes naturels, un être réel… elle est un prolongement de la nature… elle est simplement une expression plus haute des forces qui servent de base aux phénomènes naturels46 ». […] L’étude des rapports de l’individu et du corps social qui constitue la sociologie d’aujourd’hui, nous conduit fatalement, l’analogie des deux organismes étant admise, à celle des rapports du corps social et de la société humaine dans son ensemble.
La « nationalisation » de la littérature, si les circonstances ne lui permettent pas de se réaliser encore, est devenue l’objet que les écrivains, la société, la royauté même vont se proposer ; et, en un mot, si l’idéal classique n’a encore qu’une conscience un peu vague de lui-même, il est cependant déjà formé. […] Dans l’intérêt de la société des hommes, et par conséquent, dans son intérêt même, personnel et particulier, que chacun de nous abdique donc un peu de cet égoïsme qui lui est d’ailleurs si naturel ! […] Sociale dans son objet, générale dans ses moyens d’expression, cette littérature sera encore morale, dans la mesure précise où il ne saurait exister de société sans morale. […] XXIII ; — Paradin : Mémoires de l’histoire de Lyon ; — Édouard Bourciez : Les Mœurs et la société polie à la cour d’Henri II, Paris, 1886 ; — Charles Boy : « Recherches sur la vie et les œuvres de Louise Labé », au t. […] 4º De l’influence de l’Astrée. — S’il faut lui faire une part dans la formation de la société précieuse ?
La solennité de la réception, retardée plusieurs mois par un douloureux accident, avait réuni jeudi, dans la salle de l’Institut, toute l’élite de la société : c’était en effet un véritable événement littéraire. […] Mais, si toutes les conséquences de l’art nouveau ne sont pas tirées, s’il reste encore des applications possibles au gré des génies inventeurs, si, parmi les idées en jeu dans la société, il en est quelqu’une, noble et féconde, qui attende encore son organe éclatant et son expression éternelle, rien ne s’arrête ; la révolution que les uns ont entamée se consomme par d’autres, et le siècle accomplit jusqu’au bout sa destinée de gloire.
Mais revenons ; ce Joseph, qui se consumait ainsi sans foi, sans croyances, sans action ; cet individu malade qui suivait son petit sentier loin de la société et des hommes, avait commencé vers la fin de sa vie à renaître à une sympathie plus bienveillante, et à chercher les regards consolants de quelques amis poètes ; c’est ce qu’il fit de mieux et de plus profitable pour lui ; son cœur se dilata à leur côté ; son talent s’échauffa aux rayons du leur, et il dut à l’un d’eux surtout, au plus grand, au plus cher, le peu qu’il nous a laissé. […] Joseph la méprisa et par moments s’irrita contre elle ; par malheur, l’association romantique, formulée par la Restauration, était trop restreinte elle-même, trop artificielle et trop peu mêlée au mouvement profond de la société ; le Cénacle n’était après tout qu’un salon ; il s’est dissous après une certaine durée, pour se refondre, nous l’espérons, en quelque chose de plus social et de plus grand.
Comme elle naît toujours de la profondeur de la réflexion, et qu’elle est souvent inspirée par le besoin de résister à ses passions, elle suppose des qualités supérieures, et donne une jouissance de ses propres facultés tout à fait inconnue à l’homme insensible ; le monde lui convient mieux qu’au philosophe ; il ne craint pas que l’agitation de la société trouble la paix dont il goûte la douceur. […] Ce repos auquel la nature nous appelle, qui semble la destination immédiate de l’homme ; ce repos dont la jouissance paraît devoir précéder le besoin même de la société, et devenir plus nécessaire encore après qu’on a longtemps vécu au milieu d’elle ; ce repos est un tourment pour l’homme dominé par une grande passion.
Qui ne ferait pas rire, dans la société, en parlant d’hyménée ? […] Une société dans laquelle un élément aussi essentiel et aussi répété que le sot, est changé à ce point, ne peut plus supporter ni le même ridicule, ni le même pathétique.
Les noms reviennent sans fin, et rarement le pronom les remplace ; circonstance qui, jointe au retour fréquent de la conjonction et, annonce, par cette simplicité, une société bien plus près de l’état de nature, que la société peinte par Homère.
C’est d’elle qu’Ulpien dit qu’ elle n’est point connue naturellement à tous les hommes (comme l’équité naturelle), mais seulement à un petit nombre d’hommes qui ont appris par la pratique du gouvernement ce qui est nécessaire au maintien de la société . […] Dans les temps héroïques où les gouvernements étaient aristocratiques, les héros avaient dans l’intérêt public une grande part d’intérêt privé, je parle de leur monarchie domestique que leur conservait la société civile.
Lorsque les universités d’Italie commencèrent à enseigner les lois romaines d’après les livres de Justinien, qui les présente d’une manière conforme au droit naturel des peuples civilisés, les esprits déjà plus ouverts s’attachèrent aux règles de l’équité naturelle dans l’étude de la jurisprudence, cette équité égale les nobles et les plébéiens dans la société, comme ils sont égaux dans la nature. […] Le droit romain au contraire est né de la féodalité ; je parle de cette féodalité primitive que nous avons observée particulièrement dans la barbarie antique du Latium, et qui a été la base commune de toutes les sociétés humaines.
mais toutes les sociétés humaines ont laissé des preuves de la même assiduité aux travaux littéraires, sans que leur zèle produisît des résultats aussi éclatants. […] Elle s’empara des masques, et ne leur permit de représenter que les vices bas et honteux, que les ridicules pernicieux à la société. […] Ce seul fait peint à merveille la noble humeur d’un misanthrope qu’indignent les mœurs corrompues de la société. […] Ainsi Molière imprime toujours à la comédie une utilité générale, en redressant par la moquerie les torts les plus communs de la société. […] À défaut d’exemples dans la société, ne trouvait-on pas au théâtre, en M.
Le panthéisme, toutefois, n’est point la seule maladie intellectuelle qui menace la société européenne. […] Il n’y a guère de genre en littérature qui se prête mieux à l’expression des besoins d’une société que le roman. […] Je ne parle point des embarras et des périls que l’intolérance religieuse suscite à la société tout entière. […] On comprend difficilement qu’avec ses goûts aristocratiques il se laisse entraîner par des sociétés crapuleuses. […] Y aura-t-il, entre lui et les autres classes de la société, assimilation morale comme il y a déjà assimilation légale ?
Je crois bien que, dans ce petit jeu de société, défilèrent toute la finance et toute la noblesse contemporaines. […] Et les motifs, censément philosophiques, au nom de quoi la société le punit, ne sont qu’hypocrisie et mensonge. […] Dans une société bien construite, il faut des riches et des pauvres. […] Successivement, il avait répandu, sur tous les rouages de la société contemporaine l’huile inépuisable de son génie. […] Nous, c’est dans la société, dans une société refaite plus harmonique aux besoins de la vie, retrempée aux sources éternelles de la nature, que nous allons les chercher, ces remèdes, et peut-être, ces guérisons !
Un tel poème, qui n’aurait pas eu d’inconvénient lu entre incrédules, aux derniers soupers du grand Frédéric, et qui aurait fait sourire de spirituels mécréants, prit un tout autre caractère en tombant dans le public : il fit du mal ; il alla blesser des consciences tendres, des croyances respectables, et desquelles la société avait encore à vivre. […] Mais le propre de cette aimable société de la caserne et de Feuillancour, c’est que la distinction, l’élégance, le goût de l’esprit surnageaient toujours jusque dans le vin et les plaisirs. […] Le plus rébarbatif de tous, M. de Bonald, a dit : « Je crois que la poésie érotique est finie chez nous, et que, dans une société avancée, on sentira le ridicule d’entretenir le public de faiblesses qu’un homme en âge de raison ne confie pas même à son ami.