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1049. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

À l’époque où parut le livre des Caractères ou des mœurs de ce siècle, les Maximes et les Pensées étaient dans les mains de tout le monde, et La Bruyère sentit le besoin de repousser d’avance le reproche d’imitation. […] Aucune des passions qui dépendent de l’amour-propre n’avait abdiqué, mais toutes avaient senti le frein. […] La Rochefoucauld avait vu les emportements des caractères : ses portraits se sentent des fortes impressions qu’il avait reçues de cette violence. […] Le public, si digne alors des auteurs, et qui pouvait aider les plus illustres à se connaître, sentit que ces trop rares portraits donneraient seuls à La Bruyère une place à côté de La Rochefoucauld et de Pascal, et il lui en commanda de nouveaux. […] Il n’avait pas senti, comme Pascal, le supplice de toutes les imperfections humaines ; elles ont exercé doucement plutôt qu’aigri sa raison.

1050. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

J’aimerais mieux pour lui qu’il n’eût pas trahi dans ces vers froids et sans accent le dessein de se couvrir de la belle maxime de Boileau : Le vers se sent toujours des bassesses du cœur. […] Ne lui disputons pas d’ailleurs le mérite d’une certaine imagination de style, et par moment d’un heureux choix de mots ; mais dans ses plus beaux vers on ne sent ni une raison émue ni un cœur touché. […] Après ces deux années d’une douce vie passée en compagnie de deux amis dignes de lui, c’est-à-dire en compagnie plus intime avec lui-même, il revint à Paris, la tête débordant de poèmes, de plans, d’esquisses, où sont mêlées la science, la politique, la Bible, l’Amérique ; ambitieux de tout sentir et de tout rendre, de faire de la poésie l’organe inspiré de toutes les idées modernes, l’écho du passé et du présent, la voix prophétique de l’avenir. […] Elles se sentent de l’improvisation dans un moment de trouble. […] Il est de ce beau temps des lettres françaises par la mesure, les images modérées et justes, par l’éclat doux et égal, par les beautés antiques, pensées et senties de nouveau, par le style, où il a la noblesse du grand siècle, sans en avoir l’étiquette.

1051. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Voilà ce que j’appelle un savant qui n’est pas entiché, et vraiment honnête homme, un savant qui ne se sent pas de son métier ni de son clocher. […] L’âge acheva de mettre le sceau à cette manière honorable de vivre et de sentir. […] Huet sentait à merveille l’antique poésie ; il y mêlait l’amour de la nature et de la campagne, et il en a plus d’une fois exprimé le sentiment avec charme. […] Huet, en goûtant la poésie, avait fait de bonne heure une réflexion sur ce que bien peu de gens sont nés, en effet, pour la sentir : « Il y a encore plus de poètes que de vrais juges des poètes et de la poésie. » Il revient souvent sur cette idée, qu’on retrouverait, je crois, également chez Montaigne. […] Ainsi, comparant la santé ruineuse des vieillards à une tour sapée, ou à ces arbres qui ne tiennent plus que par la contexture extérieure et comme par l’écorce, il dira : « Je comparerais encore cette apparence de santé à ces larmes de verre qui paraissent parfaitement solides, et qui, étant tant soit peu entamées, s’en vont en poussière. » Cela est juste et joli, et sent le poète latin.

1052. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Les refrains et les motifs de ces petites pièces sont à ravir : on y sent le musa ales, l’aile du lutin, un lutin gaulois qui n’est pas Ariel, mais plus libertin et déjà gamin, le lutin de la gaudriole. […] Et puis cette gêne même, quand elle se fait sentir, est un véritable défaut. Or, on la sent à tout moment dans les chansons à refrain, dès que le poète veut s’élever ; il y a, tous les six ou huit vers, un hoquet qui lui coupe l’haleine. […] Béranger sent bien qu’il représente en personne ce malin esprit, et il soigne ses ouailles. — Lamennais ! […] Je suis trop poli pour dire ce que je pense de cette manière d’interpréter les écrits, d’user et d’abuser de quelques paroles plaintives, et après tout senties, de poète et d’artiste ; je croyais que M. de Pontmartin laissait ce procédé trop facile et trop simple à M. 

1053. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Mais il le faisait avec naturel, avec facilité, avec un don de récit et de mise en scène qui était son talent propre, avec une veine de raillerie et de comique qui se répandait sur tout, avec une morale vive, enjouée, courante, qui était sa manière même de sentir et de penser. […] Il s’y sentait comme une fraîcheur de jeunesse et une liberté d’allure qui convenait au début d’une époque émancipée. Que dire de Gil Blas qui n’ait pas déjà été dit, que n’aient pas senti et exprimé tant de panégyristes ingénieux, de critiques délicats et fins, et que tout lecteur judicieux n’ait pas pensé de lui-même ? […] Mais il ne mérite cet éloge que tout à la fin, et cela nous encourage ; nous sentons, en le lisant, que nous pouvons, sans trop d’effort et de présomption, arriver un jour comme lui. […] Villemain dans le tome premier du Tableau de la littérature au xviiie  siècle, et les Éloges si distingués et si bien sentis de M. 

1054. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Que l’on soit à La Chevrette chez Mme d’Épinay, au Grand-Val chez le baron d’Holbach, si l’on se sent un peu triste et si le jour baisse, si la conversation languit, si la pluie tombe, l’abbé Galiani entre, et avec le gentil abbé la gaieté, l’imagination, l’esprit, la folie, tout ce qui fait oublier les peines de la vie. — L’abbé est inépuisable de mots et de traits plaisants, ajoute Diderot ; c’est un trésor dans les jours pluvieux. […] En religion, en morale, on sent où une telle manière de voir le mène. […] Ce qu’on sent trop d’ailleurs dans ces Dialogues, et ce que Galiani a pris soin plus tard de nous confirmer en toutes lettres, c’est que son Chevalier Zanobi, qui représente l’auteur, « ne croit ni ne pense un mot de tout ce qu’il dit ; qu’il est le plus grand sceptique et le plus grand académique du monde ; qu’il ne croit rien en rien, sur rien de rien ». […] Il y a des jours, on le sent, où il se pince pour faire rire. […] Enfin il nous sent, il nous aime, il est un des nôtres, et nous devons bien à ce charmant abbé une sépulture littéraire honorable, choisie, toute mignonne, urna brevis, une petite urne élégante et qui ne soit pas plus grande que lui.

1055. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Condorcet, né le 17 septembre 1743, en Picardie, d’une famille noble, dont les membres étaient avantageusement placés dans l’armée et dans l’Église, sentit de bonne heure une vocation irrésistible pour les sciences et les lettres. […] Mlle de Lespinasse, qui n’appelle jamais Condorcet que le bon Condorcet, sentait bien pourtant ce défaut caractéristique chez lui, et qui consistait à se doubler, à se centupler, à se trop répandre. […] Par une inconvenance qu’il ne paraît pas avoir sentie, il ne discontinua point, dans le temps même où il était président de l’Assemblée (février 1792), de rendre compte des séances et d’analyser, comme journaliste, les débats qu’il était censé diriger comme président. […] Toutes les fois que le peuple en personne se met en communication avec l’Assemblée, Condorcet y applaudit : On sait, écrivait-il le 21 novembre 1791, que les séances du dimanche sont consacrées au saint et indispensable devoir d’entendre les pétitionnaires… L’Assemblée doit aimer à se sentir quelquefois électrisée par les expressions que l’enthousiasme d’un peuple libre et généreux vient porter dans le sein même de ses séances. […] Le grand sophisme de Condorcet et son malheur, c’est de n’avoir pas senti en lui le cri du sens moral immédiat, et de s’être trop longtemps tenu pour absous de toutes les manœuvres de parti en vue du plus grand bonheur futur de l’espèce humaine.

1056. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Un critique allemand de 1680, Bentheim, se sent désarmé, parce que, dit-il, Shakespeare est une tête pleine de drôlerie. […] En 1804, l’auteur d’une de ces Biographies universelles idiotes où l’on trouve moyen de raconter l’histoire de Calas sans prononcer le nom de Voltaire, et que les gouvernements, sachant ce qu’ils font, patronnent et subventionnent volontiers, un nommé Delandine, sent le besoin de prendre une balance et de juger Shakespeare, et, après avoir dit que « Shakespear, qui se prononce Chekspir », avait, dans sa jeunesse, « dérobé les bêtes fauves d’un seigneur », il ajoute : « La nature avait rassemblé dans la tête de ce poëte ce qu’on peut imaginer de plus grand, avec ce que la grossièreté sans esprit peut avoir de plus bas. » Dernièrement, nous lisions cette chose écrite il y a peu de temps par un cuistre considérable, qui est vivant : « Les auteurs secondaires et les poètes inférieurs, tels que Shakespeare  », etc. […] Il fait savamment sentir la simplicité du fait métaphysique sous la complication du fait dramatique. […] On sent, en abordant l’œuvre de cet homme, le vent énorme qui viendrait de l’ouverture d’un monde. […] On dirait, aux réclamations et clameurs de l’école doctrinaire, que c’est elle qui est chargée de fournir à ses frais à toute la consommation d’images et de figures que peuvent faire les poètes, et qu’elle se sent ruinée par des gaspilleurs comme Pindare, Aristophane, Ézéchiel, Plaute et Cervantes.

1057. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

et dans le vaste ensemble des êtres créés, choses, hommes, animaux, plantes, rochers, tous tournés vers le Caucase, on sent cette inexprimable angoisse, le libérateur enchaîné. […] L’historien supérieur qui est dans le poëte se manifeste ici, et l’on sent dans Shakespeare la profonde pénétration des vieilles ténèbres royales. […] C’est à travers cette couche de songe qu’il sent, comprend, apprend, perçoit, boit, mange, s’irrite, se moque, pleure et raisonne. […] Avez-vous jamais eu en dormant le cauchemar de la course ou de la fuite, et essayé de vous hâter, et senti l’ankylose de vos genoux, la pesanteur de vos bras, l’horreur de vos mains paralysées, l’impossibilité du geste ? […] se sentir oublié dans le départ, avoir perdu sa raison d’être ici-bas, être désormais un homme qui va et vient devant un sépulcre, pas reçu, pas admis ; c’est une sombre destinée.

1058. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

On y voit les raisons de ce qui est commun à toutes les langues ; on y fait sentir les principales différences qui s’y rencontrent. […] Il fait sentir ce qui distingue les figures des pensées communes à toutes les langues, d’avec les figures de mots, qui sont particuliéres à chacune, & qu’on appelle proprement tropes. […] Il fait sentir les avantages qu’il y auroit à distinguer dans les Dictionnaires latins-françois le sens propre de chaque mot d’avec le sens figuré qu’il peut recevoir. […] Mais il y en a d’autres qui sentent trop la chicane, & d’autres où le critique prend autant le change que l’auteur censuré. […] La connoissance de l’origine d’un mot en fait mieux sentir toute la force & sert à donner quelquefois plus d’énergie à une phrase en y faisant entrer ce mot à propos.

1059. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

En les lisant, on sent que cette Révolution est plus forte que les plumes qui ont écrit d’elle. […] » Elle aussi, elle est gigantesque, et, comme le duc de Guise, nous l’avons balafrée… Mais elle est debout, malgré ses blessures ; mais elle combat toujours ; mais elle lutte pour l’empire ; et l’Europe, qui la croyait vaincue et qui la sent maintenant agiter son sol à tous les points de sa surface, s’aperçoit qu’il faut de nouveau compter avec elle, comme aux jours où elle poussa sa furieuse croissance à travers le sang, la boue et les larmes. […] Parmi ces faits, qu’il faut aller prendre où ils sont et ne pas chercher dans une analyse trop rapide, il en est un pourtant que je signalerai, parce qu’il sent réellement le génie de la découverte. […] Cassagnac a le génie trop historien pour ne pas savoir quel parti il convenait de tirer de la solidarité positive entre les diverses périodes historiques et les hommes qui les gouvernèrent, — solidarité dont on se détourne à présent avec le dédain d’une immoralité si profonde qu’on ne la sent plus. […] Grâce à Dieu, l’auteur de l’Histoire des Causes a senti que de telles manières de procéder n’étaient que des méthodes d’erreur pour soi et de mensonge pour les autres.

1060. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Quand Gœthe, lutiné par l’idée de Voltaire, voulut jouer aussi à l’universalité, quand il se fit naturaliste, dessinateur, et dessinateur jusqu’au point de dire « qu’en dessinant, son âme chantait un morceau de son essence la plus intime », Gœthe tombait de son ancienne poésie, sentie, ressentie, exprimée, selon l’âme qu’il avait (et il n’en avait pas beaucoup), dans l’art élégant, ingénieux, fin, savant ; dans l’art qui est toujours le stérile, quoique le matériel amour des choses difficiles. […] Ainsi, comme toujours du reste, c’est la sincérité, mais la sincérité dans une manière de sentir à soi, qui fait le mérite immense du Joseph Delorme ; mais entendez-moi bien ! […] Dans le Dévouement, qui n’est plus que la générosité de ce cœur exaspéré de solitude, — dans ce beau portrait d’une touche lumineuse et cependant si mélancolique, Toujours je la connus, pensive et sérieuse, où, sous la placidité familière des images, on sent l’agitation de l’âme qui voudrait se rasséréner dans ce calme de la raison et de la vertu ; dans L’Enfant rêveur, Le Creux de la vallée, En m’en revenant un soir d’été, après neuf heures et demie, La Gronderie, la Pensée d’automne ; dans la magnifique pièce, souvenir, allumé comme un candélabre, dans l’âme de tout ce qui eut vingt-ans : Les flambeaux pâlissaient, le bal allait finir, Et les mères disaient qu’il fallait s’en venir… où le néant de la vie se met à sonner tout à coup, dans ces deux poitrines rapprochées qui étouffent de la valse et du bonheur de se toucher, ce glas funèbre :                                      … Ah ! […] on sent que le lettré avec ses imitations et importations de littérature étrangère, — que le professeur avec sa préoccupation des modèles anciens, ont envahi le poète, le poète naïvement et cruellement descriptif, qui peignait autrefois la nature, à travers son âme, en la jaunissant de ses bilieuses mélancolies ! […] » Mais, quand des grands mortels par degré j’approchai, Je me sentis de honte et de respect touché.

1061. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Il est prêtre un jour, non sans s’être « senti agité d’une terreur secrète, d’un regret indéterminé et immense94 », mais « espérant qu’il suffisait de vouloir pour ne pas penser. » Bientôt la crise s’annonce : la sourde et d’abord vague conscience du mensonge où il git, commence à poindre en lui. […] Au sein de cette nouvelle famille, dont l’humanité puissante, après l’avoir épouvanté d’abord, le conquiert peu à peu, Pierre sent naître lentement en lui l’amour de la vie, du calme et bienfaisant labeur matériel, la foi en la vie, éternellement féconde, en la nature, la vérité et la santé, tandis que s’affaiblit la voix de ses doutes, de ses hontes, de ses timidités, de ses malaises […] Alors, dans son cerveau lamentable, la Foi vorace s’installait, comme les oiseaux de proie dans les carcasses de chameaux qui jonchent les routes des Saharas… » Et maintenant, c’est « là-haut », dans sa pensée solitaire, qu’il vit exclusivement, « hors de la vie », avec « la mystique sensation de la présence et de l’étreinte divines », ayant même réfréné les tendresses mystiques de son adolescence, tout plein de l’austère joie de se sentir élu, dans la fière sincérité de son vœu. « Ce lui était une béatitude fervente et triste, comme la pâmoison des imaginaires sensualités, dans ce que les théologiens appellent la délectation morose. […] » Sa vie n’est plus qu’une torture, il sent la terre se dérober sous ses pas en dépit de ses appels au Dieu qui s’obscurcit à ses yeux. […] Il entre au séminaire, possédant en germe des facultés dont le développement normal constituerait son existence future : des sens en éveil, une aube de joie de vivre, une tendance à exercer la fonction intellectuelle, un appétit de sentir, de jouir, de connaître.

1062. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Supposons que se fasse tout à coup sentir le contact du corps avec la chemise ; le dormeur se rappellera qu’il est vêtu légèrement. […] Il consiste à se sentir voler, planer, traverser l’espace sans toucher terre. […] Vous sentiez que vos pieds avaient perdu leurs points d’appui, puisque vous étiez en effet étendu. […] Remarquez, dans les cas où vous vous sentez voler, que vous croyez lancer votre corps sur le côté à droite ou à gauche, en l’enlevant d’un brusque mouvement du bras qui serait comme un coup d’aile. […] Il arrive que des personnes sujettes aux laryngites, aux amygdalites, etc., se sentent reprises de leur affection au milieu d’un rêve et éprouvent alors du côté de la gorge des picotements désagréables.

1063. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Art français » pp. 243-257

Le vieux ne se sent pas le courage — et pourquoi ne le dirait-il pas — le talent d’écrire, lui tout seul, les deux études qui manquent au livre. […] Dans cette édition, tout cet inédit, pour mieux le faire sentir et apprécier par le lecteur, nous le donnons en italique.

1064. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre V. Histoire littéraire. » pp. 212-219

Il écrit en homme d’esprit, & l’on sent que lorsqu’il sera parvenu aux siécles intéressans de notre littérature, il fera connoîtra nos richesses en homme de goût. […] Mais l’auteur a trop indisposé M. de Voltaire contre lui, en faisant sentir qu’il avoit autant contribué à pervertir qu’à éclairer son siécle.

1065. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 1, de la necessité d’être occupé pour fuir l’ennui, et de l’attrait que les mouvemens des passions ont pour les hommes » pp. 6-11

Dans les festins les plus delicieux, où l’on n’apporte qu’un appetit ordinaire, on ne sent pas un plaisir aussi vif que celui qu’on ressent en appaisant une faim veritable avec un repas grossier. […] Ou l’ame se livre aux impressions que les objets exterieurs font sur elle ; et c’est ce qu’on appelle sentir : ou bien elle s’entretient elle-même par des speculations sur des matieres, soit utiles, soit curieuses ; et c’est ce qu’on appelle reflechir et mediter.

1066. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

et ne sentira-t-il pas un froid mortel et une profonde horreur à entendre leurs prières stipendiées retentir sur les bières de ceux qu’il a aimés ? […] Comme lui, donc, elles sont aujourd’hui dégagées de l’obéissance ; mais, comme lui, elles sentent plus que les autres portions de la société l’absence d’une religion. […] Vous sentez que le mal est au-dessus de toute votre puissance, au-dessus de toutes vos lois. […] quel est celui qui ayant aimé, et perdu l’objet de son amour, n’a pas senti sa tête s’égarer de folie en voyant comment se consacre la double initiation de la vie et de la mort ! […] Les philosophes ont engendré le doute ; les poètes en ont senti l’amertume fermenter dans leur cœur, et ils chantent le désespoir.

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