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609. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Pouvait-il, quoique le Musicien et même le proche confident du secret de son Art, en simplifier l’attribution jusqu’à cette visée initiale ? […] Avec une piété antérieure, un public, pour la seconde fois depuis les temps, hellénique d’abord, maintenant germain, jouit d’assister au secret représenté de ses origines. […] Mais un vieux conseiller « secret et réel », de je ne sais plus quoi, me montra les visages célèbres : la comtesse de Schleinitz, Ernest Dohm, le spirituel rédacteur du Kladderadatsch, avec ses deux ravissantes filles, Tappert, Davidsohn, à côté duquel je me trouvai assis au théâtre, et Paul Lindau lui-même, avec sa moustache blonde, son teint rose et son chapeau à larges bords sur ses petits cheveux frisés : toutes figures que j’ai retrouvées et reconnues, après six ans, à Bayreuth.

610. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Difficulté, souffrance et lutte, et bientôt amertume, colère et rage, le secret poétique et moral de M. de Latouche est là tout entier. […] D’où venait cet obstacle secret au bonheur d’Olivier, cette impossibilité d’union ? […] M. de Latouche fut des premiers ; il fit plus, il composa en secret un petit roman qu’il fit paraître sous le titre d’Olivier (1826), sans nom d’auteur, et dans une forme d’impression exactement la même que celle des autres romans de Mme de Duras.

611. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

» Il me regarda de l’air étonné d’un homme, qui voit percer le secret de sa pensée, et me répondit, en appuyant sur chaque mot : « Je sens que je ne pourrai plus jamais travailler… plus jamais !  […] J’ai compris le secret de cette rage de travail, pendant les mois d’octobre et de novembre, et pourquoi je ne pouvais alors le faire lever de cette chaise, où, du matin à la nuit, sans relâche et repoussant le repos, la main à la plume, il peinait sur le dernier livre qu’il signerait. […] Ils ne manqueront pas d’ajouter qu’aux êtres qu’on aime, on doit garder, dans la maladie, le secret de certains abaissements, de certaines défaillances morales… Oui, un moment, je ne voulais pas donner tout ce morceau, il y avait des mots, des phrases qui me déchiraient le cœur, en les récrivant pour le public… mais renfonçant toute sensibilité, j’ai pensé qu’il était utile pour l’histoire des lettres, de donner l’étude féroce de l’agonie et de la mort d’un mourant de la littérature et de l’injustice de la critique… Maintenant, suis-je un personnage particulier, et mon chagrin et ma désespérance ont-elles besoin de se répandre dans de la littérature ?

612. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Pressentiments secrets, malheur senti d’avance. […] » — « La terre est révoltée des injustices de la création, elle dissimule par frayeur…, mais elle s’mdigne en secret contre Dieu… Quand un contempteur de Dieu paraît, le monde l’adopte et l’aime. » — « Dieu voyait avec orgueil un jeune homme illustre sur la terre. […] Au lieu de se perdre dans l’admiration béate de l’optimisme pour cette grande Nature insoucieuse, au lieu de chérir ce qui ne sent pas et n’aime pas, c’est l’homme à qui il faut réserver nos tendresses. « J’ai vu la nature, et j’ai compris son secret, Et j’ai dit à mes yeux qui lui trouvaient des charmes : « Ailleurs tous vos regards, ailleurs toutes vos larmes ; Aimez ce que jamais on ne verra deux fois ! 

613. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Le théâtre est l’Église du diable Voilà comment tiennent, l’une à l’autre, ces œuvres fameuses de la comédie ; un lien secret réunit à Molière, au maître absolu de ce grand art, toutes les comédies qui ont été faites après lui, et de même que Longin appelait le théâtre d’Eschyle, d’Euripide et de Sophocle : le Relief des Festins d’Homère , on pourrait appeler les comédies qui ont suivi L’Avare, Les Femmes savantes, Le Misanthrope et L’École des femmes, le relief des soupers de de la petite maison d’Auteuil. […] En trois heures, ni plus ni moins, vous voulez absolument tout le secret de cette âme, de cet esprit, de ce jeune cœur ; et quand enfin la charmante fille a tout dit, quand vous ne lui avez épargné aucune équivoque, quand elle s’est bien fatiguée à comprendre ou plutôt à deviner vos poètes comiques, vous la rappelez du fond du théâtre, vous voulez la revoir pour l’applaudir, vous êtes ivres de joie, et personne ne prend en pitié cette enfant, la voyant la proie et la victime de votre admiration ! […] Enfin, et ceci est une critique à faire aux pédants (meâ culpâ), armés de citations dans l’une et l’autre langue ( utriusque linguæ , disait Horace) : « Ne paraissez pas si savant, de grâce ; humanisez votre discours et parlez pour être entendu. » Qui voudrait avoir le secret de la critique appliqué à l’art du théâtre, se pourrait contenter d’étudier et de méditer La Critique de l’École des femmes ; il y trouverait les meilleurs et les plus utiles préceptes de prudence, de modération, de finesse, et comme dit un de nos vieux auteurs : En délectant profiteras.

614. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Solitude, où je trouve une douceur secrète, Lieux que j’aimai toujours, ne pourrai-je jamais Loin du monde et du bruit goûter l’ombre et le frais ? […] Rien ne manque à Vénus, ni les lis, ni les roses, Ni le mélange exquis des plus aimables choses, Ni ce charme secret dont l’œil est enchanté, Ni la grâce plus belle encor que la beauté. […] Je vous dis cela pour vous préparer et pour vous faire comprendre ce qu’il y a de véritable passion, de passion sincère et profonde, dans des vers comme ceux-ci, que Corneille fait dire à une jeune femme dans la Suite du Menteur ; vous les connaissez pour la plupart, mais enfin je veux vous les citer encore : Quand les ordres du ciel nous ont faits l’un pour l’autre, Lyse, c’est un accord bientôt fait que le nôtre : Sa main entre les cœurs, par un secret pouvoir, Sème l’intelligence avant que de se voir.

615. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

La Fontaine va nous dire, non pas son secret, mais la moitié de son secret ; il nous dira : Oui, je peins les hommes sous le masque des animaux. […] Dieu seul sait la distance entre nous, Seul il sait quels degrés de l’échelle de l’être Séparent ton instinct de l’âme de ton maître ; Mais seul il sait aussi, par quel secret rapport.

616. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Personne n’a fait à ces idées, quand il les exprima pour la première fois, l’honneur de les traiter comme un système et de voir en elles autre chose que ce qu’il y avait, — c’est-à-dire les tableaux d’un Musée secret pour l’imagination, les tableaux plus ou moins corrupteurs d’un Albane meurtri ou d’un Corrège dépravé qui avait laissé tomber sa palette dans les plus impurs vermillons, mais qui y gardait, malgré tout, le divin rayon d’une chasteté profanée ! […] Il fut une époque où il se disait tout à l’Histoire, mais déjà, quand, parmi les faits qu’elle roule dans son sein, pur et majestueux comme celui des fleuves, il s’en trouvait un de rencontre qui tentait la passion secrète, l’historien ne pouvait s’empêcher d’y courir avec cet abandon qui compromet et ces folles complaisances qui avertissent. […] À cette époque-là, tout le monde fut frappé, en lisant le très beau récit de Michelet (car il est très beau), de l’insistance curieuse et troublée avec laquelle l’historien s’arrêtait sur le secret qui devait rester entre la jeune fille et Dieu, sur le mystère humain du virginal Archange dont le sang de la femme n’a jamais, dit-on, terni la splendeur.

617. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

À mesure que vous l’étudierez davantage, vous découvrirez ses secrètes habiletés. […] Elle circule dans les pages de Dominique, à la manière du sang dans le secret de nos veines : on ne l’aperçoit que par accident, mais, visible ou non, elle est là. […] Il se sent maître du sujet qui est son art, maître de l’histoire, voisin d’atelier de tous ceux dont il parle, en possession de tous les secrets de métier ignorés des profanes, et il ose !

618. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

C’est un secret que nos Romanciers François ignorerent, ou dédaignerent trop long-temps. […] Ils croyoient qu’à force de méditations, certaines filles Druidesses avoient pénétré dans les secrets de la Nature ; que par le bien qu’elles avoient fait dans le monde elles avoient mérité de ne point mourir ; qu’elles habitoient au fond des puits, au bord des torrents, ou dans les cavernes ; qu’elles avoient le pouvoir d’accorder aux hommes le don de se métamorphoser en loups & en toutes sortes d’animaux, & que leur haine ou leur amitié décidoit du bonheur ou du malheur des familles. […] Un d’entre eux, qui parloit facilement, développa devant ses concitoyens tous les secrets de son art, & tout l’art qu’il falloit employer pour construire un temple.

619. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Quelque secret désir qu’eût le Constitutionnel de vous remplacer par M.  […] C’est qu’il avait réellement connu madame Bovary, née Emma Rouault ; elle n’est point une fiction, elle a existé en chair et en os, ils habitaient côte à côte… Or, un jour, à voir ses allures mystérieuses et furtives, il se dit que cette femme a un secret : ce secret, il le veut ! […] Il a surpris le secret du maître, il s’est à ce point assimilé ses procédés dramatiques, qu’il semble les devoir moins à l’étude qu’à son propre instinct. […] Le point sensible n’existe pas, il est impossible de trouver le secret qui ouvrira cette nature. […] Mais le secret de la Vie, il ne peut le demander qu’à la contemplation assidue des choses et des hommes contemporains.

620. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre III. De la comédie grecque » pp. 113-119

L’art comique, tel qu’il était du temps des Grecs, ne pouvait se passer d’allusions : on n’avait pas assez approfondi le cœur humain dans ses passions secrètes, pour intéresser seulement en les peignant ; mais il était très aisé de plaire au peuple en tournant ses chefs en dérision.

621. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre III. Du meilleur plan. — Du plan idéal et du plan nécessaire. »

Et ces lois sont les mêmes pour l’œuvre de haute littérature et pour la modeste composition de collège : l’écrivain rompu à tous les secrets de l’art doit s’y asservir, et elles soutiennent l’enfant qui s’essaye à écrire.

622. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VI. Exordes. — Péroraisons. — Transitions. »

On n’y verra pas surtout des secrets merveilleux, qui opèrent par une sorte de vertu magique, pour donner sans aucune autre condition une perfection accomplie à ce qu’on fait.

623. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

Le sentiment du style est précisément le discernement délicat de l’élasticité des mots : il faut posséder, par un don naturel ou une patiente étude, le secret de cette sorte de manipulation chimique, qui, par la combinaison des mots, change la couleur, le parfum, le son, la nature même de chacun d’eux et peut obtenir un tout, homogène et simple en apparence, où les éléments associés n’ont souvent gardé aucune de leurs propriétés individuelles.

624. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Stéphane Mallarmé »

Il oublie que nous ne sommes pas, nous, dans le secret des dieux ; voilà tout.

625. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIII. Beau trio » pp. 164-169

Georges Feydeau, jusqu’ici, gardait le secret, jalousement.

626. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Art français » pp. 243-257

Le soir où il écrivait cela, Gavarni avait près de lui une maîtresse d’ancienne date ; et, pour se tenir compagnie, il avait tiré d’un tiroir secret un petit livre rouge, à coins usés, usés, usés.

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