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327. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Bachelier  » pp. 147-148

Mais le Laocoon a saisi avec ce bras un des serpents dont il cherche à se débarrasser, et le Milon de Bachelier se laisse bêtement dévorer une jambe par un loup qu’il étranglerait avec sa main libre, s’il songeait à s’en servir.

328. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Toujours inaperçu, il franchit rapidement le seuil, lançant des regards aigus, et, s’étant ramassé tout petit sous Jason lui-même, il mit le cran de sa flèche sur le milieu de la corde ; puis, écartant de toutes ses forces ses deux mains, il lâcha le trait tout droit sur Médée : une stupeur muette la saisit au cœur. […] Chalciope de son côté, saisie de crainte pour ses enfants qui sont devenus suspects au roi son père, fait en ceci cause commune avec les étrangers, et a déjà songé à implorer sa sœur. […] Elle se figurait encore qu’elle-même en venait aux prises avec les taureaux, et triomphait de l’épreuve aisément ; mais que ses parents refusaient de tenir leur promesse, parce que ce n’était pas à la jeune fille, mais à lui-même, qu’ils avaient imposé la condition de les dompter ; que de là s’élevait un grand conflit entre son père et les étrangers ; que les deux partis s’en remettaient à elle comme arbitre, pour qu’il en fût selon que son cœur en déciderait ; et qu’elle tout d’un coup, sans plus se soucier de ses parents, faisait choix de l’étranger ; qu’alors ils étaient saisis d’une immense douleur, et qu’ils s’écriaient de colère. […] est-elle saisie d’un mal subit, tel qu’en envoient les Dieux ? […] Le cœur lui tomba de la poitrine, ses yeux se troublèrent d’un brouillard, une chaude rougeur saisit ses joues ; elle n’avait la force de lever les genoux pour faire un pas en avant ni en arrière, mais ses pieds restaient fichés sur place.

329. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Que l’on prenne la scène des comices dans Madame Bovary, les files de filles de ferme se promenant dans les prés, la main dans la main, et laissant derrière elles une senteur de laitage, la myrrhe qu’exhalent les sièges sortis de l’église, les physionomies grotesques ou abêties de la foule, l’attitude nouvelle de Homais, les passes conversationnelles où Rodolphe conquiert la chancelante épouse, tout est saisi en de brefs aspects particuliers, sans le narré du train ordinaire qui dut accompagner ces faits d’exception. […] Seul, avec les plus grands des psychologues russes, il saisit les personnes successives qui apparaissent tour à tour au-dehors et au dedans de chaque individu. […] Elle s’amusait à les fendre, avec la main   Frédéric la saisissait doucement ; et il contemplait l’entrefac de ses veines, les grains de sa peau, la forme de ses ongles. […] Et que l’on joigne à ces grandes œuvres certaines pages de l’Hérodias, les imprécations de Jeochanann, la scène gracieuse où Salomé, nue et cachée par un rideau, étend dans la chambre du tétrarque son bras ramant l’air pour saisir une tunique ; enfin cette Légende de saint Julien qui contient les plus divines pages en prose de ce siècle, la vie pure et fière du château, les combats et les hasards de Julien fuyant son destin de parricide, les lieux luxurieux où il se marie, son crime, sa rigueur, sa transfiguration finale  certes pas même chez les grands poètes de ce temps et d’autres on ne trouve un pareil ensemble de scènes aussi purement belles et hautes flattant l’oreille, les sens, l’esprit et toute l’âme, au point que certaines pages entrent par les yeux comme une caresse, se délayant dans tout le corps, et le font frissonner d’aise comme une brise et comme une onde. […] Et l’émoi mystique de la prêtresse phénicienne s’efforçant sous les symboles des dieux et les mythes des théogonies de saisir l’essence de l’être et la signification de ses sourdes ardeurs, puis Hamilcar dans le silence diurne de la maison du Suffète-de-la-Mer, se prosternant sur le sol gazé de sable, et adorant silencieusement les Abaddirs, sous la lumière « effrayante et pacifique » du soleil, qui passe étrange par les feuilles de laitier noir des baies  d’autres scènes ou lunaires ou souterraines, sont décrites en phrases obscures, distantes, qui parlent à certains esprits une langue comme oubliée mais comprise, et suscitant dans les limbes de l’âme des émotions muettes.

330. (1940) Quatre études pp. -154

Sens apparent, que le profane peut saisir ; sens philosophique, sens ésotérique, sens symbolique. […] » L’esprit humain ne saurait les saisir, ces natures mystérieuses dont il pressent l’existence et l’action. […] Elle n’aspire plus aux félicités du ciel ; elle ne croit plus aux peines de l’enfer : le bonheur se trouve sur la terre et il suffit de le saisir. […] Encore, par Shaftesbury, sommes-nous amenés à une valeur philosophique plus directe et plus active, qu’il nous faut maintenant essayer de saisir. […] On est saisi de vertige, à l’idée de ce perpétuel changement dans cette continuité qui défie les commencements et les fins.

331. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

La Harpe, qui professait en ces années au Lycée avec un éclat et une vogue dont la lecture de son Cours ne saurait donner idée, se trouva saisi du procès comme grand-juge, et s’en acquitta surabondamment101. […] Au moment où la révolution éclata, une fièvre d’enthousiasme saisit toutes les jeunes têtes, fit battre tous les jeunes cœurs ; on se dit qu’on allait trouver enfin la délivrance, et on s’imagina par conséquent que, la veille encore, on était nécessairement très-opprimé. […] D’autres, remarquez-le, auraient été tentés d’accepter, précisément parce que c’était Talleyrand lui-même, c’est-à-dire un nouveau monde à étudier, d’autres relations à embrasser et à saisir ; la curiosité les aurait poussés. […] L’année même de cette mort, en août 1811, il était chargé par l’Empereur d’aller à Rome pour faire expédier en France les archives pontificales, avec recommandation très-expresse de n’oublier la bulle d’excommunication de juin 1809, s’il pouvait s’en saisir. […] il ne me reste qu’à rassembler un peu au hasard quelques impressions et souvenirs qui achèveront de le montrer tel qu’il fut de près, et là où les éloges réguliers ont pu moins le saisir.

332. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

 —  On saisit tout d’abord le trait essentiel, le grand ressort du caractère de La Fayette, et lui-même il le met à nu ingénument : « Vous me demandez l’époque de mes premiers soupirs vers la gloire et la liberté ; je ne m’en rappelle aucune dans ma vie qui soit antérieure à mon enthousiasme pour les anecdotes glorieuses, à mes projets de courir le monde pour chercher de la réputation. […] J’essaie de saisir et d’indiquer dans ses fondements l’idée qui est devenue la vie même de La Fayette et qui est le mot de son rôle : la plus grande faveur populaire entourant et couronnant aussi constamment que possible la plus grande vertu civique. […] On peut s’étonner que, dans la journée de Saint-Cloud, Bonaparte ait paru le plus troublé de tous ; qu’il ait fallu pour le ranimer un mot de Sieyès, et, pour enlever ses troupes, un discours de Lucien ; mais, depuis ce moment, tous ses avantages ont été combinés, saisis et assurés avec une suite et une habileté incomparables. […] Le témoin véridique, de qui le mot m’est venu, n’en avait entendu que la lettre, et n’en saisissait ni le poétique ni le figuratif. […] Il y a une classe d’esprits girondins ; cela est plus audacieux, plus téméraire ; ils sont plus perçants et plus étroits ; ils vont d’abord aux extrêmes, mais ils reculent à un certain moment : une certaine honnêteté de goût, de sentiment, les tient, les saisit et les sauve.

333. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Il voulait se saisir de son fils. […] Il avait étendu ses deux mains, espérant se saisir de ceux qui chercheraient à s’échapper. […] Il le saisit par le dos, et se glisse sous son ventre velu. […] Une fièvre violente la saisit qui lui dura trente heures. […] Il les saisit un à un, depuis le docteur Johnson jusqu’à Shelley, et depuis Victor Hugo jusqu’à M. 

334. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Redonnel, Paul (1860-1935) »

Dois-je m’aventurer imprudemment à la poursuite d’un motif fragmentaire des Chansons éternelles, alors qu’il me suffît d’ouvrir mes oreilles de bonne volonté pour saisir la symphonie entière, avec tout ce qu’elle a de grand et de puissant et tout ce qu’elle peut avoir d’incohérences et de heurts, nécessaires sans doute à l’élan qui entraîne l’homme et l’œuvre ?

335. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 76-79

Ses peintures sont peu gracieuses, mais elles sont hardies ; ses images sont lugubres, mais elles saisissent l’ame & la subjuguent ; ses pensées ne sont pas philosophiques, mais elles sont vives & pleines d’énergie ; sa versification est quelquefois rude, mais elle est toujours mâle & vigoureuse.

336. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 445-448

Le ton de cette Piece est du meilleur goût, le Dialogue plein d’aisance & de vivacité, le style précis, élégant & varié ; les caracteres en sont saisis, dessinés avec finesse & rendus avec vérité.

337. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 459-462

Malgré le peu d’ordre qui y regne, il est impossible de n’y pas reconnoître une sublimité, une profondeur, une force & une vérité qui éclairent, saisissent, enlevent le Lecteur.

338. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

Depuis l’Amibe, qui lance au hasard ses pseudopodes pour saisir les matières organiques éparses dans une goutte d’eau, jusqu’aux animaux supérieurs qui possèdent des organes sensoriels pour reconnaître leur proie, des organes locomoteurs pour aller la saisir, un système nerveux pour coordonner leurs mouvements à leurs sensations, la vie animale est caractérisée, dans sa direction générale, par la mobilité dans l’espace. […] Il a étudié les manœuvres de certaines plantes insectivores, telles que le Drosera et la Dionée, pour saisir leur proie. […] La relation de l’attribut au sujet est donc saisie par lui naturellement. […] Le Sphex, lui, n’en saisit sans doute que peu de chose, juste ce qui l’intéresse ; du moins le saisit-il du dedans, tout autrement que par un processus de connaissance, par une intuition (vécue plutôt que représentée) qui ressemble sans doute a ce qui s’appelle chez nous sympathie divinatrice. […] Mais, à défaut de la connaissance proprement dite, réservée à la pure intelligence, l’intuition pourra nous faire saisir ce que les données de l’intelligence ont ici d’insuffisant et nous laisser entrevoir le moyen de les compléter.

339. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Mais, dans un cas comme dans l’autre, il faut qu’on commence par se donner l’intelligence, ou contractée ou épanouie, saisie en elle-même par une vision directe ou aperçue par réflexion dans la nature, comme dans un miroir. […] Mais, fantôme ou réalité, ce que l’intelligence saisit est censé être la totalité du saisissable. […] Nous tenons donc les deux bouts de la chaîne, quoique nous n’arrivions pas à saisir les autres anneaux. […] Essayons de nous y installer, ne fût-ce que pour un moment : même alors, c’est un vouloir individuel, fragmentaire, que nous saisirons. […] Mais il se saisit de cette matière, qui est la nécessité même, et il tend à y introduire la plus grande somme possible d’indétermination et de liberté.

340. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Mais ce qu’on sait moins, ce qu’un observateur moraliste peut seul avoir saisi sur le fait et nous rendre ensuite comme il l’a senti, c’est quel était au moment même et quelques heures après, dans cette même soirée, l’effet de cette scène déplorable sur ce qu’on appelait la bonne compagnie, qui n’est bien souvent qu’une autre espèce de peuple. […]  » Je crois qu’en demeurant dans ces termes, et bien en deçà d’une passion qui ferait sourire, on a saisi le point délicat et vif de la liaison de M. de Meilhan avec Mme de Créqui. […] [1re éd.] moyennant quantité de petites circonstances significatives que je ne vois pas si bien relevées ailleurs et qui sont vivement saisies.

341. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

De près, quand on repasse, en étudiant l’histoire, par les mêmes traces exactement que les contemporains, quand on le fait avec un esprit de suite et de patiente impartialité, on est saisi d’effroi et de tremblement, on éprouve quelque chose de leurs anxiétés et de leurs angoisses ; on voit l’abîme et on le côtoie avec eux ; on est oppressé, on est soulagé à l’heure de la délivrance, on est reconnaissant. […] Il était porté par le soulèvement du flot populaire aussi haut que possible ; il n’avait qu’un effort à faire pour sauter ouvertement au gouvernail du royaume et pour se saisir hardiment de la couronne. […] L’impression des contemporains est que, si Mayenne avait gagné la partie en ces journées et avait vaincu l’armée royale, le mouvement populaire aidant et l’avénement de Henri IV ayant réveillé toutes les colères de la Ligue, il n’avait qu’à se saisir de la couronne, il était roi ; il l’était en vertu d’un mouvement français égaré, et sans avoir eu trop besoin de Philippe II.

342. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Entre nous régnait la plus profonde harmonie ; il me tendait sa main par-dessus la table, et je la pressais ; puis je saisissais un verre rempli, placé près de moi, et je le vidais en silence, et je lui faisais une secrète libation, les regards passant au-dessus de mon verre et reposant dans les siens. » Touchante et muette adoration qui relève cette suite d’esquisses familières ! […] s’écrie Eckermann ; j’étais saisi, mais les paroles les plus amicales dissipèrent aussitôt mon embarras. […] Le bonheur de le voir, d’être près de lui, me troublait à tel point que je ne trouvais que peu ou rien à dire. » C’est l’émotion dont est saisi tout jeune poëte ou artiste qui se trouve pour la première fois face à face en présence de l’objet vivant de son culte, l’émotion de tel d’entre nous et de nos générations devant Chateaubriand ou devant Lamartine, l’émotion de Wagner abordant dévotement Beethoven.

343. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Curieux, touristes, militaires, tous, à cet égard, lui rendent justice ; le maréchal de Saint-Arnaud, débarquant à Constantinople en mai 1854, écrivait à son frère en France : « Si tu veux une description de Constantinople, prends Théophile Gautier. » Ainsi de l’Espagne, ainsi de Saint-Pétersbourg, ainsi de tout pays où il a chevauché par monts et par vaux, ou qu’il n’a fait que saisir un jour au passage. […] Comment l’avait-il saisi et, pour ainsi dire, humé à travers l’air ? […] Son premier voyage en Espagne, qui est de 1840, et qui fut dans sa vie d’artiste un événement, lui avait fourni des notes nouvelles d’un ton riche et âpre, bien d’accord avec tout un côté de son talent ; il y avait saisi l’occasion de retremper, de refrapper à neuf ses images et ses symboles ; il n’était plus en peine désormais de savoir à quoi appliquer toutes les couleurs de sa palette.

344. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Ce qu’il avait ambitionné jeune, il l’avait désiré derechef et à tout prix en 1813, au moment de sa démarche (comme il l’appelait) ; il s’était flatté alors, même en rabattant beaucoup de ses espérances, de saisir aux cheveux l’occasion telle quelle, de se venger d’un seul coup de ses ennemis et de ses envieux, en montrant du moins en quelque rencontre signalée tout ce qu’il savait et pouvait faire : c’eût été à ses yeux la justification suprême. […] Pour arriver à saisir cette vérité, on avait, en 1820, à se dégager de ses impressions partiales, à se mettre au-dessus des passions intéressées et personnelles ; on a aujourd’hui à percer tout un voile de préjugés et de partis pris théoriques : c’est une autre forme d’illusions. […] Son extérieur était noble, gracieux et imposant : la vivacité de sa conception me parut grande ; il saisissait d’un trait les plus graves questions.

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