Comos le suit, éclatant de rire jusqu’aux oreilles, comme le Masque ébauché de la comédie, qu’il essaye de temps en temps à son front hardi. […] Bacchus, assis à la proue, rit de leurs bonds convulsifs et de leurs corps qui s’enduisent d’écailles. […] Cependant un des conviés, Vettius Valens, est pris de cette folie sardonique, signe des mauvais présages de Bacchus, qui fait sangloter le rire des Prétendants de l’Odyssée attablés a leur dernier festin. […] Sans doute le Dieu déchu, tombé de sa gloire hellénique dans cette basse sorcellerie gothique, se rappelait alors ses fêtes lumineuses, ses triomphes au soleil de l’Inde, ses autels couronnés de roses, les belles danses de nymphes et d’éphèbes que dirigeait son sceptre fleuri, ses fraîches vendanges de l’Archipel accompagnées par le rire éclatant des flûtes.
Il me confessait que ces petits êtres ont quelque chose d’adorable : le rire de leur sommeil, le rire aux anges, — c’est le nom que les sages-femmes ont donné à ce rire. […] Et les deux assassines, qui travaillaient debout, penchées sur une table, m’attaquaient d’œillades, avec des fous rires qui les courbaient et les aplatissaient sur la table, toutes remuantes de torsions de reins et de frétillements de hanches.
En voici un singulier : « Le roi, tout content qu’il était toujours, riait aussi. » On s’étonnait de trouver Louis XIV bonhomme, guilleret et joyeux compère, et l’on ne savait pas que le manuscrit porte contenu au lieu de content. — Le pis, c’est que le Saint-Simon prétendu complet ne l’était pas. […] Attendez ; voici un de ces soupers et un de leurs personnages : « Madame Panache était une petite et fort vieille créature avec des lippes et des yeux éraillés à faire mal à ceux qui la regardaient, une espèce de gueuse qui s’était introduite à la cour sur le pied d’une manière de folle, qui était tantôt au souper du roi, tantôt au dîner de Monseigneur et de madame la Dauphine, où chacun se divertissait de la mettre en colère, et qui chantait pouille aux gens à ces dîners-là pour faire rire, mais quelquefois fort sérieusement et avec des injures qui embarrassaient et divertissaient encore plus les princes et les princesses, qui lui emplissaient ses poches de viandes et de ragoûts, dont la sauce découlait tout du long de ses jupes ; les autres lui donnaient une pistole ou un écu, les autres des chiquenaudes et des croquignoles dont elle entrait en furie ; parce qu’avec des yeux pleins de chassie, elle ne voyait pas au bout de son nez, ni qui l’avait frappée, et c’était le passe-temps de la cour. » Aujourd’hui l’homme qui s’amuserait d’un tel passe-temps passerait probablement pour un goujat de bas étage, et je ne raconterai pas ici ceux qu’on prit avec la princesse d’Harcourt. […] Voilà la mort telle qu’elle est, pleurée par l’intérêt et par le mensonge, raillée et coudoyée par des contrastes amers, entrecoupée de rires, ayant pour vraies funérailles le hoquet convulsif de quelques douleurs débordées, accusant l’homme ou de faiblesse ou de feinte, ou d’avarice, traînée au cimetière parmi des calculs qui ne savent se cacher, ou des « mugissements » qui ne savent se contenir. […] Mes yeux fichés, collés sur ces bourgeois superbes, parcouraient tout ce grand banc à genoux, ou debout, et les amples replis de ces fourrures ondoyantes à chaque génuflexion longue et redoublée, qui ne finissait que par le commandement du roi par la bouche du garde des sceaux ; vil petit-gris qui voudrait contrefaire l’hermine en peinture, et ces têtes découvertes et humiliées à la hauteur de nos pieds. » Qui songe à rire de ces pédanteries latines et de ces détails de costumier ?
il vous rirait au nez avec pitié et n’aurait pas assez de mépris pour de tels empiriques qui s’avisaient d’examiner et de panser une à une, pour les guérir, les plaies de la France. […] — Il racontait que, sous la Restauration, étant allé un soir assister chez le vicomte Sosthène de La Rochefoucauld à je ne sais quelle séance de ce qu’on appelait la Congrégation, il y avait entendu tant de sottises qu’il n’y put tenir, et en sortant il fut pris d’un fou rire à se tenir les côtes, tellement qu’il avait dû s’asseoir sur un do ces bancs de pierre comme il y en avait alors dans le faubourg Saint-Germain à la porte des hôtels, jusqu’il ce qu’il eût fini de rire tout son soûl.
La comédie, quand elle ne reste pas un exercice littéraire, aimable et puéril, dans le style des Epitres de Boileau plus ou moins mouillé de sentimentalité, tourne au vaudeville, et cherche à forcer l’intérêt ou le rire par l’ajustement d’une intrigue curieuse ou par la cocasserie des mots, des types et des situations. […] Dumas y vint, après que sa fièvre de 1830 fut calmée, lorsqu’il fut rendu à son naturel de bon enfant qui aimait à conter des histoires, et à son tempérament d’homme de théâtre, apte à faire jouer tous les trucs qui tirent le rire et les larmes. […] Lire toute la page, qui finit ainsi : « Ce serait le rire, ce serait les larmes ; ce serait le bien, le mal, le haut, le bas, la fatalité, la Providence, le génie, le hasard, la société, le monde, la nature, la vie ; et au-dessus de tout cela on sentirait planer quelque chose de grand !
Le critique est un eunuque, etc Shakespeare est sublime Brumoy est un âne Le rire est une mitraille Laharpe, Lebatteux, Patouillet, Rapin, Bouhours, etc., sont des ânes et des pourceaux La nature fut la nourrice d’Homère et d’Hésiode Tous les grands hommes et les penseurs sont insultés, Mazzini par Thiers, Washington par Pitt, Juvénal par Nisard, Shakespeare par Planche, Homère par Zoïle, etc […] Voici la fin d’une de ces joyeuses énumérations : Zeb plante une forêt de gibets à Nicée ; Christiern fait tous les jours arroser d’eau glacée Des captifs enchaînés nus dans les souterrains ; Galéas Visconti, les bras liés aux reins, Râle, étreint par les nœuds de la corde que Sforce Passe dans les œillets de sa veste de force ; Cosme, à l’heure où midi change en brasier le ciel, Fait lécher par un bouc son père enduit de miel ; Soliman met Tauris en feu pour se distraire ; Alonze, furieux qu’on allaite son frère, Coupe le bout des seins d’Urraque avec ses dents ; Vlad regarde mourir ses neveux prétendants, Et rit de voir le pal leur sortir par la bouche ; Borgia communie ; Abbas, maçon farouche, Fait, avec de la brique et des hommes vivants, D’épouvantables tours qui hurlent dans les vents… etc… car ça continue. […] Mais l’Homme qui rit ou Quatre-vingt-treize, croyez-vous qu’il les ait lus ?
L’un, épicurien, exagérant trop souvent les excès du dernier du troupeau, au visage enjoué et fleuri, chargé sur la fin de sa vie de tout l’embonpoint qu’il reprochait aux moines, un Démocrite riant de son propre rire ; l’autre, une sorte de stoïcien chrétien, petit et maigre de corps, au visage pâle, exténué, où la vie ne se révélait que dans le regard, représentant l’esprit de discipline jusqu’au point où il devient tyrannie, de même que Rabelais représente l’esprit de liberté jusqu’au point où il devient licence. […] Des personnes dénoncées pour avoir, à un sermon de Calvin, ri d’un homme qui s’était laissé choir de sa chaise étaient condamnées à la prison, au pain et à l’eau. […] On appelait Faret, par dérision du nom de Farel, une sorte de poisson très-commun, dont on mangeait la chair coriace au milieu des rires.
J’aurai l’honneur de vous les nommer, lorsque j’aurai celui de vous voir ; ils n’en ont fait que rire. M. de Malesherbes avait ri aussi et le lui avait passé. […] Voltaire avait riposté par une plaisanterie, Les Quand, qui fit beaucoup rire cette société désœuvrée.
On dira : Il fut sot tel jour, ce qui ne m’étonnerait pas beaucoup si j’étais là pour l’entendre. » Et il riait de son petit rire en parlant ainsi.
Il entre une autre fois dans une assemblée, se place où il se trouve, sans nulle attention aux autres, ni à soi-même : on l’ôte d’une place destinée à un ministre, il s’assied à celle du duc et pair : il est là précisément celui dont la multitude rit, et qui seul est grave et ne rit point.
Il sera grave, comme qui fait œuvre éternelle et divine ; plus enthousiaste que plaisant, et dédaigneux des saillies qui font rire. […] Mais Ronsard s’élève contre les Français qui « écorchent le latin » : il serait le premier à se rire de l’écolier limousin.
À l’écart d’une troupe de virtuoses : les Parnassiens voués aux apparences, soucieux de sonorités verbales, exaltant de la même encre aujourd’hui le Bouddha et demain Apollon, dignitaires de cet empire du néant : l’Art pour l’Art, il écoutait la vie hurler, rire ou se plaindre dans son âme. […] Colombine y rit et les échos simples et purs vibrent quand elle gouaille.
« Dès sa jeunesse, dit Brantôme, elle aimait fort à voir jouer des comédies et même celles des Zanni et des Pantalon, et y riait tout son saoul comme une autre. » Une troupe, dirigée par un nommé Ganasse ou Ganassa, était venue à Paris en 1570 et avait donné un certain nombre de représentations publiques. […] Mais la pauvre jeune fille, voyant ma fureur et mon rire de Satan déchaîné, eut une telle peur, que le Scarabombardin sortit… LE PÉDANT.
Qu’un homme répande des larmes sans objet, qu’il pleure sur l’universelle douleur, qu’il rie d’un rire long et mystérieux, on l’enferme à Bicêtre, parce qu’il ne cadre pas sa pensée dans nos moules habituels.
Elle disait elle-même, en se souvenant d’un ancien ami : « J’ai vu ici M. de Larrey, fils de notre pauvre ami Lenet, avec qui nous avons tant ri ; car jamais il ne fut une jeunesse plus riante que la nôtre de toutes les façons. » Sa beauté un peu irrégulière, mais réelle, devenait rayonnante en ces moments où elle s’animait ; sa physionomie s’éclairait de son esprit, et l’on a pu dire, à la lettre, que cet esprit allait jusqu’à éblouir les yeux. […] Mais je crois que c’est un défaut qu’on m’impute, pour ne m’en avoir pu trouver d’autres, et que je dois pardonner à ceux qui disent que je n’ai point la bouche tout à fait régulière, quand ils conviennent en même temps que ce défaut est d’un agrément infini et me donne un air très spirituel dans le rire et dans tous les mouvements de mon visage.
Cet homme de sourire et de rire épanoui, de rondeur, de bonhomie, d’enfance de caractère, de pleine main, cet aimable et gai garçon n’eut jamais un seul grain de fatuité dans sa personne. […] Et il riait, et il emportait ses quatre sous, heureux, pour le coup, comme un Prince !
cette comédie du mariage, qui a inspiré tant de choses et de rires cruels aux grands comiques et aux grands moralistes de tous les âges, est, au fond, l’histoire du désenchantement de deux cœurs unis. […] Depuis la première page jusqu’à la dernière de son livre, cette moraliste aimable, qui voit tout et qui sourit de tout, — car elle ne va pas jusqu’au rire, cette délicate, — cette fine femme, assez fine pour être profonde si elle voulait enfoncer l’aiguille de son observation un peu plus, n’a pas oublié du mariage un seul de ces faits qui paraissent n’être rien et qui sont tout, puisque, immanquablement, dans un temps donné, ils tuent l’amour.
Ce génie, s’il se donnait la peine de naître, trouverait bien quelques difficultés sans doute à rajeunir les points de vue, à ressaisir avec nouveauté les grands caractères déjà tracés, à les offrir par des aspects à la fois reconnaissables et imprévus, à peindre sans copier, à tirer de tous nos petits ridicules assez peu gais une large veine de plaisanterie, et à convoquer toutes nos petites vanités maussades à un rire immense.