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342. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

« Des Alpes aux Pyramides, du Mançanarès au Rhin, il tenait sa foudre prête derrière l’éclair ; et son regard portait de Scylla au Tanaïs, et de l’une à l’autre mer. […] Au terme de nos courses diverses dans le passé, avant de quitter tant de grands souvenirs, n’avons-nous pas quelques regards à jeter sur le monde actuel et ce qu’il offre encore d’imagination élevée et d’enthousiasme, au-delà du cercle d’or et de fer dont il semble de toutes parts s’environner ? […] Heredia, dans une lettre publiée par les journaux américains, avait raconté d’abord ce que ses vers ne pouvaient agrandir : « Mes regards, écrivait-il, se sont assouvis à contempler un des prodiges de la création.

343. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Je jetais des regards rapides dans tout ce noir, où je croyais voir danser des nuages. […] Lili et Zoé échangeaient des regards effarés et se retenaient à grand-peine de pouffer de rire. […] Les épaulettes d’or et le pantalon rouge d’un officier attiraient les regards tout d’abord, au milieu du costume sévère des autres. […] J’étais persuadée, moi, qu’on l’égorgeait, et Catherine, qui le croyait aussi, me jetait des regards épouvantés. […] Nous nous jetions des regards navrés, ma sœur et moi.

344. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « APPENDICE. — LEOPARDI, page 363. » pp. 472-473

Je disais que j’aurais aimé à mettre en regard des poésies si senties mais si funèbres de Leopardi, et qui serrent le cœur, quelques poésies naturelles et également vraies qui le dilatent et le consolent.

345. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponchon, Raoul (1848-1937) »

Son calme regard passe en revue, non sans quelque hautaine goguenardise, courses et salons, audiences et séances, obsèques et premières, retenant tous détails nécessaires sans négliger d’aucune sorte l’ensemble à brosser largement.

346. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 163-165

Il doit abandonner ces ressources aux esprits médiocres, qui ont besoin de ce genre de conquetterie pour attirer les regards du Public sur leurs Productions.

347. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Elle ne put que lui adresser un regard, un seul regard, exprimant si bien la complète mortification intérieure, si plein d’un repentir et d’une humilité célestes, si suppliant dans sa douceur qu’il eût attendri le cœur d’un scélérat et ému une statue ; mais le regard du saint conseiller ne rendit que rudesse, orgueil et mépris. […] Itzig aime le château de Rothsattel, qui a eu ses premiers regards de convoitise. […] C’est tout un peuple que l’imagination crée d’un seul de ses regards. […] Il jeta un regard scrutateur sur le drôle ; il vit l’humilité de sa posture et l’effronterie peu ordinaire qui brillait dans ses yeux. […] Étourdi, à moitié évanoui, Bernard les suivait du regard.

348. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Un autre qui naissait quand ce siècle avait quatre ans déjà, pour rendre ce même effet indélébile, a pu dire : Nous tous, enfants émus d’un âge de merveilles, Bercés sous l’étendard aux salves des canons, Des combats d’outre-Rhin balbutiant les noms, Nous avons souvenir de plus d’une journée Où l’Empire leva sa tète couronnée ; Quelque magnificence, une armée, un convoi, Un Te Deum ardent, la naissance d’un Roi ; Et l’Empereur lui-même, au moment des campagnes, Il passait dénombrant les aigles ses compagnes ; Du geste il saluait tout un peuple au départ, Et moi qui parle ici, mon front eut son regard ! […] Lebrun eut plus qu’un regard du maître d’alors. […] … » Ce sont les deux mêmes sentiments que dans Marie Stuart, le regret de la patrie et le regard au ciel, si ce n’est que Schiller et M. […] Un cerisier, près de mon Louvre, Le cache et l’indique au regard ; Devant, la scène se découvre, Et, derrière, une porte s’ouvre Sous les ombrages de Senart.

349. (1772) Éloge de Racine pp. -

Dans nos gouvernemens modernes, il est de l’ordre politique que le pouvoir suprême, qui maintient tout, soit la première des grandeurs, que l’ambition des hommes de talent soit d’attirer les regards des hommes d’état, que la gloire du génie soit d’être distingué par le souverain, et d’obtenir des récompenses de celui qui seul les distribue à tous les genres de mérite, et qui a le plus d’intérêt à les encourager. […] Il fut créateur à son tour, comme Corneille l’avait été ; avec cette différence, que l’édifice qu’avait élevé l’un frappait les yeux par des beautés irrégulières et une pompe informe, au lieu que l’autre attachait les regards par ces belles proportions et ces formes gracieuses que le goût fait joindre à la majesté du génie. […] L’homme, revenu de son premier étonnement, relève la vue et ose fixer d’un regard attentif ce que d’abord il n’avait admiré qu’en se prosternant. […] Le crime et la vertu, représentés, l’un par Narcisse, l’autre par Burrhus, et se disputant l’ame de Néron, formaient un tableau sublime, mais qui devait d’abord échapper aux regards de la foule.

350. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Un jour même (l’anecdote est connue), Molière le rappela à la marge de son Tartuffe, en regard d’un vers par trop odieux, et M.  […] Le caractère de la poésie des Fleurs du mal, à l’exception de quelques rares morceaux que le désespoir a fini par glacer, c’est le trouble, c’est la furie, c’est le regard convulsé, et non pas le regard sombrement clair et limpide du Visionnaire de Florence. […] Le poète assis près de sa maîtresse, par un beau soir d’automne, sent monter à son cerveau un parfum tiède qui l’enivre ; il trouve à ce parfum quelque chose d’étrange et d’exotique, qui le fait rêver à des pays lointains ; et aussitôt dans le miroir de sa pensée se déroulent des rivages heureux, éblouis par les feux du soleil, des îlots paresseux plantés d’arbres singuliers, des Indiens au corps mince et vigoureux, des femmes au regard hardi :     Un port rempli de voiles et de mâts Encor tout fatigués par la vague marine, Pendant que le parfum des verts tamariniers, Qui circule dans l’air et m’enfle la narine, Se mêle dans mon âme au chant des mariniers !

351. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Impossible à écrire jusqu’ici, par conséquent imprévu comme une révélation, ce livre est une de ces justices dont nous parlions tout à l’heure, de celles-là qui sont lentes à venir pour mieux frapper l’esprit de l’homme et s’éterniser sous son regard. […] Un mot suffit aux hommes qui ont du regard, et nous n’en dirons qu’un. […] Elles injectaient le regard de son esprit. […] Elle purifie le regard comme elle purifie le cœur, elle donne une forte assiette à tout l’être.

352. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

… La vie élégante, que les hommes soi-disant littéraires dédaignent, et qui paraît aux hommes graves si peu digne de ce superbe regard de myope qui les distingue et qui appuie sur toutes choses sa lourdeur de plomb, cette vie avait en France et en Angleterre — les deux seuls pays où elle soit possible — des peintres et des interprètes ; mais, jusqu’à Balzac, personne, dans ces deux pays, n’avait pensé à en faire la législation et à en dégager la philosophie. […] La courtisane Impéria dans toutes ses effigies, l’évêque de Coire, le cardinal de Raguse, le François Ier de La Mye du Roy, l’hôtelier des Trois Barbeaux, le moine Amador, le sire Julien de Boys-Bourredon, si mélancoliquement beau de regards et surtout de bouche, sont des portraits pensés et qui honorent autant l’intelligence que la main Mais dans cette longue galerie il y a aussi des figures manquées, ou répétées, ce qui est bien pis ; car la puissance trahie n’est pas de l’impuissance, tandis que la stérilité est bien plus qu’un malheur : c’est une misère. […] C’est ainsi que, dans ce roman sublime, Le Succube, quand il veut exprimer la dévorante séduction de cette Goule des cœurs, qui les suçait avec un simple regard jusque dans le fond de la poitrine, il figure cette puissance du regard par un rayon qui ressemble à un effet de soleil entrant par une porte ouverte et terminé par une griffe énorme… Un tel symbolisme est grossier et parfaitement indigne de l’artiste qui, dans Le Frère d’armes, a trouvé les deux yeux vivants du portrait, luisant si bien dans les ténèbres, et tirant, de leur expression seule, tout ce qu’ils ont de terrible et de merveilleux !

353. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Il s’obstine à cet abîme attirant, à ce sondage de l’inexploré, à ce désintéressement de la terre et de la vie, à cette entrée dans le défendu, à cet effort pour tâter l’impalpable, à ce regard sur l’invisible, il y vient, il y retourne, il s’y accoude, il s’y penche, il y fait un pas, puis deux, et c’est ainsi qu’on pénètre dans l’impénétrable, et c’est ainsi qu’on s’en va dans les élargissements sans bords de la méditation infinie. […] La rêverie est un regard qui a cette propriété de tant regarder l’ombre qu’il en fait sortir la clarté.

354. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

Mais Custine porta sur elle un regard qu’aucun sentiment n’a troublé. […] Dans sa position d’amiral et de Français, car cela fut longtemps une position que d’être Français à la cour de Russie, il aurait pu voir bien des choses, et s’en souvenir, mais il n’avait point le regard qui pénètre.

355. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

Il eût voulu mugir comme la tempête ; mais une voix intérieure, l’éclair bleu des beaux regards, je ne sais quels appels vers les lambrequins blasonnés de la zone héraldique, lui commandaient des chants de sotto voce. […] « L’incontinence des grands — nous dit-il quelque part — est l’engrais où se développe le germe de la liberté des petits » ; et il a beaucoup de ces pensées, qui montrent un regard résolu, une intuition claire de la vérité, mais de la vérité fragmentée, et que l’on pourrait opposer à sa philosophie générale.

356. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

Il publiait, en 1873, les Notes sur l’Italie et sur Rome, et, la même année, un volume intitulé : Préface au Conclave, qui marquèrent avec éclat cette compétence… Aujourd’hui, l’auteur de la Préface au Conclave nous donne une préface encore, la préface à ce pontificat nouveau qui se prépare en silence et sur lequel sont attachés anxieusement les regards du monde. […] Il vit, comme Grégoire XVI, au premier regard, la supériorité de Mgr Pecci, et dans la circonstance surchargée et prodigieusement difficile d’un royaume nouvellement fondé, il eut souvent recours aux conseils de ce jeune nonce, qui, avant d’être diplomate, avait glorieusement prouvé qu’il était surtout un homme de gouvernement effectif, et dont la force, comme la vraie force, avait toujours été assez grande pour être moelleuse.

357. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Quoiqu’il juge le mysticisme au point de vue de la philosophie et de la métaphysique humaine, et qu’à ce point de vue il le repousse et le condamne comme n’apportant sous le regard de la connaissance aucun système véritablement digne de ce nom, l’auteur est non moins net et non moins péremptoire, quand il le prend et quand il le juge au point de vue du catholicisme. […] Celui-là n’est point une déviation de la faculté religieuse, il en est l’exaltation, mais l’exaltation dirigée, l’enthousiasme ardent et profond, et cependant gouverné ; cette espèce d’enthousiasme qui a le regard clair au lieu de l’avoir ébloui et qui, multipliant pour la première fois son intensité par sa durée, ne défaille jamais parce qu’il se retrempe dans l’inextinguible flamme de l’Unité comme à la source vive de la lumière.

358. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

Nous nous extasions devant la délicatesse de la rose et du lys, et nous passons sans un regard pour la marguerite des champs, non moins admirable La même étroitesse de sens esthétique nous rend aveugles aux nouvelles formes de beauté qu’engendre incessamment sous nos yeux la vie moderne. […] Il y aura cent mille paires d’yeux pour admirer les lourds et grossiers carrosses royaux tout ruisselants d’or que renferment nos musées, tandis que passe rapidement dans la rue, sans un regard, le coupé ou la Victoria moderne, dont l’aisance et la légèreté valent bien la dorure et les ornements massifs du « grand siècle ».

359. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

… Ce fut signifié d’un ton, avec un regard où les fiertés de la femme prenaient leur revanche de toutes Les convenances et entraves sociales. […] Louis Blanc, qui l’avait vu à Ham, lui avait trouvé un profil et un regard d’aigle en cage. Le regard d’aigle avait disparu quand je le vis ; la cage était restée ; quelque chose d’inquiet, de contraint, de timide, qui se résolvait en expression affectueuse et triste. […] Le jeune homme s’assit, anéanti, la tête baissée, l’œil sans regard, le cerveau sans idées. […] elle le reconnut malgré les années, malgré cette barbe qui avait blanchi, et ces yeux sans regard que les vers rongeaient déjà dans leurs orbites.

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