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894. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Comment se reconnaître au milieu d’un pareil gâchis, à moins de s’entendre d’abord sur les questions incidentes que cela soulève ? […] Ce quelque chose, nous ne pouvons l’obtenir, il faut bien le reconnaître, qu’en trichant an peu la réalité pure. […] Comme ou reconnaissait généralement à M.  […] Plût à Dieu que, de son côté, il reconnût avec la même franchise les erreurs de son client ! […] Si vous voulez que votre art morde sur le peuple, faites-en un miroir dans lequel il puisse reconnaître ses beautés et ses souffrances, ses grimaces et ses laideurs.

895. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Doit-on induire de cela que le retentissement d’une œuvre, que la notoriété, voire le succès de librairie, sont le signe d’un grand esprit et nous permettent de reconnaître un chef-d’œuvre ? […] Admirablement placés pour juger le talent ou le métier d’un auteur, elles ne le sont nullement pour reconnaître à ses traits extraordinaires la présence du génie. […] Car je tiens à le dire ici, quoique le talent de Zola soit reconnu de tout le monde, de rares savants, seulement quelques docteurs ont su pénétrer le sens de son œuvre, et personne, même ceux qui se dirent ses disciples, n’en ont compris toute la pureté. […] Elle-même se reconnaissait en lui avec sa bouche fine et son menton délicat. […] Après les avoir proférées contre la foule, pourquoi immédiatement reconnaître à celle-ci le droit de consacrer le génie bafoué la veille sans qu’assez de temps ait mis entre elle et l’œuvre le lointain nécessaire ?

896. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVIII » pp. 313-315

. — Un autre fait que nous nous permettrons de rapprocher du précédent, c’est que le poëte coiffeur d’Agen, l’aimable Jasmin, vient, dit-on, de recevoir la croix de la Légion d’honneur : autre preuve qu’avec de l’esprit et même par la poésie seule, on triomphe aujourd’hui de toutes les difficultés et de tous les préjugés, qu’on se classe à son rang, et qu’on se fait finalement reconnaître et honorer des puissances sociales officielles.

897. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VI. La littérature et le milieu social. Décomposition de ce milieu » p. 155

Tantôt on reconnaîtra une action exercée sur la nation qu’on étudie par quelqu’une des époques de sa propre histoire ou bien par les sociétés se trouvant en contact avec elle ; ainsi en France, par une espèce d’atavisme, le moyen âge, le seizième siècle, le commencement du dix-septième ont obtenu, sous le premier Empire et lors de la Restauration, un regain de popularité qui est sensible dans le développement de notre école romantique ; ainsi encore on sait quelle déviation la résurrection de l’antiquité grecque et latine fit subir au génie français, lors de la Renaissance, ou à quel point nos écrivains du siècle dernier furent les disciples de l’Angleterre.

898. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 179-181

On y reconnoît sans peine ce que M. l’Abbé Dinouart y a ajouté.

899. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Challe  » pp. 141-142

mais s’il eût été bien loin, comme le choix du moment l’exigeait, qui est-ce qui aurait reconnu Cleopatre.

900. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Avis du traducteur » pp. -

On ne peut reconnaître une bonté si désintéressée, mais rien n’en efface le souvenir.

901. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Comme puissance temporelle, je vous reconnais et je respecte votre souveraineté en tant que vos sujets eux-mêmes la reconnaissent ; comme puissance spirituelle, les catholiques français vous reconnaîtront d’eux-mêmes librement, sans aucune intervention de l’État dans le domaine de la conscience. […] Thiers, écrivain évidemment monarchique sous un costume révolutionnaire, s’élève franchement ici au-dessus des scrupules de la légalité et des timidités de la conscience pour absoudre l’ambition du trône dans le premier Consul, et pour ne reconnaître d’autre légitimité du pouvoir que la légitimité du génie. Nous ne le blâmons pas trop sévèrement de cette audace d’esprit que Machiavel, Bossuet, Mirabeau et Danton ont affichée avant lui ; historiquement cette théorie tranche tout ; elle semble élever l’écrivain à la hauteur de la Providence, qui crée le droit des supériorités dans les hommes prédestinés aux grandes choses, et qui semble donner les masses subalternes en propriété à ses élus ; mais, moralement, cette théorie contient tous les périls et tous les crimes ; car, si vous reconnaissez le génie pour droit et l’ambition heureuse pour titre, quel est l’homme orgueilleux qui ne se croira pas du génie, et quel est le scélérat qui ne se sentira pas l’ambition de tout oser et de tout prendre ?

902. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

La lune l’exauce, le nuage qui la couvrait se dissipe ; Médor court en pleurant à l’endroit où gît Dardinel ; il le reconnaît à ses armes, il s’agenouille, il baigne son visage inanimé de ses larmes amères, dont un double ruisseau coulait sous ses cils ; son attitude était si pieuse, ses gémissements si tendres, que les vents eux-mêmes se seraient arrêtés pour les entendre. […] La plus grande de toutes fut facile à reconnaître : elle renfermait le bon sens du malheureux comte d’Angers ; elle en était pleine en entier, et de plus il était écrit dessus : Bon sens du paladin Roland. […] Roger reconnaît sa sœur dans Marphise ; Bradamante embrasse son amie dans sa rivale ; Roger, suivi de sa sœur Marphise et de sa fiancée Bradamante, tous trois armés, partent à la recherche d’autres aventures. […] Il se déguise à tous les yeux ; il combat à pied de peur que son cheval Frontin, si souvent caressé par Bradamante, ne la reconnaisse ; il prend une lance du bois le plus fragile, il en émousse la pointe ; il revêt la cotte de mailles de Léon. […] Quand vous aurez pris plus d’années, vous lui rendrez plus de justice, et, tout en reconnaissant en lui le plus amusant des poètes, vous y reconnaîtrez le plus agréable des philosophes.

903. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Pauvre femme, qui aime en songe un idéal d’innocence sous les traits d’un enfant abandonné et recueilli par elle, et qui, à son réveil, reconnaît qu’elle a réchauffé et allaité un monstre qui la dévore et qui la souille ! […] Pour payer cette hospitalité, il fit pour la maréchale une copie manuscrite de la Nouvelle Héloïse ; il en fit une autre pour madame d’Houdetot, qui dut y reconnaître l’amour qu’elle avait inspiré à l’auteur. […] Rousseau, déjà égaré par une véritable démence de cœur, reconnaît tous ces services d’un honnête homme en accusant de perfidie et de trahison cette providence de l’amitié. […] Est-ce à de tels signes, dans un tel homme, qu’on peut reconnaître le caractère, l’aptitude, l’inspiration sociale d’un de ces prophètes politiques que les siècles reconnaissent pour des législateurs, à l’infaillibilité du bon sens, aux trésors de l’expérience, à la sublimité des inspirations ?

904. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Pour moi, je le dirai avec cette franchise qu’on voudra bien, j’espère, me reconnaître (qui n’est pas franc à vingt-cinq ans est un misérable), je ne conçois la haute science, la science comprenant son but et sa fin, qu’en dehors de toute croyance surnaturelle. […] Le jour n’est pas loin où, avec un peu de franchise de part et d’autre et en levant les malentendus qui séparent les gens les mieux faits pour s’entendre, on reconnaîtra que le sens élevé des choses, la haute critique, le grand amour, l’art vraiment noble, le saint idéal de la morale ne sont possibles qu’à la condition de se poser dès le premier abord dans le divin, de déclarer tout ce qui est beau, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, également saint, également adorable ; de considérer tout ce qui est comme un seul ordre de choses, qui est la nature, comme la variété, l’efflorescence, la germination superficielle d’un fond identique et vivant. […] On ne tardera point, ce me semble, à reconnaître que la trop grande précision dans les choses morales est aussi peu philosophique qu’elle est peu poétique. […] Sans doute la vérité ne pouvant être contraire à elle-même, on reconnaîtra volontiers que la bonne science ne saurait contredire la révélation. […] Il y a des propositions reconnues fausses que l’on ne condamne pas, pour que l’on puisse en disputer.

905. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Et, comme nous avons vu Beethoven préservé contre cette tendance, dans l’art, par la puissante impulsion de sa nature, ainsi nous lui reconnaissons encore la même force, également vaillante à le détourner, dans sa vie et son caractère, de toute tendance frivole. […] Nous en trouvons un indice, de la plus sublime pureté, dans sa Symphonie Neuvième avec Chœurs, dont nous devons, ici, considérer, plus intimement, la Genèse, pour nous expliquer cette prodigieuse concordance, vers la même fin, de toutes les tendances naturelles, reconnues, par nous, en notre Mage. […] Que l’on se rappelle les mélodies d’Opéra italiennes, faites au siècle dernier, et que l’on reconnaisse la prodigieuse et vaine nullité de cette dépense de sons, uniquement asservie à la Mode et à ses exigences. […] Tantôt c’est un motif écossais, tantôt russe, tantôt vieux français ; en ces mélodies naïves des paysans, il reconnaissait la noblesse endormie de l’Innocence, et humblement, il mettait à leurs pieds tout son art. […] Schopenhauer dit : « Chaque œuvre d’art s’efforce à nous montrer les choses telles qu’elles sont en vérité et en réalité, mais telles qu’elles ne peuvent être reconnues par chacun, à cause du voile que jettent autour d’elles les impressions fortuites, de nature objective ou subjective.

906. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

L’adulation dans cette cour était plus vite reconnue et plus libéralement récompensée que le talent. […] J’ai donc appris avec douleur que vous fréquentiez plus que jamais des gens dont le nom est abominable à toutes les personnes qui ont tant soit peu de piété, et avec raison, puisqu’on leur interdit l’entrée de l’Église et la communion des fidèles, même à la mort, à moins qu’ils ne se reconnaissent. […] Il était bien sûr d’avance qu’elle serait suivant l’ambition toute royale de cette favorite, car la favorite ne pouvait manquer de se reconnaître, comme le public la reconnaîtrait, dans le personnage d’Esther. […] Des mêmes ennemis je reconnais l’orgueil ; Ils viennent se briser contre le même écueil.

907. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Or, il faut bien le reconnaître, rien n’était plus hostile au génie natif d’Edgar Poe que sa société et sa race, et les modifications que devaient naturellement lui imprimer ces deux tortionnaires de son génie devaient être si profondes qu’on s’étonne qu’elles n’aient pas été de véritables destructions, — la mort même de ses facultés ! […] Legrand mesure des yeux cet arbre, il semble le reconnaître, et il ordonne à son esclave Jupiter d’y monter, en tenant à la main le scarabée, objet de l’effroi et des superstitions du pauvre nègre. […] On ne reconnaît plus en lui que le Yankee, l’enfant perdu de cette race puritaine qui a mis sa main musclée sur le Nouveau Monde, — qui la mettra partout où il y a de la matière à asservir, — et dont la plus haute expression littéraire fait pâlir tout ce qu’elle rappelle : ce Robinson Crusoé qui est sorti d’une plume anglaise, mais qui n’en est pas moins le génie américain deviné ! […] Certainement ils ne sont pas dignes du génie qu’on est en train, pour le moment, de lui reconnaître. […] On n’a jamais, que je sache (et même Émile Hennequin, qui s’est si généreusement croisé pour la justification de sa mémoire), assez insisté sur le spiritualisme d’Edgar Poe, de ce poète suprêmement idéal et pur, condamné par le sort de sa naissance et de sa vie à des besognes américaines indignes de la hauteur et de la beauté de sa pensée, qu’il eût dû garder inviolée et qui ne le fut pas toujours… On est bien obligé de le reconnaître, en présence de ses œuvres : Edgar Poe a trop souvent ployé et abaissé son propre génie sous le despotisme du génie américain, lequel n’a de goût et de passion que pour ce qui l’étonne, et qui préfère à tous les sentiments de l’âme, dans les choses de l’esprit, la force presque musculaire de la difficulté vaincue et de la contorsion réussie.

908. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Le voyageur, sur le seuil de huttes à demi ruinées, à travers quelque chemin défoncé de la Morée, reconnaissait parfois, dans de pauvres jeunes femmes asservies à quelque tâche grossière, la stature et la beauté de ces filles de la Grèce retracées sur les bas-reliefs antiques, telles qu’elles avaient paré les fêtes des dieux. […] On la lisait autrefois, dans l’Orient chrétien ; et on peut la lire aujourd’hui, et reconnaître, sous la mesure trop uniforme de l’hexamètre, l’originalité affaiblie, mais présente d’un modèle inimitable. […] Il peut porter ses pas jusqu’aux sentiers dite vins, celui-là qui reconnaît un Dieu né de soi-même dans le monde des vivants, un Christ sauveur des mortels, qui eut un jour pitié des maux de l’espèce humaine, et se fit mortel, étant Dieu, jusqu’à ce qu’il eût délivré par son sang tous ceux qui gémissaient dans l’enfer. […] Vous y reconnaissez, dans une allusion rapide, jusqu’à ces deux cratères d’où le maître de l’Olympe versait les biens et les maux, antique symbole que le philosophe Thémiste avait déjà rajeuni, dans un discours sur les devoirs et la double puissance de la royauté. […] Mais, au loin, le soleil déployait sa chevelure brillante, sous les pas divins : il avait reconnu le Fils de Dieu, l’intelligence qui est la grande ouvrière, et la source même du feu dont il est animé.

909. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Nul ne reconnaît en ce monde l’aristocratie de l’éclat de rire. […] Même à Dorine je ne reconnais pas le droit de porter des socques. […] Il ne les reconnaissait plus, tant qu’ils se promenaient dans les jardins de l’univers habité. […] Il ne reconnaît pas la voix de Lucinde ! […] Or, ces dames, qui ne veulent pas être reconnues, étaient masquées !

910. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Il faut seulement les reconnaître à travers les formes variables. […] et comment le reconnaître ? […] Personne n’y pouvait penser, puisque Ulysse n’est pas reconnu et passe pour un mendiant. […] Sa filiation est reconnue par tous les critiques. […] À cette lecture, saisi, transporté d’enthousiasme, je reconnus le type de perfection que j’avais rêvé.

911. (1925) Portraits et souvenirs

Il admit à la parole ce pouvoir divin que lui reconnaît Edgar Poe, le pouvoir de créer des mondes. […] Les vers de Gérard de Nerval ne constituent pas, il faut le reconnaître, la partie la plus importante et la plus originale de son œuvre. […] Barrès, dérive par sa sonorité de celle de Chateaubriand ; si elle a parfois une concision ironique à la Stendhal, reconnaissons-lui également des mouvements, des détentes à la Michelet. […] De même, faut-il reconnaître que Mandrin y apporta un certain comique et un esprit de plaisanterie non sans verve. […] On reconnaît les survenants !

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