Alfred Maury, l’auteur de Le Sommeil et les rêves… (1861) — voir réf. note a p. 58 — a tenu un recueil de ses nuits pendant plus de trente ans, de 1844 à 1878. […] Victor Egger compte parmi les nombreux émules des deux professeurs au Collège de France (Maury et Hervey de Saint-Denys, sinologue, ayant publié en 1867 Les Rêves et les moyens de les diriger) qui se mettent à tenir plus ou moins régulièrement des recueils de leurs rêves (voir J.
Les arts ont besoin d’esprits oisifs, délicats, point stoïciens, surtout point puritains, aisément choqués par les dissonances, enclins au plaisir sensible, et qui emploient leurs longs loisirs, leurs libres rêves à arranger harmonieusement, sans autre objet que la jouissance, les formes, les couleurs et les sons. […] On en a laissé tomber les distinctions et les subtilités byzantines ; on n’y a point introduit les curiosités et les spéculations germaniques ; c’est le dieu de la conscience qui seul y règne ; les douceurs féminines en ont été retranchées ; on n’y trouve point l’époux des âmes, le consolateur aimable, que l’Imitation poursuit dans ses rêves tendres ; quelque chose de viril y respire ; on voit que l’Ancien Testament, que les sévères psaumes hébraïques y ont laissé leur empreinte.
Vicovaro ; le torrent de la Digentia qui écume encore sous les chênes disséminés au fond de la vallée d’Ustica ; le site parsemé de débris de briques de la maison rurale du poète ; Rocca-Giovanni qui s’élève avec ses ruines de forteresse féodale comme une sentinelle à l’ouverture de la vallée ; la plaine de Mandéla fumante çà et là au soleil ; des feux d’herbes sèches allumés et oubliés par les bergers ; la grotte des nymphes au bord de laquelle rêve le poète endormi dont on voit danser les songes sous la figure des femmes qu’il aima ; la fontaine de Blandusie en Calabre, qui a changé tant de fois de nom depuis Horace, et à laquelle un vers du lyrique rend éternellement son premier nom ; la barque pleine de musique et pavoisée de voiles qui portait Mécène, Horace et leurs amis pendant le voyage de Brindes ; la treille de Tibur entre deux colonnes à l’ombre desquelles le nonchalant ami de Mécène écrit une strophe entre deux sommeils ; l’entretien du maître d’Ustica avec son métayer, au milieu de ses troupeaux de chèvres ; Horace, ses tablettes sur ses genoux dans sa bibliothèque de Tibur, écrivant au milieu de ses rouleaux de livres grecs les préceptes de son épître aux Pisons, chacun de ces tableaux est une évocation vivante d’un passé de deux mille ans, mais auquel ces deux mille ans n’ont enlevé ni un rocher, ni une source, ni un arbre aux paysages, ni un vers au génie aimable du poète. […] Comme ces deux pigeons célèbres dans l’apologue, tu gardes le nid ; mais je préfère les riants rêves des ruisseaux, les roches tapissées de vieille mousse, les vastes forêts.
Décourage-toi d’espérer en vain de voir le beau sur la terre ailleurs que dans tes rêves ! […] L’idée du beau, produit d’une conception tout intellectuelle, n’a rien de commun avec ces rêves bâtis d’une imagination sombre et superstitieuse.
Il se disait : C’est un rêve. […] XIV Ai-je besoin de noter le sophisme au milieu de ce pêle-mêle éblouissant de vérités et d’erreurs, où l’homme coupable se croit le droit de conclure à la condamnation de cette pauvre société, et le droit de haïr l’homme social parce qu’il ne se sent pas capable d’être assez libre si la société ne lui fait pas place pour le droit qu’il rêve et pour l’indépendance qu’il convoite ?
Ces deux frères siamois de l’« écriture artiste », nous les aimons parce qu’ils sont de leur temps autant qu’on en puisse être, aussi modernes par le tour de leur imagination que tel autre par le tour de sa pensée, et aussi remarquables par la délicatesse de leurs perceptions et par leur nervosité que tel autre par la distinction de ses rêves et par le détachement diabolique de sa sagesse. […] Il se trouvait que ce farceur, ce paradoxeur, ce moqueur enragé des bourgeois avait, pour les choses de l’art, les idées les plus bourgeoises, les religions d’un fils de Prudhomme… Il avait le tempérament non point classique, mais académique comme la France…12 … Ce tableau était, en un mot, la lanterne magique des opinions d’Anatole, la traduction figurative et colorée de ses tendances, de ses aspirations, de ses illusions… Cette sorte de veulerie tendre qui faisait sa bienveillance universelle, le vague embrassement dont il serrait toute l’humanité dans ses bras, sa mollesse de cervelle à ce qu’il lisait, le socialisme brouillé qu’il avait puisé çà et là dans un Fourier décomplété et dans des lambeaux de papiers déclamatoires, de confuses idées de fraternité mêlées à des effusions d’après boire, des apitoiements de seconde main sur les peuples, les opprimés, les déshérités, un certain catholicisme libéral et révolutionnaire, le Rêve de bonheur de Papety entrevu à travers le phalanstère, voilà ce qui avait fait le tableau d’Anatole … 13 Anatole présentait le curieux phénomène psychologique d’un homme qui n’a pas la possession de son individualité, d’un homme qui n’éprouve pas le besoin d’une vie à part, d’une vie à lui, d’un homme qui a pour goût et pour instinct d’attacher son existence à l’existence des autres par une sorte de parasitisme naturel, etc.
Au reste, de quelque ordre et de quelque nature que soit le changement que l’on rêve, c’est là une loi générale. […] L’individualisme aristocratique, l’anarchisme individualisme même, les conceptions d’un Max Stirner ou d’un Nietzsche sont encore des rêves sociaux, où le désir de l’individualisme peut devenir le point de départ d’une nouvelle — peut-être pas si nouvelle — organisation des rapports des hommes entre eux.
Elles ne font entendre qu’un imperceptible gazouillement, semblable aux paroles qu’on balbutie en rêve, comme si ces charmants oiseaux, qui aiment tant la demeure de l’homme, avaient peur de réveiller les enfants encore endormis dans la chambre haute. […] Rousseau, qui avait porté le rêve dans la politique, et dont le Contrat social, oracle la veille, venait de recevoir de la pratique et de la raison autant de démentis qu’il contient de chimères ; tantôt un Fénelon, dont le seul vice dans ses utopies sociales était de ne pas croire au vice ; tantôt un Platon, construisant des républiques comme des nuées suspendues sur le vide ; tantôt un Aristote, ce Montesquieu de l’antiquité, cherchant des exemples plus que des règles et faisant l’anatomie des gouvernements et des lois.
Pendant que Sita dort, et qu’elle balbutie en rêvant avec terreur sur le bras du roi le nom de son cher Rama, celui-ci la regarde dormir : « Elle rêve que je l’ai quittée », dit-il, « ou bien la vue de ces peintures qui retracent nos malheurs a troublé ses esprits… Ah ! […] Rama, ému de pitié et d’amour, se croit en proie à un rêve : « Roi !
Ils voudraient d’une main brusque couper les liens qui nous y rattachent, abolir les habitudes et les traditions qu’il nous a léguées, et alors nous entraîner avec eux à l’aventure, dans leur rêve, vers un avenir qu’ils ignorent et qu’ils avouent eux-mêmes ignorer. […] Ne la livrez pas au désordre et à la tempête. » Vous direz aux autres : « N’empêchez pas l’humanité de faire le beau rêve du progrès et de la justice. » Aux uns : « Laissez-nous respirer » ; aux autres : « Laissez-nous espérer. » Et vous êtes, vous, messieurs, merveilleusement aptes à jouer ce rôle.
Cet homme-là doit souvent voir le diable en rêve, et cependant, je vous le dis en vérité, le diable est mort : il y a longtemps que la science l’a tué. […] j’ai fait quelquefois un beau rêve !
Son spiritualisme parut exagéré dans quelques-unes de ses explications touchant certains phénomènes, comme le rêve, où il trouva un habile contradicteur dans la personne du docteur Bertrand, médecin et naturaliste éminent prématurément enlevé à la science. […] Les vieilles écoles, les vieilles doctrines métaphysiques, peuvent être emportées par le courant de la science moderne ; la spéculation métaphysique peut changer de méthode ; le matérialisme et le spiritualisme des temps passés peuvent disparaître définitivement de la scène philosophique pour faire place à des idées plus complètes, à des théories plus positives : le problème métaphysique qui les a suscitées restera, non-seulement dans le domaine de l’imagination et du rêve, mais encore dans le domaine de la philosophie la plus sévère, quoi qu’en disent l’école critique de Kant et l’école positiviste de Comte.
il est poète, quoiqu’il n’ait pas la sainte fureur, ni cet aiguillon de désir et d’ennui, qui a été notre fureur à nous, le besoin inassouvi de sentir ; bienqu’il n’ait pas eu la rage de courir tout d’abord à toutesles fleurs et de mordre à tous les fruits ; — il l’est, bien qu’il ne fouille pas avec acharnement dans son propre cœur pour y aiguiser la vie, et qu’il ne s’ouvre pas les flancs (comme on l’a dit du pélican), pour y nourrir de son sang ses petits, les enfants de ses rêves ; — il l’est, bien qu’il n’ait jamais été emporté à corps perdu sur le cheval de Mazeppa, et qu’il n’ait jamais crié, au moment où le coursier sans frein changeait de route : « J’irai peut-être trop loin dans ce sens-là comme dans l’autre, mais n’importe, j’irai toujours. » — Il l’est, poète, bien qu’il n’ait jamais su passer comme vous, en un instant, ô Chantre aimable de Rolla et de Namouna, de la passion délirante à l’ironie moqueuse et légère ; il est, dis-je, poète à sa manière, parce qu’il est élevé, recueilli, ami de la solitude et de la nature, parce qu’il écoute l’écho des bois, la voix des monts agitateurs de feuilles, et qu’il l’interprète avec dignité, avec largeur et harmonie, bien qu’à la façon des oracles.
les berceaux, la couronne, L’avenir… Maintenant, quand je songe à ces biens, J’ignore si je rêve, ou si je me souviens.
Il a longtemps attendu un dessinateur digne de lui et à la hauteur de ses rêves ; car il ne s’agissait pas seulement de montrer les choses telles qu’elles étaient, mais de les faire entrevoir aussi parfois telles qu’il les voyait en idée et qu’il se les figurait dans son monde de visions.
M. de Senfft désirait in petto un rétablissement complet de la Pologne, mais sans le concours de la France, par un soulèvement spontané des anciennes provinces polonaises, à la faveur de la guerre que la Russie soutenait alors contre les Turcs, avec je ne sais quels efforts combinés de l’Autriche, de la Suède, d’une partie de l’Allemagne du centre, et avec l’assentiment de l’Angleterre, — tout un rêve : il dut contenir de telles pensées dans son for le plus intérieur, et les quelques Polonais auxquels il crut pouvoir s’en ouvrir en confidence, n’étaient pas en position d’y aider.
Son idéal au fond, son rêve de bonheur, si elle était libre, si elle n’avait pas son père qu’elle ne peut quitter, ce serait la vie religieuse, celle du cloître ; son vœu secret d’âme recluse lui échappe toutes les fois qu’elle a occasion d’assister à quelque cérémonie de couvent : « Je n’aime rien tant que ces figures voilées, ces âmes toutes mystiques, toutes pétries de dévotion et d’amour de Dieu… Ces robes noires ont quelque chose d’aimanté qui vous attire. » Les plaisirs célestes, les joies mystiques la ravissent quand elle peut en goûter sa part, surtout à Noël, « la plus douce fête de l’année. » Les idées de vocation reviennent la tenter toutes les fois qu’elle va à Albi, au couvent du Bon-Sauveur, ou qu’elle assiste aux offices dans cette belle cathédrale : « Quel bonheur si cela devait durer toujours, si, une fois entrée dans une église, on pouvait n’en plus sortir !
Si l’auteur, sous le coup d’un mandat d’arrêt, va se promener au Jardin des Plantes, et s’il monte au labyrinthe, il jette de là un regard sur Paris, « cette magnifique cité que la tyrannie couvrait de son crêpe. » Il nous décrit du haut de ce belvédère toutes ses pensées, ses réflexions mélancoliques, et il prolonge jusqu’au soir « le rêve du sentiment.