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197. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

La vérité est que le personnage comique peut, à la rigueur, être en règle avec la stricte morale. Il lui reste seulement à se mettre en règle avec la société. […] Il est nécessaire que l’homme vive en société, et s’astreigne par conséquent à une règle. […] C’est une mobilité de l’intelligence qui se règle exactement sur la mobilité des choses. […] Signalons en premier lieu un certain relâchement général des règles du raisonnement.

198. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Il réclame, vaillant et dévoué, les règles les plus pénibles, les fardeaux les plus lourds et, « sitôt chargé, se hâte vers le désert. […] Il ne voit guère qu’une recommandation à faire à l’artiste : « Il faut obéir à son génie. » Et il dit à tous : « On n’agit décemment qu’en conformité avec sa propre nature ; les gens qui veulent agir ou ne pas agir d’après les ordres d’une morale extérieure à leur vérité personnelle finissent, Dieu aidant, dans les compromis les plus saugrenus. » Décidément cet homme ne respecte rien : morale extérieure, lois, science aux prétentions « législatives », il raille toutes les beautés rectilignes qui émeuvent les braves gens de la « règle » et du « droit chemin ». […] Il sait que tout mouvement libre offense les critiques, prêtres de l’immobilité ou porteurs du manipule de foin que suivent toujours, salive à la bouche, les légions, les centuries et les décuries littéraires : « Jadis un homme se levait, bouclier de la foi, contre les nouveautés, contre les hérésies, le Jésuite ; aujourd’hui, champion de la règle, trop souvent se dresse le Professeur. » Mais « la diabolique intelligence rit des exorcismes, et l’eau bénite de l’Université n’a jamais pu la stériliser, non plus que celle de l’Église ».

199. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Il est indulgent, parce que, n’ayant pas fait la règle, et n’étant point intéressé par amour-propre à la faire exécuter, il comprend mieux les faiblesses et les impuissances. […] Il a fait lui-même la règle qu’il applique, et la stricte exécution de cette règle est sa gloire personnelle. […] Il en voulait de composés, comme dans la langue grecque, où du moins une admirable syntaxe règle toutes ces combinaisons, et comme dans la langue allemande, qui les permet au premier venu et qui souffre tout de tout le monde. […] Il veut que l’agréable attire à la règle, que l’instruction soit du plaisir, que l’estime vienne de l’attrait. Ce n’est pas dommage que de tels hommes nous donnent leur goût particulier pour la règle du beau.

200. (1890) L’avenir de la science « XI »

Le secret des mécanismes grammaticaux, des étymologies, et par conséquent de l’orthographe, étant tout entier dans le dialecte ancien, la raison logique des règles de la grammaire est insaissable pour ceux qui considèrent ces règles isolément et indépendamment de leur origine.

201. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Or, cette règle préside à la transformation des langues ; nos ancêtres, au moyen âge, adoucissent pigmentum en piment, axilla en aisselle, spiritum en esprit ; qu’est-ce autre chose qu’un procédé inconscient pour rendre la prononciation plus facile ? […] J’observe chez Racine une soumission absolue aux règles de la tragédie.

202. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

À cette réalité informe s’applique le mot de Nietzsche : « Mieux vaut n’importe quelle règle que point de règle du tout. » La première condition de sa formation sera l’autorité sur elle de la vérité qui la contraindra : par là elle acquerra cet élément premier de toute réalité : la durée.

203. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Balzac, et le père Goulu, général des feuillans. » pp. 184-196

Goulu, le représentèrent comme un ivrogne, buvant nuit & jour dans un verre fait exprès & plus grand que la coupe de Nestor ; comme un gourmand, faisant très-bonne chère en gras, quoiqu’il eût le teint si frais & l’embonpoint si excellent qu’on ne croyoit pas qu’il eut besoin d’être dispensé de la règle du maigre  ; comme un religieux très-éloigné de l’esprit de son ordre, le plus sévère de tous dans son institution, suivant un auteur*. […] Mais, à cette heure qu’il y en a pour le moins une petite bibliothèque, je suis presque bien aise qu’elle se grossisse, & prends plaisir à faire un mont-joie des pierres que l’envie m’a jettées sans me faire mal. » Si cet écrivain n’eût toujours refusé de se battre en règle, cette querelle eut été bien plus terrible.

204. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

L’ouverture du poème se fait aux enfers, et pourtant ce début n’a rien qui choque la règle de simplicité prescrite par Aristote. […] Milton est le premier poète qui ait conclu l’Épopée par le malheur du principal personnage, contre la règle généralement adoptée.

205. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Devant les regards du roi, à son majestueux aspect, nul n’osait enfreindre les règles qu’il avait prescrites. […] Kant rechercha les règles que suit constamment l’intelligence humaine dans ses procédés. […] Au lieu de rapporter toutes les langues à la langue latine, et d’adapter toutes les grammaires aux formes d’une seule, on essaya de trouver des règles générales d’où les règles particulières de chaque langue pussent facilement découler. […] Il essaya de renouveler le théâtre, et protesta contre les règles établies. […] Vous auriez dû, Messieurs, me soumettre à cette règle, et me donner, pour toute tache, de relire cette œuvre évangélique.

206. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Lui aussi persuade contre les règles ; lui aussi a la puissance surnaturelle dans l’auguste simplicité. […] On a trouvé, parmi ses papiers, des observations, écrites de sa main, sur les règles les plus fines de la grammaire et sur l’usage des mots. […] Sa vigueur se modère, sa facilité se règle, cette tête puissante se courbe sous les lois dont Boileau rédigeait le code dans l’Art poétique. […] Elle veut agir, se propager, devenir la règle et le fait. […] Et alors où serait la règle ?

207. (1864) Études sur Shakespeare

Parmi les œuvres vraiment nationales, la seule pièce entièrement comique que présente le théâtre anglais avant Shakespeare, l’Aiguille de ma commère Gurton, fut composée pour un collège et modelée selon les règles classiques. […] Si le système romantique a des beautés, il a nécessairement son art et ses règles. […] Différent en ceci des autres arts, outre les règles absolues que lui impose, comme à tous, l’invariable nature de l’homme, l’art du théâtre a des règles relatives qui découlent de l’état mobile de la société. […] L’emploi des péripéties par lesquelles on cherche à déguiser, sous de grands ébranlements, les transitions trop subites que la règle de l’unité de temps peut imposer, rend donc souvent plus saillants les inconvénients de cette règle, en ôtant les moyens de préparer les impressions différentes qu’elle accumule dans un espace trop étroit. […] Il s’établira, comme la liberté, non sur le désordre et l’oubli de tout frein, mais sur des règles plus sévères et d’une observation plus difficile peut-être que celles qu’on réclame encore pour maintenir ce qu’on appelle l’ordre contre ce qu’on nomme la licence.

208. (1902) La poésie nouvelle

Des règles parnassiennes. […] Il fallut que le vers se libérât des règles parnassiennes, parce que ces règles étaient mauvaises. […] Ils niaient les règles en tant que règles, mais ils les conservaient en tant que procédés facultatifs, utilisables pour l’expression poétique de leur pensée. […] Même quand il écrivait en vers réguliers, il négligeait la plupart des règles consacrées. […] Verhaeren est en train de s’émanciper des règles anciennes.

209. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

L’exercice de notre raison se réduit souvent à une règle de trois. […] Le premier chez les Anciens qui démontra par quelques règles de trigonométrie que la lune ou Diane était plus grande que le Péloponèse, fit grincer les dents aux prêtres du paganisme. […] C’est elle qui règle tout ce qui appartient aux assurances, aux tontines, aux loteries, aux rentes constituées sur une ou plusieurs têtes, à la plupart des objets de finance et de commerce. […] Quelque variété apparente qu’il y ait entre les langues, si l’on examine leur objet d’être la contre-épreuve de tout ce qui se passe dans l’entendement humain, on s’apercevra bientôt que c’est une même machine soumise à des règles générales, à quelques différences près, de pure convention, dont une langue par gestes trouverait les équivalents. Le traité de ces règles générales s’appelle grammaire générale raisonnée ; celui qui la possède a la clef des autres, et il est prêt à étudier avec intelligence, et à apprendre avec rapidité, quelque langue particulière que ce soit.

210. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Expliquez à un ouvrier, à un paysan les droits de l’homme, et tout de suite il deviendra un bon politique ; faites réciter aux enfants le catéchisme du citoyen et, au sortir de l’école, ils sauront leurs devoirs et leurs droits aussi bien que les quatre règles  Là-dessus l’espérance ouvre ses ailes toutes grandes ; tous les obstacles semblent levés. […] Au lieu de lui opposer des digues nouvelles, ils ont songé à détruire les vieux restes de digues qui le gênaient encore. « Dans un gouvernement, disent Quesnay et ses disciples, le système des contre-forces est une idée funeste… Les spéculations d’après lesquelles on a imaginé le système des contrepoids sont chimériques… Que l’État comprenne bien ses devoirs, et alors qu’on le laisse libre… Il faut que l’État gouverne selon les règles de l’ordre essentiel, et, quand il en est ainsi, il faut qu’il soit tout-puissant. » — Aux approches de la Révolution, la même doctrine reparaît, sauf un nom remplacé par un autre. […] « Ainsi l’éducation publique, dans des règles prescrites par le gouvernement, et sous des magistrats établis par le souverain, est une des maximes fondamentales du gouvernement populaire ou légitime. » — C’est par elle qu’on forme d’avance le citoyen. « C’est elle446 qui doit donner aux âmes la forme nationale. […] Un enfant, en ouvrant les yeux, doit voir la patrie, et, jusqu’à la mort, ne doit voir qu’elle… On doit l’exercer à ne jamais regarder son individu que dans ses relations avec le corps de l’État. » Telle était la pratique de Sparte et l’unique but du « grand Lycurgue »  « Tous étant égaux par la constitution, ils doivent être élevés ensemble et de la même manière. » — « La loi doit régler la matière, l’ordre et la forme de leurs études. » À tout le moins, ils doivent tous prendre part aux exercices publics, aux courses à cheval, aux jeux de force et d’adresse institués « pour les accoutumer à la règle, à l’égalité, à la fraternité, aux concurrences », pour leur apprendre « à vivre sous les yeux de leurs concitoyens et à désirer l’approbation publique ».

211. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Ce cœur, c’est le christianisme, accepté à la fois comme science de l’homme et comme règle des mœurs. […] Voltaire n’a pas senti ce qu’il y avait de sérieux et de respectable dans des débats où des chrétiens, aussi sincères qu’éloquents, se disputaient l’honneur d’être les plus fidèles dépositaires d’une croyance qui donne aux hommes une règle des mœurs, et leur promet l’immortalité. […] Ce cours de littérature sans plan et sans dessein, cette poétique sans dissertation, cette rhétorique sans règles d’école, seraient un livre unique. […] Les erreurs de cet esprit si juste sont des jugements intéressés où il a pris sa commodité pour règle.

212. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Combattant l’idée d’une symétrie absolue dont on a fait depuis une règle inflexible, et qui, pour la plupart des esprits, est devenue synonyme de l’idée même de l’art, M.  […] Prenant pour exemple, sur l’Acropole même d’Athènes, l’Erechtheïum, « ce groupe de trois temples ou salles dont deux se commandent, avec trois portiques à des niveaux différents », se replaçant en idée dans ce bel âge de la Grèce, il suppose que le monument terminé, au moment où l’échafaud disparaît et où l’effet d’ensemble se révèle, un mécontent, un critique sort de la foule et accuse publiquement l’architecte d’avoir violé les règles au gré de sa fantaisie ; et l’artiste alors, heureux d’avoir à s’expliquer devant un peuple véritablement artiste et qui saura le comprendre, réfute agréablement son contradicteur, non sans flatter un peu son auditoire : « Celui qui vient de parler si légèrement, Athéniens, est probablement un étranger, puisqu’il est nécessaire de lui expliquer les principes d’un art dans l’exercice duquel vous dépassez les autres peuples. […] Il est de règle en France qu’on ne sait pas faire respecter un professeur insulté indécemment, et c’est toujours lui, en définitive, qui doit céder.

213. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Le rôle de l’Académie se réduisit immédiatement à enregistrer, codifier — justifier — pour l’édification d’une foule docile, les irrégularités commises par une élite et qui, contrevenant aux règles établies, venaient orner, embellir et augmenter la langue française. […] Par surprise, il y peut pénétrer quelques croquants de génie, mais ’exception confirme la règle une fois encore. […] « Par surprise, il peut pénétrer là quelque croquant de génie, mais l’exception confirme la règle » déclare Rachilde.

214. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

C’est un besoin des sociétés arrivées à leur maturité de tracer des règles, de réduire leur expérience en maximes, d’engager les âges à venir par les exemples du passé. […] Le moment était unique pour tracer des règles de conduite aux âges futurs. […] Les Maximes de La Rochefoucauld sont comme les catégories dans des listes de suspects : les degrés du délit y sont si rapprochés, les cas si analogues, l’innocent si près de ressembler au coupable, que le plus en règle court le risque d’y lire son nom.

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