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430. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Mme des Ursins, toujours en train et en goût de représentation actuelle et de puissance, rêvera, pour sa retraite dernière, une position de souveraine dans un petit État indépendant où elle puisse, à ses heures de loisir, gouverner une bonne fois en son propre nom et se déployer en plein soleil : car ce fut là son pot-au-lait final et son vrai château en Espagne. […] C’est ainsi encore qu’elle dira, à propos des cabales de cour et de direction de conscience qui trouvaient moyen de s’immiscer autour du duc de Bourgogne jusque dans les camps et au milieu des plus grands périls : Qu’est-il question, madame, quand il s’agit d’un roi qu’on veut détrôner, d’un autre dont on veut abattre la puissance, enfin des plus grandes choses du monde, d’y mêler M. de Cambrai, les Jésuites, les libertins et les jansénistes ? […] Mme des Ursins nous associe sans difficulté à ses sentiments et nous entraîne, tant que sa résistance à la paix semble chez elle l’inspiration directe, le cri du patriotisme et de l’honneur : on ne lui pardonne pas seulement cette opiniâtreté, on l’en admire ; mais, dès qu’on y soupçonne une ambition et une cupidité personnelle, l’impression devient toute contraire, et son rôle se gâte à nos yeux, Or, il est certain que, vers la fin de cette période sanglante et dans les négociations si lentes qui la terminèrent, elle fit tout pour obtenir des puissances contractantes une souveraineté en son nom dans les Pays-Bas ; le roi d’Espagne s’obstinait sur cette condition si peu convenable et si disproportionnée aux grands intérêts en litige, et il refusait de signer la paix avec la Hollande, si les Hollandais, non contents de mettre Mme des Ursins en possession de cette souveraineté, ne s’en faisaient, de plus, les garants vis-à-vis de l’empereur.

431. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Comme les mourants qui aspirent après un cordial qui leur redonne l’illusion fugitive de la vie, fût-ce au prix d’une brûlure aux entrailles, la bourgeoisie chercha alors un poète dont le vers s’abattît, à la rigueur, sur ses reins épuisés, mais la forçât à se redresser ; un moraliste qui la rappelât à la pratique sévère de ses anciennes vertus, un historien capable de réveiller en elle, par ses fiers récits, le goût et la puissance des grands mouvements de l’âme. […] Mais elle admirera comme nous la puissance dramatique, la sincérité d’exécution, la probité littéraire, la fermeté et la pureté de la forme du grand auteur dramatique et de l’homme de bien qui vient de mourir. […] Quant à Augier, convaincu de sa puissance théâtrale, il se mit tout seul à l’œuvre, soutenu et encouragé par son condisciple du collège Henri IV, S. 

432. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

pour ma part, je n’ai jamais été de ceux qui s’exagèrent à plaisir la puissance de l’esprit humain. […] … III C’est là ce qu’a fait cependant Édelestand du Méril, avec la patience qui ne tient compte ni du temps ni de l’effort, et qui est une puissance ajoutée à toutes les autres. […] Il fut évident pour ceux qui l’ouvrirent et qui s’y risquèrent, pour ceux qui n’eurent pas peur cette marée de notes et de citations qui ronge le texte du livre et monte jusqu’à moitié, et plus, de toutes les pages, qu’on avait affaire à un esprit d’une rare puissance, puisque l’érudition, cette lourde massue, et qu’il faut être Hercule pour porter légèrement, ne l’avait pas assommé de son poids.

433. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

L’orgueil souffrant de celui-ci, de cet esprit qui sentait sa puissance, mais qui, comme tant d’esprits, se méprenait sur elle, a cherché à voiler cette blessure, mais il l’avait au fond du cœur, et elle saigne partout dans ses Mémoires. […] Il a, comme Saint-Simon, cette terrible puissance de la couleur qui fait croire à la vérité du mensonge. […] Il se contente de s’exclamer sur ces torrents précipités de grandeur, de puissance, de richesses démesurées, et il ne craint pas d’ajouter : est-ce aveuglement ou mensonge ?

434. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Mais il en est un second, sur lequel j’insisterai avec plus de précision encore parce qu’il est l’honneur de cet esprit gonflé, éclatant, plein de sève, et notre espérance à nous tous de le voir aboutir un jour, cet esprit à plusieurs puissances, et ce point, c’est l’idée générale, vers laquelle il remonte toujours de la critique la plus particulière. […] L’âme, à cette heure, est aussi ruinée que Venise, et pour Aubryet plus que pour personne ; car Xavier Aubryet ne croit à aucun des mérites et des puissances morales de ce temps-ci, et s’il a écrit Les Patriciennes de l’Amour, ce n’est probablement pas qu’il les ait jamais rencontrées, mais c’est qu’il en a très certainement rencontré d’autres, peu patriciennes, et, disons le mot, même un peu canailles de l’amour… et que, de mépris pour celles-là, il a trouvé bon et soulageant de leur jeter à la figure son idéal au désespoir ! […] Son livre n’est, en somme, que la traduction et une application nouvelle du fameux mot de Franklin : « Si les fripons savaient le profit qu’il y a à être honnête homme, ils seraient tous honnêtes gens par friponnerie. » Aubryet a modifié le mot, et a dit après Franklin : — Si les coquines savaient la puissance de volupté qu’il y a dans les femmes honnêtes, elles seraient toutes honnêtes par coquinerie !

435. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

Dès le début de leur puissance, leurs missi se présentent comme les « défenseurs de la veuve et de l’orphelin ». […] Le fait est si constant que Fustel de Coulanges, qui se défiait pourtant des lois sociologiques, a cru pouvoir énoncer cette loi214 : « Les inégalités sociales sont toujours en proportion inverse de la force de l’autorité. » Si l’avènement des puissances centrales diminue réellement certaines inégalités, de combien ne doit-elle pas les diminuer toutes dans l’opinion ? […] Mais détruire les groupements fermés et séparés, n’est-ce pas détruire autant de puissances absorbantes de l’individu ?

436. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Mais pour apprécier cette durée, pour la soumettre à la mesure, il faut la faire remontera à sa source ; c’est là seulement qu’elle rentre dans notre puissance, en retombant sous l’observation de nos facultés. […] La puissance de représenter est si véritable, qu’elle est la puissance même de penser.

437. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Ne considérant que les facultés et les puissances, il a fini par prendre pour des êtres les facultés et les puissances. […] Nous n’avons qu’une puissance dépendante et indirecte.

438. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

C’est un beau roman à ajouter à ceux que comptait notre littérature ; ce n’est pas une puissance, un événement, une révélation, une révolution, un symbole. […] On a salué M. de Balzac du titre de grand inventeur : on a signalé la puissance de ce cerveau capable d’enfanter des mondes sans épuisement ni fatigue. […] Mais il existe dans le monde une force, une grâce, une influence, toujours présente, toujours vivante ; une puissance anonyme et charmante qui résiste à nos variations sociales. […] Là nous le retrouvons avec une partie de son ancienne puissance : c’est encore la même vigueur de tons, la même richesse d’images, la même fécondité de métaphores et d’analogies. […] La guerre et la paix, la religion et la politique, l’administration et la justice, la puissance aristocratique et la magistrature populaire, Rome et les provinces, tout revenait à ce centre unique.

439. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

En tout cas, qu’elle survive ou qu’elle périsse, elle n’aura jamais ni les vrais caractères, ni la puissance, ni la suite, ni les effets ordinaires, bons ou mauvais, d’une aristocratie véritable. […] Ils ont considéré Dieu comme souveraine justice, comme souveraine intelligence et comme souveraine raison, tout autant que comme suprême beauté, suprême puissance, suprême majesté. […] Il ne s’était jamais avisé, et pour cause, qu’on pût avoir tant d’imagination, tant de couleur et tant de puissance verbale. […] C’était une âme faible, malgré son activité intellectuelle et sa puissance de travail. […] Par instinct d’artiste, il a de l’admiration ; car il trouve là une force, une puissance humaine incroyable, féconde en prodigieux effets, en actes sublimes.

440. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

C’est l’art et la pensée qui ont créé la Prusse ; tant qu’elle sera l’intelligence du nord, la puissance lui demeure assurée. […] Rien n’est beau pour l’homme qui ne doive ses effets à certaines combinaisons dont notre jugement peut toujours donner le secret quand nos émotions en ont attesté la puissance. […] Tout en reconnaissant la puissance du nouveau poète on se hâta de jeter l’anathème contre l’école qu’il venait créer. […] Mais un grand poète qui s’impose comme Alfred de Musset ne trouve une pareille puissance que dans une grande sincérité, dans un sentiment profond. […] Mais il exprimait d’autant mieux l’esprit de l’époque, et témoignait de la puissance des influences germaniques dont nous poursuivons les traces dans la littérature romantique.

441. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Plus j’étudie l’époque qui entoure l’an 1000, et plus j’y sens un souffle d’exaltation superbe, un renouveau ; ce qui nous semble, à nous, du désordre, était pour les gens d’alors un commencement de stabilité ; l’équilibre féodal s’ébauchait ; des intérêts communs groupaient des provinces, les unissaient contre le Sarrasin, esquissaient des nations ; quand nous estimons misérable la condition des vilains, nous oublions la relativité du bonheur ; surtout, nous méconnaissons la puissance de la foi nouvelle, qui n’est plus la nôtre, mais qui fut en son temps une lumière bienfaisante et miraculeuse ; elle nous semble déprimante ; en réalité elle fut une délivrance, et, grâce à elle, le monde se parait « d’une blanche robe d’églises neuves ». […] De nos jours, personne n’a mieux affirmé sa puissance, n’a rendu un plus grand hommage à son action persistante, que, sans le vouloir, M.  […] Il serait même intéressant de rapprocher ces deux génies : Corneille et Hugo, qui font du théâtre malgré eux, qui émeuvent à force de puissance et par des procédés semblables ; l’un par l’invention romanesque, l’autre par l’imagination lyrique, mais tous deux par des caractères simplifiés jusqu’à l’abstraction, ils construisent des « situations » atroces autant qu’invraisemblables et tranchent le nœud gordien par un acte d’héroïsme. — Chatterton est également du pur romantisme ; même Dumas père, qui était pourtant un vrai dramaturge, concède une place trop grande à des éléments contraires à l’action dramatique. […] Lanson ; pourtant je vois chez lui une puissance latente de dramaturge ; son théâtre est unique en France et s’adresse à un public restreint de purs lettrés19. […] En un sens, Notre-Dame de Paris et Les Burgraves sont les deux premiers chapitres de La Légende des siècles. » Il écrit maintenant Les Châtiments, Les Contemplations, La Légende des siècles, Les Misérables. — Mérimée mérite une place à part, par la qualité très spéciale de son art ; chez lui, la puissance du raccourci rapproche déjà l’épopée du drame. — Enfin Flaubert inaugure la série des grands romanciers !

442. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dorian, Tola (1841-1918) »

Rarement j’ai trouvé, dans la plume d’une femme, d’une étrangère, une telle énergie, une telle puissance d’impression.

443. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

Comme toutes les très riches natures, développées à outrance par nos infernales civilisations, lesquelles nous donnent des ambitions encore plus nombreuses que nos puissances, Mme Émile de Girardin fut, intellectuellement, un être multiple. […] Mais ce fut une de ses faiblesses que cette puissance-là !

444. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire de la Révolution »

Quoiqu’il se garde bien de nous en faire la théorie, sa philosophie fataliste et révolutionnaire saute aux yeux dès les premières pages, et elle y est élevée à une puissance telle qu’elle ne discute plus, qu’elle ne déclame plus, mais que, sûre d’elle-même, elle est profondément indifférente à tout ce qui n’est pas la Révolution et son résultat. […] Ce n’est pas tout à fait l’amour de la force qui le fait révolutionnaire, c’est même un amour de la faiblesse, puisque c’est l’amour de l’égalité ; mais c’est l’amour de la force qui le range toujours, ce révolutionnaire absolu, mais non pas farouche, du côté où il y a une puissance bien démontrée telle, qu’on l’appelle Convention, Montagne, Commune, Proconsulat, Dictature, Empire !

445. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

Elles prirent bien Robespierre pour ce qu’il était, — c’est-à-dire pour la Terreur elle-même, pour la Terreur faite homme ; car il faut que toute force se fasse homme pour être davantage et pour avoir toute la puissance de ce qu’il y a de plus puissant au monde : — l’Unité. […] Mais les habitudes du savant, du chercheur, de l’observateur, l’ont emporté sur les puissances de l’artiste.

446. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XII. MM. Doublet et Taine »

— comme tous les philosophes, que nos puissances se surajoutent les unes aux autres, quand c’est le contraire qui est vrai. […] Nos puissances tombent en poussière à mesure que nous avançons dans la vie, et la vie elle-même n’est qu’un germe supérieur que nous décomposons jusqu’à la mort, Quant aux procédés de M. 

447. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Bossuet et Fénelon adossés, appuyés l’un à l’autre, formeraient, ajoute-t-on, le génie complet, l’idéal du génie chrétien dans sa douceur et dans sa puissance. […] Quand Bossuet sera devenu un grand évêque, quand la gloire l’aura apporté à la puissance, quand il sera presque un homme d’État, presque un ministre, l’intermédiaire entre Rome et la France, nous rentrerons dans les conditions de l’histoire générale et nous saurons si l’excellent biographe s’élèvera jusqu’à l’historien.

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