Ce jeune prodige passa ensuite en Angleterre, où Cromwell le combla de bienfaits ; chose étonnante de la part d’un sombre esprit & d’une ame aussi farouche que celle de ce Tyran d’Angleterre ; il alla en Perse, où les Muses ne le suivirent pas sans doute, car il n’a plus rien produit depuis.
Tantôt esclave à Alger, tantôt Voyageur en Laponie, il abandonnoit l'étude & la composition, & n'y revenoit que par l'impulsion de son génie, qui le forçoit, en quelque maniere, à produire malgré lui.
Dans la seconde partie de cette étude, poussant plus loin les premières analyses que l’on avait instituées, on en vint à découvrir que cette conception de la vérité dont on se réclamait pour décréter l’imperfection de la connaissance humaine, était elle-même un produit de cette aptitude de l’esprit à concevoir les choses autres qu’elles ne sont.
Le rapport à établir entre le châtiment et l’offense peut produire ensuite dans le purgatoire tous les charmes du sentiment.
Mais comme en françois l’effet que les terminaisons latines produisent dans l’esprit y est excité d’une autre maniere que par les terminaisons, il ne faut pas donner à la maniere françoise les noms de la maniere latine. […] Ainsi blancheur n’est qu’un terme abstrait : c’est le produit de notre réflexion à l’occasion des uniformités des impressions particulieres que divers objets blancs ont faites en nous ; c’est le point auquel nous rapportons toutes ces impressions différentes par leur cause particuliere, & uniformes par leur espece. […] C’est le méchanisme de la parole qui produit toutes ces variétés, qui paroissent des bisarreries ou des caprices de l’usage à ceux qui ignorent les véritables causes des choses. […] Il seroit à souhaiter que chacun de ces alphabets eut été dressé par des personnes habiles, après un examen raisonnable ; il y auroit alors moins de contradictions choquantes entre la maniere d’écrire & la maniere de prononcer, & l’on apprendroit plus facilement à lire les langues étrangeres : mais dans le tems de la naissance des alphabets, après je ne sai quelles révolutions, & même avant l’invention de l’Imprimerie, les copistes & les lecteurs étoient bien moins communs qu’ils ne le sont devenus depuis ; les hommes n’étoient occupés que de leurs besoins, de leur sûreté & de leur bieu-être, & ne s’avisoient guere de songer à la perfection & à la justesse de l’art d’écrire ; & l’on peut dire que cet art ne doit sa naissance & ses progres qu’à cette sorte de génie, ou de goût épidémique qui produit quelquefois tant d’effets surprenans parmi les hommes. […] Quand une fois ce concours a produit son effet, & que l’usage de la prononciation est établi, il n’y a aucun particulier qui soit en droit de s’y opposer, ni de faire des remontrances à l’usage.
Quelques scènes heureuses, de beaux vers, plutôt des rôles que des caractères, l’amour sous la forme de la galanterie, des pièces dont les meilleures laissent une impression d’estime pour l’auteur plutôt que le souvenir de personnages vivants ; l’art demeurant dans les grandes voies, mais sans produire d’effets nouveaux ; une langue saine dans les bons endroits, incorrecte, vague, sans couleur dans le reste, et, là même où elle est irréprochable, paraissant fatiguée ; telle est la tragédie dans les mains des imitateurs de Corneille et de Racine. […] Le commencement du dix-huitième siècle vit paraître un auteur qui était d’ambition à tout changer, et qui avait assez de talent pour produire des nouveautés durables : c’est Crébillon. […] Il crut que plus de rapidité dans l’action produirait des effets nouveaux, que plus de spectacle ajouterait à la vraisemblance, que le plaisir des yeux rendrait plus vif le plaisir de l’esprit. […] La critique peut parler sévèrement des tragédies médiocres, en les comparant à l’idéal ; mais dans sa sévérité pour l’œuvre, elle doit faire sentir son estime pour l’ouvrier, et ne jamais perdre de vue ce qu’il faut de mérite même pour ne pas réussir, et tout ce qui sépare le talent de produire du talent de juger.
Le plan de ce cours familier, et pour ainsi dire dialogué de littérature, ne nous astreint pas tellement à l’ordre chronologique du génie, qu’il nous soit interdit de faire de temps en temps des retours sur notre propre siècle, de parler des œuvres remarquables qui s’y produisent, des écrivains d’élite dont les talents le décorent, ni surtout d’y déplorer la perte de ceux que nous y avons le plus aimés. […] Ce ne serait pas même rendre justice à la nature ; elle fond d’un seul jet l’âme et le corps, et elle ne permet pas qu’on les sépare, sans mutiler l’impression qu’elle veut produire en nous par les chefs-d’œuvre de sa création. […] Il n’y a pas de langue humaine à la mesure de ces sensations produites par ces jeux de la toute-puissance divine : la masse d’un fleuve à qui son lit manque tout à coup ; la profondeur incommensurable de l’abîme qui l’engloutit ; la pulvérisation en écume par la seule résistance de l’air qu’il écrase en tombant ; la nappe transformée à vue en vapeurs qui se dispersent au vent de leur propre volatilisation, et qui fuient aux quatre coins du ciel comme une volée d’oiseaux gigantesques, ou qui se cramponnent aux flancs perpendiculaires de la montagne, comme des Titans précipités cherchant à se retenir aux corniches du firmament ; les transparences vertes ou azurées des langues d’eau que la rapidité, l’impulsion et le poids du fleuve arqué en pont sur l’abîme, au moment où elles rencontrent tout à coup le vide, semblent cristalliser ; la lumière du soleil levant qui les transperce, et qui s’y fond en mille éclaboussures avec tous les éblouissements du prisme ; le choc en bas, le bruit en haut, l’orage éternel, la transe sublime qui serre le cœur, et qui ne trouve pas même un cri pour répondre à ce foudroiement de l’esprit. […] Madame Gay s’était faite elle-même le piédestal de sa fille ; on la raillait de son empressement à la produire et à faire admirer ses perfections : mais qu’y a-t-il de plus innocent et de plus désintéressé que de vouloir faire éclater aux yeux du monde le prodige qu’une mère a trouvé dans le berceau de son propre enfant ?
Toutefois il y a une certaine manière de comprendre et d’interpréter qui exclut l’effort, et il y en a une autre qui, sans l’impliquer nécessairement, est généralement observable là où il se produit. […] Sans doute le sentiment de l’effort ne se produit pas toujours dans cette opération. […] Le sentiment de l’effort d’intellection se produit sur le trajet du schéma à l’image. […] Nous avons montré qu’il se produit dans la transition du schéma à l’image.
Pourquoi, nature si riche, ne produit-il pas au dehors ses fruits naturels ? […] qui l’a produite ?
Cousin d’avoir remis en honneur, même au prix de quelque exagération, certaines figures trop oubliées du xviie siècle, d’avoir produit quantité de pièces inédites, et d’avoir prêché hautement pour la révision et la collation des textes déjà altérés de nos grands auteurs. […] — Lui, c’était avec éclat que tout se produisait, avec une sincérité du moment qui ressemblait à de l’enthousiasme, et qui, une fois qu’on était averti et aguerri, admettait une part de comique, mais du comique du plus haut caractère.
Un poème qui, lu sans prévention, produit sur des juges délicats, sur des amateurs éclairés et sensibles, un tel effet d’intérêt gradué, d’action successive et de magnifique accomplissement, attestera toujours, quoi qu’on puisse dire, et sauf les parties plus ou moins accessoires, la main et le génie principal d’un seul. […] Dugas-Montbel (je le cite comme plus à portée de tout lecteur) commence par produire les deux scholies qui servent de base au système ; l’une des deux renferme une erreur grossière, et c’est pourtant sur ce scholiaste inepte qu’on s’appuie, en même temps qu’on trouve moyen d’infirmer le témoignage gênant de Plutarque, qui tendrait à faire remonter jusqu’à Lycurgue l’existence prouvée des poëmes homériques.
Ce personnage de Simiane à côté de Rousseau est vrai ; celui-ci a eu de tels amis, ses égaux d’esprit et d’âme, et obscurs ; on peut relire l’éloquente page qu’il consacre à la mémoire de l’un d’eux : « Ignacio Emmanuel de Altuna était un de ces hommes rares que l’Espagne seule produit, et dont elle produit trop peu pour sa gloire…31. » Simiane est un de ces Emmanuels de Jean-Jacques, restés inconnus.
Les idées en elles-mêmes sont indépendantes de l’effet qu’elles produisent ; mais le style ayant précisément pour but de faire adopter aux hommes les idées qu’il exprime, si l’auteur n’y réussit pas, c’est que sa pénétration n’a pas encore su découvrir la route qui conduit à ces secrets de l’âme, à ces principes du jugement dont il faut se rendre maître pour ramener à son opinion celle des autres. […] Lorsqu’on se sert d’un mot nouveau, il faut qu’il soit bien prouvé, pour tous ceux qui savent lire, qu’il n’existait pas dans la langue un autre terme qui rendit précisément la même nuance de pensée, ni une tournure heureuse qui dût produire une égale impression.
Supposez que cet homme, au lieu de faire fructifier ce capital honorablement et fidèlement pour ceux auxquels il en doit le produit, stérilise, enfouisse, anéantisse ce capital en se croisant les bras par fausse dignité ou par insouciance d’autrui : que fait cet homme ? Il fait banqueroute de lui-même à ceux auxquels il doit le produit de son activité et le pain de leur vie.
Ce qui, chez l’un, découle d’un amour savant et puissant de la forme est produit, chez l’autre, par l’intensité et par la spontanéité de la passion. […] Le choix et l’agencement des mots, le mouvement général et le style, tout concorde à l’effet produit, laissant à la fois dans l’esprit la vision de choses effrayantes et mystérieuses, dans l’oreille exercée comme une vibration multiple et savamment combinée de métaux sonores et précieux, et dans les yeux de splendides couleurs.
On voit que sur le théâtre des Gelosi et dans les comédies même, l’élément comique ne prévalait pas exclusivement ; le sentiment, la passion et le drame y tenaient une bonne place ; la bouffonnerie n’y était souvent qu’accessoire et épisodique, et ainsi mesurée elle n’en produisait sans doute qu’un plus grand effet. […] Parlant des comédiens antérieurs aux Gelosi, « ils n’hésitaient pas, dit-il, à pousser la vraisemblance jusqu’à faire comparaître sur la scène un homme nu, s’échappant d’un incendie nocturne, ou une femme dépouillée par des brigands, attachée à un arbre par quelques lambeaux d’étoffe, et à produire d’autres spectacles du même genre ou plus indignes encore d’être mis sous les regards de galants hommes14 ».
Supposons les orangers atteints d’une maladie dont on ne puisse les guérir qu’en les empêchant de produire des oranges. Cela ne vaudrait pas la peine, puisque l’oranger qui ne produit pas d’oranges n’est plus bon à rien.
M. de Montalembert a commencé de bonne heure et presque adolescent à se produire par la parole. […] Ceux dont la voix n’est pas l’organe expressif et sensible de ces moindres nuances du dedans ne sont pas faits pour produire, comme orateurs, des impressions pénétrantes.