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526. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

— Quels sont donc, alors, les dogmes que vous prétendez inscrire dans vos symboles ? […] Ne faut-il pas avoir vécu la houleuse adolescence de Raymond Lulle pour prétendre à l’ars magna ? […] Définition à part, je crois avoir deviné ce qu’ils prétendent réaliser. […] Ils prétendent que oui ! […] Ils chavirent la langue de fond en comble, sans rime ni raison, et ils prétendent que c’est évocatoire !

527. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Les figures qui apparaissent, la nuit de la Saint-Sylvestre, dans le plomb fondu où les bonnes gens prétendent lire l’avenir, seraient les symboles exacts de leur profondeur. […] Prétendre que le monde se détourne de la science parce que la méthode « empirique », c’est-à-dire la méthode scientifique de l’observation et de l’enregistrement des faits, a subi un naufrage, cela est ou un mensonge conscient ou de l’irresponsabilité intellectuelle. […] Le symbolisme, toutefois, ne prétend pas être seulement un retour à la foi, mais aussi une nouvelle théorie de l’art et de la poésie. […] Mais tandis que ceux-là prétendent élever les beaux-arts à un rang plus haut qu’il ne leur convient, ceux-ci dégradent considérablement le mot. […] Élever au rang d’un principe d’art l’attachement réciproque, la transposition, la confusion des perceptions de l’ouïe et de la vue ; prétendre voir de l’avenir en ce principe, c’est proclamer comme un progrès le retour de la conscience humaine à celle de l’huître.

528. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Il parle une fois très sensément contre l’astrologie judiciaire ; il paraît avoir une conception assez juste et assez saine du système du monde ; il démontre par des considérations physiques et naturelles la chimère qu’il y a à prétendre tirer des horoscopes sur la fortune des hommes ; et l’instant d’après, parlant d’un voyage en mer que fait devant Dieppe la princesse Marie et d’un vent violent qui, se levant tout d’un coup, aurait pu la mettre en danger : « Cela me fit souvenir, dit-il, d’un songe que j’avais eu la nuit précédente pour un certain débordement d’eaux que je m’étais imaginé, comme il arrive assez souvent. » Il ne croyait pas à l’astrologie, et il a l’air de croire aux songes. […] Le règlement qu’il présente à l’adoption de l’archevêque de Tours est plus extérieur qu’intérieur, plus économique que moral ; il ne prétend que remettre le bon ordre administratif et la décence dans la communauté, auprès de laquelle il est destiné à résider le plus habituellement : pas autre chose.

529. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Guizot le ministre spécial qui se contenta assez longtemps de présider à l’Instruction publique, et le ministre politique qui prétendit à diriger l’intérieur et l’extérieur du pays, et qui remplit en dernier lieu (sauf accident final) sa fameuse période de sept années. […] Il n’en sortira, certes, pas grand bien encore ; mais c’est déjà beaucoup que cette émeute parlementaire, dont les chefs ne me paraissent pas avoir pressenti toutes les conséquences. » Le bonhomme se frotte les mains ; et prévoyant que la nouvelle monarchie pourrait bien, comme l’autre, prendre un jour la route de Cherbourg : « La Coalition, répète-t-il, vient de lui porter un coup qui laissera des cicatrices, et je vous avoue que je n’aurais rien conçu à ces attaques dirigées par des hommes qui se prétendent monarchiques, si les ambitions personnelles n’expliquaient bien des choses.

530. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

les uns ont Rome et le Vatican pour première idole, et ils sont prêts à tout y sacrifier ; les autres ont Westminster et le Parlement anglais, qui devient une idole aussi, dès qu’on prétend, coûte que coûte, et tel quel, nous l’appliquer. […] Je ne prétends pas dire qu’un esprit de cette qualité ne pourrait pas suffire à autre chose et nous donner plus et mieux encore qu’il ne nous donne aujourd’hui.

531. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

il prétend se passer d’un seul ; il ne veut qu’une force génératrice, partout la même, vague, diffuse, infinie, sacrée, féconde, enivrante, qui éclate dans le printemps : It ver et Venus, et Veneris prænuntius ante Pinnatus graditur Zephyrus…………… ; une force qui se joue et se diversifie en toutes les saisons et jusque dans les destructions passagères qui ne font que déplacer et transférer la vie. […] Mais, sans prétendre ici évaluer les mérites et faire la part exacte de chacun, une leçon de goût ressort, pour nous, de la comparaison avec les anciens peintres de l’école de la périphrase.

532. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Sans faire le militaire et sans prétendre juger, on peut et l’on doit comprendre. […] C’est une immense impertinence que de prétendre occuper si longuement les autres de soi, c’est-à-dire de son style.

533. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Que l’on me permette cependant de ne pas fuir l’illustre souvenir et de l’aborder même de front, résolument : sans prétendre établir aucun rapprochement en effet, il y a lieu de se rendre compte de la différence des temps, de celle des points de vue, et d’apprécier de nouveau et en tout respect, mais aussi en pleine connaissance de cause, la plus mémorable des œuvres qu’a laissées Bossuet après ses Oraisons funèbres. […] S’il n’était qu’un abréviateur, s’il n’avait prétendu que faire un abrégé chronologique, il se trouverait inférieur peut-être dans le détail à ces deux élégants écrivains que j’ai cités : mais il a voulu bien autre chose, il a un bien autre but.

534. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Il ne faut pas que le secrétaire se presse et empiète sur son chef, qu’il devance d’une minute son moment, qu’il commence par en faire à sa tête et par se poser en personnage, sur un pied à lui, comme Chateaubriand prétendit faire à Rome avec le cardinal Fesch ; il ne faut pas qu’il laisse soupçonner ni percer, comme on l’a vu récemment chez un secrétaire revêtu d’un nom illustre (Bellune), une inclination politique différente de celle de son ministre : cela est élémentaire ; il faut qu’il vive en parfaite harmonie et ne fasse qu’un avec lui, qu’il s’efface soigneusement et qu’il s’éclipse, et en même temps toutefois qu’il se tienne tout prêt, le cas échéant, à le remplacer, à le suppléer, à faire même, s’il y a urgence, un pas décisif sans lui ; il peut, sous ce titre secondaire, être chargé par intérim de missions délicates et d’une haute importance. […] La crise à laquelle il assistait n’était pas moindre qu’à Naples, mais le contraste était frappant ; il y put lire dans une autre âme, dans celle du pontife, une âme inflexible et douce, moins résignée encore qu’encline au martyre et comme altérée de persécution ; il fut agent passif, non insensible, dans cette pression pénible et violente que la politique de Napoléon prétendit exercer sur Pie VII.

535. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Avec sa nature d’esprit et ses habitudes, Rousseau pouvait-il prétendre à l’être ? […] Dès le début, il voudrait nous faire croire qu’il est en lutte avec le génie comme avec Protée ; mais tout cet attirail convenu de regard furieux, de ministre terrible, de souffle invincible, de tête échevelée, de sainte manie, d’assaut victorieux, de joug impérieux, ne trompe pas le lecteur, et le soi-disant inspiré ressemble trop à ces faux braves qui, après s’être frotté le visage et ébouriffé la perruque, se prétendent échappés avec honneur d’une rencontre périlleuse.

536. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

La comédie française s’en montra plus d’une fois jalouse : les Italiens jouaient des pièces françaises ; les comédiens français prétendirent qu’ils n’en avaient pas le droit. […] On prétend que dans une pièce intitulée : La Fausse Prude, Mezzetin (Angelo Costantini) s’était permis des allusions satiriques à madame de Maintenon.

537. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Elle est dangereuse à moins qu’elle ne s’asservisse à la religion laïque qui n’est pas encore promulguée, mais pour la Bible de laquelle tant de fidèles demandent à souscrire ; la science est dangereuse parce qu’elle est autonome, et que nul ne saurait prévoir les conclusions qu’elle commandera et qui contrediront peut-être les dogmes moraux improvisés ; l’art est à proscrire aussi, s’il ne veut pas servir, s’il prétend vivre pour lui-même, non pour l’adorable je ne sais quoi dont de tendres consciences ont cure. […] N’est-ce pas Barrès qui avançait ces noms, Barrès qui ses passionne lui-même pour l’énergie, et contre qui cependant prétendent aller ces évangiles ?

538. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

De concert avec l’abbé de Ciron, elle posa les bases de l’institut nouveau qu’elle prétendait fonder ; elle dressa les Constitutions de la congrégation dite de l’Enfance, ainsi nommée parce qu’il s’agissait d’y honorer particulièrement la divine enfance de Jésus-Christ. […] Les secondes devaient être des filles de condition inférieure, mais honorable encore ; celles-ci ne pouvaient prétendre qu’aux charges moindres et secondaires, sauf le cas d’une dispense extraordinaire que se réservait d’octroyer la fondatrice.

539. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Reverse sur les peuples fanatiques l’ignominie dont ils ont prétendu couvrir ceux qui les instruisaient, et qui leur disaient la vérité. […] On a prétendu que l’ordonnance était inséparable de l’expression.

540. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

On prétend que le livre a réussi parce qu’il a trompé l’acheteur et que tous les lecteurs se sont crus capables de devenir bons écrivains. […] Albalat ne prétend pas qu’on puisse en vingt séances, d’une heure ou deux, apprendre l’art d’écrire comme le patinage ou la valse à trois temps.

541. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

l’enfant gâtée du public qu’elle fut toute sa vie, se retrouve dans la légèreté avec laquelle elle nous affirme, après tant d’années d’effet funeste sur l’imagination contemporaine, qu’elle est innocente comme l’enfant qui vient de naître ; — et prétend nous imposer, rien qu’en se récriant, une opinion qui demanderait qu’on se mît en quatre pour la prouver ; se flattant sans doute qu’à son premier petit souffle, — tout-puissant, — elle nous fera tourner comme des girouettes ! […] Mme Sand ne l’est point, et comme elle ne l’est pas et que personne n’a jamais prétendu qu’elle le fût, je n’ai pas à me préoccuper de son prudhommisme d’idées, s’il y en a dans ses ouvrages ; tandis qu’au contraire j’ai à m’occuper — et beaucoup !

542. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

Nous prétendons que la thèse repose sur une ambiguïté dans les termes, qu’elle ne peut pas s’énoncer correctement sans se détruire elle-même, que l’affirmation dogmatique du parallélisme psychophysiologique implique un artifice dialectique par lequel on passe subrepticement d’un certain système de notation au système de notation opposé sans tenir compte de la substitution. […] Dire que la matière existe indépendamment de la représentation, c’est prétendre que sous notre représentation de la matière il y a une cause inaccessible de cette représentation, que derrière la perception, qui est de l’actuel, il y a des pouvoirs et des virtualités cachées : enfin c’est affirmer que les divisions et articulations visibles dans notre représentation sont purement relatives à notre manière de percevoir.

543. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VII : Théorie de la raison par M. Cousin »

Ainsi, mes sens me donnent l’idée d’un corps étendu ; la théorie prétend que par aucun moyen je ne pourrai tirer de cette idée la notion de l’étendue infinie qu’on appelle l’espace. Je me connais moi-même par la conscience, et je juge qu’entre autres qualités, la faculté de sentir appartient à mon être ou à ma substance ; la théorie prétend que de ce jugement particulier je ne pourrai jamais tirer le jugement universel ou axiome : toute qualité suppose une substance. 

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