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354. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Mais le nom de cet homme est comme une momie, Sous les baumes puissants pour toujours endormie, Sur laquelle jamais l’herbe ne poussera. […] Sombre et dernier soupir que poussera la terre, Quand elle tombera dans l’éternelle nuit  Oh ! […] Cette tristesse qui n’est que le sentiment douloureux du vide pousse les uns au suicide, les autres à la religion ; entre quelques rares éclats de gaieté on entend dans sa poésie je ne sais quels longs soupirs qui trahissent une salutaire souffrance sous ce masque de rieur. […] Clouerons-nous au poteau d’une satire altière Le nom sept fois vendu d’un pâle pamphlétaire, Qui, poussé par la faim, du fond de son oubli, S’en vient tout grelottant d’envie et d’impuissance, Sur le front du génie insulter l’espérance, Et mordre le laurier que son souffle a sali ? […] Mais parfois, au milieu du divin sacrifice, Fatigué de mourir dans un trop long supplice, Il craint que ses enfants ne le laissent vivant ; Alors il se soulève, ouvre son aile au vent, Et se frappant le cœur avec un cri sauvage, Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu, Que les oiseaux des mers désertent le rivage Et que le voyageur attardé sur la plage, Sentant passer la mort, se recommande à Dieu.

355. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Poussés par une tendance invincible à tout anthropomorphiser, nous répugnons à concevoir un objet privé d’âme et une idée sans un corps qui la soutienne. […] L’un et l’autre possèdent un don d’imagination poussé à ses limites. […] Il suffit d’avoir montré de quel élan le poète d’Intérieur a poussé l’inspiration créatrice contemporaine vers des états d’âme intimes. […] Nous le verrons d’abord se chercher, pousser des prolongements dans tous les domaines de l’activité intellectuelle. […] Toute vérité qu’on pousse trop loin se fausse, disait M. 

356. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Quelqu’un a dit : La Fontaine poussait des fables, Tallemant portait des anecdotes, Pétrarque distillait des sonnets, Piron éternuait des épigrammes. […] Le logis et la classe sont en guerre : d’un côté, l’on prêche le positif ; de l’autre, on vous pousse ou l’on vous poussait au jeu de poésie. […] Une particularité de composition, chez Piron, et qui lui est commune avec d’autres poëtes, mais qu’il poussait plus loin qu’aucun, c’est qu’il travaillait de mémoire ; il avait non pas lu, mais récité ses Fils ingrats à l’assemblée des comédiens, de manière que la pièce avait été reçue avant que l’auteur en eût écrit un seul vers. […] Je suis las du tête-à-tête avec lui ; je ne les aime qu’avec de bonnes gens… Je ne lui en donnai que pour son argent, par l’inutilité qu’il y aurait eu de le pousser à un certain point entre quatre-z-yeux ; mais demain qu’il y aura grande compagnie, je l’attends. […] Le critique du temps qui a le mieux parlé de Piron, et le plus philosophiquement, est Grimm ; il l’a jugé comme une pure matière organisée, un admirable automate formé et monté par la nature pour lancer saillies et épigrammes : « En l’examinant de près, dit-il, on voyait que les traits s’entre-choquaient dans sa tête, partaient involontaires, se poussaient pêle-mêle sur ses lèvres, et qu’il ne lui était pas plus possible de ne pas dire de bons mots, de ne pas faire des épigrammes par douzaine, que de ne pas respirer.

357. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Il pousse de petits cris d’espièglerie joyeuse : « Oh ! […] Cet accès de lyrisme où les folies les plus poétiques naissent des banalités les plus vulgaires, semblables à des fleurs maladives qui pousseraient dans un vieux pot cassé, expose dans ses contrastes naturels et bizarres toutes les parties de l’imagination de Dickens. […] Il pousse ses personnages dans l’absurde avec une intrépidité rare. […] Voici les conseils de ce goût public, d’autant plus puissants qu’ils s’accordaient avec son inclination naturelle, et le poussaient dans son propre sens : « Soyez moral. […] Il pousse plus audacieusement ses affaires et se ruine ; il va se tuer.

358. (1925) La fin de l’art

Je le sais, il vaudrait mieux regarder tomber la pluie philosophiquement, mais le démon de l’ennui, de la peur de l’ennui, nous pousse, et l’on devient si lâche dès que l’on sort de ses habitudes ! […] Le père pousse sa fille à se faire épouser par un jeune homme riche, puis voyant qu’il ne survient pas d’héritier, imagine de le procréer lui-même, et, à la grande joie du jeune monstre, devient son amant et la rend mère. […] Et comme on donne la préférence à la femme qui pousse le plus loin l’art de plaire, on choisirait le livre le mieux rempli de bonnes intentions. […] Mais l’épée vint toute seule, laissant le fourreau, la dame se réveilla soudain, poussa un cri et des domestiques accourus la trouvèrent épouvantée devant un Académicien, l’épée nue à la main ! […] Et là où la vigne ne pousse pas, de tout temps aussi les hommes s’étaient créé diverses boissons alcooliques, cidre, bière, d’autres encore, et tout cela était considéré comme un bienfait quotidien.

359. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Mais, dès maintenant nous pouvons parler du corps comme d’une limite mouvante entre l’avenir et le passé, comme d’une pointe mobile que notre passé pousserait incessamment dans notre avenir. […] Et comme l’acquisition de ces souvenirs par la répétition du même effort ressemble au processus déjà connu de l’habitude, on aime mieux pousser ce genre de souvenir au premier plan, l’ériger en souvenir modèle, et ne plus voir dans le souvenir spontané que ce même phénomène à l’état naissant, le commencement d’une leçon apprise par cœur. […] Si le sujet voit disparaître la série de lettres dont il croyait avoir retenu l’image, c’est surtout pendant qu’il commence à les répéter : « cet effort semble pousser le reste de l’image hors de la conscience 12 ». […] D’ordinaire, pour remonter le cours de notre passé et découvrir l’image-souvenir connue, localisée, personnelle, qui se rapporterait au présent, un effort est nécessaire, par lequel nous nous dégageons de l’action où notre perception nous incline : celle-ci nous pousserait vers l’avenir ; il faut que nous reculions dans le passé. […] Entendre la parole, en effet, c’est d’abord en reconnaître le son, c’est ensuite en retrouver le sens, c’est enfin en pousser plus ou moins loin l’interprétation : bref, c’est passer par tous les degrés de l’attention et exercer plusieurs puissances successives de la mémoire.

360. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIV » pp. 209-212

Mais Libri n’est pas éclectique ; c’est un philosophe du xviiie  siècle qui pousse sa pointe à travers ce débat et ne songe qu’à frapper son vieil ennemi.

361. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 104-107

Nous l’avertirons que ce n’est pas assez de savoir coudre les lambeaux étrangers à son Ouvrage, & dont on reconnoît d’abord la friperie ; de pousser de grandes exclamations sur le mérite de Voltaire ; d’avoir été admis à compulser les Archives du Mercure ; de nous reprocher habilement d’avoir omis quantité d’Ouvrages qui étoient sous presse, & qu’il ne nous étoit pas possible de connoître.

362. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 121-125

L’Abbé de Marolles, le plus méprisé aujourd’hui de tous les Traducteurs, n’a pas poussé la servitude jusque là.

363. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Préface »

Nous avons pensé que les droits de la méthode expérimentale sont absolus, et que nul ne peut interdire au savant de la pousser aussi loin qu’il lui est possible.

364. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Ils ont trop désiré, trop impétueusement, d’un élan insensé, comme un cheval sans bouche, et désormais leur destin intérieur les pousse dans le gouffre qu’ils voient et ne veulent plus éviter. […] Gœthe pousse l’affectation d’orthodoxie jusqu’à inscrire au-dessous de chacun son nom latin et sa niche dans la Vulgate1288. […] L’Angleterre conservatrice et protestante ; après un quart de siècle de guerres morales et deux siècles d’éducation morale, avait poussé à bout sa sévérité et son rigorisme, et l’intolérance puritaine, comme jadis en Espagne l’intolérance catholique, mettait les dissidents hors la loi. […] Là-dessus il se met en quête d’un héros, et n’en trouve pas, ce qui, dans ce siècle peuplé de héros, est « bien étrange. » Faute de mieux il prend « notre vieil ami don Juan », choix scandaleux : quels cris vont pousser les moralistes d’Angleterre ! […] Qui, au contraire, ne se sentira ému d’admiration au spectacle de ces puissances grandioses qui, situées au cœur des choses, poussent incessamment le sang dans les membres du vieux monde, éparpillent l’ondée dans le réseau infini des artères et viennent épanouir sur toute la surface la fleur éternelle de la jeunesse et de la beauté ?

365. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

» criait tout à coup un pâtre qui poussait devant lui son troupeau de bétail à demi sauvage. […] Yégor et moi, nous descendîmes du telega, que Kondrate poussa dans un épais massif, pour mettre les chevaux à l’abri d’énormes cousins à aigrette. […] Il poussa un soupir, tira sa couverture sur lui et finit par s’endormir. […] Le lendemain, Lavretzky se leva d’assez bonne heure, causa avec le starosta, visita la grange, fit délivrer de sa chaîne le chien de la basse-cour, qui poussa bien quelques cris, mais ne songea même pas à profiter de sa liberté. […] Les exclamations de joie des petites filles retentissaient sans cesse ; Maria Dmitriévna poussa une ou deux fois un petit cri de satisfaction préméditée.

366. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

— Il est vrai qu’il poussait cela un peu loin ; l’avouerai-je ? […] n’a-t-on pas poussé l’extravagance et la cruaauté jusqu’à allumer des bûchers, jusqu’à faire couler le sang au nom du Dieu très-bon ? […] Est-il besoin de remarquer que l’auteur oublie de pousser assez loin la citation et l’allusion, qu’il s’arrête avant 1688, avant Guillaume et la Déclaration des droits ? […] Qu’y a-t-il d’étonnant qu’il se soit mainte fois échappé à trop dire, à trop pousser ses ultra-vérités ? […] Son esprit confiné en Russie, dans ce belvédère trop lointain, continua de conclure, de pousser sa pointe et de faire son chemin tout seul.

367. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — De l’état de savant. » pp. 519-520

Une académie ou un corps de savants ne doit être que le produit des lumières poussées jusqu’à un certain degré de perfection et très-généralement répandues ; sans cela, stipendiée par l’État, elle lui coûte beaucoup, ne subsiste que par des recrues et ne rend aucun fruit.

368. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « Appendice »

De même que l’Epoux de Hèrè lance la foudre, ce grand brui précurseur des batailles amères, ou de la pluie abondante, ou de la grêle pressée, ou de la neige qui blanchit les campagnes ; de même Agamemnôn poussait de nombreux soupirs du fond de sa poitrine, et tout son coeur tremblait quand il contemplait le camp des Troiens (sic) et la multitude des feux qui brûlaient devant Ilios, etc.‌

369. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Amoureux de Naples, il poussa ses excursions jusqu’en Grèce, avec Ampère et Charles Lenormant. […] Jamais on n’a poussé plus loin l’art de la destruction. […] La même ardeur qui le pousse à jouer un rôle en fait un personnage d’opposition. […] Tout à coup, il poussa un cri. […] C’est alors qu’on pousse à pleins poumons le terrible cri : l’irrintzina !

370. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Je crois inutile de pousser plus loin cette analyse. […] Il a dans les veines le pur-sang des Gaules ; il pousse jusqu’au fétichisme le culte de son pays. […] Pierre se contente d’errer dans les forêts et de pousser de profonds soupirs. […] Il se sent poussé par une impérieuse vocation vers le métier de marin. […] Eux, de leurs bâtons, poussent la porte.

371. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

L’été suivant, je poussai jusqu’à Nijni-Novgorod, à l’époque de la foire, ce qui est le point le plus éloigné de Paris que j’aie atteint. […] Comme ce n’est pas une critique littéraire, mais une étude biographique que nous faisons, nous ne pousserons pas plus loin ces remarques, qu’il suffit d’indiquer. […] Où le plaisir fut silencieux, la douleur pousse un soupir. […] La dette était derrière lui qui lui poussait le coude. […] Il dédaigne la prose comme indigne de l’homme, et il pousse l’amour de la poésie jusqu’au parfait abandon de soi-même et au sacrifice le plus absolu des nécessités de la vie.

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