/ 2374
792. (1890) L’avenir de la science « A. M. Eugène Burnouf. Membre de l’Institut, professeur au Collège de France. »

Ce n’est point une pensée banale, Monsieur, qui me porte à vous adresser cet essai.

793. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Il ne leur faut qu’un seul mobile, le plus simple et le plus palpable, tout grossier, presque mécanique, tout physiologique, l’inclination naturelle qui porte l’animal à fuir la douleur et à chercher le plaisir. « La douleur et le plaisir, dit Helvétius, sont les seuls ressorts de l’univers moral, et le sentiment de l’amour de soi est la seule base sur laquelle on puisse jeter les fondements d’une morale utile… Quel autre motif que l’intérêt personnel pourrait déterminer un homme à des actions généreuses ? […] — L’essieu de sa chaise vient-il à se rompre, tout vole à son secours. — Fait-on du bruit à sa porte, il dit un mot et tout se tait. — La foule l’incommode-t-elle, il fait un signe et tout se range. — Un charretier se trouve-t-il sur son passage, ses gens sont prêts à l’assommer, et cinquante honnêtes piétons seraient plutôt écrasés qu’un faquin retardé dans son équipage. — Tous ces égards ne lui coûtent pas un sol ; ils sont le droit de l’homme riche, et non le prix de la richesse. — Que le tableau du pauvre est différent ! […] Toutes les portes lui sont fermées même quand il a le droit de les faire ouvrir, et, s’il obtient quelquefois justice, c’est avec plus de peine qu’un autre obtiendrait grâce. […] Il porte toujours, outre sa charge, celle dont son voisin plus riche a le crédit de se faire exempter.

794. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

J’ai vu naître moi-même cette fantaisie royaliste, et non cette politique sérieuse, dans le cabinet d’un ministre des affaires étrangères des Bourbons que je ne nommerai pas ; mais je dois attester que cette fantaisie diplomatique, que les historiens de cette époque prennent aujourd’hui au sérieux, n’alla jamais plus loin que la porte de ce cabinet, et qu’elle ne fut jamais qu’un sujet de conversation entre des diplomates français étourdis et impatients des tracasseries de l’Autriche contre nous, forfanterie de cabinets, politique désespérée qu’on jette au vent comme une menace, mais qui ne retombe que sur ceux qui ont rêvé l’absurde ou imaginé l’impossible. […] Sont-ils enfin d’amener ainsi le contact si lourd et si direct d’un tel empire avec la France par la Méditerranée, en lui livrant les portes des Dardanelles et en faisant de Marseille et de Toulon des frontières maritimes de la Russie ? […] Voyez, même à Jérusalem, la rixe incessante des Grecs schismatiques et des Grecs catholiques à la porte du saint sépulcre. […] Lui devons-nous le droit exceptionnel d’invasion dans toutes les provinces neutres et dans toutes les capitales où un caprice ambitieux le porte, au nom d’une prétendue nationalité que le Piémont invoque pour lui en la foulant aux pieds chez les autres ?

795. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Ainsi, trois des façades de l’édifice ne sont que des murs sans ouvertures ; et la quatrième, par où j’entrais, offre du côté de la mer une seule porte et un péristyle, si l’on peut nommer ainsi quelques tiges de cèdre supportant un toit de chaume. […] J’ai bien oublié un voyageur plus célèbre, qui porte le même nom, et qui fut l’ami de mon oncle. […] Deux chevaux arabes étaient à ma porte, je les acceptai jusqu’au bas de la montagne. […] De temps en temps un voyageur, alors très rare, venant par curiosité frapper à sa porte, elle refusait d’ouvrir ; elle ouvrit pour Marcellus et pour moi, parce que Marcellus était un enfant, et parce qu’elle avait entendu mon nom de poète dans le monde.

796. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Mais, comme dit Chateaubriand, « le feuillage n’a de grâce que sur l’arbre qui le porte ». […] Nous parlons de vous fréquemment, et je l’aime à cause de l’attachement qu’il vous porte. — Dites, je vous prie, de ma part, à Mme de Bernardini tout ce que vous pouvez imaginer d’aimable. […] Je porte envie à votre calme, je porte envie à votre retraite dans les livres et la pensée, mais vous aussi avez connu les orages du cœur, et vous ne voudriez pas n’avoir pas eu cette intuition complète de la vie. » IX En 1810, l’empereur sachant l’arrivée de Mme d’Albany à Paris, la reçut bien, et lui parla en souverain qui veut être compris par une femme, jadis souveraine.

797. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Vous ignorez l’amour que je vous porte, Vous soupçonnez qu’aultre amour me transporte, Vous estimez mes paroles du vent, Vous dépeignez de cire, hélas ! […] On n’ouvre les portes que le matin à dix heures. […] Elle récitait les prières des agonisants, lorsqu’un coup frappé à la porte de sa chambre l’interrompit brusquement. « Que me veut-on ?  […] « Puis elle alla jusqu’à sa fenêtre, regarda le paisible horizon, la rivière, la prairie, le bois ; revenant au milieu de sa chambre, et jetant un coup d’œil sur son horloge appelée la Reale, elle dit : « Jeanne, l’heure est sonnée ; ils ne tarderont pas. » « À peine avait-elle prononcé ces mots, qu’Andrews, shériff du comté de Northampton, frappa une seconde fois à la porte. « Ce sont eux », dit Marie ; et comme ses femmes refusaient d’ouvrir, elle le leur ordonna doucement.

798. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

L’exemple qu’elle a donné est imité de toutes parts : par tout le beau Paris d’alors, autour du Louvre et du Palais-Cardinal, au Marais et dans la place Royale, les palais des princes et des seigneurs, des hôtels même de la riche bourgeoisie ouvrent leurs portes. […] « Les yeux, disait-il quelque part, sont les balcons et les portes de l’âme, fidèles témoins, vrais oracles, sûre escorte de la raison timide, et flambeaux ardents de l’obscure intelligence. […] De loin en loin, la facture d’une ode porte sa marque : mais il ne laisse en somme que deux disciples, Maynard et Racan. […] Le gai compagnon du gros comte d’Harcourt dans les tripots et dans les cabarets, Saint-Amant285, y porte une verve originale et chaude : il a le sens du trivial, parfois même du fantastique, et tel de ses sonnets a la précision vigoureuse d’une eau-forte.

799. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Tout fut donc rétabli comme avant la Révolution ; chaque porte tourna dans ses anciens gonds et, comme d’Olier à la Révolution rien n’avait subi de changement, le xviie  siècle eut un point dans Paris où il se continua sans la moindre modification. […] La théologie y est tout, et, si la direction des études y manque de force, c’est que l’ensemble du catholicisme, surtout du catholicisme français, porte très peu aux grands travaux. […] Un vivier est à l’advenüe Près la porte de ce verger, Qui, par une sente cognüe, En estang se va descharger Comme on voit les grandes rivières Se perdre au giron de la mer, Ainsi ces sources fontenières En l’estang se vont renfermer. […] Je vois encore la Rose mystique, la Tour d’ivoire, la Porte d’or, devant lesquelles j’ai passé de longues matinées en un demi-sommeil.

800. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Plus de bras pour cultiver la terre ; en plusieurs provinces, les habitants obligés de mêler de l’argile à la farine pour faire du pain ; de temps en temps, des émeutes terribles, émeutes de la faim et du désespoir ; des hivers rigoureux qui tuent en germe l’espoir de la récolte future ; les laquais du roi mendiant aux portes du palais ; les grands seigneurs et même Mme de Maintenon réduits parfois à manger du pain d’avoine ; tel est le tableau qu’offre à la fin du grand siècle la France, près de faire banqueroute. […] Sous le règne réparateur de Henri IV, le souci du roi et de ses ministres se porte avec prédilection sur les besoins de l’agriculture. […] Porte fièrement ta pauvreté et moque-toi des succès mal acquis. […] Après le triomphe du romantisme, alors que dans la carrière encombrée se pressent et s’étouffent des concurrents trop nombreux leurrés par le succès d’un Lamartine ou d’un Hugo, Hégésippe Moreau peut redire les vers mélancoliques de Maynard : Pégase est un cheval qui porte Les poètes à l’hôpital.

801. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Ça devait se passer à la porte Saint-Martin. […] Il sort, en faisant claquer la porte de sa loge. […] Philippe Sichel tombait alors sur un homme en train de monter les panneaux de la porte d’une habitation, et il se mettait à l’écouter, charmé, ravi, quand l’ouvrier faisant sauter un petit morceau de bois d’un panneau, le façonnait dans quelques minutes, en un petit animal sculpté qu’il tendait à l’étranger. […] Lundi 21 août À la petite porte de fer battante du parc de Saint-Gratien, où j’ai l’habitude de me faire descendre, je tombe sur Anastasi.

802. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Quand il porte une vue générale sur la comédie ancienne & moderne, il trouve la différence à notre désavantage. […] Arrêtons-nous à un seul, dans lequel tout porte l’empreinte du génie de l’auteur. […] Si elle avoit vu seulement, à ses portes, des acteurs ; si elle y avoit vu les Sophocle & les Ménandre, elle eût pris l’allarme & cru voir déjà l’ennemi dans ses murs. […] Elle porte, qu’en cas que « les comédiens règlent tellement des actions du théâtre, qu’elles soient toujours exemptes d’impureté, il vouloit que leur exercice, qui peut innocemment divertir ses sujets de diverses occasions mauvaises, ne puisse leur être imputé à blâme, ni nuire à leur réputation dans le commerce public ».

803. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Ce cri ne marque pas seulement une étape franchie, une arrivée triomphante à un but : il porte le pressentiment de nouvelles luttes contre l’inconnu. […] L’idée de l’évolution par exemple, appliquée avec succès dans certaines parties de l’histoire de la nature, se porte audacieusement, dans l’ardeur de sa fortune nouvelle, pour la loi unique, contenant l’explication universelle des phénomènes et la solution définitive de la grande énigme. […] Il s’y porte critique habile et pénétrant des différents dogmatismes. […] La première reflète un pessimisme plein d’amertume et porte pour ainsi dire la date des sinistres événements qui avaient détruit la confiance du poète dans la dignité humaine.

804. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Ce matin, le Dieu d’ombre et de douceur m’a dit… Je greffe avec des chants sur les tendresses mortes, La tendresse des soirs où vivent les parfums, Et quand sonnent mes pas, les vergers un à un, Ouvrent pour m’appeler la candeur de leurs portes. […] Sa demeure est auprès d’une vieux platane blanc Et d’un petit ruisseau bordé de lauriers rose ; Un lévrier d’Espagne à sa porte repose Pour défendre l’entrée aux visiteurs troublants. […] Fais trêve à ton sommeil engourdi de poison : Celui qui de tes maux porte la guérison, Le blond Néoptolème en ton antre se glisse. […]   Mme Valentine de Saint-Point, descendante de Lamartine, porte la confirmation de ce glorieux atavisme au sein de ses Poèmes du Vent et de la Mer pleins de strophes d’un lyrisme éclatant, précis, audacieux.

805. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

— Partie du loquet qui tient la porte fermée. […] Mais le flot qui les porte avance chaque jour. […] Le vitrail jaune des portes de brasseries, tantôt vomissant, tantôt enroulant des masses noires. […] Une porte verdie de mousses et de fongosités dignes d’écrin.

806. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Cette réminiscence porte peut-être moins sur tel ou tel jeu spécial que sur le dispositif mécanique dont ce jeu est une application. […] Mais pour qu’une phrase isolée soit comique par elle-même, une fois détachée de celui qui la prononce, il ne suffit pas que ce soit une phrase toute faite, il faut encore qu’elle porte en elle un signe auquel nous reconnaissions, sans hésitation possible, qu’elle a été prononcée automatiquement. […] On parle d’une mariée de quarante ans qui porte des fleurs d’oranger sur sa toilette de noce : « Elle aurait droit à des oranges », dit Giboyer. […] Et l’on pourrait, semble-t-il, en distinguer deux formes principales, selon qu’elle porte sur la grandeur des objets ou sur leur valeur.

807. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

En voici un singulier : « Le roi, tout content qu’il était toujours, riait aussi. » On s’étonnait de trouver Louis XIV bonhomme, guilleret et joyeux compère, et l’on ne savait pas que le manuscrit porte contenu au lieu de content. — Le pis, c’est que le Saint-Simon prétendu complet ne l’était pas. […] La piété, l’attention infatigable de madame la Princesse, sa douceur, sa soumission de novice ne purent la garantir ni des injures fréquentes, ni des coups pied et de poing, qui n’étaient pas rares. » Il avait couru après l’alliance des bâtards, et, pendant que sa fille était chez le roi, faisait antichambre à la porte. […] « Il dormait le plus souvent sur un tabouret, auprès de la porte, où je l’ai maintes fois vu ainsi attendre avec les courtisans que le roi vînt se coucher. » Bloin, le valet de chambre, ouvre les battants. […] « Madame de Castries était un quart de femme, une espèce de biscuit manqué, extrêmement petite, mais bien prise, et aurait passé par un médiocre anneau ; ni derrière, ni gorge, ni menton ; fort laide, l’air toujours en peine et étonné ; avec cela une physionomie qui éclatait d’esprit et qui tenait encore plus parole. » Il les palpe, il les retourne, il porte les mains partout, avec irrévérence, fougueux et rude.

808. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

D’autres ambassadeurs avaient reçu des grâces qu’il croyait avoir tout autant méritées : « Cependant, à mon retour, dit-il, je trouvai que j’avais battu les buissons, et mes camarades pris les oiseaux. » Aux bonnes et obligeantes paroles de Louis XIV, il répondit, avec cette pointe de gaieté et d’humeur gaillarde dont il assaisonnait ses convoitises : « Il faut donc que je porte écrit sur ma poitrine tout ce que Votre Majesté me fait l’honneur de me dire ; car qui pourra penser que je l’aie bien et fidèlement servie, lorsqu’elle ne fait rien pour moi ?  […] Si je parlais autrement à Votre Majesté, je n’aurais plus l’honneur de me conduire à son égard avec un esprit de vérité. » C’est comme un janséniste de la guerre que Catinat ; il y porte l’amour strict de la vérité, et une prudence, une patience opiniâtre. […] Il est de votre intérêt, pour la conserver, de faire en sorte que le mouvement que vous avez fait ne porte aucun préjudice à la situation heureuse dans laquelle vous avez mis mes affaires.

809. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Les libres jugements que j’v porte et sur mes contemporains et sur moi-même rendraient cette publication impraticable, quand même il serait dans mon goût de produire ma personne sur un théâtre littéraire quelconque, ce qui assurément n’est, pas. » Ainsi il y a de lui un livre commencé sur la Révolution de 1848 ; les Œuvres dites complètes aujourd’hui ne le sont que provisoirement : il restera encore beaucoup à y ajouter, et pour la Correspondance et pour les fragments d’histoire. […] Mon doute porte bien moins sur le choix du sujet que sur la façon de le traiter. […] Ici il n’y a pas de quoi s’offenser : c’est l’auteur même qui parle, qui se démontre, et la dissection ne porte que sur les procédés de l’intelligence ; ce que l’auteur ajoute sur sa disposition morale est digne de ce qui précède, et résume nettement sa profession de foi politique : « J’ai l’orgueil de croire que je suis plus propre que personne à apporter dans un pareil sujet une grande liberté d’esprit, et à y parler sans passion et sans réticence des hommes et des choses : car, quant aux hommes, quoiqu’ils aient vécu de notre temps, je suis sûr de n’avoir à leur égard ni amour ni haine ; et quant aux formes des choses qu’on nomme des constitutions, des lois, des dynasties, des classes, elles n’ont point, pour ainsi dire, je ne dirai pas de valeur, mais d’existence à mes yeux, indépendamment des effets qu’elles produisent.

/ 2374