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413. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Le grand poëte ne lisait pas lui-même ; il eût craint peut-être en certains moments les éclats de son cœur et l’émotion de sa voix. […] Le poète, comme René, a ressaisi solitude et puissance ; il est rentré dans sa libre personnalité, dans mille contradictions heureuses. […] Quiconque est poëte à ce degré reste poëte jusqu’à la fin ; et quoiqu’il écrive en face de la réalité, il la transgresse toujours ; il ne lui est pas donné de redescendre. […] Vous étiez jusqu’ici comme ces héros tombés avant Agamemnon, et qui ont manqué de poëte sacré ! […] Le poëte redore les renommées amies qui pâlissent : il ressuscite et crée le héros qu’on ignore.

414. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponchon, Raoul (1848-1937) »

Paul Verlaine Raoul Ponchon est un poète très original, un écrivain absolument soi, descendant, c’est clair, d’une tradition, ainsi que tous, du reste, mais d’une tradition « de la première », française en diable, avec tout le diable au corps et tout l’esprit au diable, d’un bon diable tendre aux pauvres diables et diablement spirituel, coloré, musical, joli comme tout, fin comme l’ambre, léger, tel Ariel, et amusant, tel Puck, bon rimeur (j’ai mes idées sur la Rime, et quand je dis « bon rimeur », je m’entends à merveille, et c’est de ma part le suprême éloge), excellent versificateur aussi (je m’entends encore), un écrivain, enfin, tout saveur, un poète tout sympathie ! […] D’où, pour moi, le poète sui generis et général en lui, le poète par excellence et de préférence, le poète pur et simple, si vous aimez mieux. […] L’amour même, et cette bonne chère de bonne compagnie qui entre trop peut-être dans la réputation de Ponchon auprès de ce monde qui côtoie le monde littéraire proprement dit, notre poète ne les célèbre qu’en artiste impeccable, très convaincu de son sujet, mais le dominant, et par conséquent apportant tout le sang-froid désirable dans la confection de ses délicieuses pièces de plaisant déduit et de crevailles.

415. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Le grand poète Manzoni, de notre temps, a épousé une fille de cette même maison de Beccaria, célèbre à tant de titres parmi les philosophes, les politiques et les poètes. […] Denys ne reçut pas mieux Platon, ajoute le poète, mais le poète préféra son loisir et sa solitude à la gloire d’installer César à Rome !  […] Le poète virgilien de Vaucluse ne possédait pas le poème de Dante dans sa bibliothèque ! […] Ces montagnes, dira-t-il, renferment dans leurs entrailles ce grand poète qui fait la gloire du monde. […] Mais si Laure de Noves doit son immortalité à son poète, le poète doit la sienne presque uniquement à son amour.

416. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

C’était contre l’étiquette, mais les rois passent par-dessus et les poètes par-dessous. […] Le souvenir de son second époux, le poète Alfieri, l’illustrait davantage encore que le premier, à mes yeux. […] Les morsures du charbon sacré ne se cicatrisent pas dans le cœur des poètes. […] Mécontent de la somnolence de l’Italie, le poète, en la quittant, lui adressait des adieux pleins d’amers reproches. […] … Les poètes italiens eux-mêmes, Dante, Alfieri, avaient dit des choses aussi dures à leur patrie.

417. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Corneille tend plus haut qu’aucun autre poète de son temps. […] Le droit du poète sur ce langage se réduit à en ôter les fautes de français. […] Il a un duel, pour avoir voulu tirer d’un poète l’aveu que ses vers sont mauvais. […] Il l’entendait non seulement du poète philosophe, mais du poète comique, savant entre tous dans son art. […] Selon la réponse, l’acteur corrigeait le poète ou le poète l’acteur, sans complaisance de l’un pour l’autre.

418. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Un poète n’est pas parfait. […] Barrillot. — Malfilâtre et les poètes incompris. — La Muse de M.  […] … les poètes incompris n’y manquent jamais. […] Quand donc les poètes et le bon Dieu sauront-ils se mettre d’accord ? […] Ce qui fait que, sans être poète de naissance, il ne laisse pas d’être un peu poète. — J’aurai l’occasion de le prouver tout à l’heure.

419. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Voilà, somme toute, un homme distingué, mais un poète assez mal préparé, ce semble, pour chanter les beautés de la vie retirée et champêtre, et pour en goûter toutes les douceurs. […] Thomson, que d’ailleurs il estime, n’est point, selon lui, à mettre en parallèle avec le poète français, soit pour l’agrément des peintures, soit pour l’utilité philosophique du but. […] » — « Toujours. » — « Que lui manque-t-il donc pour être un poète ?  […] qu’un grand poète est un homme rare !  […] De quelle manière le poète y envisageait-il ce besoin de retraite, de solitude et de campagne qui, à un certain moment, est le vœu de tous, de l’homme d’État, de l’homme de loi, du marchand comme du poète ?

420. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Aujourd’hui un poète, même s’il n’admet pas le vers libre, consent non au vers sans césure (il n’y en a pas), mais au vers à césure variable. […] De ces éléments la poésie en a dédaigné un, tout d’abord, celui qui exigeait du poète des grâces physiques, une éducation spéciale et le concours de plusieurs compagnons . […] Jadis il ne s’agissait pour un mauvais poète que de couper de la prose toutes les douze syllabes et d’orner les finales de quelconques rimes ; aujourd’hui, le hachoir est moins mesuré, et il coupe non plus selon l’arithmétique, mais selon des intentions difficilement appréciables. […] L’accent reste fixe ou se déplace selon des règles qui n’ont jamais été étudiées, mais que le poète applique inconsciemment. […] Il est même, les muettes rayées, fort curieusement combiné, ce vers, avec ses groupes en nombres décroissants, six, cinq, quatre, trois, et bien conforme aux principes que le poète s’est à lui-même posés.

421. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Il était féru de ce poète dont le seul nom prononcé le jetait en de grands enthousiasmes. […] Ce fut, malgré la maladie et les privations, un stage heureux de la vie du poète. […] Il se disait détourné des poètes en vogue, parce qu’il ne sentait pas chez eux « l’odeur du vent qui passe ». […] Ce poète, vieil ami de Verlaine et de Rimbaud, était célèbre dans les cénacles. […] Quel dommage pour le renom des lettres françaises que l’œuvre de ce poète soit en majeure partie perdue !

422. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

Le poëte sincère ne désire autre chose que de ne pas être oublié. […] — Charles Coran est un poëte qui appartient à la famille de ceux dont je m’occupe aujourd’hui, et auxquels la nouvelle Anthologie a fait une place : c’est un poëte délicat. […] Le poëte en a souffert et s’est découragé. […] Mais avec eux il y a un poëte incognito, un amoureux. […] quel poëte grec de l’Anthologie, quel Méléagre, quel Léonidas de Tarente, quel Agathias ferait mieux ?

423. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 151-168

Depuis quelques années, il est du bon ton, dans la Littérature, de déprimer un Poëte qui a rendu les plus grands services aux Lettres, au goût, à la langue, & aux mœurs ; un Poëte estimé par excellence chez toutes les nations de l’Europe, & nommé par distinction le Poëte François. […] En voilà plus qu’il n’en faut pour prouver combien il étoit né Poëte. […] Mais quand Despréaux n’auroit pas fait le Lutrin, seroit-on plus en droit de lui disputer les qualités qui font le vrai Poëte ? […] Quant au reproche de s’être approprié le plus grand nombre des Vers d’Horace, écoutons à ce sujet un Duc Littérateur, dont le suffrage doit paroître d’autant moins suspect, que dans le Parallele qu’il a fait du génie du Poëte d’Auguste & de celui de Louis XIV, ce n’est pas au Poëte François qu’il a prodigué le plus d’éloges. […] Et quoi de plus ridicule, que de reprocher à un Poëte satirique, didactique ou héroï-comique, de n’en avoir pas mis dans ses Ouvrages ?

424. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

Est-ce parce qu’il fut malheureux qu’on n’oserait plus juger un poète ? […] Le malheur de la vie des poètes est d’ailleurs toujours le bonheur de leur gloire. […] Henri Mürger comme poète, et si à quarante ans il n’est pas mort, en bas âge, dans leurs fortes mains ! […] Il reste le poète, qui eut parfois du sentiment. […] La place qu’occupe la fille en ces poésies tient autant, je le sais, à l’époque qu’au poète, mais qui ne s’élève pas au-dessus de son époque n’est jamais un poète qu’à moitié.

425. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 29, si les poëtes tragiques sont obligez de se conformer à ce que la geographie, l’histoire et la chronologie nous apprennent positivement » pp. 243-254

Un poëte ne doit donc pas faire sauver la vie à Tomiris par Cyrus, ni faire tuer Brutus par Cesar. […] Un poëte ne doit aussi rien changer, sans une grande necessité, à ce que l’histoire et la fable nous apprennent des évenemens, des moeurs, des coûtumes et des usages des païs où il place sa scene. […] La circonstance que le poëte change n’est point assez importante pour la conserver aux dépens du pathetique que la vie d’un homme, sacrifiée pour faire une épreuve, jette dans le recit, et de l’embarras qu’il y auroit à raconter cet incident comme le narrent les historiens. […] Ces sortes de critiques courent dans le monde, sur tout quand une piece est nouvelle, et souvent on les fait valoir contre un poëte encore plus qu’elles ne devroient valoir. […] En effet, la faute choque d’autant plus dans le poëte tragique, qu’il la fait commettre à un personnage qui vivoit dans des tems où il ne pouvoit point faire cette faute.

426. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pécontal, Jean Siméon (1798-1872) »

Jules Barbey d’Aurevilly C’est un poète ému, sincère, d’une nuance charmante — et puisque la poésie est l’intensité — intense à la manière des poètes de nuance, dont l’intensité, à l’ordre inverse des poètes de relief et d’énergie, est la transparence et la morbidesse. Ce n’est pas un poète sans défauts ; et les siens, nous les connaissons et nous les lui dirons : c’est le prosaïsme et l’enfantillage, les deux écueils naturels du genre de composition qu’il a adopté. [Les Œuvres et les Hommes : les Poètes (1862).]

427. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Stéphane Mallarmé »

Ces vers vous les trouverez dans le Parnasse contemporain, dans les Poètes maudits de Paul Verlaine (la Fenêtre, Placet, Automne, etc., surtout le Guignon, qui est, à fort peu de chose près, un chef-d’œuvre). […] Et maintenant voici la traduction que je vous propose : « Redevenu vraiment lui-même, tel qu’enfin l’éternité nous le montre, le poète, de l’éclair de son glaive nu, réveille et avertit son siècle, épouvanté de ne s’être pas aperçu que sa voix étrange était la grande voix de la Mort (ou que nul n’a dit mieux que lui les choses de la Mort). […] Ou, si vous voulez, il croit que les justes correspondances entre le monde de la pensée et l’univers physique ont été fixées de toute éternité, que l’intelligence divine porte en elle le tableau synoptique de tous ces parallélismes immuables et que, lorsque le poète les découvre, ils éclatent à son esprit avec tant d’évidence qu’il n’a point à nous les démontrer. […] J’ai aimé certains passages qui me rappelaient des vers — plus arrêtés et plus nets — de nos poètes à nous, de Baudelaire très souvent, quelquefois de Sully Prudhomme. […] Tes yeux seulement demeurèrent, ils ne voulurent pas partir   ils ne sont jamais partis encore. » Ainsi le poète de la Vie intérieure : Ô morte mal ensevelie, Ils ne t’ont pas fermé les yeux.

428. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Les poètes, petits ou grands, ne sont vraiment lus que par les autres poètes. […] Cependant les poètes luttent encore. […] Les derniers poètes, MM.  […] Zola est un poète épique et un poète pessimiste. […] Zola un poète épique ?

429. (1874) Premiers lundis. Tome II « Achille du Clésieux. L’âme et la solitude. »

Turquety20, poète breton et catholique ; voici un autre poète de la même contrée et de la même foi qui prend son rang aujourd’hui. […] Le volume que nous avons sous les yeux laisse certainement à désirer pour l’art, pour la composition et l’expression ; souvent, quand il parle du Jour des Morts, quand il nous peint sa paisible et assise existence sous le toit qui est à lui, quand, dans le silence de son vallon, il entend et nous raconte la voix de son cœur, en ces endroits, tout en étant lui-même, le poète nous rappelle un peu trop le maître harmonieux dont l’inspiration l’a éveillé. […] Dans la Vocation du poète, le voile de la pensée ne se lève nulle part nettement. […] Quoi qu’il en soit de nos critiques sincères, ce volume, qui vient de l’âme, et qui est une douce émanation, charmera les lecteurs dispersés de la même famille ; les lecteurs plus artistes et plus difficiles y verront au moins les promesses d’un poète. […] Dans la Revue des Deux-Mondes, où l’on trouve en effet, dans la chronique du précédent numéro, p. 594, un article non signé sur ce poète.

430. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Haraucourt, Edmond (1857-1941) »

[Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).] […] Edmond Haraucourt est un poète très riche en idées. On me dira que, des idées, il n’est point si malaisé d’en acquérir et qu’il n’est pas si nécessaire qu’un poète en ait beaucoup. […] [Nos poètes (1888).] […] Haraucourt, lui valut une place de choix parmi les nouveaux poètes.

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