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375. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Je me sens entraînée vers toi, et il me semble que tu me repousses avec violence ; cependant tes regards sont pleins de tendresse et de bonté. […] « Gœthe a dit, sur la perfectibilité de l’esprit humain, un mot plein de sagacité : Il avance toujours en ligne spirale. […] Que de larmes pleines de douceur n’a-t-il pas répandues dans sa solitude sur les merveilles de la vie, l’amour, la gloire, la religion ? […] Mais elle atteste, par le fanatisme de la curiosité dont elle est pleine, l’enthousiasme et l’éblouissement que le nom de l’auteur de Corinne inspirait à la jeunesse de son temps. […] Ils sont pleins d’admiration pour madame de Staël, leur voisine, mais ils ne la voient pas.

376. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Ainsi, derrière le bourgeois Poirier, elle a placé le bourgeois Verdelet, un honnête et cordial personnage, plein d’indulgence et de sympathie : à côté du gentilhomme étourdi et futile, elle fait ressortir la mâle et sereine figure du duc de Montmeiran, un grand personnage, celui-là, presque un héros, presque un saint. […] J’aurais voulu que le bonhomme se détachât sur un fond de passé plus noir ; qu’il eût gagné ses millions, par exemple, à vendre des nègres, ou à faire l’usure dans quelque caverne sordide, pleine de frégates d’ivoire et de crocodiles empaillés. […] Il est charmant, ce premier acte, habilement fait, largement posé, plein d’engagements et de promesses ; il n’a qu’un tort, celui de promettre ce que les actes suivants ne tiendront pas. […] Augier peut me répondre qu’il a voulu enlever toute défense à sa courtisane, en la plaçant dans un milieu plein d’indulgence et de douceur, ou sa nature anormale pût s’acclimater sans trop de contrainte. […] Comme si le fatal privilège des passions qu’allument « les yeux pleins d’adultères » dont parle saint Paul, n’était pas précisément d’anéantir pour longtemps, dans l’âme qu’elles foudroient, la possibilité des chastes amours.

377. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Joseph-Marie Bosc, poète de la nature, très ému, très doux, très souple dont les vers sont pleins de parfums et d’eaux chantantes (Du Printemps aux Automnes), Roger Frêne (Paysages de l’Âme et de la Terre), Daniel Thaly (La Cité du Sud), Georges Gaudion (Des Petits Pas sur le sable) et Louis Estève. […] Peuvent-ils empêcher d’ailleurs qu’un cher poème                    T’enlève ton souci, Et que, si plein d’erreurs sans doute et de torts même,                    Tu sois heureux ainsi ? […] René d’Avril (Promenades dans l’Âme), un peu compliqué, un peu diffus, mais plein de trouvailles heureuses, M.  […] La grande voix de la mer se dresse dans l’espace comme une trombe de lumière et à pleine voix aussi, la poëtesse entonne alors l’hymne marin selon « l’incorruptible rite ». […]   Mme Valentine de Saint-Point, descendante de Lamartine, porte la confirmation de ce glorieux atavisme au sein de ses Poèmes du Vent et de la Mer pleins de strophes d’un lyrisme éclatant, précis, audacieux.

378. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

Gros mangeur, gourmand, il ne nous fait pas grâce de ses indigestions : il est plein de son sujet, il faut qu’il parle. […] Bonhomme au reste, obligeant, généreux, tout plein de bons sentiments, bon fils, bon frère, bon père, bon mari même, à la fidélité près, bon ami, chaud de cœur, enthousiaste, toujours prêt à se donner et se dévouer : à condition seulement qu’il puisse s’épancher librement, toujours heureux de se mettre en avant, d’être d’une négociation, d’une affaire où il y ait à brûler de l’activité, à évaporer de la pensée en paroles. […] Ces œuvres étaient toutes pleines d’intentions littéraires ; elles voulaient agir sur le public par les sujets et par les idées que les sujets suggéraient, idées polissonnes chez Boucher ou Fragonard, idées voluptueuses ou morales chez Greuze, idées philosophiques chez Bouchardon.

379. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Pourtant je le vois comme un Grec un peu amolli, plus près d’Alcibiade que de Socrate, pour qui il a été maintes fois injuste (après d’autres), et plutôt encore comme un Grec d’arrière-saison, contemporain de Théocrite, jouissant de ses dieux sans y croire, mais sans les nier publiquement ; et moins comme un Athénien que comme un Grec des îles, plein de science et de douceur, traînant sa tunique dénouée dans les bosquets de lauriers-roses… Mais ce méridional est un méridional blond. […] Cette franc-maçonnerie établit qu’une jeune fille qui donne son cœur pour un bouquet de roses est perdue, tandis qu’une femme mariée qui le donne par caprice — ou pour un bracelet, comme les lionnes pauvres dont le monde honnête est plein  n’est pas compromise, pourvu qu’elle y mette un peu d’hypocrisie, etc. […] Et je ne vous parlerai pas non plus de son style, souple, ondoyant, nuancé, dont la facilité abondante est pourtant pleine de mots et de traits qui sifflent, tout chaud de la hâte de l’improvisation quotidienne, avec un fond de langue excellente, mais avec des négligences çà et là, des plis de manteau qui traîne, comme celui de quelque jeune Grec, auditeur de Platon.

380. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Son recueil de Poésies publié en 1845, par tout ce qu’il contient, et même avant le brillant appendice des Émaux et camées, est une œuvre harmonieuse et pleine, un monde des plus variés et une sphère. […] Emmanuel Des Essarts Qu’on proclame l’Aède éternisé parmi Les maîtres du grand Art radieux et prospère, J’adorerai Celui dont il fut dit : « le Père » Et dont nous disions, fils respectueux : « l’Ami », Mâle raison, courage ardemment affermi, Qui, de rares vertus immuable exemplaire, Vint embrasser Paris dans la chance contraire, Et ne sut ni vouloir ni souffrir à demi ; Être indulgent et bon, soulevant les poètes, Tel qu’on voit Apollon sur un socle romain Tenir un petit dieu d’ivoire dans sa main, Et qui, plein de pudeur en ses fiertés muettes, Voilait discrètement, hormis pour notre chœur, Le plus beau, le plus pur des diamants, son cœur ! […] Comme un dieu plein d’ennui qui déserte l’autel, Rentre et disperse-toi dans l’immense matière.

381. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Un faune, plein de malice et d’esprit, déguisé en frère mendiant, disant qu’il a la foi du charbonnier et, à force de le dire, finissant par le croire, me donne un spectacle qui ne me touche guère, et devant lequel j’abandonne volontiers les amateurs de conversions faciles et de fausse simplicité. […] Avec sincère et plein renoncement à toute critique, sans autre souci que d’admirer et de jouir, j’aime Verlaine en bloc, comme on doit aimer, me semble-t-il, un grand poète qu’on aime vraiment. […] C’est là que son apaisement se résorbe et qu’il se comprend réellement ; c’est plein du vague parfum des encensoirs, après avoir contemplé la face pâle des Christs blêmes, qu’il proclame la toute douceur des grands amours : Allez, rien n’est meilleur à l’âme Que de faire une âme moins triste !

382. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XIII. Conclusions » pp. 271-291

. — Pris au sens relatif, le mot antinomie signifie que deux choses sont dans un rapport tel que le développement de l’une se fait aux dépens du développement de l’autre, que la pleine affirmation de l’une contrarie la pleine affirmation de l’autre, que l’une tend à détruire ou du moins à amoindrir et à affaiblir l’autre. […] Après quelques velléités de résistance, l’individu ne peut manquer de se soumettre, « Pour amener l’individu à se soumettre de son plein gré, il n’est nécessaire de recourir à aucun artifice ; il suffit de lui faire prendre conscience de son état de dépendance et d’infériorité naturelles — qu’il s’en fasse par la religion une représentation sensible et symbolique ou qu’il arrive à s’en former par la science une notion adéquate et définie116. » La science sociologique assumera donc la même fonction qu’ont assumée jusqu’ici les religions ; elle courbera l’individu devant la société.

383. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

Vers l’an 28 de notre ère (quinzième année du règne de Tibère), se répandit dans toute la Palestine la réputation d’un certain Iohanan ou Jean, jeune ascète plein de fougue et de passion. […] La vie austère qu’il avait menée, les souvenirs terribles qu’il avait laissés, et sous l’impression desquels l’Orient vit encore 275, cette sombre image qui, jusqu’à nos jours, fait trembler et tue, toute cette mythologie, pleine de vengeance et de terreurs, frappaient vivement les esprits et marquaient, en quelque sorte, d’un signe de naissance tous les enfantements populaires. […] Les deux jeunes enthousiastes, pleins des mêmes espérances et des mêmes haines, ont bien pu faire cause commune et s’appuyer réciproquement.

384. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

L’application que s’en faisait Jésus à lui-même était donc la proclamation de sa messianité et l’affirmation de la prochaine catastrophe où il devait figurer en juge, revêtu des pleins pouvoirs que lui avait délégués l’Ancien des jours 373. […] Le ruisseau d’Aïn-Tabiga fait un petit estuaire, plein de jolis coquillages. […] Mais qui voudrait dire que Jésus eût été plus heureux, s’il eût vécu un plein âge d’homme, obscur en son village ?

385. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Plein de son idéal céleste, il ne sortit jamais de sa dédaigneuse pauvreté. […] La Géhenne est donc dans la pensée de Jésus une vallée ténébreuse, obscène, pleine de feu. […] Le mot favori de Jésus reste donc plein d’une éternelle beauté.

386. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

C’est dans ces considérations qu’il me semble raisonnable de chercher les vrais motifs des suppositions bizarres que renferme la lettre à madame d’Heudicourt, et des expressions pleines d’humeur sans conviction qui la caractérisent. […] Madame Scarron voyait dans l’estime et la confiance, du roi la pleine satisfaction de sa passion native et de celle que l’instinct de la jeunesse y avait associée. […] C’était pourtant au fond une âme assez basse, et pleine de vénération pour les grandeurs humaines ; d’ailleurs tracassier et processif.

387. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Et, tout à travers cela, nous le trouvons amoureux de La Fontaine, le suivant dans ses rêveries jour par jour, nous le racontant par le menu, comme aurait pu le faire Pellisson, célèbre aussi par son araignée ; puis, s’occupant d’Horace, et donnant deux gros volumes, un peu gros vraiment, mais pleins de choses sur le charmant poète ; et, de là, revenant à La Bruyère, dont il a publié la meilleure et la plus complète édition ; enfin, s’attachant à Mme de Sévigné, comme s’il ne l’avait jamais quittée un instant et comme si, de toute sa vie, il n’avait rien eu autre chose à faire. […] Walckenaer, plein d’intérêt et de longueur, qui ressemble à la promenade en zigzag dont nous parlions ; c’est un livre qui rendrait Mme de Sévigné bien reconnaissante et qui l’impatienterait un peu ; elle dirait de son d’Hacqueville biographe, comme elle disait de l’autre quand elle le voyait se prodiguer pour des personnes du dehors : « Il est, en vérité, un peu étendu dans ses soins. » Mais la reconnaissance surnagerait, et elle doit à plus forte raison surnager chez nous, qui ne sommes point Mme de Sévigné, et que cet habile homme, informé comme on ne l’est pas, initie à tant de choses que, sans lui, nous n’aurions jamais eu chance de savoir. […] En parlant d’elle, on a à parler de la grâce elle-même, non pas d’une grâce douce et molle, entendons-nous bien, mais d’une grâce vive, abondante, pleine de sens et de sel, et qui n’a pas du tout les pâles couleurs.

388. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Ses joues larges et pleines annoncent la santé. […] À l’âge de douze à treize ans, ces yeux pleins de douceur étaient devenus intrépides et ardents ; cette agréable petite bouche s’était contournée bizarrement ; ce col si rond était gonflé de muscles, ces joues larges et unies étaient parsemées d’élévations dures. […] Les ouvrages que nous en avons, les descriptions qu’ils nous ont laissées des objets de leurs passions, sont pleines de comparaisons, d’allusions aux objets de leur culte.

389. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Furetière, dans son Dernier placet 3, relève, sans y répondre, toutes ces turpitudes : il se plaint d’un gros volume, joint au dossier, qui a longtemps couru la ville, et dans lequel il est traité, dit-il, de bélître, maraud, fripon, fourbe, buscon, saltimbanque, infâme, traître, fils de laquais, impie, sacrilège, voleur, subornateur de témoins, faux monnayeur, banqueroutier frauduleux, faussaire, d’homme sans honneur, plein de turpitudes et de comble d’horreurs, etc. […] Dès lors cet homme, cet ancien ami, ce poète inimitable, dont le style naïf et marotique fait tant d’honneur aux fables des anciens et ajoute de grandes beautés aux originaux 6, n’est plus qu’un misérable écrivain licencieux, auteur de contes infâmes, un Crétin mitigé, tout plein d’ordures et d’impiétés, un fauteur de débauche digne du bourreau ; Furetière pousse l’animosité jusqu’à reproduire à la suite de son libelle la sentence de police portant suppression de ses contes, et l’accuse, comme je l’ai déjà dit, de spéculer sur sa propre turpitude, en vivant de la prostitution de sa femme. […] Tel qu’il est, toutefois, le Roman bourgeois ne laissera pas d’être pour l’historien, pour le philologue et pour l’homme du monde, une lecture pleine de profit et d’agrément.

390. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Renfrogné, muet, avec des yeux pleins de haine, il repoussait d’un geste brusque toute caresse ! […] Le public l’attend avec une curiosité pleine de frémissement. […] Elle était grande, — très grande — mince et souple, pleine de brusquerie, cependant, dans ses gestes et dans sa marche. […] Dans une terrine, à demi pleine d’eau et de vinaigre, trempaient des verges menaçantes. […] Flaubert, debout devant la cheminée, ployant un peu sa haute taille, lisait à pleine voix, en faisant de larges gestes.

391. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Le poète aujourd’hui nous quitte, plein d’ans et de gloire enviable. […] Le pauvre poète, fils d’une patrie jadis meurtrie et vaincue, mais pleine encore du saint espoir, a fait ces vers que je ne vous demande pas d’admirer, mais d’aimer un peu. […] Cette chère personne me dit que sa petite fille allait un peu mieux, et, déjà, elle semblait pleine d’espoir. […] Une année s’écoula de la sorte, paisible, agréable, pleine d’animation même, car la joie était revenue dans la maison. […] Il y a quelque peu trop de Gothique chez nos voisins (et cependant même leur Gothique moderne est plein de charme) tout comme chez nous se voit beaucoup trop de Roman !

392. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

On le remarquait surtout au cabaret de la Sirène, plein de beaux buveurs et de beaux esprits, et entre autres sir Walter Raleigh, le même à qui la reine Élisabeth donna l’autorisation d’aller combattre les Espagnols en Amérique, et qui en rapporta le trésor inconnu de la pomme de terre. […] Il est bien des endroits où la pleine franchise Deviendrait ridicule, et serait peu permise ; Et parfois, n’en déplaise à votre austère honneur, Il est bon de cacher ce qu’on a dans le cœur. […] je ne veux point parler, Tant ce raisonnement est plein d’impertinence ! […] Mais cette rectitude Que vous voulez en tout avec exactitude, Cette pleine droiture où vous vous renfermez, La trouvez-vous ici dans ce que vous aimez ? […] En un mot, l’opposition qui existe entre son véritable intérêt et l’intérêt de calcul et de système fait tout le brillant, tout le comique de ce rôle plein de verve et d’énergie.

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