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300. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

. — Phrases mentales qui deviennent des voix externes. — Images effacées qui, en ressuscitant, deviennent hallucinatoires. — Nos diverses opérations mentales ne sont que les divers stades de cette hallucination. […] Le rêve en l’évoquant m’avait comme révélé ce que j’ignorais. » — Pareillement, Théophile Gautier me raconte qu’un jour, passant devant le Vaudeville, il lit sur l’affiche : « La polka sera dansée par M… » Voilà une phrase qui s’accroche à lui et que désormais il pense incessamment et malgré lui, par une répétition automatique. Au bout de quelque temps, ce n’est plus une simple phrase mentale, mais une phrase composée de sons articulés, munis d’un timbre et en apparence extérieurs.

301. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

La civilisation a des phrases. Ces phrases sont les siècles. […] Mais ces phrases mystérieuses s’enchaînent ; la logique — le logos — est dedans, et leur série constitue le progrès. Toutes ces phrases, expression d’une idée unique, l’idée divine, écrivent lentement le mot Fraternité.

302. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Ses vers à effet, sa vigueur éloquente, sa phrase magnifiquement gonflée, ses passages éclatants n’y font rien : on pourra le faire admirer dans d’habiles extraits, mais le faire lire d’un bout à l’autre, jamais. […] Il a la phrase un peu lente et pesante, mais traversée de brusques éclairs, et parfois ramassée en fortes sentences. […] Il vise à la rondeur cicéronienne ; il étale un peu plus complaisamment en phrases déjà polies des développements généraux et des expansions sentimentales.

303. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Mais avec l’école parnassienne se perdaient le mouvement et la force de la phrase romantique, si profonds — pour de sculpturales attitudes de périodes ou de murmurantes et trop lâches fluidités. […] S’il fut de cette école, une plus large fatalité de refléter tout ce qui l’environne, d’accaparer inconsciemment toutes les tendances a fait de lui (c’est sa personnalité, si l’on veut) un candide et très sérieux incohérent : symboliste par Mallarmé, impressionniste par sa fréquentation des peintres pointillistes, scientifique, philosophique, et même teinté du socialisme puéril qui court les rues, lorsque s’avérèrent scientifiquement mes Théories de philosophie et d’art, et aussi parce qu’un de ses amis s’occupe de sciences transcendantes — en même temps qu’il est pénétré inéluctablement de son hérédité sémite compliquant encore l’hétérogénéité, Il arrive enfin, après de prolixes et diffus articles, à cette déclaration éminemment neuve que le Rythme est en tout, à cette erreur scientifique que tout est cyclique, — et pour œuvre, il donna ce livre, les Palais nomades, qui trahit ses velléités de lui donner un lien méthodique, et où ce moderniste à outrance fait à chaque page surgir des souvenirs de Palestines et des Tribus, de Babylones et d’Afriques, parmi des gestes de Mages : et, pour le développement des Rythmes, en pressant les images en chaos et les mots et les phrases sans nul effet à satiété répétés, simplement il allongeait ou raccourcissait extraordinairement l’alexandrin, dont il a sainte horreur pour n’en comprendre pas la mathématique savante. […] Ces valeurs multipliées faisant les mesures pleines et eurythmiques, et additionnées les dissonnantes : et, tandis que selon que le demande la pensée ces mesures vont à travers la phrase, le retour de la cadence malgré tout demeurante, de l’alexandrin, donne une mesure comme d’accompagnement.

304. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

C’est qu’il ne s’agit pas là, comme on s’est plu à le répéter trop souvent, d’une simple question de phrases à écrire en lignes plus ou moins égales, mais bien de l’inspiration même. […] De ce qui précède, on peut donc inférer qu’à l’origine la loi de la succession des rimes a été dictée par la musique, et ce qui porte à croire cette assertion, c’est la phrase de Joachim du Bellay : « Il y en a qui fort superstitieusement entremeslent les vers masculins avec les vers féminins… afin que plus facilement on les peust chanter sans varier la musique pour la diversité des mesures qui se trouveroient en la fin des vers. » Ronsard, qu’on ne peut jamais trop consulter, s’exprime ainsi sur la rime dans son Art poétique : « La Ryme n’est autre chose qu’une consonance et cadance de syllabes, tombantes sur la fin des vers, laquelle je veulx que tu observes tant aux masculins qu’aux féminins, de deux entières et parfaictes syllabes, ou pour le moins d’une aux masculins pourveu qu’elle soit résonante et d’un son entier et parfaict. » Mais nulle part, il ne promulgue une règle à suivre sur l’alternance des rimes. […] Il n’en serait pas de même dans cette phrase : il aime à attendre.

305. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VII : Théorie de la raison par M. Cousin »

Quand vous dites qu’on ne peut pas tirer d’une proposition contingente une proposition nécessaire, vous prononcez une phrase à double sens. […] Quand vous dites qu’il y a des vérités nécessaires, et que ces vérités étant un attribut supposent un sujet ou substance nécessaire en qui elles résident, vous prenez le mot vérité dans un double sens. « Il y a des vérités nécessaires » : dans ce membre de phrase, vérité signifie rapport, et vous voulez dire, avec tout le monde, qu’il y a des rapports nécessaires entre certains sujets et certaines qualités. […] Tous voyez que le mot donnée plus complexe se trouve dans le sujet comme dans l’attribut de la phrase, qu’ainsi l’attribut ne fait qu’isoler ce qui est déjà dans ce sujet, et que par conséquent il n’y a là qu’une analyse.

306. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VI. Le charmeur Anatole France » pp. 60-71

Maintenant, parmi les complaisances qu’ils échangent, ces jeunes gens émettent des phrases un peu cherchées. Cela les amuse ; et une bonne phrase, genre Renan, genre Huysmans, ou genre France, est toujours divertissante à savourer dans certaines positions.

307. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre III. Soubrettes et bonnes à tout faire »

Rien de fatigant comme de l’entendre zézayer, en phrases longues et filandreuses — j’en ai compté une de soixante-quatre lignes — la fable sentimentalo-bébête. […] Alors, vous comprenez, il y a quelques verbes qu’on a oublié de rafraîchir et quelques phrases blanchies qu’on a négligé de teindre.

308. (1856) Cours familier de littérature. I « IIe entretien » pp. 81-97

Les idées contenues dans les mots s’enchaînent d’après les règles d’une logique intérieure, et forment des phrases ou des sens plus complets. Les phrases, en s’enchaînant et en se développant à leur tour, déroulent un plus grand nombre d’idées, de sentiments ou d’images à l’esprit, de manière à communiquer plus fortement à celui qui lit ou qui écoute la pensée ou l’émotion de celui qui lit ou qui parle.

309. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 5, explication de plusieurs endroits du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote. Du chant des vers latins ou du carmen » pp. 84-102

Par langage préparé pour plaire, j’entens des phrases reduites et coupées par mesures, assujeties à un rithme et qui font harmonie. […] Ovide qui étoit un poëte latin, et qui par conséquent ne composoit pas lui-même la déclamation de ses pieces dramatiques, dit dans une même phrase où il parle d’un de ses ouvrages qu’on representoit sur le théatre avec succès, notre carmen et mes vers.

310. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « II »

Pendant des années, j’ai été littéralement obsédé par l’étude des phrases, les secrets de la prose, les différences des styles, l’anatomie et le mécanisme de l’art d’écrire. […] Pendant des années, j’ai été littéralement obsédé par l’étude des phrases, les secrets de la prose, les différences des styles, l’anatomie et le mécanisme de l’art d’écrire.

311. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIV »

Ce qui fait le fond de l’enseignement qu’il combat, le labeur, l’effort, la refonte, les corrections, la vie, le relief, la création, l’originalité, l’assimilation, la formation, les procédés, le mécanisme des phrases, la démonstration par les preuves irréfutables, tirées des manuscrits, tout cela M.  […] Le style de Pascal, par exemple, n’eût rien perdu à avoir un peu moins de qui, et de que dans cette phrase ; « Si je ne craignais d’être téméraire, je crois que je suivrais l’avis de la plupart des gens que je vois, qui, ayant cru jusqu’ici sur la foi publique, que ces propositions sont dans Jansénius, commencent à se délier du contraire, par un refus bizarre qu’on fait de les leur montrer, qui est tel que je n’ai encore vu personne qui ait dit les y avoir vues. » — Chateaubriand a écrit d’admirables pages en évitant soigneusement la répétition des mêmes mots et des qui et des que, et M.

312. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

Il est verbeux, mais avec des flots de mots qui sautent et qui tressautent ; car il est pétulant et piétinant, et même monotone dans sa pétulance, parce que son mouvement de phrase, il ne le change pas, mais le répète. […] P. 241 : « Mirabeau attaché, comme un autre Hercule, aux brèches du torrent révolutionnaire. » Attaché à une brèche et à une brèche de torrent, c’est là une phrase d’Hercule en fait de galimatias.

313. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

Elle anime ses images, elle préside à son harmonie, elle répand la vie et une grâce sublime sur les fonds qui représentent ses idées ; souvent elle donne à son style ce caractère céleste que les artistes grecs donnaient à leurs divinités ; comme l’Apollon du Vatican, comme le Jupiter olympien de Phidias, son expression est grande et calme ; son élévation paraît tranquille comme celle des cieux : on dirait qu’il en a le langage ; son style ne s’élance point, ne s’arrête point ; les idées s’enchaînent aux idées, les mots qui composent les phrases, les phrases qui composent les discours, tout s’attire et se déploie ensemble ; tout se développe avec rapidité et avec mesure, comme une armée bien ordonnée qui n’est ni tumultueuse, ni lente, et dont tous les soldats se meuvent d’un pas égal et harmonieux pour s’avancer au même but.

314. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXII. Des panégyriques latins de Théodose ; d’Ausone, panégyriste de Gratien. »

Cet ouvrage est parvenu jusqu’à nous, et il a, en grande partie, les défauts de ce temps-là ; mais l’évêque qui osa reprocher au maître du monde le meurtre de Thessalonique, et commanda à son empereur d’expier devant les hommes et devant Dieu un crime que des courtisans féroces avaient conseillé et que des courtisans lâches n’avaient pas manqué d’applaudir, mérite bien grâce pour les défauts de goût, et pour quelques phrases peut-être ou faibles ou barbares. […] Ce n’est presque partout que des sons brisés et heurtés les uns contre les autres, un choc éternel de petites phrases qui se repoussent, des déclamations, des figures incorrectes, de l’exagération, enfin nulle noblesse dans les sentiments.

315. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

C’est à lui que s’applique, volontiers, cette phrase : Le repentir est le grand acte chrétien. […] Sa phrase ondoyante se fond en douceurs câlines ou s’amortit en plaintes sourdes. […] Les phrases qu’ils profèrent sont inachevées, molles, veules. […] Ses phrases bourrées, engorgées, s’étranglaient, faute d’air. […] Un souffle de printemps faisait flotter ces phrases neuves, comme de claires étoffes où le vent joue dans une clarté d’aube.

316. (1894) Critique de combat

Il a souvent des phrases qui font sourire par leur coquetterie surannée et que l’éditeur des Mémoires, M.  […] Il a hardiment appliqué la méthode mathématique à la pseudo-science qui se complaisait trop dans le vague des phrases. […] Par haine des phrases molles et lâches, il déroulera souvent sa pensée en longues périodes, pleines à craquer, serpentines et compliquées comme son paraphe. […] Ô la phrase sacramentelle que j’ai entendue tant de fois : « C’est un jeune homme d’avenir : il a de si belles protections !  […] Son cerveau fonctionne, presque malgré lui, comme un moulin à phrases, à métaphores et surtout à subtiles analyses.

317. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

La phrase est de Rousseau : un cuistre malfaisant. […] Quelles phrases ? […] Il me paraît logique d’admirer dans les phrases de M.  […] Une musique invisible et très douce accompagne ses phrases en cadence. […] Presque toutes les phrases proférées par J.

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