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313. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

Il y a plus : j’estimais que si un homme était capable de mettre de l’agrément dans un livre philosophique, c’était le philosophe qui s’était une fois si joliment moqué des philosophes, et si c’était ainsi pour moi, si raisonnable, comme vous voyez, dans mon amour pour Taine, qu’est-ce que cela devait être pour ses admirateurs, qui le prennent pour le Génie en herbe de la littérature et le considèrent comme un jeune dieu ? […] Nous n’en tirerions jamais de quoi cacher notre pauvreté philosophique, assez dénuée aujourd’hui dans l’auteur du livre De l’Intelligence, pour qu’il me fasse l’effet d’être nu comme un petit saint Jean.

314. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Avant-propos de la septième édition »

On étonnerait beaucoup un homme étranger aux spéculations philosophiques en lui disant que l’objet qu’il a devant lui, qu’il voit et qu’il touche, n’existe que dans son esprit et pour son esprit, ou même, plus généralement, n’existe que pour un esprit, comme le voulait Berkeley. […] Quand la philosophie prétend appuyer cette thèse paralléliste sur les données de la science, elle commet un véritable cercle vicieux : car, si la science interprète la solidarité, qui est un fait, dans le sens du parallélisme, qui est une hypothèse (et une hypothèse assez peu intelligible 1, c’est, consciemment ou inconsciemment, pour des raisons d’ordre philosophique.

315. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

N’en parlez pas davantage à Garat, par exemple, ou à Ginguené, ni généralement aux rédacteurs de la Décade : c’est le journal philosophique du temps ; on y imprime les pires polissonneries du citoyen Parny ! […] Eux-mêmes ne se doutent guère de la combinaison qui s’en fera bientôt, dans quelques têtes philosophiques, avec les idées du saint-simonisme naissant. […] Ils s’appelaient Saint-Lambert, Sieyès, Garat, Tracy, Laromiguière, — et on les rencontrait fréquemment dans les bureaux de la Décade philosophique. — Ils se réunissaient encore à Auteuil chez Mme Helvétius [Cf.  […] Janet, La Crise philosophique, Paris, 1865 ; — F.  […] 3º Œuvres philosophiques. — Essais de morale et de critique, 1860 ; — Questions contemporaines, 1868 ; — La Réforme intellectuelle et morale, 1871 ; — Dialogues et fragments philosophiques, 1876 ; — Mélanges d’histoire et de voyages, 1878 ; — Discours et conférences, 1887 ; — L’Avenir de la science, 1890 [écrit en 1848].

316. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

. —  Le génie philosophique de l’âge moderne. —  Analogie probable des trois périodes. […] « Le clair de lune transcendantal », entendez par là les rêveries philosophiques et sentimentales importées d’Allemagne. […] C’est la faculté philosophique par excellence, et, en effet, c’est la faculté philosophique qui, dans toutes leurs œuvres, a imprimé son sceau. […] On peut les considérer comme les deux legs philosophiques que l’Allemagne moderne a faits au genre humain. […] On peut marquer tous les pas qui conduisent la simple conception philosophique à l’état extrême et violent.

317. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Tel quel, il aura l’avantage d’une sorte de résumé philosophique et qui ne surcharge point l’esprit de plus de matières qu’il n’en peut recevoir en deux heures d’attention. […] Quant à cette idée en elle-même, c’est le but qui ne sera jamais atteint : pure notion métaphysique, abstraite, qui sert de direction suprême à l’œuvre artistique comme à l’œuvre philosophique, mais qui en soi et par soi n’engendre ni l’image, ni l’harmonie. […] Voilà qu’apparaît essentielle dans l’œuvre d’art la part philosophique de toute conception. […] L’autre, au contraire, plus sensuel, risque de tomber dans l’excès d’une sorte de matérialisme mystique et répond mal au désir philosophique de l’instant moderne. […] L’Art civil, dont nous trouverions peu de vestiges personnels et libres durant tout le moyen âge, est né le même jour que le libre examen, le même jour que l’esprit philosophique et se développe parallèlement, concurremment avec lui.

318. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Aussi, naturelle paraît l’émotion que ressentit Wagner lorsque, vers 1857, il connut l’œuvre philosophique d’Arthur Schopenhauer. […] Mais c’est à la musique seule qu’appartient, spécialement, le pouvoir de révéler le sens intime et philosophique des symboles religieux. […] Long travail substantiel, historique, critique et philosophique. […] Voici un court résumé de cette très importante leçon de l’illustre chef de l’école philosophique wagnérienne. […] Il s’intéresse surtout aux idées esthétiques et philosophiques de Wagner et recherche en particulier l’influence du wagnérisme aussi bien sur la littérature, la peinture, que la musique.

319. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

[Kant et sa philosophie] Kant est le père de la philosophie allemande : il est l’auteur ou plutôt l’instrument de la plus grande révolution philosophique qui ait eu lieu dans l’Europe moderne depuis Descartes. […] Dans la mythologie de l’Edda et des Niebelungen, la supériorité de l’homme sur la nature est partout exprimée, et là est déjà une sorte de théorie philosophique. […] Tel fut l’état philosophique, religieux, littéraire et politique de cette seconde époque. […] Les choses en étaient là, lorsque l’Allemagne entra en relation plus intime avec l’Europe philosophique qui avait cessé d’être cartésienne. […] Le sensualisme était devenu la forme philosophique de l’Angleterre et celle de la France.

320. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

De la parole et de la société Je viens d’esquisser l’histoire de la parole ; essayons maintenant de l’étudier sous le rapport philosophique. […] Toutefois Smith n’a pas vu la difficulté où elle est réellement : ce n’est point avec l’analyse philosophique que l’on peut y parvenir, car Smith a fait, à mon avis, par le moyen de cette analyse, tout ce qu’il était possible de faire. […] Lorsque la langue grecque s’introduisit chez ces maîtres impitoyables du monde pour les polir, ils voulurent d’abord la repousser, parce qu’il leur eût mieux convenu de rester barbares : lorsque, plus tard, cette langue leur fut devenue familière, ils ne voulurent y puiser que les doctrines philosophiques. […] Cet illustre auteur, dans ses Recherches philosophiques sur les premiers objets de nos connaissances morales, qu’il vient de publier, a fortifié par de nouvelles preuves, par de nouveaux raisonnements, par la discussion des systèmes opposés, la théorie du don primitif de la parole. […] Quoi qu’il en soit, tel qu’il est, il me paraît la pensée même du grand ouvrage de Pascal, réalisée quant à la partie philosophique.

321. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Il convient de faire une place au roi354, qui dans ses Mémoires et dans ses Lettres, se montre à son avantage, avec son sens droit et ferme, son application soutenue aux affaires, sa science délicate du commandement : une intelligence solide et moyenne, sans hauteur philosophique, sans puissance poétique, beaucoup de sérieux, de dignité, de simplicité, une exquise mesure de ton et une exacte justesse de langage, voilà les qualités par lesquelles Louis XIV a pesé sur la littérature, et salutairement pesé. […] Saint-Evremond nous intéresse surtout par ses opinions philosophiques. Il est franchement incrédule, plus assuré d’avoir un estomac qu’une âme, et partant plus disposé à faire le plaisir de l’un que le salut de l’autre, gourmand par principe philosophique, et parmi les misères de la vie, comptant, pour bonnes raisons de vivre, le vin, les truffes, les huîtres : il s’assurait aussi d’avoir un esprit, et, avec l’amour, surtout après l’amour, il tint l’amitié pour essentielle au bonheur de la vie. […] Et si l’horizon de Mme de Sévigné est plus large, si elle a des inquiétudes plus hautes et plus philosophiques, Mme de Maintenon a une expérience sûre et profonde de la nature humaine et des tempéraments individuels, une de ces expériences d’institutrice et de directrice d’âmes à qui rien ne se dérobe : on aime à entendre une personne de si bon sens et si bien informée, qui a perdu ses illusions sans en trop vouloir à autrui.

322. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Les vérités apportées au monde par la Renaissance appartiennent à l’ordre des vérités simples ou philosophiques, qui n’expriment que ce qui se fait. […] Mais de même que, parmi les vérités simples et philosophiques, bon nombre lui ont été inconnues, dont la forme des sociétés ne lui fournissait même pas la matière ; de même, dans l’ordre des vérités de devoir, elle a été bornée à cette sagesse d’instinct qui dirige les actions de l’homme pour le pays et pour le temps où il vit, et qui satisfait, par la même conduite, à la justice des dieux et à celle des hommes. […] Outre donc ce qui manquait à l’ordre des vérités philosophiques transmises par l’antiquité au monde moderne, tout un ordre nouveau de vérités morales devait venir du christianisme par la voix de la Réforme, c’est-à-dire de la renaissance de l’antiquité chrétienne. […] De là, une science nouvelle de l’homme, qui devait découvrir et mettre en culture toutes ces terres inconnues de l’antiquité païenne, quoique peut-être soupçonnées de ses sages agrandir notre nature ou plutôt lui restituer sa grandeur, en un mot, compléter l’ordre des vérités philosophiques, et fonder tout un ordre nouveau de vérités morales.

323. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Ce serait moins que jamais aujourd’hui le moyen de se débarrasser des difficultés, puisqu’elles ont surgi et qu’elles ont éclaté ; de toutes parts puisque des attaques, des négations philosophiques radicales ont eu lieu, telles que celle de Strauss en première ligne ; la meilleure manière pour se retracer l’image de la personne réelle et vivante de celui dont la venue a changé le monde est d’en revenir avec bonne foi et réflexion aux récits originaux qui nous ont conservé la suite de ses actes et de ses paroles. […] Que vient-on nous parler de mythe, de réalisation plus ou moins instinctive ou philosophique de la conscience humaine se réfléchissant dans un être qui n’aurait fourni que le prétexte et qui aurait à peine existé ? […] Mais tout cela, exemples ou préceptes, tout ce qui, chez les Anciens, fait de la très belle morale sociale et philosophique n’est pas le christianisme même vu à sa source, et dans son esprit et dans sa racine.

324. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Ce dernier poëme, qui est précédé d’une préface philosophique très-remarquable, dans laquelle l’auteur se porte comme le disciple libre et le continuateur à sa manière des Vico, Condorcet, Bonnet, Fabre d’Olivet, Ballanche, Saint-Simon, etc., ce poëme auquel on ne peut refuser élévation et imagination, réunit en lui toutes les difficultés conjurées de l’idée, de la langue et du rhythme, tous les mélanges de l’individuel et du social, du réel, du mythique et du prophétique ; c’est comme une cuve ardente où bouillonnent, coupés par morceaux, tous les membres d’Éson. […] Quinet a donné carrière à ses sympathies de moyen âge, en les relevant et les rachetant par ses vues philosophiques sur l’avenir du monde, sur la guerre dont il voit en Napoléon le dernier grand représentant, et sur la démocratie dont il le considère également comme le héros : « La poésie, dit-il, n’a pas seulement pour but de représenter Napoléon tel qu’il s’est montré aux contemporains. […] Antiquaire par son érudition allemande, poëte et philosophe par ses vues profondes et intimes sur l’histoire de l’humanité, familier avec les idées des Niebühr et des Gœrres, épris de l’imagination pittoresque de l’auteur de l’Itinéraire, il aborde la Grèce et l’interroge par tous les points, sur son antiquité, sur ses races, sur la nature de ses ruines, sur les vicissitudes de ses États, sur ses formes de végétation éternelle ; il saisit, il entend, il compose tous ces objets épars ; il les enchaîne et les anime dans un récit vivant, fidèle, expressif, philosophique ou lyrique par moments, selon qu’il s’élève aux plus hautes considérations de l’histoire des peuples, ou selon qu’il retombe sur lui-même et sur ses propres émotions ; c’est une œuvre d’art que ce récit de voyage : le sens historique et le sens des lieux y respirent et s’y aident d’un l’autre ; l’harmonie y règne ; le souffle du dieu Pan y domine ; l’interprétation du passé, depuis les époques cyclopéennes et homériques jusqu’à la féodalité latine, y est d’un merveilleux sentiment, et elle pénètre de toutes parts dans l’âme du lecteur, sinon toujours par voie claire et directe, du moins à la longue par mille sensations réelles et continues, comme il arriverait à la vue des ruines mêmes et sous l’influence du génie des lieux.

325. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Margueritte971, enfin, un révolté du naturalisme, a su garder la scrupuleuse étude des réalités, en y joignant l’intuition de la vie intérieure et une large pitié philosophique : il a donné deux ou trois œuvres qui ont chance d’être actuellement ce que notre art français soumis aux influences d’Eliot et de Tolstoï a produit de meilleur972 . […] Jules Lemaître, qui, sans répudier bruyamment la technique établie, sans déconcerter les habitudes du public, sans prétention philosophique aussi et sans fracas de symboles, nous a donné la sensation rafraîchissante d’une originalité sincère. […] L’influence de son christianisme démocratique et philanthropique a été très grande chez nous, je veux dire dans notre littérature : au comte Tolstoï doit surtout se rapporter l’esprit nouveau, plus largement philosophique et plus profondément humain, que je signale plus bas dans nos romans et même sur notre théâtre. — Anna Karenine, 2 vol. in-18, 1871, tr. 1885 ; la Guerre et la Paix, 3 vol. in-8, 1872, trad. 1880 et 1885 ; Ma religion, 1885 ; les Cosaques, souvenirs de Sébastopol, 1887, 4 vol. ; la Puissance des ténèbres, drame, in-18, 1887 ; la Sonate à Kreutzer, 1 vol. in-18, 1890 ; Souvenirs, Hachette, in-12, 1887, etc. — A consulter : M. de Vogué, le Roman russe.

326. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Le mysticisme étant la méthode d’un esprit curieux de savoir, mais tournant sa curiosité sur soi-même, y cherchant une interne et intuitive lumière, — pour un païen est plutôt plastique, artistique, philosophique, pour un chrétien théologique et religieux ; celui-là apparaît dans les civilisations décadentes, celui-ci aux âges naïfs. […] Dans sa préface, la rengaine a priori (du désenchantement par l’intelligence et de la vie dorée par l’Effort) est fortifiée par des considérants philosophiques. […] Bérenger, que son caractère littéraire et philosophique ferait plutôt un conducteur.

327. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Ribot joua également un rôle décisif au plan institutionnel, comme artisan de l’autonomisation de la science « psychologie » autour de La Revue philosophique (1876), et de la Chaire de psychologie expérimentale créée au Collège de France en 1887. […] Taine, Ribot, et la Revue philosophique », Unité et globalité de l’homme. […] C’est bien à cause de cette dimension subjective de la psychologie philosophique qu’Auguste Comte par exemple, dénia à cette activité dans son Cours de philosophie positive, toute prétention à la positivité scientifique.

328. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Comme toutes les productions humaines, les systèmes philosophiques ont leur cause, et ne s’expliquent que par leur milieu. […] Je prends une phrase très-courte, je suppose qu’un analyste du dix-huitième siècle soit ici et veuille la comprendre : comptez toutes les tranformations qu’il devra lui faire subir, et jugez par le nombre des traductions à quelle distance la pensée philosophique de M.  […] Cousin est mort en 1867, et n’a point publié d’autres ouvrages philosophiques que ceux dont il est parlé ici.

329. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

1833 Dans les dernières années de la Restauration, quelques jeunes hommes, attachés à ce régime par leur naissance, leur éducation et leurs premières doctrines, mais aussi empreints, à un certain degré, de l’esprit du siècle, ou du moins comprenant et appréciant cet esprit avec une impartialité remarquable, fondèrent, sous le titre de Correspondant, un journal qui, avec moins d’éclat et d’influence, suivit, dans l’école religieuse et royaliste, une ligne assez analogue à celle du Globe dans l’école libérale et philosophique. […] Dans la république de l’avenir où nous tendons, les raisons secrètes ou avouées, les motifs égoïstes, intéressés, philosophiques ou mystiques, pour lesquels les institutions vraiment libres seront acceptées et pratiquées d’un chacun, offriront sans doute, surtout au début, beaucoup de variété et de bigarrure ; mais il suffira qu’on se rallie en fait à trois ou quatre grands points jugés indispensables.

330. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

La gêne et le besoin, une singulière facilité de caractère, une excessive prodigalité de vie et de conversation, la camaraderie encyclopédique et philosophique, tout cela soutira continuellement le plus métaphysicien et le plus artiste des génies de cette époque. […] Mais ce n’étaient pas seulement les tributaires du roi, dont le lieutenant des chasses avait la garde, qui entraient dans le domaine de son observation philosophique.

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