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352. (1930) Le roman français pp. 1-197

C’est la féodalité qui est venue bouleverser cette conviction : phénomène dont les résultats furent immenses. […] Résultat : deux phénomènes concomitants, bien qu’inverses. […] C’est le même phénomène qui apparaît dans Corneille, et dans les essais algériens d’un Normand oublié injustement, Masqueray. […] Il se passe alors dans notre esprit un phénomène assez curieux. […] Pour qu’il s’aperçoive de ce phénomène de physique culinaire, il faut qu’il se serve de ses yeux.

353. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

En conséquence de ce principe, qui a eu de si grands résultats, Pythagore a soumis au calcul les phénomènes des corps sonores et fixé la justesse absolue des intervalles qui sont contenus dans les limites de l’octave. […] Nous avions tort de dire un homme ; Mozart n’était pas un homme, mais un phénomène. […] Ce fruit du génie longtemps élaboré de génération en génération ne mûrit et ne tombe qu’à la dernière ; après ce phénomène l’arbre devient stérile et le progrès humain dans la famille s’arrête ; car, s’il continuait indéfiniment, comme le prétendent certains philosophes, la famille ne produirait plus un homme, mais un Dieu. […] La première lettre du père de Wolfgang, datée du 16 octobre 1762, rend parfaitement compte de l’esprit et des incidents de ce voyage d’artiste ambulant, montrant pour un peu d’argent ou pour quelques cadeaux son phénomène vivant aux bourgeois, aux grands et aux princes.

354. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

« Si Votre Excellence soutient, dis-je alors, que le monde est inné dans le poète, elle ne parle sans doute que du monde intérieur, et non du monde des phénomènes et des rapports ; par conséquent, pour que le poète puisse tracer une peinture vraie, il a besoin d’observer la réalité. […] Le beau est un phénomène primitif qui ne se manifeste jamais lui-même, mais dont le reflet est visible dans mille créations diverses de l’esprit créateur, phénomène aussi varié, aussi divers que la nature elle-même. […] » La nature bien observée avait été le missionnaire de l’existence et de la bonté du Créateur suprême ; il ne doutait plus de rien, et sa piété, illuminée par sa puissante imagination, lui paraphrasait partout les phénomènes dans le catéchisme de la création.

355. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Stéphane Mallarmé   Deux fois, durant ce siècle, un étrange phénomène a été produit — d’abdication artistique. […] Ainsi le seul romancier antérieur, Stendhal, ayant assisté à l’enchaînement ces phénomènes spirituels, avait, très-tôt, senti l’inquiétude des raisons premières. […] Il acceptera la mort sans nulle résignation, mais comme un phénomène indifférent, la transformation, seulement, de quelques organes : car l’illusion d’une âme personnelle et isolée, depuis longtemps aura, devant lui, disparu. […] Cet étrange phénomène s’est encore, une troisième fois, présenté : en France.

356. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Wagner, au contraire, est devenu musicien par une nécessité poétique, parce que la musique seule pouvait exprimer avec une « certitude absolue » les phénomènes psychologiques, les « états d’âme », qui étaient le fond de ses drames, et que la symphonie musicale devenait ainsi pour lui une partie intégrante et inséparable de la conception poétique. […] Dans le même temps la reproduction de certains phénomènes naturels sous un ordre fixe détermine les âmes à concevoir cet ordre comme nécessaire, et forme ainsi à nouveau leur perception des choses. […] Ronsard, sous le prétexte d’élégies, Théophile de Viau — ce phénomène qui stupéfie la régularité cartésienne du XVIIe siècle — furent les musiciens de sonatines graciles et délicates ; Lamartine instaura la lente et parfois monotone symphonie de nobles sentiments. […] Puis l’on peut se défier d’une analyse qui trop souvent consiste en des interrogations au lecteur : le lecteur doit apprendre de l’auteur pourquoi se produit tel ou tel phénomène moral, et non entendre l’auteur le lui demander.

357. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Les révolutions spontanées, continuelles, que je n’ai cessé d’éprouver, que j’éprouve encore tous les jours, ont prolongé la surprise et me permettent à peine de m’occuper sérieusement des choses étrangères, ou qui n’ont pas de rapport à ce phénomène toujours présent, à cette énigme que je porte toujours en moi, et dont la clef m’échappe sans cesse en se montrant sous une face nouvelle, quand je crois la tenir sous une autre. […] Il donne l’idée que la première condition pour être psychologue est d’être infirme, ce qui ne se doit dire d’aucune science vraie : « Quand on a peu de vie, dit-il, ou un faible sentiment de vie, on est plus porté à observer les phénomènes intérieurs.

358. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

C’est encore un défaut des Considérations — et une fâcheuse tendance du génie de l’auteur — que cet amour des généralisations qui conduit à ériger témérairement en lois des phénomènes aperçus une fois dans l’histoire. […] Il est impossible, dans l’infinie complexité des choses humaines qu’une infinité de forces concourent à produire, quand les causes physiques et les causes morales se perdent dans les obscures profondeurs de notre organisme et de notre conscience, quand on ne démêle encore — et au temps de Montesquieu on était loin d’être aussi avancé que nous sommes — quand on ne démêle que les plus superficielles réactions et les plus grossiers enchaînements de phénomènes, il est impossible de déterminer ce qu’il aurait fallu ôter ou retrancher d’énergie humaine ou de travail législatif pour détourner ou barrer le cours des événements.

359. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Cependant, pour peu que la transformation des habitudes et des goûts qui nous a frappés ait une certaine profondeur et qu’elle apparaisse en plusieurs milieux éloignés et différents de langue et d’organisation sociale, il est bien difficile de croire à une transmission d’une pareille promptitude et l’on est obligé de se demander s’il n’y a pas eu sur ces points divers naissance multiple de phénomènes semblables. […] Et, par un phénomène inverse, nos dilettantes blasés ont salué naguère de cris de joie le souffle tonique et ragaillardissant qui s’élevait du théâtre d’Ibsen.

360. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

Sans vouloir nous étendre sur un problème qui ne fait pas partie intégrante de ce travail, nous croyons qu’il faudra à l’avenir distinguer dans l’émotion ordinaire (non plus esthétique) : d’une part, l’excitation, l’exaltation neutre qui la constitue, qui est son caractère propre et constant : de l’autre, un phénomène cérébral additionnel, qui est l’éveil d’un certain nombre d’images de plaisir ou de douleur, venant s’associer au forni originel, le colorer ou le timbrer pour ainsi dire, et produire la peine ou la joie proprement dites, quand elles comprennent le moi comme sujet souffrant et joyeux. […] Une note de l’article de la Revue contemporaine qu’Émile Hennequin consacra à Flaubert (octobre 1885) nous apprend que le critique suisse entra en contact avec Féré pour mieux connaître les phénomènes inconscients d’acquisition du langage (p. 169).

361. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

On peut donner de l’existence des systèmes en philosophie une explication plus scientifique et plus profonde en disant qu’ils ne sont que des hypothèses provisoires destinées à lier les phénomènes connus, à en rendre compte dans la mesure de notre expérience et de notre science, à susciter même la recherche de faits nouveaux et inconnus qui viennent soit vérifier, soit renverser l’hypothèse reçue. […] S’il cherche le secret des choses, c’est qu’il croit qu’il y en a un ; c’est donc qu’il ne se contente pas du pur phénomène, et qu’il saute par-delà.

362. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre I. La demi-relativité »

Le phénomène n’a rien de comparable à l’allongement d’un balancier. […] Mais grâce à la contraction de mes longueurs, à la dilatation de mon Temps, à la dislocation de mes simultanéités, mon système devient, vis-à-vis des phénomènes électro-magnétiques, l’exacte contrefaçon d’un système fixe.

363. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

Il faut y voir un des phénomènes littéraires et moraux les plus curieux de notre temps.

364. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Il écarte le miracle, l’intervention divine, il affirme le déterminisme des phénomènes : cela, paisiblement, sans tapage, sans violence.

365. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

Par un phénomène inexplicable et pourtant bien réel, s’il est vrai que les diverses figures peintes d’un même comédien ne se ressemblent jamais entre elles, il est également vrai que les portraits des comédiens d’une même époque se ressemblent tous, tous  comme des frères.

366. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Beaucoup se le figurent comme une manière de bon vivant et de bon plaisant, qui se moque gravement de tout, et — phénomène bizarre, retour absurde des choses d’ici-bas — on dirait que le vulgaire lui prête un peu des traits de ce banal Béranger, dont M. 

367. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

Maupassant offrait le singulier phénomène d’une sorte de classique primitif survenu à une époque de littérature vieillissante, décrépite et tourmentée.

368. (1888) La critique scientifique « Appendice — Plan d’une étude complète d’esthopsychologie »

Synthèses 1° Synthèse artistique éparse dans les analyses 2° Synthèse biographique finale ; 3° Synthèse sociologique : le groupe romantique ; le groupe des romantisants ; phénomènes généraux du verbalisme national.

369. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

Cet ouvrage fut alors très-vanté, parce qu’il venoit de quelques femmes, & qu’une femme auteur étoit presque un phénomène littéraire.

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