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851. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Lorsque l’heure de l’étude marquait la fin de la récréation, son père paraissait sur le pas de la porte du jardin sans dire un mot, et il se plaisait à voir tomber les jouets des mains de son fils, sans que celui-ci se permît même de lancer une dernière fois la boule ou le volant. Pendant tout le temps que le jeune Joseph passa à Turin pour suivre le cours de droit à l’Université, il ne se permit jamais la lecture d’un livre sans avoir écrit à son père ou à sa mère à Chambéry pour en obtenir l’autorisation. […] Et se redressant avec la conscience de sa force devant ces hommes de routine, leur montrant qu’il y a eu en ce monde plus d’affaires encore perdues par le trop de finesse que par l’imprudence ; que, s’il y avait imprudence dans le cas présent, elle n’eût été que pour lui seul, et que son idée d’ailleurs avait été approuvée à l’avance par un petit nombre d’hommes sages qu’il avait consultés : Or, permettez-moi de vous le dire, monsieur le chevalier, lorsqu’une idée née dans une tête saine qui surmonte un cœur droit a de plus été examinée attentivement et approuvée par quatre ou cinq hommes de poids, elle ne saurait plus être absurde ni condamnable ; elle peut être simplement désapprouvée, mais c’est bien différent.

852. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Quant à Mlle de Biron, comtesse de Bonneval, elle ne le prit pas si légèrement : il ne lui avait pas fallu un long temps pour s’attacher d’un goût très vif à ce brillant et volage aventurier, pour l’aimer même, bien qu’elle osât à peine se permettre un tel mot. […] Cependant il me semble que nous devrions balancer votre cœur ; et lorsqu’elle vous fera exposer votre vie, je devrais vous faire prendre les précautions qu’elle permet. […] La marquise de Prié et sa fille s’étaient permis de dire à leur cercle que la reine d’Espagne, épouse du jeune roi Louis Ier et fille de feu le duc d’Orléans régent, avait eu une aventure galante, accompagnée de certaines circonstances où le poignard avait joué un rôle.

853. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Deux considérations agissaient surtout sur l’esprit de Marmont : donner à ce gouvernement une force militaire et morale qui lui permît de compter près des Alliés, et obtenir pour Napoléon déchu des conditions meilleures. […] Ici, il est permis de dire que, malgré les connaissances scientifiques très étendues du maréchal et ses talents d’exécution, il aurait eu besoin de quelque contrepoids et de quelque contrôle. […] Le premier gentilhomme de la Chambre allégua l’étiquette qui ne permettait point de rentrer si promptement chez Sa Majesté6.

854. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

En matière de publicité et de théâtre, il est maître passé, il a perfectionné l’art de l’affiche, de la réclame, de la préface, l’art des lectures de société qui forcent la main au pouvoir et l’obligent d’accorder tôt ou tard la représentation publique ; l’art de préparer ces représentations par des répétitions déjà publiques à demi et où déjà la claque est permise ; l’art de soutenir et de stimuler l’attention, même au milieu d’un succès immense, moyennant de petits obstacles imprévus ou par des actes de bruyante bienfaisance qui rompent à temps la monotonie et font accident. […] On a presque jour par jour la suite de ses manœuvres et comme de ses marches et contremarches dans cette entreprise effrontée : « Le roi ne veut pas permettre la représentation de ma pièce, donc on la jouera. » Le 12 juin 1783, il fut près de l’emporter par surprise. […] Quelques jours après, c’était une lettre de lui qui courait et qu’on disait adressée à un duc et pair qui lui aurait demandé une petite loge grillée, d’où quelques femmes de la Cour voulaient voir la pièce sans être vues : Je n’ai nulle considération, monsieur le duc (disait Beaumarchais dans la lettre qui courait le monde), pour des femmes qui se permettent de voir un spectacle qu’elles jugent malhonnête, pourvu qu’elles le voient en secret ; je ne me prête point à de pareilles fantaisies.

855. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

Pierre Janet boit dans une chambre voisine, on voit des mouvements de déglutition se produire sur la gorge de Mme B… Ce réglage des deux organismes l’un sur l’autre permet aussi la transmission de mouvements bien plus complexes accompagnés de sensations. « Si, dans une autre chambre, dit M.  […] Si, aujourd’hui, son importance s’est effacée dans les phénomènes psychiques conscients, elle a dû persister dans les phénomènes inconscients ; elle se manifeste encore plus ou moins au moment des amours ; elle permet encore au médecin de distinguer à distance telle ou telle maladie, et jusqu’à l’aliénation mentale. […] A ce moment le public, blasé et refroidi, sympathise moins avec les êtres mis en scène par l’auteur d’une œuvre qu’avec l’auteur lui-même ; c’est une sorte de monstruosité, qui permet pourtant de voir dans un grossissement le phénomène habituel de sympathie ou d’antipathie pour l’artiste, inséparable de tout jugement sur l’art.

856. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

« Dans la première, on n’examine que des phénomènes dont on règle toutes les circonstances, pour arriver par leur analyse à des lois générales ; dans l’autre, les phénomènes se passent dans des conditions qui ne dépendent pas de celui qui étudie… Il ne lui est pas permis de les soustraire successivement, et de réduire le problème à ses éléments, comme fait l’expérimentateur ; mais il faut qu’il le prenne tout entier avec toutes ses conditions à la fois et ne l’analyse que par la pensée. […] C’est le sang qui permet à l’être vivant de supporter les plus grands changements dans le milieu externe, parce qu’il se maintient lui-même dans une sorte d’équilibre moyen, dont les perturbations accidentelles sont les principales causes des maladies. […] Ce problème a inspiré au philosophe Fichte, dans son livre de la Destination de l’homme, les pages les plus éloquentes et les plus profondes : c’est un de ceux que la philosophie de notre temps doit s’efforcer le plus de creuser, et dont l’examen permettra peut-être à l’esprit humain de faire quelques pas nouveaux.

857. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

Le ton d’autorité qu’il prend dans tous ses Livres, les censures qu’il se permet contre les meilleurs écrivains lui firent beaucoup d’ennemis. […] Un autre service qu’on pourroit rendre aux Provinciaux, ce seroit de composer un ouvrage où l’on ramasseroit toutes les mauvaises expressions, les tours vicieux, les phrases singulieres qu’on se permet dans les différentes provinces de France. […] in-8°. ; mais il ne s’est point permis les explications licencieuses de le Roux, & l’on n’y trouve point ces turpitudes qui font rougir les personnes les moins honnêtes.

858. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Le solitaire découvreur des terres vierges du songe ne permet pas aux grossiers produits d’humanité d’embarrasser la route qu’il suit, perdu qu’il est dans son rêve d’épuration toujours plus artistique et plus parfaite. […] Panizza Poussé par un sentiment d’amertume à l’égard d’un groupe d’artistes, que je me permis de nommer, non sans flatterie pour eux, les Narcisse modernes, j’écrivis contre cette école bizarre un réquisitoire assez violent, dont un livre de vers m’avait fourni le thème. […] Je me permettrais de citer George Sand, Elisabeth Browning, Berthe de Suttner, Olive Schreiner, qui ont su, il me semble, concilier l’amour sexuel avec l’intellectualité la plus haute.

859. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Comme tous deux appartiennent à un même ordre, la comparaison est permise et fructueuse. […] En attendant, permettez-moi de me ranger, dans une seconde lettre, aux côtés de M.  […] L’enseignement du Collège de France ne permet à peu près aucune action réelle. […] L’exemple de Sainte-Beuve est caractéristique, nous permet d’appliquer la méthode des variations concomitantes. […] Voilà le bénéfice que le recul d’un quart de siècle, en 1926, nous permet d’apprécier en toute connaissance.

860. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PENSÉES ET FRAGMENTS. » pp. 495-496

En un mot, quand on a souci de l’avenir, quand, sans avoir la vanité de croire à rien de glorieux, on se sent du moins le désir permis d’être en un rang quelconque un témoin honorable de son temps, on a toutes les précautions à prendre : on ne saurait trop faire navire et clore les flancs, pour traverser, sans sombrer, les détroits funestes.

861. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 58-61

Nous ne nous permettrons aucune reflexion sur ce dernier passage vraiment philosophique.

862. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Avant-propos » pp. 1-5

Les ecrivains qui raisonnent sur des matieres, s’il étoit permis de parler ainsi, moins palpables, errent souvent avec impunité.

863. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Rathery »

Qu’on nous permette de risquer un mot sur un livre qui n’est aussi qu’un mot, mais bien dit !

864. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

A ce propos, qu’on me permette de placer une courte anecdote. […] L’éloignement ne permet donc pas aux parents d’y venir souvent voir leurs enfants ; la règle interdisait d’ailleurs les vacances externes. […] » Une des rares récréations qu’il se permettait, c’était d’aller au Jardin ou au Père-Lachaise. […] Nous-même, s’il nous est permis de nous citer après des noms si glorieux, nous avons eu dès le début cette double faculté. […] Méry avait une force d’intuition qui lui permettait de supposer avec une merveilleuse exactitude la flore et la faune d’un pays qu’il n’avait jamais vu.

865. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Permettez-moi de revenir en quelques mots sur ce sujet, afin que nous puissions mieux comprendre, et atteindre d’une manière plus sûre le but que nous poursuivrons dans le cours de ces leçons. […] Permettez-moi encore, Messieurs, de vous citer un exemple pris parmi les faits les plus simples, afin que vous soyez bien convaincus de cette vérité. […] Cela nous permettra ensuite d’aller plus vite dans notre exposition, et d’être mieux compris. […] C’est dans cette dernière partie de l’opération que l’hydrogène sulfuré, en formant le sulfure de plomb, entraîne complétement la matière opaline, et permet d’obtenir, après une dernière filtration, un liquide hépatique parfaitement transparent et incolore, très propre à permettre alors l’examen de ses caractères optiques. […] Mais la science physiologique permet de fixer dans quel cas il faut dire oui, et dans quel cas non ; et voilà justement pourquoi, pour juger une question vitale, il faut être physiologiste.

866. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Il n’est plus, s’il m’est permis d’emprunter un instant le langage de Spinoza, une substance : il est un attribut. […] Les moralistes peuvent déplorer une telle indifférence ; les artistes s’en consoleront : c’est elle, après tout, qui a permis à M.  […] Ne songeant qu’à l’amour (qu’il me soit permis d’employer ce mot puisqu’on sait à présent le sens spécial que lui donne M.  […] Pour en obtenir les effets qu’elles permettent, il faut bien les mettre en pratique. […] Mais pourtant, ils ont des traits communs, qui permettent au critique de les rapprocher, comme ils ont permis à leurs doctrines d’exercer ensemble une action parallèle.

867. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

C’est un des progrès assez rapprochés que la divine bonté permet à l’homme d’espérer d’entrevoir sur ce globe. […] Une galerie étroite vous permet d’en contempler la profondeur, en appuyant vos mains crispées sur le parapet et la galerie. […] Tout ce que les yeux ou le télescope nous permettent de discerner de ses lois, dans les espaces astronomiques de l’étendue infinie de l’éther, n’est que la volonté absolue et mystérieuse de Dieu qu’il a commandé et commande d’exécuter à l’infini matériel de ces mondes flottants. […] Il est permis de le chercher, il est interdit de le découvrir.

868. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

Fior d’Aliza (suite) Chapitre VII (suite) CCXVI — Oui, j’ai pensé en moi-même : ne disons rien ; qu’il nous suffise de soupçonner qu’elle est là ; que son cousin n’y est probablement pas loin d’elle ; que le bon Dieu, en permettant ce rapprochement, a peut-être un dessein de bonté sur le pauvre prisonnier comme sur vous-mêmes, et attendons que le mystère s’explique avant d’y mêler nos indiscrètes curiosités et nos mains moins adroites que celles de l’amour innocent ! […] Mais si Dieu permet, pour votre salut éternel, ce que les hommes réprouveraient sans souci de votre âme ; si le Christ dit oui par l’organe de ses ministres, qui sont mes oracles, soyez certain que je ne dirai pas non, et que j’affronterai le blâme des hommes pour porter deux âmes pures à Dieu ! […] Et maintenant, son fils condamné pour homicide, au fond d’un cachot, sur la paille, attendant le jour du supplice ; son frère ayant perdu la lumière du firmament ; moi, flétrie et pâlie par les soucis, loin de ma fille que j’allais retrouver sans qu’il me fût permis de l’embrasser seulement quand je la reverrais ! […] Dès demain, il faut achever de scier un barreau de fer de la lucarne derrière l’autel de la chapelle des prisonniers, de manière à ce qu’il ne tienne plus en place que par un fil, et laisser la lime à côté, pour qu’un coup ou deux de lime lui permette de le faire tomber en dehors dans le verger de la prison, et qu’à l’aide de l’égout qui ouvre dans ce verger, au pied de la lucarne, et qui traverse les fortifications de la ville, Hyeronimo se trouve hors des murs, libre dans la campagne… Et toi, pourquoi ne le suivrais-tu pas ?

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