Resté l’homme des pensées du temps, il ne se serait jamais beaucoup élevé au-dessus de la fonction vulgaire d’un médiocre littérateur. […] C’est le catholicisme qui lui a créé une pensée. […] Les rhéteurs seuls ont pu inventer cette platitude du vêtement et du corps, pour dire le style et la pensée. […] C’est toujours enfin de la pure logique qu’il tire, lorsqu’elle est belle, toute la beauté de sa pensée. […] C’est un large cours de pensées que ses pensées, enchaînées les unes aux autres comme les flots aux flots, mais auxquelles il faut de la place.
Cousin, — l’influence de ces systèmes allemands, Barbares de la pensée civilisée et savante, contre lesquels il n’y a plus maintenant que le catholicisme pour refuge, comme il n’y avait non plus que le catholicisme, du temps des Barbares matériels ! […] Ce n’est pas l’instinct de la pensée chrétienne qui l’a poussé de ce côté et qui l’a fait aller d’Abailard, de l’hérétique Abailard, jusqu’à l’orthodoxe Anselme. […] Avec la hache de son scepticisme, il a coupé tous les câbles qui attachent la pensée humaine à la tradition. Robinson intellectuel d’un désert qu’il a fait autour de sa propre pensée, il a voulu créer tout, dans le vide qu’il avait creusé. […] Si du temps de Leibnitz, en effet, et après Leibnitz surtout, l’homme se spécialise chaque jour davantage et peut s’abstraire de tout ce qui n’est pas sa pensée et le mouvement extérieur de sa pensée, il n’en était point ainsi au Moyen Âge où la société tenait bien plus d’espace que l’homme : mère aux bras puissants, dans lesquels l’homme se tassait et, si grand qu’il fût, paraissait petit !
Si chimérique même qu’ait paru la phrénologie, et quoiqu’il s’y soit mêlé beaucoup de charlatanisme, c’est elle cependant qui a été le point de départ et qui a donné le signal des belles études expérimentales de notre temps sur les rapports du cerveau et de la pensée. […] L’ouvrage de la Physiologie de la pensée est écrit dans un très bon esprit, dans cet esprit de circonspection et de doute que l’on peut appeler socratique. […] Celui-ci, esprit net, rigoureux, sans déclamation, mais un peu systématique, incline à exagérer les rapports physiologiques du cerveau et de la pensée. […] N’oublions pas toute une classe d’ouvrages qui doivent être encore lus et étudiés par ceux qu’attire le grand problème des rapports du cerveau et de la pensée. […] Nous n’avons voulu mentionner ici que les ouvrages et les écrivains qui se sont placés au double point de vue de la physiologie et de la psychologie, et qui n’ont point séparé l’étude des organes de celle de la pensée.
Ainsi la parole ne quittera point la religion de Jésus-Christ, parce que là elle ne s’est point séparée de la pensée, et que la pensée, de sa nature, est immortelle, même la pensée de l’homme. […] Les vieillards de Troie ne pouvaient trouver mauvais que les peuples se fussent armés pour la querelle de la beauté : et Homère faisait sortir de cette pensée une poésie tout entière. […] Cet anathème n’est-il pas venu troubler, dans l’orgueil de ses pensées, l’heureux soldat, au moment même où il remportait la dernière de ses victoires ? […] Craindriez-vous, dans vos pensées pusillanimes, qu’il ne vînt ébranler des trônes fondés sur la limite des pouvoirs, parce qu’il a quelquefois brisé des sceptres absolus ? […] Il a cru, quelques instants, pouvoir la dominer comme les législateurs des peuples païens avaient dominé les religions païennes ; il n’avait pas vu que ces législateurs ne s’étaient pas séparés de la pensée religieuse, et que, sous le christianisme, la pensée religieuse ne peut être que la pensée chrétienne elle-même.
Des pensées de Pascal sur la religion, et de ce qu’il faut croire de son mépris pour la philosophie. De ses pensées sur la morale générale. — § V. […] Des pensées de Pascal sur la religion, et de ce qu’il faut croire de son mépris pour la philosophie. — Des pensées diverses. […] Pensées, II 17. […] Pensées, passim.
Vous verrez que quelque beau jour j’expirerai au milieu d’une belle phrase et plein d’une belle pensée. […] Vraie pensée de Socrate touchée à la Rembrandt ! […] nos Phalarîs ne font-ils pas mugir les pensées dans les mots façonnés et fondus en taureaux d’airain ? […] Sa pensée a la forme comme le fond, elle fait-image et apophthegme. […] Recueil des Pensées de M.
De cette ressemblance et de cette similitude de l’homme avec Dieu, il résulte qu’il y a société, au pied de la lettre, entre Dieu et l’homme, et que celui-ci a reçu de Dieu la loi, la pensée et la parole, sans laquelle la pensée humaine n’est pas. […] Le plus sûr et le plus commode pour juger des belles parties de Bonald, c’est de briser, de secouer en quelque sorte son réseau, et de ne voir que les pensées mêmes qui s’en détachent. […] Lui-même il a publié en 1817 un volume de Pensées, mais dans lequel, comme tous les auteurs en ce genre, il en a laissé passer un trop grand nombre. […] « Les grandes pensées viennent du cœur », a dit Vauvenargues. […] Joubert, dans ses Pensées, a une image toute pareille en jugeant Bonald.
Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses Je n’insisterai pas sur les autres figures, et ne m’arrêterai point à les énumérer : ce serait sans intérêt comme sans utilité. […] Dans toutes ces figures, on détourne une construction, une forme de phrase de son usage propre ; on la substitue à celle qui équivaudrait proprement à la pensée. Sous ce nom de figures de pensées, on a rangé les choses les plus disparates. […] L’antithèse est le contraste de deux pensées, dont le rapprochement fait saillir l’opposition. […] Il n’y a qu’à se laisser aller : les mots s’attirent par la contrariété des sens et par l’analogie des sons, et, si l’on n’y prend garde, la phrase s’achève pour l’oreille et non pour la pensée.
» À cette mobilité des choses sensibles Platon opposa les immuables rapports que saisit la pensée. […] La pensée est Ormuzd, la sensation est Ahriman ; l’une est le dieu, l’autre le démon. […] En un mot, nous avons quelque conscience concrète et spontanée des relations réelles avant d’en avoir la pensée abstraite et réfléchie. […] N’est-ce pas aussi impossible que de déclarer une chose bleue sans avoir la sensation de la couleur bleue et par un acte de pensée pure ? […] Examinons maintenant la méthode générale que suit la pensée pour résoudre ce problème et les autres qui s’y rattachent.
Pour représenter aux yeux un tel phénomène, les créateurs de l’écriture hiéroglyphique ont fait appel aux rapports de la pensée avec la parole et de la parole avec la bouche, et, comme la pensée est un acte, un fait passager, ils l’ont représentée par un homme en action, qui fait un geste, le geste de montrer sa bouche, organe de l’expression audible de la pensée. […] Quant au second jugement, il est peu à peu infirmé par les observations suivantes : petites émotions sans réaction sur les mouvements du cœur ; alliance intime de tout sentiment avec la pensée de ses causes, de son but, de sa nature ; en définitive, on localise le sentiment dans la tête avec la pensée. […] D’ailleurs pourquoi cette localisation instinctive serait-elle restreinte aux pensées ? […] La localisation de la pensée dans la tête ne peut s’expliquer que par l’association de la pensée avec une sensation localisée, ou périodique ou constante ; reste à déterminer quelle est cette sensation. […] II, p. 65. — Cf. de Cardaillac, p. 234 et 386 : « Le sentiment de la pensée et celui de la parole ne sont qu’un sentiment unique », etc.
Le plus souvent, par malheur, ce passage de la pensée à l’expression n’est rien moins qu’un épanchement abondant et facile : mille obstacles l’arrêtent. […] Ou bien l’expression n’a retenu de la pensée qu’une faible réminiscence qu’elle laisse à peine entrevoir sous sa pâleur, ou bien elle a prêté à cette pensée trop d’éclat, trop de saillie, et l’a altérée en y ajoutant : c’est même là le défaut ordinaire d’un esprit impétueux et fort. […] Et d’abord, hâtons-nous de le reconnaître, la pensée qui respire au fond de toutes ses compositions est éminemment poétique. […] Quand on a fait ces vingt vers, on doit comprendre qu’il est un moyen de laisser voir la pensée, sans s’épuiser à la peindre. […] Hugo et quelquefois un peu redondante, non pas cette harmonie attentive qui lie habilement les mots entre eux, mais celle qui marque le mouvement de la pensée et cadence la période.
La parole écrite a été une première matérialisation de la pensée, car l’écriture hiéroglyphique avait laissé à la pensée humaine toute son énergie primitive et toute son élasticité, si l’on peut parler ainsi ; mais l’imprimerie a achevé la matérialisation. […] La pensée a voulu réagir contre de nouvelles entraves qui lui étaient imposées. […] Les lettres sont devenues une profession, et la pensée un commerce. […] Toutes les fois qu’on a réclamé la liberté de penser, on ne demandait en effet que la liberté d’agir en vertu de sa pensée. Maintenant il ne s’agit plus que de la liberté d’écrire et de publier ses pensées.
Mais les surcharges et les redites ne servent qu’à émousser, qu’à brouiller la pensée, qu’à énerver la force des termes propres par le fâcheux cortège qu’on leur fait traîner. […] Car la chose est impossible, et quand on y prétend, on n’arrive qu’à tout noyer dans la prolixité, à délayer sa pensée comme une matière pâteuse et sans consistance. […] Il faut économiser les mots, et faire tenir le plus de pensée qu’on peut dans la plus courte phrase. […] Ces petites phrases aux facettes bien taillées, aux arêtes droites, où la pensée est comme cristallisée, s’incrustent dans la mémoire au lieu de se fondre et de s’assimiler dans l’esprit. […] Cela se rencontre dans Fénelon, qui a le style net, et la pensée souvent flottante, se dérobant dans des hésitations ou des contradictions intéressantes.
Tant que Shakespeare la domine, l’âme qu’il enchante reste fermée aux basses pensées. […] Il serait arbitraire d’affirmer que le sentiment régna d’abord, puis l’idée, puis la pensée. […] Sa pensée est désolée, manque parfois d’ampleur, non pas de profondeur, non pas de noblesse. […] L’effort direct vers la pensée ne sera plus l’emploi principal de la vertu poétique, mais la pensée ne sera plus oubliée. […] Chez lui, la pensée ne se laisse qu’indirectement voir.
Lorsque les Pensées de M. […] Cependant quelques esprits dont c’est la forme favorite et la propension intérieure n’ont pas cessé d’écrire des réflexions morales, des pensées : nous autres critiques, à qui l’on s’ouvre volontiers de ses désirs ou de son faible, et qu’on traite confidentiellement comme des directeurs ou des médecins, nous recevons beaucoup de livres dont le public n’est pas informé, et qui nous montrent que la série des principaux genres a sa raison dans le jeu naturel et dans le cadre permanent des facultés. […] Cette métaphysique des honnêtes gens, au xixe siècle, me paraît toujours avoir été pensée et conçue en présence d’un immense danger, et le lendemain d’une excessive curiosité punie. […] Je demanderai à citer ici quelques-unes de ces pensées, en les isolant de manière à les mettre plus en saillie. […] Les parties trop subtiles qui se trouvent dans les Pensées de M.
En exigeant des vers renforcés de pensées ; en préférant, dans les vers, les pensées à tout autre mérite, n’est-ce pas en bannir ce qui en fait l’agrément & la vie, l’imagination ? […] Ceux de la Mothe Houdart, les plus pleins de pensées, sont précisément ceux qu’on lit avec le moins de plaisir ; les vers de S. […] La Poésie a toujours été regardée comme une imitation de la Nature, & non comme une science de raisonnement ; elle est l’art de peindre, non l’art d’enfiler des pensées. […] S’il se fût borné à accumuler des pensées & des vérités dans son Télémaque, il n’auroit pas trouvé des Lecteurs, sur-tout s’il eût écrit en vers. […] Plein de souplesse & de modération, il présente ses pensées dans un jour ménagé, qui écarte de lui le blâme de l’excès, autant que le soupçon d’un zele trop vif.
» On n’en dirait pas plus pour les Pensées de Pascal. […] Les premières des Pensées ont été écrites en 1811 et s’appellent Airelles. […] La pensée lui naît tout ingénieuse, tout ornée, parfois très heureuse, d’autres fois recherchée, un peu bizarre et demandant de la réflexion pour être saisie. […] Elle a des subtilités de pensées qui échappent et qui, à force de couper le fil en quatre, n’ont plus aucune consistance. […] Cela ne l’empêche pas d’être un écrivain de beaucoup de distinction, de beaucoup de pensée et d’imagination.
Il ne faut pas même supposer que le mouvement de la science puisse de beaucoup survivre à l’ardeur de la pensée. La pensée est la sève qui vivifie le grand arbre de l’esprit humain… On voit le développement. […] Et puis, si l’on va au fond, qu’est-ce que cette pensée et cette philosophie, avec laquelle M. […] Vous parlez toujours de pensée ; mais quelle pensée ? Est-ce la pensée appliquée aux sciences, à l’histoire, aux langues, à l’érudition ?