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14. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Ce procédé est parfait pour la logique, qui a à montrer les formes de la pensée, non leur origine. […] Mais avec les éléments de la pensée, cette synthèse et cette analyse sont impossibles. […] La matière pure et la pensée pure sont des quantités inconnues qu’aucune équation ne peut trouver. […] On a compris qu’il disait que le cerveau sécrète la pensée, comme le foie sécrète la bile. […] Quelques infirmités de la pensée.

15. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Les caractères de la parole subsistent encore en elle, mais effacés ; elle paraît moins une parole ou quelque chose de la parole qu’un élément ou une détermination de la pensée ; son rapport avec la parole semble si faible et si lointain qu’il faut pour le reconnaître un véritable effort de réflexion ; au contraire, on ne la conçoit pas sans la pensée ni la pensée sans elle ; elle est comme un vêtement dont la pensée est toujours revêtue à nos yeux et sans lequel nous ne la reconnaîtrions pas. Qu’apercevons-nous quand nous la remarquons, sinon la pensée elle-même, mais la pensée vêtue, enveloppée d’une ombre de parole, ombre légère, insaisissable, qui fait corps avec elle et ne peut en être séparée ? On serait donc tenté de lui retirer le nom de parole et de l’appeler, par exemple, la pensée parlée ou l’élément phonoïde de la pensée. […] Pour l’expression de la pensée, inventer des combinaisons nouvelles de mots est nécessaire, et il n’est pas moins nécessaire que cette invention soit aisée : car la pensée est trop rapide et trop mobile pour pouvoir attendre longtemps la forme sensible dont elle aime à s’accompagner. […] L’activité novatrice de la pensée, voilà le principe qui la maintient à l’état d’habitude générale.

16. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIII. Pascal »

Dans ce livre qui saigne, ce n’est pas la pensée qui domine, c’est le pathétique ! La pensée qui circule dans ces Pensées est bientôt dite, et c’est toujours la même pensée. […] Telle est la beauté des Pensées. […] Mais Pascal, lui, le Pascal des Pensées, n’a pas, comme on dit, pris un jour. […] Mais il y en a un autre qui ne mourra pas, c’est le poëte des Pensées !

17. (1856) Cours familier de littérature. I « IIe entretien » pp. 81-97

C’est le phénomène moitié matériel, moitié intellectuel, de la translation de la pensée de l’un dans l’esprit de l’autre, ou de la pensée d’un seul dans l’esprit de tous. […] Elle est la répercussion du son, du signe, du mot, de la pensée, jusqu’à l’infini. […] II Comment s’opère cette répercussion mystérieuse de la pensée à la pensée ? […] Nous aimerions presque autant discuter pour savoir si c’est l’homme qui a inventé la pensée, c’est-à-dire si c’est l’homme qui s’est créé lui-même ; car il nous est aussi impossible de concevoir la pensée sans la parole qui lui donne conscience d’elle-même, que de concevoir la parole sans la pensée qui la constitue. […] Un vermisseau, mais un vermisseau parlant, résumant l’univers et Dieu dans une pensée, voilà donc l’homme !

18. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Ce sommet est la pensée, mais la pensée devenue universelle, collective, sociale. […] La question spéculative, et avec elle la pensée scientifique, ne commence que plus tard ; en présence d’un objet, la pensée ne dit plus : que faire ? […] D’autres doctrines déclarent la cause première supérieure à la pensée. […] Comment ne serait-ce pas la démarche naturelle de la pensée, puisque c’est la conscience même en exercice dans ce qui fait le fond de toute pensée, c’est-à-dire dans la sensation et la perception ? […] Telle est la première démarche de notre pensée.

19. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Hugo le déplorable passage de la pensée incomplète à l’abolition de la pensée. […] Hugo d’abandonner sa pensée à la première sommation. […] Je ne devine pas qu’elle a pu être la pensée de M.  […] Telle n’est pas notre pensée. […] Sandeau de changer le cadre de sa pensée.

20. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Les occupations mécaniques calment la pensée en l’étouffant, l’étude, en dirigeant l’esprit vers des objets intellectuels, distrait de même des idées qui dévorent. […] Elle vous fait parcourir une suite d’objets nouveaux, elle vous fait éprouver une sorte d’événements qui suffisent à la pensée, l’occupent et l’animent sans aucun secours étranger. […] Tout, hors la pensée, parle de destruction ; l’existence, le bonheur, les passions sont soumises aux trois grandes époques de la nature, naître, croître et mourir ; mais la pensée, au contraire, avance par une sorte de progression dont on ne voit pas le terme ; et, pour elle, l’éternité semble avoir déjà commencé. […] Dans la carrière de l’étude tout préserve donc de souffrir, mais il faut avoir agi longtemps sur son âme avant qu’elle cesse de troubler le libre exercice de la pensée. […] Combien l’instruction lui paraîtrait froide et lente auprès de ces rêveries du cœur, qui, plongeant dans l’absorbation d’une pensée dominante, font de longues heures un même instant !

21. (1909) De la poésie scientifique

De sa Vie unanime, poème harmoniquement composé, la pensée générale et la technique, le classent, en effet, parmi les « scientifiques ». […] Mais, tout en demeurant Symboliste  sa pensée et son art iront à découvrir et magnifier des significations générales de la Vie : ce qui doit être la pensée nécessaire du Poète, désormais. […] D’une part, la pensée, avons-nous vu, crée en dehors de pré-conception son propre et divers Rythme. […] Désormais la Matière évolue à prendre connaissance d’elle-même, à travers la sensation, l’instinct, la pensée. […] Pensée misérable.

22. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

J’y ai puisé ma plus pure émotion d’art et de pensée. […] L’œuvre de Victor Hugo est un document de la pensée et de la poésie du siècle dernier, — ce n’en est ni toute la pensée ni toute la poésie. […] Sur une trame, sur une pensée identique ; quelles ondoyances du dessin d’art ! […] Au surplus il n’est pas de pensées neuves. […] Existe-t-il dans l’ordre de la pensée une hiérarchie ?

23. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XI. De l’ignorance de la langue. — Nécessité d’étendre le vocabulaire dont on dispose. — Constructions insolites et néologismes »

Je ne parle pas de ces néologismes nécessaires, qui manifestent la vie même de la langue et lui font suivre par son incessante transformation l’évolution de la pensée : si le progrès des sciences et de l’industrie, les révolutions politiques, sociales, religieuses, économiques, ont fait éclore des idées nouvelles dans le cerveau de l’homme, ont revêtu les idées anciennes d’une forme nouvelle, il est inévitable que bien des choses ne puissent être désignées par les mots anciens, et il serait absurde de s’opposer à l’admission dans le langage de ce qu’on admet dans la pensée. […] Mais s’il convient de desserrer un peu ces liens qui étranglent arbitrairement la pensée, on ne doit pas confondra la tyrannie des grammairiens avec l’autorité de la grammaire. […] Il ne faut recevoir les mots du jour que pour parler des choses du jour ; les faits, les sentiments, les pensées qui n’ont pas de date, doivent se revêtir de mots qui soient de toutes les époques. […] Et il faut diriger les études de telle sorte que le vocabulaire dont on disposera le jour où l’on aura besoin d’exprimer sa pensée soit aussi ample, aussi riche que possible : l’intelligence même y trouvera son compte. La pensée en sera plus à l’aise pour se mouvoir ; elle aura plus d’agilité, plus de précision, plus d’étendue : tout mot est le signe d’une idée ; apprendre un mot, c’est acquérir la possibilité d’une idée.

24. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Entre ceux qui possèdent la forme sans la pensée et ceux qui possèdent la pensée sans la forme, il y a place pour le vrai poète qui réunit la forme à la pensée, qui complète l’inspiration par l’expression. […] Dans le premier, Bulwer explique sa pensée sur les directeurs de théâtres, et dans le second sa pensée sur la critique. […] Guizot une seule pensée qui lui appartienne. […] La pensée de M.  […] Dans la pensée de M. 

25. (1915) La philosophie française « I »

Au-dessous de cette philosophie de la nature on trouverait maintenant une théorie de l’esprit ou, comme dit Descartes, de la « pensée », un effort pour résoudre la pensée en éléments simples : cet effort a ouvert la voie aux recherches de Locke et de Condillac. […] Enfin, au fond de la théorie cartésienne de la pensée, il y a un nouvel effort pour ramener la pensée, au moins partiellement, à la volonté. […] La réforme qu’il opéra dans le domaine de la pensée pratique fut aussi radicale que l’avait été celle de Descartes dans le domaine de la spéculation pure. […] Ravaisson a mis en lumière ce côté artistique et classique de la pensée philosophique française. […] Maître incomparable, il a nourri de sa pensée plusieurs générations de maîtres.

26. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

» Ainsi, en 1696, la pensée de son livre était de ramener les hommes à Dieu. […] C’est tout un art imaginé pour faire passer les pensées communes qu’il n’a pas su éviter, ou dont il a cru avoir besoin comme de degrés pour nous mener à des pensées plus relevées. […] Suard s’en doute bien un peu ; mais, dans le pieux désir de ménager une gloire si populaire, il aime mieux faire tort aux pensées de leur vulgarité qu’à l’auteur. « La justesse d’une pensée, dit-il, la rend triviale. » C’est une excuse d’apologiste, et non une vérité. La justesse ne rend triviales que les pensées qu’il ne faut pas mettre dans les livres. […] Les pensées communes, quoique justes, ne doivent pas être recueillies dans les livres, lesquels sont faits pour défendre contre notre faiblesse et notre oubli, les plus essentielles de nos pensées, et comme les titres de notre nature.

27. (1912) L’art de lire « Chapitre VI. Les écrivains obscurs »

Mais il est très vrai aussi que tout texte où il y a de la pensée ne peut être qu’un lieu commun s’il est compris de prime abord. […] Mais ils l’exagèrent, premièrement en excluant ainsi de la littérature toute sensibilité, ou tout au moins toute sensibilité générale et en n’admettant que des sentiments rares très difficiles à pénétrer, c’est-à-dire à ressentir ; secondement, même quand il s’agit de pensée, en voulant que rien de la pensée ne soit compris du premier coup. […] Et la pensée, qu’on aura, pour ainsi parler, vidée du premier coup, n’est assurément qu’un lieu commun ; mais il est très important qu’une pensée originale soit d’abord accessible et comme hospitalière, ensuite se révèle comme digne d’un examen prolongé et l’exigeant. […] — Dans ce qui n’a pas de sens, ce sont eux qui en mettent un ; dans ce qui ne contient aucune pensée, ce sont eux qui mettent une pensée ou quelque chose d’analogue qui est à eux. Ceux-ci ont précisément besoin de textes obscurs pour y évoluer à l’aise et, pour ainsi parler, de textes creux pour y verser leur pensée propre.

28. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Son style, c’est sa pensée elle-même, et, comme cette pensée est toujours grande et forte, son style aussi est toujours grand, solide et fort. […] Pourquoi ne ferait-il pas aussi s’accorder des sentiments et des pensées ? […] Là tous nos beaux desseins tomberont par terre ; là s’évanouiront toutes nos pensées. […] L’antithèse ou le parallélisme de la pensée et du vers sont frappants dans la strophe ; il y a souvent compensation de la petitesse du dernier vers par la force de l’image ou de la pensée ; ou, au contraire, renforcement de la pensée par la majesté du vers. […] Voilà pourquoi nous aimons ces retours d’une pensée première, d’une pensée qui se déroule et s’agrandit pour se retrouver à la fin, même et autre tout ensemble.

29. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Les pensées de méditation sont plutôt divergentes. […] La pensée prend ainsi une plasticité étonnante. […] Notre pensée devient aberrante. […] Exprimer sa pensée, toute sa pensée, rien que sa pensée, c’est bien la règle à laquelle le prosateur se sent astreint. […] J’adhérerais pleinement à cette pensée d’E.

30. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Quoique son livre soit écrit par pensées détachées, il en a fait de chacun de ses chapitres un traité méthodique, en rapportant sous un même titre les pensées qui ont rapport à la même matiere, & en leur donnant tantôt plus, tantôt moins d’étendue. […] Le rédacteur des pensées de M. […] L’illustre Pascal est autant connu par ses Pensées que par ses Provinciales. […] Les Pensées du Comte d’Oxeintiern ont été trop souvent réimprimées, pour n’en pas parler. […] Mes Pensées ou quand dira-t’on ?

31. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Introduction »

Tous les règnes de la nature n’ont-ils pas leurs images dans notre pensée, où se fait une classification plus ou moins exacte des êtres, une reproduction plus ou moins fidèle de leurs types et du plan que réalise l’univers ? […] Le monde, conclut Schopenhauer, l’objet de la connaissance, c’est « ma représentation » ; l’étendue, le temps, la causalité, ma pensée les met dans le monde, organise le chaos des phénomènes selon sa propre loi et prononce le fiat lux. Il n’y a point d’objet sans sujet, de monde sans une pensée qui le conçoit ; les idées qui semblent me venir du dehors, c’est moi qui les forme, et, comme le disait Kant, ce n’est pas la pensée qui se conforme aux choses, ce sont les choses qui se conforment à la pensée. […] Nous croyons, au contraire, que l’explication des formes de la pensée tient, en grande partie, aux fonctions de la volonté et aux nécessités de la vie. […] En adoptant la doctrine de révolution, nous ne la prendrons plus dans ce sens trop matérialiste dont Spencer se contente et qui ne laisse à la pensée que le rôle d’un appareil enregistreur ; mieux entendue, la doctrine de l’évolution doit faire à la pensée sa place légitime dans le développement des choses et, à plus forte raison, dans le développement des idées.

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