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462. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

L’une de ses héroïnes, pauvre jeune fille lâchement séduite, l’infortunée Marie a décidé de mettre fin à ses jours. […] Oscar Méténier s’était uniquement donné la peine d’en changer le titre (jadis le Roman d’une jeune fille pauvre), et que le véritable auteur Oscar Honoré l’avait perpétrée, quarante années auparavant. […] Par exemple, qui connaît, à présent, le nom de Pelin, un pauvre et simple avocat marseillais, auquel Mirabeau dut la rédaction d’un grand nombre de ses discours ? […] Le pauvre homme était un entrepreneur aussi. […] Monsieur, Je ne suis qu’un pauvre petit instituteur de campagne, ayant pour principal souci l’éducation et l’instruction d’un groupe d’enfants du peuple au milieu desquels je me sens heureux.

463. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Thomas, à l’âge de douze ans, pauvre et abandonné, fut recueilli par la charité d’une pieuse femme qui le fit élever et instruire : il apprit dans cette maison la grammaire, le latin, le plain-chant, et surtout l’art recherché et précieux alors de transcrire d’une main courante les manuscrits rares que la découverte de l’imprimerie ne vulgarisait pas encore. […] Mais où l’auteur, pauvre moine inconnu dans un couvent de Brabant et n’en étant jamais sorti, aurait-il pu prendre ces trésors de sagesse humaine qu’on ne trouve que dans le long exercice du monde ? […] Voici votre serviteur, je suis prêt à tout : car je désire de vivre, non pour moi, mais pour vous ; faites que ce soit d’une manière parfaite et digne de vous. — Mon âme, dit l’homme, tu ne pourras trouver une pleine consolation ni une joie parfaite qu’en Dieu, qui est le consolateur des pauvres et le protecteur des humbles […] Je vous bénis, Père céleste, Père de Jésus-Christ, mon Seigneur, parce que vous avez daigné vous souvenir de moi, pauvre créature. […] J’ai été délaissé, pauvre exilé, en une terre ennemie, où il y a guerre continuelle et de grandes infortunes.

464. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Ces hommes sont barbares, violents, brutaux, sans délicatesse, de pauvres et étroits cerveaux peu garnis d’idées : où est la souplesse merveilleuse, la richesse épanouie de l’âme grecque, même aux rudes temps des guerres homériques ? […] La forme est sèche et rude, la langue raide et pauvre. […] Il n’est point de tortures que ces pauvres textes n’aient subies. […] L’invention abondante et pauvre des trouvères fait songer à la basse littérature de nos jours, à cette masse de romans et de drames manufacturés en hâte pour la consommation bourgeoise et pour l’exportation. […] Rajna, sont « aussi pauvres de types que riches d’individus », et M. 

465. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Puis, M. de Vogüé nous révéla magnifiquement Tolstoï et Dostoïewski, et, devant ceux-là encore, nos pauvres romanciers ne pesèrent pas lourd. […]     Silas le tisserand est un pauvre homme d’intelligence étroite et de coeur droit. […] Raskolnikof est le seul homme qui ne l’ait pas traitée avec mépris : elle le voit torturé par un secret ; elle essaie de le lui arracher… L’aveu s’échappe : la pauvre fille, un moment atterrée, se remet vite ; elle sait le remède : « Il faut souffrir, souffrir ensemble… prier, expier… Allons au bagne !  […] Au moins la Fantine des Misérables n’est qu’une pauvre bonne catin qui n’a jamais réfléchi ni sur Dieu ni sur le mystère de la rédemption par la souffrance. […] Est-ce que vous ne sentez pas que Flaubert aime la pauvre Emma ?

466. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

M. de Balzac fut donc transplanté de bonne heure ; ce ne fut pourtant qu’après avoir fait ses premières études au collége de Vendôme probablement, car j’aime à croire que son récit de Louis Lambert n’est en rien une fiction, et qu’il a été lui-même cet ami inséparable du pauvre et sublime enfant extatique. […] Si, dans le Bal de Sceaux, les héritages à flots ne lui coûtent rien ; si, dans les Célibataires, les meubles de Boulle, les Vierges de Valentin et les Christs de Lebrun se trouvent tout à propos mêlés au mobilier du chanoine Chapeloud pour faire péripétie vers la fin et révéler trop tard leur valeur au pauvre Birotteau dépossédé, ce ne sont là que des bagatelles et des pauvretés au prix de ce palais des Mille et une Nuits, de cette maison Claës et de ce qu’elle enferme. […] Ses épreuves, pauvre homme ! […] Maintes idées s’offraient à la fois : la première me portait à diriger mes pas près du roi-citoyen et à lui faire l’aveu de ma découverte ; l’autre, à faire un jour assez d’or pour former divers établissements dans la ville qui me vit naître ; une autre idée me portait à marier le même jour autant de filles qu’il y a de sections à Paris, en les dotant ; une autre idée me portait à me procurer l’adresse des pauvres honteux, et à aller moi-même leur distribuer des secours à domicile.

467. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

Le prophète Nathan, courageux vengeur du crime, force David à se condamner lui-même par la parabole de la brebis unique dérobée à son pauvre possesseur. « Mais le pauvre n’avait qu’une petite brebis qu’il avait achetée en nourrice, et qui avait été élevée sous son toit avec ses enfants, mangeant son pain, buvant dans son écuelle et dormant sur son sein, et il l’aimait comme sa fille !  […] XXI Maintenant, pour nous faire une idée juste de ce qu’est la poésie lyrique, écoutons chanter dans un même homme d’abord ce pauvre petit berger des montagnes de Bethléem ; puis cet adolescent armé de sa fronde, libérateur de son pays ; puis ce musicien favori de Saül assoupissant avec sa harpe les convulsions d’esprit de son roi ; puis ce proscrit cherchant asile dans les cavernes de Moab ; puis ce chef de bande et de parti courant les aventures sur les frontières de la Judée ; puis ce roi choisi par les prêtres et acclamé par le peuple pour éteindre la race de Saül et pour fonder sa propre dynastie ; puis ce souverain exalté par sa haute fortune, ne refusant rien à ses intérêts ni à ses amours, et ternissant ainsi sa vieillesse après avoir couvert d’innocence et de gloire ses jeunes années ; puis le vieillard puni, repentant, rappelé à Dieu par l’extrémité de ses châtiments, et convertissant encore ses sanglots en cantiques pour fléchir et pour attendrir son juge là-haut. […] « Mais la femme lui répondit : Je ne suis qu’une pauvre femme dans l’anéantissement de sa douleur ; je n’ai point goûté de jus de la vigne ni d’aucune boisson qui enivre l’homme ; mais je répandais mon âme ici devant mon Dieu.

468. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

On les joue « en l’honneur de Dieu pour l’instruction du pauvre peuple » : en 1407, à Chalon-sur-Saône, pour obtenir la fin d’une peste ; en 1500, à Amiens, pour remercier Dieu des bonnes récoltes. […] Lue bouffonnerie féroce se joue du pauvre corps humain. […] Toujours nasardes coups, tombent sur ces pauvres diables : ils sont bernés ; ils sont nigauds ; ils sont vulgaires. […] Cette imitation se serait organisée et développée, en prenant le sens d’une parodie universelle et consciente des folies de ce pauvre monde.

469. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Je sais bien que le pauvre Hugo n’a que cela. […] Il est le misérable ; il est le formidable ; Il est l’auguste infâme ; il est le nain géant ; Il égorge, massacre, extermine en créant ; Un pauvre en deuil l’émeut, un roi saignant le charme ; Sa fureur aime ; il verse une effroyable larme Et après tout ceci, qui n1est qu’un jeu d’antithèses, éclate un vers qui est enfin autre chose qu’un cliquetis de mots, un vers ému et tragique — (comme si le poète, à force de remuer les vocables, d’épuiser toutes les façons de traduire une pensée, devait nécessairement trouver, à un moment, l’expression la plus forte et la plus émouvante, et comme si sa prodigieuse invention verbale devait fatalement rencontrer la profondeur) : Comme il pleure avec rage au secours des souffrants ! […] Il souffrit pour le droit ; et si l’exil eut pour lui les compensations qu’il n’eut pas pour un grand nombre de pauvres diables, il serait cependant injuste de méconnaître le mérite et la beauté de son sacrifice. […] Et comme la douloureuse vieillesse du pauvre grand homme me devient chère quand je songe à la vieillesse d’idole embaumée de son heureux rival   Et quant à Musset, je sais bien tout ce qu’on peut dire contre lui ; mais il a tant souffert !

470. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Il semble qu’il ait déployé toutes ses voies pour m’envelopper de toutes parts ; et il n’en fallait pas tant contre un pauvre enfant qui n’y voyait pas malice. […] Figurez-vous votre pauvre ami courant des journées entières de visite en visite. […] Mon pauvre ami, c’est trop tard pour vous dire : « Prenez garde !  […] … J’ai été désolé que notre pauvre ami X*** se soit lié ; je parierais mille contre un qu’il a douté ou qu’il doutera.

471. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Dans un autre poème (Garin le Loherain), la femme du roi Pépin voulant se mêler de lui donner un conseil politique, le roi lui assène un coup en plein visage, et, comme sa main est gantée de fer, la pauvre reine s’en va, toute saignante, méditer ce rappel au silence et à la modestie. […] Le pauvre Cinna. se plaint, en y cédant, de la contrainte qu’on lui impose : Eh bien ! […] « Car, écrit-elle, ce qui a donné la supériorité aux hommes a été le mariage, et ce qui nous a fait nommer le sexe fragile a été cette dépendance où le sexe masculin nous a assujetties. » La pucelle d’Orléans dont le pauvre Chapelain a, si malheureusement pour elle et pour lui, fait la victime de son poème épique, était habilement choisie pour plaire à ces vierges sages si jalouses de leur liberté. […] Votre grand-père était un pauvre petit percepteur à Saint-Valery.

472. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

C’est cela surtout, l’éternité en arrière, que notre pauvre cervelle ne peut imaginer… Et pas une révélation, cela était si facile à Dieu… oui, de grandes lettres dans le ciel, quoi, une charte divine, imprimée clairement en caractères de feu. […] Il a un visage, moitié singe, moitié voyou de Londres, et une petite tête et un petit corps, où semblent germer tous les mauvais instincts d’un cocher de remise, d’une bonne de fille, d’un enfant de pauvre, enfin le type complet de l’emploi. […] Et nous passons toute la soirée, à regarder le roi Louis XV passer la revue de sa maison militaire, son livret à la main, et les soldats microscopiques et les curieux refoulés à coups de crosse de fusil, et les chambrières montées sur le haut des carrosses, et dont un coup de vent fait envoler les jupes. — Notre plaisir mêlé d’un petit remords, d’avoir pu si peu donner d’argent, pour un si beau dessin, à de si pauvres gens ! […] Thiers ou des harpistes comme Lamartine… Et les peintres donc, quelles pauvres intelligences !

473. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Jeudi 16 janvier Triste, triste cette journée, comme l’un de ces matins de sa jeunesse, où, au sortir du bal masqué, l’on a couché avec une femme, qui n’avait pas de drap à son lit, et où, au jour levant, on est entré voir l’enterrement d’un pauvre, dans l’église en face. […] Samedi 7 juin Je suis à l’enterrement du vieux Maherault, l’avant-dernier collectionneur sincère, l’avant-dernier collectionneur pauvre — je me regarde comme le dernier, — et je n’entends que colloques sans pudeur d’amateurs, tout réjouis par la perspective de la vente, et ne vois que têtes de marchands d’estampes, travaillant à attirer sur elles, l’attention de la famille. […] Pauvre naïf artiste, pauvre grand enfant, qui, un jour, perdant la tête, se pendit à propos d’une dette de 300 francs.

474. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Depuis, chaque fois qu’au gré des funèbres jeudis de la cour de cassation, il arrivait un de ces jours où le cri d’un arrêt de mort se fait dans Paris, chaque fois que l’auteur entendait passer sous ses fenêtres ces hurlements enroués qui ameutent des spectateurs pour la Grève, chaque fois, la douloureuse idée lui revenait, s’emparait de lui, lui emplissait la tête de gendarmes, de bourreaux et de foule, lui expliquait heure par heure les dernières souffrances du misérable agonisant, — en ce moment on le confesse, en ce moment on lui coupe les cheveux, en ce moment on lui lie les mains, — le sommait, lui pauvre poëte, de dire tout cela à la société, qui fait ses affaires pendant que cette chose monstrueuse s’accomplit, le pressait, le poussait, le secouait, lui arrachait ses vers de l’esprit, s’il était en train d’en faire, et les tuait à peine ébauchés, barrait tous ses travaux, se mettait en travers de tout, l’investissait, l’obsédait, l’assiégeait. […] Véfour chez qui vous dînez, déterrant çà et là une croûte de pain dans un tas d’ordures et l’essuyant avant de la manger, grattant tout le jour le ruisseau avec un clou pour y trouver un liard, n’ayant d’autre amusement que le spectacle gratis de la fête du roi et les exécutions en Grève, cet autre spectacle gratis ; pauvres diables, que la faim pousse au vol, et le vol au reste ; enfants déshérités d’une société marâtre, que la maison de force prend à douze ans, le bagne à dix-huit, l’échafaud à quarante ; infortunés qu’avec une école et un atelier vous auriez pu rendre bons, moraux, utiles, et dont vous ne savez que faire, les versant, comme un fardeau inutile, tantôt dans la rouge fourmilière de Toulon, tantôt dans le muet enclos de Clamart, leur retranchant la vie après leur avoir volé la liberté ; si c’eût été à propos d’un de ces hommes que vous eussiez proposé d’abolir la peine de mort, oh ! […] Mais vous, est-ce bien sérieusement que vous croyez faire un exemple quand vous égorgillez misérablement un pauvre homme dans le recoin le plus désert des boulevards extérieurs ? […] les pauvres innocents !

475. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Joseph de Guérin, lequel, au commencement du siècle, n’avait plus, de tousses marquisats, comtés et baronnies, que le pauvre châtel du Cayla, était l’aîné de quatre enfants dont un seul existe aujourd’hui, — Mademoiselle Marie, la dernière. […] » Fille de gentilhomme pauvre qui aimait son Cayla comme un grand terrien dépossédé aime le champ qu’il a sauvé des terres paternelles, et serrait noblement autour de soi et de ses enfants le reste déchiré du manteau seigneurial dans lequel ils devaient vivre tous abrités contre les derniers malheurs qui peuvent affliger les grandes races, Eugénie de Guérin eut une de ces éducations dont la simplicité, quand on la rapproche du miracle qu’elle a produit, n’étonnera guère que les esprits superficiels. […] Tous ces grands Inquiets, dans des sphères diverses, dont on peut dire le mot de l’historien Matthieu en parlant du duc de Bourgogne : « Qui hérita de son matelas le dut garder pour faire dormir, puisqu’un homme de telle inquiétude avait bien pu y sommeiller », s’épuisaient alors en mouvements de vanité colossale que six pieds de terre ont parfaitement calmés ; mais le spectacle qu’ils offraient à l’imagination et que le temps a diminué, comme le feu racornit les objets qu’il n’a pas consumés encore, vaut-il aux yeux de Dieu et aux yeux des hommes le plus rapprochés de lui par la pensée, le spectacle d’une jeune fille qui enfermait l’âme de la Cordelia de Shakspeare sous sa modeste gorgerette, et qui, puissante de rêverie, descendait de la nue de ses rêves — pour tricoter des bas à un pauvre, en lisant la Bible ou sainte Thérèse, ou pour faire, comme Bossuet, le catéchisme à quelque petit ignorant ? […] Depuis qu’il était sorti du collège et qu’il était entré dans le monde, Georges-Maurice de Guérin avait été toujours errant, tantôt chez M. de Lamennais, en Bretagne, où il vit le Lucifer du sacerdoce pencher longtemps sa tête d’astre sur le gouffre au fond duquel il allait se précipiter ; tantôt à Paris, ici ou là, obligé aux luttes familières à tous les membres de cette pauvre société déclassée, et sauvant de ces luttes qui auraient dû l’écraser, le talent le plus fait pour le repos, la contemplation, la position horizontale, et ce que les gens, qui suent aux mécaniques de ce temps, appelleraient peut-être l’oisiveté.

476. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Ce monde-ci est une pauvre mascarade… Ce pauvre homme (il s’agit d’un abbé Marini, un admirateur de Dante à Paris, et que pour cela Voltaire vient d’appeler un « polisson »), ce pauvre homme a beau dire, le Dante pourra entrer dans les bibliothèques des curieux, mais il ne sera jamais lu.

477. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Necker), mon jeune ami, plaignez-moi ; plaignez cette pauvre tête grisonnante qui, ne sachant où se poser, va nageant dans les espaces, et sent pour son malheur que les bruits qu’on a répandus d’elle ne sont encore vrais qu’à demi. […] Si vous-même vous êtes né pauvre et assujetti, si, aux prises avec la vie commune, vous ne rougissez pas d’en nommer les moindres détails, et si vous ne vous rebutez pas aux misères mêmes de la réalité ; si, en revanche, vous ne faites pas fi des joies bourgeoises ou populaires, si les souvenirs de l’enfance n’ont pas cessé de vous émouvoir, si l’aspect de la vallée ou de la montagne natale, le seuil de la ferme où vous alliez, enfant, vous régaler de laitage et de fruits les jours de promenade, rit en songe à votre cœur, alors vous trouverez votre compte avec Rousseau, même dans ces quelques lettres qu’on nous donne ici ; vous lui passerez bien des préoccupations vulgaires en faveur des élans de sensibilité et d’âme par lesquels il les rachète ; vous l’aimerez pour ces accents de cordialité sincère que toute son humeur ne parvient pas à étouffer. Voltaire aime l’humanité, et il affecte en toute occasion de mépriser le pauvre : Rousseau s’étonne de cette inconséquence, et la lui reproche doucement.

478. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Sandeau, son auteur de prédilection ; le premier dîner en tête-à-tête qu’il offre à celui-ci chez Bignon ; le dîner qui lui est rendu à un restaurant plus modeste hors barrière, le père Moulinon, où se réunissaient les gens d’esprit pauvres et un peu bohèmes, les « surnuméraires de l’art et de la littérature » ; puis, au sortir de là, une soirée de lecture dans un salon à la mode où il est présenté et où, pour payer sa bienvenue, il se pique de spirituelle impertinence. […] Un homme de lettres pauvre est tenté autrement qu’un homme de lettres riche. M. de Pontmartin nous a assez étalé son état de fortune pour que nous sachions qu’il ne pouvait faillir par les mêmes raisons que le pauvre Mürger, s’il est vrai pourtant que l’aimable Mürger ait eu les torts qu’il lui reproche.

479. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Un jeune homme de mérite, pauvre, cherchait du travail dans les journaux ; il s’adressa à Mercier qui dirigeait alors les Annales patriotiques et littéraires (1795), et dont le langage philanthropique lui avait inspiré confiance : « Je lui communiquai, nous dit le jeune homme, quelques morceaux que j’avais écrits : il parut enchanté de ma manière ; il y trouva tout réuni, force de style, imagination, philosophie. […] J’ai connu, il y a quelque quinze ans, un pauvre homme de lettres plus maigre et plus râpé que feu Baculard d’Arnaud, Fayot, qui passait sa vie à recueillir, à éditer, à colporter les Classiques de la table. […] C’est plus prosaïque que Baudelaire, lequel peint sur émail (se rappeler le Vieux saltimbanque, les Petites vieilles, le Café neuf ou les Yeux des pauvres) ; c’est moins cherché aussi.

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