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314. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexis de Tocqueville »

L’Académie lui ouvrit ses portes ; la Chambre les siennes. […] Il a son soin et son apprêt et il les porte partout, jusque dans ses lettres, où il a gardé le pli de ses livres et où je ne trouve aucune des qualités qui font d’une correspondance quelque chose de si vivant, de si intime, de si ouvert sur soi : la primesauterie, la négligence aimable, la grâce, la naïveté, l’impétuosité du mouvement, les enfantillages adorables des esprits puissants qui badinent avec leur force, comme des rois avec leur sceptre ou leur épée !

315. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

il enlève la science, cette puissante personne, — à la Rubens, — moins la couleur, il l’enlève dans les bras très fins de sa littérature, et lui ouvre ainsi dans le monde un chemin que, sans cette enlevante littérature, la science peut-être ne ferait pas. […] La fleur littéraire, qui n’est parfois qu’un brin de muguet, insinue son parfum dans ces livres de nomenclatures et de descriptions anatomiques qui devraient être si secs et parfois st nauséabonds pour tout ce qui n’a pas l’ardente et féroce curiosité du savoir, et cette petite odeur qui surprend là, mais qui plaît partout, invite les esprits les moins enclins à la science à prendre ces livres et à les ouvrir.

316. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

La cloche y sonnait à minuit et l’église s’y ouvrait à cette heure où l’on dort partout, et le confesseur infatigable, ce veilleur des âmes, entrait à l’église, où des foules l’attendaient déjà sous le porche ; car il avait donné le goût et presque la faim de la confession, ce grand Confesseur ! […] Il fonde des congrégations, ouvre des missions pour la France et pour l’étranger, bâtit des hôpitaux et des refuges pour toutes les douleurs et pour tous les abandons, ramasse les enfants dans son manteau, qu’il use à force d’en porter dans ses plis.

317. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

Le dénouement de cette sacrilège passion de l’idolâtre, qui meurt étranglé par un chien (le chien qu’il veut vendre pour quelques sous de plus), en criant, sous les morsures de la gueule implacable, ce nom de Dieu qu’il avait oublié, dont les quatre lettres servaient à ouvrir le mécanisme de son coffre-fort, et qu’il se rappelle tout à coup, en mourant au pied de ce coffre-fort, qui ne s’ouvrira plus, est une invention digne de la tête à combinaison d’Edgar Poe.

318. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

L’aigle de l’Idéal enfonce très bien, sans trembler, ses griffes d’or dans la réalité, et n’en ouvre pas moins ses ailes. […] … Né dans les premières années du siècle, quand le canon de Wagram fêtait le baptême de ceux-là qui pouvaient avoir l’espérance de mourir un jour en héros, et qui, l’Empire tombé, ne surent que faire de la vie, Alfred de Musset se jeta aux coupes et aux femmes de l’orgie comme il se serait jeté sur une épée si on lui en eût offert une, et il a peint cette situation dans les premières pages qui ouvrent les Confessions d’un enfant du siècle, avec une mélancolie si guerrière !

319. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

Il s’est ouvert en lui une source d’inspiration nouvelle. […] … Cette première idylle, qui ouvre les Idylles prussiennes, donne le la terrible de toutes les autres.

320. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Je me suis levé, j’ai ouvert ma fenêtre. […] Au moment où l’on nous ouvre la barrière, une femme dit au gardien, d’une voix dolente : « — Monsieur, vous avez mon mari, parmi les morts ? […] Il a ouvert à une femme, aux cheveux presque blancs, qu’il ne reconnaissait pas, tout d’abord, dans l’ombre. […] Je me lève… J’ouvre la fenêtre. […] Les Versaillais se répandent en ligne sur la chaussée, et ouvrent un feu terrible dans la direction du boulevard Montmartre.

321. (1893) Alfred de Musset

Elle ouvre dans leur roman un chapitre nouveau, qui est touchant à force d’absurdité. […] Dans son inquiétude, il ouvre les lettres et clabaude indiscrètement. […] il augmente tous les jours comme cette horreur de l’isolement, ces élans de mon cœur pour aller rejoindre ce cœur qui m’était ouvert ! […] Si j’allais casser le cordon de sa sonnette, jusqu’à ce qu’il m’ouvrît sa porte ? […] quel abîme tu m’ouvres !

322. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

On ouvre un autre tiroir ; qu’y trouve-t-on ? […] III De là un autre tiroir s’ouvre, et celui-là nous ramène plus directement à l’action très complaisamment étudiée des romans populaires. […] XVII Ici s’ouvre une des plus belles angoisses de conscience qu’il ait jamais été donné à l’homme de concevoir et d’écrire. […] On n’a jamais su qui ouvrit la porte, mais il est certain que la porte se trouva ouverte lorsqu’il y parvint. […] XXII Ici vous fermez le troisième tiroir, et l’auteur en ouvre un autre à propos d’une certaine famille Thénardier dont il a besoin pour changer les décorations de son drame.

323. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Toute la vie est un secret, une sorte de parenthèse énigmatique entre la naissance et l’agonie, entre l’œil qui s’ouvre et l’œil qui se ferme. […] Le drame s’ouvre par un conciliabule de sorcières ou de fées du moyen âge, pendant une tempête, sur une bruyère montagneuse, aride et désolée. […] À quelle bête apparteniez-vous donc lorsque vous vous êtes ouvert à moi de cette entreprise ? […] Le meurtre le plus sacrilége a ouvert par force le temple sacré du Seigneur, et a dérobé la vie qui en animait la structure. […] Tes os sont desséchés, ton sang est glacé ; rien ne se reflète dans ces yeux que tu ouvres ainsi.

324. (1864) Le roman contemporain

Bientôt après, la Constituante fatiguée termine sa carrière et la Législative arrive pour ouvrir la sienne. […] Mais entre les spiritualistes et les matérialistes s’ouvre un abîme sans fond et sans rivage sur lequel il n’est donné à personne de jeter un pont. […] Non, il n’est pas vrai qu’il existe une ville, un bourg où il n’y ait ni un cœur généreux, ni un esprit droit et ouvert, ni une âme élevée. […] Avec une sonnette qui vous avertit qu’il y a un voyageur sans asile à la porte, ou un pauvre qui demande du secours, on est toujours maître de l’ouvrir. […] Il voudrait que cette conscience, jusque-là fermée, s’ouvrît devant lui.

325. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Belle » p. 127

. — C’est un mauvais rôle que celui d’ouvrir les yeux à un amant sur les défauts de sa maîtresse ; jouissons plutôt du ridicule de son ivresse.

326. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Le soleil se levait magnifiquement après de longues pluies ; les trompettes sonnaient, les cris de cette multitude armée montaient jusqu’au ciel ; à perte de vue, sur la plage, dans la rivière largement étalée, sur la mer qui s’ouvre au-delà spacieuse et luisante, les mâts et les voiles se dressaient comme une forêt, et la flotte énorme s’ébranlait sous le vent du sud78. […] Il est privé, ou, si vous l’aimez mieux, il est exempt de ces soudaines demi-visions, qui, secouant l’homme, lui ouvrent en un instant les grandes profondeurs et les lointaines perspectives. […] Voulez-vous ouvrir le plus ancien, le plus original, le plus éloquent, à l’endroit le plus émouvant, la chanson de Roland au moment où Roland meurt ? […] Rien de plus clair que le style de ses vieux contes et de ses premiers poëmes ; ou ne s’aperçoit pas qu’on suit le conteur, tant sa démarche est aisée, tant le chemin qu’il ouvre est uni, tant il se laisse glisser doucement et insensiblement d’une idée dans l’idée voisine ; c’est pour cela qu’il conte si bien. […] Souvenez-vous comme Joinville conte, en six lignes, la fin de son pauvre prêtre malade qui voulut achever de célébrer sa messe, et « oncques puis ne chanta et mourut. » Ouvrez un mystère, celui de Théophile, celui de la reine de Hongrie : quand on veut la brûler avec son enfant, elle dit deux petits vers sur « cette douce rosée qui est un si pur innocent  » ; rien de plus.

327. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Madame Vien » p. 173

Madame Vien Une poule hupée, veillant sur ses petits. très-beau petit tableau ; bel oiseau, très-bel oiseau ; belle huppe, belle cravate bien hérissée, bec entr’ouvert et menaçant, œil ardent, ouvert et saillant ; caractère inquiet, querelleur et fier.

328. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 75-77

Un autre service que M. de Laplace a rendu, par cette Traduction, c’est d’avoir ouvert une source, où ceux de nos Auteurs qui n’entendent pas l’Anglois, peuvent aller puiser des idées, des situations, des caracteres, des sujets même, pour le naturaliser ensuite sur notre Scène.

329. (1911) Études pp. 9-261

Elles s’ouvrent tout auprès de lui, pareilles à l’amour quand il nous tient sans parler contre sa poitrine. […] Gauguin ouvre des paysages. […] Elle n’est que l’élargissement de l’allégresse, qu’une phrase qui s’ouvre et monte. […] C’est un sentiment qui s’ouvre à nouveau dans mon âme, comme il s’ouvrit d’abord dans celle de Gide. […] À la fois elle s’attarde et elle ouvre une ère nouvelle.

330. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

I Causons à l’ombre de ce dernier bouquet de chênes de la colline de Saint-Point, puisqu’un véritable soleil d’Athènes luit aujourd’hui sur cette vallée de Gaules, fait grincer la cigale d’Attique dans les joncs desséchés des bords de la Valouze, comme je les ai entendues autrefois dans les lits poudreux du Céphyse, et puisque la lumière ardente du midi répercutée et rejaillissante de ces roches grises, en faisant nager et onduler dans l’éther les cimes dentelées de ces montagnes, me fait songer, autant que ce livre ouvert sur mes genoux, à cette lumière dorée de la Grèce. […] C’est une accumulation de hautes cimes noires qui semblent se défier les unes les autres à qui s’élèvera le plus haut et le plus abruptement dans l’éther, et qui ferment d’une barrière infranchissable à l’œil l’horizon jusque-là ouvert devant vous. […] Sa vieille église, remarquée des voyageurs par son caractère oriental et par ses découpures de pierre, porte l’hiver son linceul de neige, comme une morte attendant le fossoyeur sur la grille du cimetière ; des maisons de paysans isolées ou groupées, une auberge peinte s’ouvrent sur la principale rue ; sa porte est obstruée par une file de ces chariots comtois, attelés d’un seul cheval au collier garni de sonnettes, caravane de montagnes tout à fait semblable aux interminables caravanes de chameaux de Mésopotamie qu’on rencontre dans les défilés de Damas ; de petits champs pierreux ou quelques grasses chènevières, de noir humus tombé des rochers et retenu par des murs de pierres sèches autour de l’étable, voilà Saint-Lupicin. […] Louis de Ronchaud ; ouvrez et lisez : jamais la science ne se révéla en plus beau style.

331. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

la tombe s’ouvre sans pitié sous les pas de ma jeunesse ; et pendant que je suis en proie aux plus cuisantes douleurs, je cherche à les tromper quelques heures en m’entretenant avec toi. […] XI Après avoir entrelu quelques rondeaux, chansons des jeunes et érudites amies de Clotilde qui ouvrent le volume, comme on humecte les bords du vase avant d’y boire à pleine coupe, j’arrivai à Clotilde et je lus sa première pièce à son premier-né. […] Et boutons frais trop pressés de s’ouvrir… Mes yeulx riants qu’ont veu nos champs flourir Plus qu’ugne fois, ceste-là s’estonnerent Qu’en çà des monts nul d’iceulx qu’entonnerent Le chant de may, pour model n’eusse priz Ce grand tabel, dont voyons touz le prilx : Pourquoy me dy : Clotilde qu’ez jeunette, Se n’est méfaict quant fusse orguillouzette De si beaulx dons que Phœbus et l’Amour T’ont fait, te font, et feront tour à tour. […] Ores, entour, querroy la belle amye Qu’avoit ouvert mon jeune aage aux plaizirs ; Ores cuydoye infernale lamye Par les enfers avoir esté vomye, Pour m’adurer d’indomptables dezirs.

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