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1166. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Renan ne s’est jamais débarrassé de ses origines ecclésiastiques. […] Ce n’est pas d’hier qu’on s’est avisé de mêler la religion à des affaires où elle n’avait rien à voir ; et je crains qu’il ne faille faire remonter jusqu’à Chateaubriand l’origine de cette confusion de pouvoirs si parfaitement désobligeante. […] Elles prennent naissance sur un point du globe, puis elles commencent leur voyage sous d’autres cieux ; elles se modifient suivant les milieux, se chargent de pensée, se transforment ou se déforment pour revenir à leur pays d’origine, les mêmes toujours et pourtant différentes. […] — C’est ce que se sont demandé presque à la même heure deux écrivains d’origines et de tendances très différentes. […] Los peuples au temps de leurs origines ont ce don de l’imagination plastique : alors prennent naissance les religions et les mythologies.

1167. (1883) Le roman naturaliste

Il est fâcheux seulement que l’on s’avise alors d’écrire l’histoire ; et que, tandis que l’on avait tant de choses à nous dire des Rougon-Macquart croisés ou « remués » de Quenu-Gradelle, on perde plutôt son temps à vouloir nous conter, tout à fait fantastiquement, les origines du roman naturaliste. […] Que si maintenant Gœthe, si Chateaubriand, si les romantiques à leur suite, n’ont pas une place plus large dans l’histoire des origines du roman naturaliste, c’est justement parce que, bien loin d’avoir agrandi le cercle que Rousseau venait de tracer au roman moderne, ils l’auraient plutôt rétréci. […] Le proverbe, — un proverbe très naturaliste, — a bien raison de dire qu’on ne ment pas à ses origines. […] Si vous remontiez jusqu’aux origines, peut-être les retrouveriez-vous dans un passage des Confessions, à l’endroit où Jean-Jacques, après trente ans passés, apercevant, comme jadis aux jours de sa jeunesse, « quelque chose de bleu dans la haie », pousse le cri demeuré célèbre : Ah ! […] Si vous lisez Silas Marner superficiellement, il vous paraîtra que cette mort n’intéresse qu’une seule personne ; si vous y regardez de plus près, vous trouverez qu’elle est l’origine d’un changement de direction dans l’existence de tout le petit monde que l’auteur a groupé dans le village de Raveloë.

1168. (1929) Dialogues critiques

On ne se fabrique une espèce de pouvoir, artificiel dans ses origines mais réel en fait, que pour monnayer ses faveurs et placer des services à gros intérêts. […] Paul Comme la corde… On utilise partiellement — et partialement — ses Origines de la France contemporaine, mais on jette par-dessus bord ce qu’on appelle son scientisme.

1169. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

Peu d’exemples sont plus instructifs ; on y suit l’hallucination depuis sa première origine jusqu’à son achèvement et sa guérison. […] Elle provoque les mêmes mouvements instinctifs et les mêmes sensations associées : l’homme à qui l’on présente un mets dégoûtant, qui va subir une opération chirurgicale, qui se rappelle un accident douloureux ou terrible, frémit, sue, a la nausée, par la seule présence de l’image, comme par la présence de la sensation elle-même. — Quoique ordinairement fragmentaire, fugitive et plus faible, elle atteint en plusieurs cas, dans l’extrême concentration de l’attention excessive, dans les émotions violentes et subites, au voisinage immédiat de la sensation correspondante, la plénitude de détails, la netteté, l’énergie, la persistance de la sensation. — Enfin, prise en elle-même, et affranchie de la réduction que lui impose son correctif spécial, elle acquiert l’extériorité apparente, dont le manque, même à son maximum d’intensité, la distingue ordinairement de la sensation ; elle l’acquiert pour un moment imperceptible dans la plupart des cas ; elle l’acquiert pour quelques secondes ou minutes en certains exemples authentiques ; elle l’acquiert pour plusieurs heures, jours ou semaines, dans le demi-sommeil, le sommeil complet, l’extase, l’hypnotisme, le somnambulisme, l’hallucination, dans les troubles provoqués par l’opium et le haschich, en diverses maladies cérébrales ou mentales ; et elle l’acquiert avec ou sans lésion, avec lésion partielle ou totale de l’équilibre normal qui maintient ensemble les autres idées et les autres images. — On peut donc la définir une répétition ou résurrection de la sensation, tout en la distinguant de la sensation, d’abord par son origine, puisqu’elle a la sensation pour précédent, tandis que la sensation a pour précédent l’ébranlement du nerf, ensuite par son association avec un antagoniste, puisqu’elle a divers réducteurs, entre autres la sensation correctrice spéciale, tandis que la sensation elle-même n’a pas de réducteur.

1170. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

En étendant ainsi à l’ensemble de toutes nos expériences une relation intérieure qui existe entre ses diverses parties, nous sommes conduits à considérer la sensation elle-même — la réunion totale de nos sensations — comme ayant son origine dans des existences antécédentes et qui dépassent la sensation. […] Les astronomes et les physiciens déclarent que les êtres vivants, et, à plus forte raison, les êtres sentants, sont d’origine récente sur notre terre et en général dans notre système solaire. — Par conséquent, si la théorie de Bain et de Stuart Mill est vraie, avant l’apparition des êtres sentants, rien n’existait ; il n’y avait aucune chose réelle ou actuelle, mais seulement des possibilités de sensations, attendant pour se convertir en sensations l’apparition des êtres sentants.

1171. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Ce livre, dont l’exagération sentimentale et maladive ressemble aujourd’hui à un accès de folie du cœur, a été cependant l’origine et le type de toute une littérature européenne qui a bouleversé pendant plus d’un demi-siècle les imaginations jeunes et fortes de l’Occident. […] Goethe raconte lui-même l’origine de ce roman, qui commence par une idylle et qui finit par un coup de feu.

1172. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Seuls les marxistes et les dadaïstes mépriseraient impunément le xixe  siècle français : les marxistes parce que leur doctrine est allemande d’origine, les dadaïstes parce qu’ils peuvent prétendre, à la rigueur, ne rien devoir qu’au xxe  siècle, en quoi ils se séparent des cubistes eux-mêmes qui se réclament d’Ingres. […] La réalité est différente : nous sommes en présence d’une campagne collective qui ne date pas d’aujourd’hui (elle puise ses origines dans les écrits de M. 

1173. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Mettez-moi d’abord en paix sur l’origine et la sanction de la morale ; apprenez-moi au nom de qui vous l’enseignez ; persuadez-moi qu’une autre vie m’attend, où il me sera fait selon mes mérites. […] Que cachent tous ces mystères, sinon les origines sacrées de toutes les règles des mœurs ?

1174. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Rousseau n’eut pas une autre origine. […] N’estimons pas médiocrement ce talent : c’est tout simplement celui par lequel subsistent les sociétés humaines ; c’est l’origine de la propriété et le soutien de la famille ; c’est l’honneur de l’homme.

1175. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Qu’on remonte à l’origine de toutes les réformes, elles sembleront régulièrement inexécutables. […] Plaçons-nous encore à l’origine du rationalisme moderne.

1176. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Ce motif est tantôt surtout musical (81), tantôt venant après un texte, représentant l’origine (32), la cérémonie (72. 73), le souvenir de la cérémonie (177. 213. 214), ou chaque fois qu’il est fait allusion au Gral ; il serait obscur (178) dans la plainte du sauveur (Sauve-moi, délivre-moi des mains souillées du péché), si l’on ne nous l’expliquait par le souvenir de l’ancienne pureté du Gral. […] Leroy était l’un des plus anciens wagnéristes français ; il avait en un grand nombre de journaux combattu assidûment et dès l’origine pour la cause wagnérienne ; citons ses articles du Nain jaune, en 1865, sur Tristan qu’il avait été voir à Munich avec trois compatriotes : on n’allait pas encore en foule en Allemagne alors !

1177. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Et Raffaëlli de dire, « que jamais un mouvement n’est isolé, et qu’en peinture il cherche à indiquer le milieu, l’enchaînement central d’un mouvement… Mardi 1er mars Sur le proverbe « menteur comme un dentiste » prononcé par quelqu’un du dîner, le chirurgien Lannelongue dit : « Savez-vous l’origine de ce proverbe, eh bien, la voici : Deux hommes se battent dans la rue. […] À propos du qualificatif doux, Daudet dit que le mot vient des troubadours, qui ont dénommé la femme « une douce chose » et que c’est curieux que la douceur soit ce qu’il y a de plus recherché, comme qualité et mérite de la femme, pendant la période révolutionnaire ; et comme bientôt nous nous préoccupons de l’expansion du mot chose en littérature, de son emploi à tout bout de champ, il fait la remarque que le mot d’origine espagnole ou italienne, a été adopté par le romantisme, et surtout affectionné par Hugo, qui en a senti tout le charme diffus et vague.

1178. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Ce serait un pauvre critique que celui qui se déclarerait un critique national et qui arrêterait les chefs-d’œuvre de l’intelligence étrangère à ces mesquines douanes de la pensée, en leur demandant leurs certificats d’origine. […] XI Boileau n’avait rien d’une telle origine ; c’était un fils du pavé d’une grande ville ; il était né dans cette sombre cour du Palais, au bruit de la chicane, d’un père greffier ; l’école avait été sa seule nourrice.

1179. (1926) L’esprit contre la raison

Crevel cherche le vice d’origine : l’identification de l’esprit à la seule intelligence logique, à la raison, la survalorisation des valeurs occidentales mais aussi les fascinations dangereuses qui ont, il le montre, partie liée : l’esthétisation de la mort et la séduction de la forme. […] On peut voir dans cette fresque de l’état d’esprit qui conduisit à la guerre une contestation de l’analyse de Valéry : Crevel fait le même constat de fragmentation, d’éclatement, mais Valéry accusait la diversité, cette coexistence dangereuse de systèmes de pensée incompatibles, d’avoir produit la débâcle de l’intellect et d’avoir ainsi conduit à la guerre ; pour Crevel, c’est la volonté de synthèse qui est à l’origine de tous les maux.

1180. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Mal entré dans le xvie  siècle par la brèche de la Saint-Barthélemy, il devait remonter vers l’origine du mal et pénétrer dans ses sources mêmes une phase d’histoire dont on peut dire qu’il l’a possédée à la fin, tant il l’a bien comprise ! […] L’historien de la réforme en ce pays ne pouvait pas se détourner de l’état dans lequel l’anglicanisme commençait de tomber, quand il entreprenait d’en raconter l’origine, et, si le Luther et le Calvin avaient causé dans la patrie du réformateur allemand, où l’on est encore fier de lui, une impression que l’admirable candeur de l’Allemagne n’a pas cachée, que n’était-on pas en droit d’attendre d’un Henri VIII, peint tel qu’il fut, dans le pays qui en a honte, et dont l’établissement politique ne satisfait aucun sentiment religieux ?

1181. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

M. de Narbonne seul, comme pour en honorer le souvenir, en offrait un dernier échantillon dans l’état-major de l’empereur ; le reste était comme sorti de terre, gardant de son origine jusque sous l’or et la pourpre, ayant du lion dans le courage, génération toute faite pour la lutte des géants.

1182. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

On lui a reproché d’avoir été assez rude et sévère pour elle, lorsqu’il lui avait eu, à l’origine, des obligations pour sa fortune.

1183. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

« On peut quelquefois, dit Voltaire, entasser des métaphores les unes sur les autres ; mais alors il faut qu’elles soient bien distinguées, et que l’on voie toujours votre objet représenté sous des images différentes. » Et il cite un exemple de Massillon ; il aurait pu aussi bien citer celui qu’on va lire : Souvenez-vous d’où vous êtes tombé ; … remontez à la première origine de vos désordres, vous la trouverez dans les infidélités les plus légères : un sentiment de plaisir négligemment rejeté ; une occasion de péril trop fréquentée ; une liberté douteuse trop souvent prise ; des pratiques de piété omises : la source en est presque imperceptible ; le fleuve, qui en est sorti, a inondé toute la terre de votre cœur : ce fut d’abord ce petit nuage que vit Élie, et qui depuis a couvert tout le ciel de votre âme : ce fut cette pierre légère que Daniel vit descendre de la montagne, et qui, devenue ensuite une masse énorme, a renversé et brisé l’image de Dieu en vous : c’était un petit grain de sénevé, qui depuis a crû comme un grand arbre, et poussé tant de fruits de mort : ce fut un peu de levain, etc.

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