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546. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

C’est un talent original et hardi qui se révèle à l’Allemagne, et qui n’a dit encore que ses premiers mots. […] Mais un seul artiste a tenté de reprendre les sujets même de Wagner et de traduire dans la langue tout originale d’un autre art les merveilleuses significations des drames wagnériens. […] Jullien, des illustrations à un ouvrage documentaire ; mais d’originaux poëmes, où les harmonieuses joueries des pâles ombres et de lascives blancheurs évoquent, sans même le secours de souvenirs musicaux, une tristesse languide, quelque mystérieuse horreur, ou bien la calme gaîté d’une âme rajeunie.

547. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

J’allais oublier un original, un certain Fioupou, en grande dispute, par correspondance, avec Émile Saisset, sur le platonisme chrétien, et tout au logos, et parlant toujours et toujours exégèse… À l’heure présente, Barthet est le grand homme de l’endroit, un poète du Danube qui porte des souliers ferrés, et brandit un gourdin en l’honneur de Boileau… On y boit de la mauvaise bière, on y fait un mistron… Gavarni, qui n’y est allé qu’une fois, assure qu’on y scie les pommes de canne, quand elles sont en or. […] Tout amoureux qu’il est de l’exhumation d’infimes personnalités, de petites médiocrités d’art provinciales, et qui condamnent cet esprit distingué et original à des travaux au-dessous de lui, Chennevières caresse toujours, à l’horizon de sa pensée, quelque petit conte normand ou vendéen : un entre autres, qui serait l’histoire d’un jeune homme prenant le fusil dans la levée d’armes en 1832, et jugé et mis au Mont Saint-Michel, et là, développant la politique qu’aurait pu faire prévaloir le parti légitimiste d’alors, la politique de la décentralisation, qui était la politique de la duchesse de Berry. […] Passionnée pour monter à cheval, pour conduire un panier, elle se trouve mal à la vue d’une goutte de sang, a la terreur enfantine du vendredi, du nombre treize, possède tout l’assemblage des superstitions et des faiblesses humaines et aimables chez une femme : faiblesses mêlées à d’originales coquetteries, celle du pied par exemple qu’elle a le plus petit du monde, et qu’elle porte toujours chaussé d’un soulier découvert à talon… Mal jugée et décriée par les femmes et les petites âmes qui ont l’horreur de la franchise d’une nature, elle est faite pour être aimée d’une amitié amoureuse par des contempteurs comme nous des âmes viles et hypocrites du monde.

548. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Or l’épithète, ici, a plus d’importance que le substantif ; le phénomène le plus original est le plus intérieur des deux ; la parole intérieure proprement dite est donc la parole intérieure calme. […] Or le choix de l’unité phénoménale est livré à l’arbitraire de mon esprit ; si je dis, avec la psychologie classique, qu’il n’y a pas d’imagination sans mémoire, c’est que j’ai introduit dans mon analyse l’idée toute métaphysique du phénomène-atome, élément indivisible des phénomènes divisibles ; mais je puis tout aussi bien convenir avec moi-même qu’un fait digne de ce nom dure au moins deux heures ; cette convention admise, la mémoire subsiste comme faculté, comme principe matériel de certains faits dont la forme est toujours originale et nouvelle ; mais il n’y a plus de faits de mémoire, il n’y a plus de souvenirs, à proprement parler ; se souvenir est nécessaire, car l’invention n’est pas une création ex nihilo ; mais un souvenir est impossible, car je ne puis me répéter deux heures durant sans glisser quelque élément nouveau dans la reproduction de mon passé ; la mémoire se déduit, elle ne s’observe plus. […] La mémoire sensible fournit comme le premier fonds de cette construction originale, de cette œuvre homogène et distincte ; mais la parole intérieure, une fois créée, une fois mise en train à titre d’écho de la sensation sonore, semble oublier ses origines ; on la dirait vivante par elle-même ou par un autre principe que celui qui l’a fait naître.

549. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Si donc le naturalisme apporte réellement, ainsi qu’il l’affirme, quelque chose de nouveau et d’original, ce n’est pas, comme il le dit, ce précepte éternel et vieux comme l’art lui-même de l’observation de la réalité, c’est une certaine façon de faire cette observation, c’est une certaine méthode pour la diriger. […] Traduit dans le langage de la critique, ce sage précepte peut s’énoncer ainsi : « C’est aux œuvres des disciples que se voit la valeur des théories littéraires. » Quel que soit en effet le système auquel s’arrête et que recommande un artiste supérieur, on peut dire que lui-même n’en est jamais complètement l’esclave : ses doctrines ne représentent qu’une partie de lui-même et pas toujours la plus originale. […] Delaplanche, je sens qu’il y a là une façon saine et robuste de regarder la nature ; il me semble pressentir là comme un art nouveau, plein d’espérances et de promesses, original sans renier les traditions, déjà grand et qui doit grandir encore ; celui-là fortifie les cœurs et les intelligences.

550. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Là où pour une raison quelconque la vie nationale est contrariée dans son développement (par exemple en Italie), la littérature originale n’apparaît que par intervalles, entre lesquels nous ne trouvons que formes imitées et idées non vécues. […] Le trottin de Paris, qui se fait pour une somme modique une toilette originale qu’elle porte avec goût, est une artiste ; le fruttivendolo, qui dispose avec amour et avec un sens très sûr des couleurs et des formes ses fruits et ses légumes, est un artiste. […] La forme peut être modeste, pourvu qu’elle soit adéquate à une construction originale.

551. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Toujours simple, presque négligée, mais toujours incisive et originale, elle pénétrait et enveloppait à la fois. […] Il a répandu à pleines mains, dans tous ses écrits, sur tous les sujets, sur l’art comme sur la politique, sur la religion comme sur la science, les idées les plus originales et les plus profondes. […] On y trouve une érudition consciencieuse, une étude approfondie des documents originaux, et en même temps un génie vraiment créateur, qui pénètre dans l’âme même des personnages et sait les faire vivre et agir. […] Sa pensée s’étant précisée, son style était devenu plus personnel, plus original, plus dégagé de toute convention, de toute influence extérieure, plus conforme à sa pensée. […] Son style est peut-être le côté le plus original de son génie.

552. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Stéphane Mallarmé »

Stéphane Mallarmé est un homme original et doux.

553. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 331-337

Les Auteurs qu’il surpassoit, les originaux qu’il peignoit, ses camarades qu’il enrichissoit, étoient ses ennemis.

554. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 133-139

Il seroit à souhaiter qu'on pût louer le sujet de toutes ses Epigrammes, comme on admire la maniere dont il l'a traité ; mais on ne doit pas oublier qu'il s'est reproché ces écarts ; & en ne considérant ces petites Pieces que du côté de la poésie, qui n'applaudira à la simplicité, à la briéveté, à la justesse & à l'énergie de l'expression, au sel piquant, au tour original, qui le rendent un Auteur presque unique en ce genre, sans excepter Martial, lequel, à beaucoup près, n'est ni aussi précis, ni aussi nerveux, ni aussi agréable que lui ?

555. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VII »

Sous cette forme supposée, la langue française aurait eu un caractère très original, très pur, et peut-être faut-il regretter la longue tutelle qu’elle a subie au cours des siècles.

556. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Avant-Propos. » pp. -

Ce prétendu Théâtre de la vérité, malgré son titre pompeux, n’est qu’une copie défigurée d’un original estimable à bien des égards, du Dictionnaire critique de Bayle.

557. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Louise Labbé, et Clémence de Bourges. » pp. 157-164

Le peu de vers qui nous restent d’elle sont plus originaux que tout ce que nous avons des La Suse & des Deshoulières.

558. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Louis-Michel Vanloo » pp. 191-195

Les gens du monde jettent un regard dédaigneux et distrait sur les grandes compositions, et ne sont arrêtés que par les portraits dont ils ont les originaux présents.

559. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 31, de la disposition du plan. Qu’il faut diviser l’ordonnance des tableaux en composition poëtique et en composition pittoresque » pp. 266-272

Monsieur De Piles grand amateur de la peinture, et qui lui-même manioit le pinceau, nous a laissé plusieurs écrits touchant cet art, qui meritent d’être connus de tout le monde ; mais un de ces écrits merite toutes les loüanges qui sont dûës aux livres originaux : c’est sa balance des peintres.

560. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVII »

Mais dans : les délices de cette rêverie, la mobilité des passions, les précoces disgrâces (Bossuet), que découvre-t-il de si original et de si hardi qu’il proclame ces expressions « saisissantes » ?

561. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Galimatias propre à former des originaux, des brouillons, des extravagants, de mauvaises têtes. […] La réputation du sujet a tenté une foule d’auteurs ; c’est sur une demi-douzaine de Mérope que Voltaire a fabriqué la sienne : celle de Maffei lui a plus servi que les autres, parce qu’il est plus permis de piller les étrangers, et parce qu’il a trouvé dans le poète italien un génie brut et des inventions originales qu’il ne s’agissait que de polir. […] La liante opinion qu’on se formait de l’original pouvait nuire à la gloire de la copie. […] Sémiramis n’est donc point une copie des mélodrames de ce temps-là ; elle est plutôt l’original et le modèle des mélodrames d’aujourd’hui : on y trouve beaucoup plus de prestiges que dans le nouvel opéra-comique intitulé La Séduction, et Voltaire est bien un autre magicien que Cagliostro. […] L’auteur de L’École des mères n’est aussi qu’un demi-Molière : décence, esprit, raison, délicatesse, convenance, on trouve tout chez lui, hors cette verve originale et cette vigueur de pinceau qui rend Molière inimitable.

562. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Au fond c’est une cervelle très curieuse, et de toutes les cervelles de jeunes que je connais, la plus disposée et la plus prête à donner de l’original et du puissant. […] Elle est très originale. […] Il y a vraiment là, une idée neuve, originale, très favorable à la production dramatique, une idée digne d’être encouragée par un gouvernement. […] Dans le troisième volume de notre Journal (pages 289-290), au milieu du récit de la maladie et de la mort de mon frère, je parle de la rencontre journalière, dans le bois de Boulogne, d’un garçonnet souffreteux, d’un garçonnet ayant la gentillesse d’une fillette, d’un garçonnet, au cache-nez prenant autour de son cou l’aspect d’une châle, et toujours accroché au bras d’un original vieillard. […] Ici je me suis complètement trompé dans mes prévisions, car c’est la scène qui a manqué de faire tomber la pièce, mais en dépit des sifflets qui l’ont accueillie, je maintiens que c’est une jolie et originale scène.

563. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Malgré les découvertes et les exhumations qu’on n’a cessé de faire dans cette étude de notre Moyen Âge, malgré les publications nombreuses dont il a été l’objet depuis quelques années, on peut dire encore avec l’ancien bénédictin don Brial et avec Daunou qu’à part quelques écrits de petite dimension, quelques textes de lois, quelques sermons, et sans parler des traductions de livres sacrés, la relation de Villehardouin est le premier ouvrage original étendu qu’on ait en prose française. […] Il le sera encore plus lorsqu’au lieu de la traduction de Du Cange, trop longue et traînante, on en aura fait une plus courte et plus nette qui, mise en regard du texte, en sera l’exact équivalent et permettra de lire à la fois et presque indifféremment l’original et la transcription plus moderne.

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