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139. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Pour nous, studieux collecteurs des reliques de l’antiquité, réduits souvent à la deviner sur de bien faibles indices, nous croyons, avec un de ses plus beaux génies, que chez les Grecs, innover dans la musique, c’était bouleverser l’État ; nous voyons la constitution de Sparte garantie par ce magistrat qui coupe deux cordes nouvelles ajoutées à la lyre d’Alcman ; et nous supposons, en revanche, sur le théâtre et dans les fêtes d’Athènes une musique aussi hardie, aussi diverse que les orages de la démocratie. […] L’architecture, la statuaire, la musique, florissaient au même degré dans Athènes. […] Cela même y jeta parfois cette variété de mélodie, ces nombres impétueux et divers qu’avait connus l’ode grecque, et qui seuls pouvaient suivre par la musique, comme par l’expression, toutes les secousses de l’âme.

140. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vicaire, Gabriel (1848-1900) »

Gabriel Vicaire est, aujourd’hui, le vrai poète folkloriste traditionnel, accomplissant pour la poésie ce que réalise pour la musique M.  […] La rime est remplacée par l’assonance ; mais la musique n’y perd jamais rien.

141. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Théâtre français. » pp. 30-34

Après, vint Mercure, qui pria Orphée de continuer les doux airs de sa musique, l’assurant que, non seulement les bêtes farouches, mais les étoiles du ciel danseraient au son de sa voix. […] À l’instant, parurent plusieurs chevaliers dans le ciel, tous vêtus d’une couleur de flamme, tenant des lances noires, lesquels, ravis aussi de la musique d’Orphée, lui en rendirent une infinité de louanges.

142. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

Newton déclama-t-il contre les mathématiques, Lulli contre la musique, & Raphaël contre la peinture ? […] Ils contestoient que la mesure fut à la poësie, ce que les couleurs sont à la peinture, & les sons à la musique. […] Il se comporta comme une personne qui écriroit contre la musique, voulant prouver que le chant n’est pas essentiel à la tragédie.

143. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Les scènes de Rosine et du docteur au second acte, dans lesquelles la plus innocente, prise sur le fait, réussit à son tour à faire prendre le change au jaloux ; celle de Bartholo qu’on rase pendant le duo de musique au troisième acte ; l’excellente scène de stupéfaction de Bazile survenant à l’improviste et que chacun s’accorde à renvoyer en lui criant qu’il a la fièvre, si bien que le plat hypocrite s’éloigne en murmurant entre ses dents : « Qui diable est-ce donc qu’on trompe ici ?  […] Tout l’ensemble du Barbier est gai de situation, de contraste., de pose, de motif et de jeu de scène, de ces choses que la musique traduira aussi bien que la parole. […] bientôt sur ce canevas si follement tracé viendra une musique tout assortie, rapide, brillante aussi, légère, tendre, fine et moqueuse, s’insinuant dans l’âme par tous les sens, et elle aura nom Rossini. Le Barbier était destiné d’abord à être mis en musique, Beaumarchais voulait en faire un opéra-comique ; on dit même qu’il le présenta sous cette première forme aux Italiens de son temps. […] Beaumarchais avait sur la musique dramatique des idées fausses : il croyait qu’on ne pourrait commencer à l’employer sérieusement au théâtre que « quand on sentirait bien qu’on ne doit y chanter que pour parler ».

144. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

J’en dirai autant de la musique moderne. […] V Dans la haute antiquité, la musique est l’ensemble des lettres humaines et des institutions sociales. Il y a eu une décadence successive qui s’est manifestée ainsi : on commença par séparer la musique de la poésie ; la poésie une fois isolée, on fut conduit naturellement à la prose ; enfin la versification vint tantôt comme un auxiliaire à la poésie, et tantôt intervint pour en voiler l’absence. […] Dans le soin que les législateurs anciens apportèrent à régler la musique, il faut reconnaître le respect pour la parole traditionnelle. Le récit des merveilles attribuées par les poètes à la musique n’est point une vaine fiction ; car les poètes n’ont rien inventé : ils n’ont été qu’historiens, mais historiens symboliques, ce qui est le sens universel de l’ensemble des choses humaines.

145. (1911) Nos directions

Quand l’oiseau passe, c’est la musique qui le porte. […] comme il prolonge, sans l’altérer, la plus exquise musique personnelle connue ! […] Toute la musique du vers, ne vont-ils pas l’y concentrer ? […] La musique du vers ? […] Vildrac s’il consent à le souligner de musique.

146. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

Le vers étant une sorte particulière de musique doit être fait plus pour l’oreille que pour l’œil, quoiqu’en puissent prétendre les auteurs des traités de versification exigeant que, « pour la satisfaction de l’œil, les consonnes muettes qui suivent la voyelle rimante soient identiques (ou prétendues équivalentes) dans les deux mots à la rime3. » Or, considérons que les exigences de la rime dite correcte, proviennent d’une époque où les consonnes finales n’étaient pas encore devenues muettes. […] De ce qui précède, on peut donc inférer qu’à l’origine la loi de la succession des rimes a été dictée par la musique, et ce qui porte à croire cette assertion, c’est la phrase de Joachim du Bellay : « Il y en a qui fort superstitieusement entremeslent les vers masculins avec les vers féminins… afin que plus facilement on les peust chanter sans varier la musique pour la diversité des mesures qui se trouveroient en la fin des vers. » Ronsard, qu’on ne peut jamais trop consulter, s’exprime ainsi sur la rime dans son Art poétique : « La Ryme n’est autre chose qu’une consonance et cadance de syllabes, tombantes sur la fin des vers, laquelle je veulx que tu observes tant aux masculins qu’aux féminins, de deux entières et parfaictes syllabes, ou pour le moins d’une aux masculins pourveu qu’elle soit résonante et d’un son entier et parfaict. » Mais nulle part, il ne promulgue une règle à suivre sur l’alternance des rimes. […] IV Je citerai en guise de conclusion cette page du cher et regretté Émile Trolliet : « Sans rapprocher la poésie de la prose, rapprochons-la de la musique.

147. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le théâtre annamite »

Et quelle musique ! […] Musique de tortionnaires, faite pour accompagner l’agonie des prisonniers à qui l’on a enfoncé des roseaux pointus sous les ongles, ou dont on a introduit la tête dans une cage hermétiquement close, laquelle contient un rat, — un joli rat aux dents pointues pour vous grignoter les lèvres, le nez, les yeux, lentement, avec des pauses… Ce qui fait de ces misérables un objet d’horreur vraiment douloureuse, c’est qu’ils ne sont pas seulement affreux, ils sont grotesques.

148. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VI. Des éloges des athlètes, et de quelques autres genres d’éloges chez les Grecs. »

Périclès ayant institué un prix de musique, voulut que, chaque année, le sujet du chant fût aussi les louanges de ces deux citoyens, et dans la suite on y ajouta le nom de Thrasibule, qui chassa les trente tyrans. […] C’est là encore que l’on voit le génie de ce peuple, qui mêlait à ses plaisirs mêmes des leçons de grandeur ; là, tous les arts étaient asservis à la politique, et la musique même, qui ailleurs n’est destinée qu’à réveiller des idées douces et voluptueuses, ou à irriter une sensibilité vaine, célébrait dans Athènes les grandes actions et les héros.

149. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Il disait encore : « La musique, je crois encore que j’étais né pour en faire, c’est étonnant comme les airs m’arrivent naturellement, et il chantonnait un air qui était une réminiscence de : Au clair de la lune… » Seulement chez lui, aucune bêtise administrative… Il a été toujours charmant pour moi, ne me demandant que de me faire couper les cheveux… Ce qu’il y a de curieux, c’est par quoi je l’ai séduit. […] Oui, il rêvait la musique d’une machine, avec des « Vive l’Empereur !  […] Le duc s’y rend, pour jouir de l’ovation faite à sa musique. […] L’anonymat des paroles et de la musique de la cantate improvisée, avait été si bien gardé, que la censure l’avait refusée. […] Je ne sais à propos de quelle attaque de la musique de Saint-Remy, par Rochefort, le duc fut embêté… mais là, dans les moelles.

150. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rollinat, Maurice (1846-1903) »

La musique avec laquelle il interprète la Mort des pauvres, la Cloche fêlée, le Flambeau vivant, l’idéal, de ce grand Baudelaire que je vis mourir, n’appartient assurément à aucune école « conservatoiresque », dit-il lui-même en son langage singulièrement imagé. […] Jules Barbey d’Aurevilly L’auteur de ces poésies (Les Névroses) a inventé pour elles une musique qui fait ouvrir des ailes de feu à ses vers et qui enlève fougueusement, comme sur un hippogriffe, ses auditeurs fanatisés.

151. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 8, des instrumens à vent et à corde dont on se servoit dans les accompagnemens » pp. 127-135

Mais je crois que les anciens n’ont pas connu les instrumens de musique à corde et à manche. […] Nous voïons qu’ils le faisoient, et par les anciennes scholies sur les poëtes tragiques grecs, et par le traité de Plutarque sur la musique.

152. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

— Notre bon ange nous a bien servis ce matin, dit la bonne femme du bargello, de nous avoir fait rencontrer par hasard sur le pont un joli petit musicien des Abruzzes, tel que nous n’aurions pas pu, pour cinquante carlins, en trouver un aussi habile et aussi complaisant dans toute la grande ville de Lucques, excepté dans la musique de monseigneur le duc. […] CLVII Une partie de la nuit se passa pourtant ainsi, moitié à table, moitié en danse ; les mariés semblaient s’impatienter cependant de la table et de la musique pour regagner le village où ils allaient maintenant résider avec les nouveaux parents ; la femme du bargello cherchait vainement à prolonger la veillée, pour retenir un peu plus de temps sa fille ; elle souriait de la bouche et pleurait des yeux sur sa maison bientôt vide. […] CLXVII Je vous laisse à penser, mon père, si je jouai bien cette nuit-là l’air de Fior d’Aliza et d’Hyeronimo (car c’était ainsi que nous avions baptisé cette musique). […] Pour toute réponse, je ramassai l’instrument de musique à terre, et je jouai une seconde fois l’air d’Hyeronimo et de Fior d’Aliza ; mais je le jouai d’un mouvement plus vif, plus pressé, plus joyeux, avec des doigts qui avaient la fièvre et qui communiquaient aux sons le délire de mon contentement d’avoir découvert mon cousin. […] Je m’étais levée toute confuse au bruit, et je tremblais qu’elle vînt me demander compte des airs de musique dont j’avais troublé, sans doute, le sommeil de ses prisonniers.

153. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

La musique la plus secrète d’une langue, celle qui se traduit par la poésie, ne se révèle que par celui qui appartient à cette langue tout entier et qui plonge en elle chacune de ses plus profondes racines. […] Enfin la cadence de nos vers forme une musique dont les accents ne sont ni très déchirants ni très subtils pour une oreille exercée. […] Chaumié était suffisante, s’il ne s’agissait là que d’une question de « langue », la musique, qui se rattache à la poésie par l’harmonie et le nombre et n’en diffère que par les moyens d’expression, c’est-à-dire, précisément par la langue, échapperait à la loi qu’il formule, et l’on trouverait dans le Midi autant de grands musiciens que dans toute autre région de France. […] La musique, pour elles, tend à devenir aussi un mode d’expression oratoire. […] Sans doute les sonorités de la Langue d’oc se prêtent plus à la splendeur verbale, toujours un peu vide, que la Langue d’oïl qui comporte une musique des syllabes plus sourde et plus intime.

154. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Et il continuait à vivre comme s’il ne se savait pas condamné à jour fixe, donnant toujours ses consultations, recevant le soir, à des soirées où l’on faisait de la musique, — serein et impénétrable. […] Aujourd’hui, il s’empare de moi, par de la musique, qu’il a faite sur quelques pièces de Baudelaire. Cette musique est vraiment d’une compréhension tout à fait supérieure. Je ne sais pas quelle est sa valeur près des musiciens, mais ce que je sais, c’est que c’est de la musique de poète, et de la musique, parlant aux hommes de lettres. […] Puis le piocheur qu’il était devenu, se préparait à l’École normale, quand quelqu’un le menait aux Italiens : soirée, depuis laquelle Virgile, l’École normale, tout était à vau-l’eau : il était enveloppé de musique et ne pensait qu’à cela.

155. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

La musique, par Berlioz, Wagner, Saint-Saëns, tend vers la peinture et là littérature ; la peinture, par les Impressionnistes, envahit le domaine de la musique, celui de la poésie par des maîtres tels que Puvis do Chavannes, Besnard, Gustave Moreau, Odilon Redon, Eugène Carrière, et tout à la fois celui de la poésie et celui de la musique par ce grand inconnu à qui l’avenir fera sa place, Monli-celli.

156. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

On pense d’abord à le faire prêtre, et il entre au séminaire : puis on le tourne vers la musique, dont il donnera des leçons avant de la savoir. […] Il se met à copier de la musique pour vivre. […] Diderot lui donne à faire des articles de musique pour l’Encyclopédie. […] Dans ce vallon frais et boisé, Jean-Jacques passa treize mois, herborisant, faisant de la musique, et rédigeant les mémoires de sa vie. […] Il copie toujours de la musique, pour vivre ; les gens qui veulent le voir se déguisent en clients pour forcer sa porte.

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