/ 3580
2157. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Ses deux fils alors rentrèrent dans sa maison, sans dire mot ; mais leur père, furieux des reproches du gentilhomme, baissa sa pique, en jurant qu’il voulait me tuer. […] À ces mots je partis, et j’allai le chercher ; j’y joignis son modèle en cire. […] À ces mots, je fis un grand cri, je sautai à bas de mon lit, et je m’habillai. […] Écoutez-moi, leur dis-je ; et, puisque vous n’avez pas voulu suivre mes conseils, obéissez-moi sans dire mot, à présent que je suis avec vous ! À ces mots, un maître fondeur, nommé Alexandre Lastricati, me répondit que je voulais faire une chose impossible.

2158. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

J’ai trouvé de sottes femmes, et j’ai été obligé de supporter de la part de plusieurs d’entre elles une espèce d’examen à mots couverts sur ce point. […] Goethe est resté quelques instants enfoncé dans ses pensées, puis il m’a cité ce mot d’un ancien : « Même lorsqu’il disparaît, c’est toujours le même soleil !  […] — Schlachten, me demanda Goethe, quel est ce mot ? […] Il aime aussi peu ses lecteurs et les poètes ses émules que lui-même, et il mérite qu’on lui applique le mot de l’Apôtre : “Si je parlais avec une voix d’homme et d’ange, et que je n’eusse pas l’amour, je serais un airain sonore, une cymbale retentissante.” […] « Il faut que je rie de ces esthéticiens, dit Goethe ; qui se tourmentent pour enfermer dans quelques mots abstraits l’idée de cette chose inexprimable que nous désignons sous cette expression : le beau.

2159. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Dès ce temps-là, et à travers les compliments, toutes les critiques lui furent faites : « On me demande, dit-il dans un petit écrit en prose de 1741, comment il est possible qu’un homme fait pour vivre dans le grand monde puisse s’amuser à écrire, à devenir auteur enfin. » Et à ces critiques grands seigneurs et de qualité, il répondait « que, s’il n’est pas honteux de savoir penser, il ne l’est pas non plus de savoir écrire, et qu’en un mot ce sont moins les ouvrages qui déshonorent, que la triste habitude d’en faire de mauvais… ». […] Sur quoi Bernis fit son humble révérence, et dit ce mot si connu : « Monseigneur, j’attendrai. » En le citant, on a quelquefois supposé que c’est à Boyer, ancien évêque de Mirepoix, et qui tenait la feuille des bénéfices, que Bernis l’avait plus tard adressé ; c’est une erreur, et qui ôte au mot de son piquant et de sa vengeance. […] Il dit quelques mots sur l’utilité des relations entre les gens du monde et les gens de lettres, sur les avantages qu’en avait recueillis la langue dès le temps des La Rochefoucauld, des Saint-Évremond, des Bussy ; lui, c’était bien sur le pied de leur successeur, d’homme de qualité aimant et cultivant les lettres, qu’il entrait dans la compagnie.

2160. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

La première partie de la carrière de Rosny se passera à n’être en apparence qu’un homme de guerre et un soldat ; mais ce fonds d’études, cet amour d’une instruction solide et sérieuse, vertueuse en un mot, il le gardera et le cultivera en toutes les circonstances, dans les intervalles de loisir et jusqu’au milieu des camps. […] La mort de Charles IX, assiégé de terreurs lorsqu’il se voit tout baigné de son sang dans son lit, et qu’il se rappelle celui des innocents qu’il a fait répandre, est peinte en quelques mots énergiques. […] C’est donc un valeureux soldat que Rosny, et Henri en mainte occasion est obligé de le faire rappeler quand il s’aventure, de lui commander de se retirer, et il le tance au retour de la bonne sorte : « Monsieur de Béthune, disait un jour Henri dans une escarmouche, allez à votre cousin, le baron de Rosny ; il est étourdi comme un hanneton ; retirez-le de là et les autres aussi. » Ces mots de gronderie militaire si flatteurs à qui les reçoit sont perpétuels de la part de Henri IV au sujet de Rosny. […] C’est pour n’être jamais surpris. » En résumé, dès sa première jeunesse, Rosny nous est présenté comme bon ménager, ayant toujours de l’argent de reste, et, en cas de besoin, portant de l’or en poche, même dans les batailles, quand les autres n’y songent pas ; sachant s’arranger en campagne, s’ingénier dans les sièges pour attaquer et faire brèche, adroit et actif à pourvoir à la défense de ses quartiers ; un militaire en un mot, non seulement très brave, mais distingué, instruit et précautionné, avec des talents particuliers d’artilleur, et, si je puis dire, des instincts d’arme savante.

2161. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Quarante-huit ans après, c’était le même homme qui publiait son Mémoire sur la société polie ; ce qui faisait dire à M. de Talleyrand, parlant au fils de l’auteur : « Il y a une chose remarquable dans la vie de votre père, et qui n’est peut-être arrivée à personne avant lui, c’est qu’à cinquante ans de distance il a publié deux ouvrages, dont le premier a fondé sa réputation, et dont le second vient de la couronner. » En même temps et aux approches de 89, Roederer avait l’habitude et le besoin d’écrire sous forme plus courante et plus brève sur toutes les questions du jour, sur les événements ou conflits qui occupaient à Metz l’attention publique : en un mot, comme Franklin, il était par nature et par goût journaliste ; il le sera pendant une grande partie de sa vie, et conciliera, tant qu’il y aura moyen, ce genre de publication avec les hauts emplois et les dignités même de l’État. […] J’ai dit, non pas la phrase que l’on vous a répétée, mais une dont je ne me rappelle pas les mots exacts, et qui peut aisément être travestie ainsi, mais seulement pour les gens de mauvaise foi qui ne voudraient pas se rappeler que j’ai dit en toutes lettres hier que rien n’était si simple que d’avoir deux opinions dans une si grande question d’économie politique, et qui, par conséquent, voudraient douter, etc. […] L’anarchie est l’absence du gouvernement et la volonté de chacun substituée à la volonté générale ; en 1792, il y avait une volonté générale, unanime ; il y avait une organisation terrible pour la former, la confirmer, la manifester, la faire exécuter ; en un mot, il existait une démocratie, ou, si l’on veut, une ochlocratie52 redoutable, résidant en vingt-six mille clubs correspondant ensemble et soutenus par un million de gardes nationales. […] Quand l’heure sera venue, il contribuera avec lui, et à côté de lui, à détrôner ce pouvoir directorial usé, qui était bien véritablement l’anarchie, rien que l’anarchie ; et il pourra, après le 18 Brumaire, dire avec orgueil ce mot qui résume les deux grands moments de sa vie historique : « J’ai passé auprès de Louis XVI la dernière nuit de son règne, j’ai passé auprès de Bonaparte la première nuit du sien. » 47.

2162. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

En un mot, s’il nous a très bien démontré et expliqué le genre de tolérance d’un Cicéron, d’un Trajan, d’un Pline, cette disposition humaine sans doute, née toutefois ou accompagnée d’une indifférence profonde et d’un secret mépris pour les objets d’un culte qui, chez les anciens, était une affaire de coutume et de forme extérieure, non d’opinion ni de croyance, il n’a pas également compris le sentiment nouveau qui combattait et affrontait cette tolérance, et qui devait, vers la fin, la lasser. […] Enfin, on a la conclusion très exacte, très judicieuse, et le dernier mot dans le passage suivant écrit par Mme Du Deffand au moment où il a pris congé d’elle : (26 octobre)… Pour le Gibbon, c’est un homme très raisonnable, qui a beaucoup de conversation, infiniment de savoir, vous y ajouteriez peut-être, infiniment d’esprit, et peut-être auriez-vous raison ; je ne suis pas décidée sur cet article : il fait trop de cas de nos agréments, il a trop de désir de les acquérir ; j’ai toujours eu sur le bout de la langue de lui dire : Ne vous tourmentez pas, vous méritez l’honneur d’être Français. […] Une autre lettre écrite quelques jours après, et dans un sentiment croissant d’anxiété pour cette famille désolée, se termine en ces mots : « Adieu. […] [NdA] Il écrivait cela à lord Sheffield dans un temps où ce dernier avait manqué sa réélection (11 mai 1784) ; Gibbon essayait, sans trop l’espérer, de le tirer à lui, et il lui disait ce mot qui était le fond de son cœur : « Si cet échec pouvait vous apprendre à rompre une bonne fois avec rois et ministres, et patriotes et partis, et Parlements, toutes sortes de gens pour lesquels vous êtes de beaucoup trop honnête, c’est pour le coup que je m’écrierais avec T… de respectable mémoire : “Bravo, mon cher !

2163. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

En ne voulant que des mots courts, il tarissait le développement, le jet, toutes qualités qui sont très naturelles aussi à la passion dans les moments où elle s’exhale et se répand au-dehors. […] Auger qui a prononcé à une séance publique de l’Académie les mots de schisme et de secte. « Tous les Français qui s’avisent de penser comme les romantiques sont donc des sectaires (ce mot est odieux, dit le Dictionnaire de l’Académie). […] Ce qui est plus curieux, c’est une note qui se trouve à la page 275, où il est dit : « L’auteur a fait ce qu’il a pu pour ôter les répétitions qui étaient sans nombre dans les Lettres originales. » Il paraît que Beyle a voulu se ménager une excuse contre le reproche de plagiat ; mais alors pourquoi n’a-t-il pas donné cette indication en tête du livre, dans quelques mots servant de préface ?

2164. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

On hésite à dire un mot sur de telles tentatives, inspirées par d’honorables sentiments et poursuivies avec opiniâtreté pendant toute une vie. […] Dom Colignon y resta quelques jours ; mon père avait les yeux fixés sur moi : il semblait me demander des confidences… Je lui racontai les scènes scandaleuses des Pères capucins avec les sœurs de Richstroff ; je lui en exprimai mon indignation ; mais pas un mot des jolies filles de Valmunster. […] Une fois, sortant de l’église au petit jour, à la file des chartreux, avec dom Ignace qui reconduisait chez moi sans mot dire, je remarquai que le mur en pierre de taille sur lequel s’ouvraient les cellules était usé d’une manière sensible à la hauteur des bras, et que les dalles du pavé étaient creusées uniformément comme les chemins battus par les bœufs ; j’arrêtai dom Ignace et lui demandai si ces traces n’étaient pas l’effet du passage quotidien des religieux : par un simple mouvement de tête, il me répondit affirmativement. […] Gardez-vous donc de devenir chartreux… » Et tout ce qui suit. — Et l’on conçoit, en effet, cet enfer de la réclusion et de la solitude, quand la contemplation mystique n’est plus qu’un vain mot, et que le rayon céleste ne descend plus.

2165. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Le mot est mal choisi ; et, en général, dès que M. de Pontmartin veut élever son style, il lui arrive de manquer de propriété dans les termes. […] Enfin, après une vague et partiale peinture de l’état des Lettres sous les divers régimes qui se sont succédé depuis cinquante ans, et encore sous le coup de la Révolution de Février, qui le préoccupe extraordinairement, et qui n’a été, après tout, qu’une révolution plus ou moins comme une autre, il en vient à établir son principe et à proclamer son spécifique littéraire, — le mot peut paraître assez naïvement choisi : « Il fallait, s’écrie-t-il, il fallait (au lendemain de cette Révolution) proclamer le spiritualisme chrétien dans l’art, comme le seul spécifique assez puissant pour le guérir (pour guérir l’art, entendons-nous bien), comme la seule piscine assez profonde pour le laver de ses souillures. » Remarquez-vous comme ces esprits chastes, sitôt qu’ils se mêlent de critique, sont continuellement préoccupés et remplis d’immondices et de souillures ? Je rencontre, en effet, à tout instant, de ces vilains mots dans les pages que je suis en train de parcourir. […] C’est une remarque que d’autres que moi ont faite depuis longtemps : comment se peut-il que ces gens du monde qui se piquent des politesses, ces gentilshommes qui se flattent de sortir de bon lieu, dès qu’ils se mettent à écrire et qu’ils font de la critique ou de la politique, enveniment si aisément leur plume et en viennent, dès les premiers mots, à dire des choses auxquelles les écrivains bourgeois ne descendent qu’à la dernière extrémité ?

2166. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

» et il entra dans le salon où était la compagnie, répétant sans cesse du ton le plus douloureux ce peu de mots, sans que l’on pût en tirer autre chose pendant quelque temps. » Voilà qui coupe court, ce me semble, au mauvais propos de Courier et de ceux qui se feraient ses échos. […] repartit vivement le prince, entêté, non, ce mot n’est pas dans mon dictionnaire, mais je suis ferme. » Diderot passa de là chez la comtesse de Boufflers, « avec qui il n’était pas aisé de se familiariser » ; il n’y tint pas davantage, et il lui mit, tout en causant, la main sur les genoux, tout comme il avait fait à l’impératrice Catherine. […] Un jour, oubliant qu’elle était la maîtresse du prince de Conti, il lui échappa de dire qu’elle méprisait une femme qui avait (c’était le mot d’alors) un prince du sang. […] La ligne de conduite que je vous recommande exige du courage, mais je crains que rien autre chose ne soit capable de prévenir les conséquences que j’appréhende si justement : c’est, en un mot, après avoir employé tous les doux moyens pour prévenir une rupture, que vous en veniez à diminuer graduellement votre intimité avec le prince, que vous soyez moins assidue dans vos visites, que vous fassiez de moins fréquents et de plus courts voyages dans ses résidences de campagne, et que vous vous rangiez vous-même à une vie de société privée et indépendante à Paris.

2167. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Horace Walpole, dans la description des fêtes qu’il donna à sa résidence de Strawberry-Hill en l’honneur de Mme de Boufflers, nous la montre fort agréable, mais arrivant fatiguée, excédée de tout ce qu’elle avait eu à voir et à faire la veille : « Elle est arrivée ici aujourd’hui (17 mai 1763) à un grand déjeuner que j’offrais pour elle, avec les yeux enfoncés d’un pied dans la tête, les bras ballants, et ayant à peine la force de porter son sac à ouvrage. » En fait de Français, Duclos était de la fête, lui « plus brusque que vif, plus impétueux qu’agréable », et M. et Mme d’Usson, cette dernière solidement bâtie à la hollandaise et ayant les muscles plus à l’épreuve des plaisirs que Mme de Boufflers, mais ne sachant pas un mot d’anglais. […] je crois toujours qu’il n’est que votre gendre. » On cite d’elle beaucoup de ces jolis mots. […] — les entretenir est bien loin du mot plaisirs, de même que l’effacer est un peu loin du mot chagrin ; — et tous ces que, qui, quelquefois, des derniers vers !

2168. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

En un mot, la prose a été le langage de la raison, la poésie a été le langage de l’enthousiasme ou de l’homme élevé par l’impression, la passion, la pensée, à sa plus haute puissance de sentir et d’exprimer. […] Nous répondons encore par le même mot : mystère. […] Nous répondons en deux mots : parce qu’elle a plus d’émotion pour nos yeux, pour notre pensée, pour notre âme. […] Ses vers se façonnent et s’harmonient sur la succession et sur l’alternation des ondes par le rhythme, c’est-à-dire par la mesure musicale des mots.

2169. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Souvent il interrompt le dialogue pour nous donner l’étymologie d’un mot ou d’une locution : — Et Léontine, qu’en dit-elle ? […] Mais on devrait écrire : quémenter, car le mot vient sans nul doute de « quément », forme primitive de l’adverbe comment ; d’où le sens littéral : « se quémenter, se demander comment. […] André Fleuse connaît les herbes ; il prédit l’avenir, il jette des sorts, il « sait les mots ». […] Et avec de grands gestes et des « mots » il maudit la maison en partant.

2170. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

La théorie des deux morales, c’est-à-dire, pour parler net, le privilège accordé aux souverains et aux hommes d’État de manquer à la morale dans un intérêt public ou qu’ils estiment tel, peut être également l’erreur volontaire et calculée d’un prince selon Machiavel — ou l’illusion d’un mystique, comme paraît avoir été ce mélancolique empereur au souvenir de qui trop de douleur s’attache pour que nous puissions, nous, le juger en toute liberté d’esprit, mais qui, au surplus, se trouverait sans doute suffisamment jugé, si l’on regarde sa fin, par le mot de Jocaste à Œdipe : « Malheureux ! […] Il était lui-même, par sa foi philosophique et sa conception de la cité, un Français de la Révolution, mais muni d’expérience historique, et de prudence et d’obstination romaines : quelque chose comme un idéologue pratique (je vous prie de donner au premier de ces deux mots son plus beau sens). […] Il n’y a pas, dans ses livres, un mot qui puisse alarmer la foi d’un écolier. […] Tous ceux qui l’approchaient, soit dans son modeste appartement de Paris, soit à Villeneuve-Saint-Georges, où sa médiocrité de fortune lui avait pourtant permis d’acquérir la maison et le jardin du sage, l’aimaient pour sa bonté, sa douceur, la simplicité de ses mœurs et l’on peut bien ajouter, — car la chose était exquise chez un vieillard, et l’on sait ici le vrai sens des mots, — pour sa naïveté : disposition d’esprit franche et fière, qui n’excluait ni la connaissance des hommes ni la finesse, mais seulement les défiances et les moqueries stériles et le pessimisme d’amateur.

2171. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Il s’agit ici, en effet, de ces questions sur lesquelles la providence (j’entends par ces mots l’ensemble des conditions fondamentales de la marche de l’univers) a voulu qu’il planât un absolu mystère. […] Vous vous servez de deux mots, par exemple, dont, pour ma part, je ne me sers jamais, spiritualisme et matérialisme. […] Le mot de l’énigme qui nous tourmente et nous charme ne nous sera jamais livré. […] Ce brave homme ne savait pas un mot des systèmes de son hôte ; il n’avait vu en lui qu’un homme bien tranquille, un parfait locataire.

2172. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

L’acte du milieu reste seul, c’est-à-dire le moins dramatique, au sens actif et violent du mot. […] Eschyle dit, en deux mots, tout cela, par la bouche de son roi argien répondant à l’insolent messager : — « Tu n’es qu’un Barbare, et tu oses défier des Hellènes ! […] Si quelqu’un s’oppose, en prétendant que ce que je dis est une plaisanterie, j’invoque le dieu Mont pour témoigner que j’ai dit la vérité. » Le dernier mot du dialogue entre Pélasgos et l’Égyptien est encore une raillerie méprisante. […] Les derniers mots de la seconde tragédie prédisent la troisième et sa nuit sanglante, où les vierges timides, transformées en furies haineuses, massacraient leurs époux d’Égypte pris au piège du lit nuptial.

2173. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Michaud, homme fin, aimable, de plus en plus spirituel en vieillissant, et dont on cite une foule de mots charmants, était le Voltaire de ce petit groupe qui comptait de jeunes noms, dignes déjà de s’associer avec le sien. […] Le malin pris au piège écrivit une lettre qu’il fit la plus épigrammatique qu’il pût, et qui se terminait à peu près par ces mots : « Cela dit, mon cher ami, j’accepterai un petit morceau de ce ruban dont vous avez une aune. » C’est encore là une de ces petites contradictions auxquelles il attachait tant d’importance, et qu’avec tout son esprit il ne sut point éviter. […] En un mot, je crois qu’en abordant l’histoire, il y entra encore avec un dessein d’ironie. […] Bazin par un mot : il suit sa ligne, il vise au vrai, il fait de son mieux, mais il ne daigne pas se mettre assez à la place du lecteur ordinaire ; son procédé envers lui n’est pas obligeant, ni prévenant.

2174. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Il sera toujours difficile de répondre à ce genre de plaisanterie, et même de n’y pas prendre part, lorsqu’on relit de sang-froid les odes, même célèbres, des modernes, où il entre tant d’emphase, de grands mots, d’images fastueuses, eu disproportion avec la réalité, et où il faut, pour se mettre au ton, imiter tout d’abord, en les récitant, ce qu’on a appelé le mugissement lyrique. […] Le Brun, qui y vise tant, a trop peu de ces mots pleins, faciles et « amis de la mémoire ». […] Comme lyrique, il a du souffle, mais aride ; il a l’amour ou plutôt la recherche des beaux mots, il en a surtout la fatigue et l’abus. […] [NdA] Il y a une autre épigramme de Le Brun contre Andrieux, et qui, également innocente, paraîtra plus juste, car les Contes de cet homme d’esprit n’ont jamais endormi personne ; la voici : Dans ces Contes pleins de bons mots Qu’Andrieux lestement compose, La rime vient mal à propos Gâter le charme de la prose.

/ 3580