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465. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Mort définitive aux marionnettes ! […] Mort le comédien, morte la comédie. […] Il est mort très vieux ; il est mort deux fois : c’est-à-dire que le bruit de sa mort avait couru un samedi, et comme il n’y avait pas de grandes nouveautés au théâtre ce jour-là, le feuilleton s’empara de la mort de M.  […] est-il mort ? […] Molière est mort ! 

466. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Il est vrai que, dans toutes ces lettres ou billets produits après la mort d’un des correspondants, Costar peut être soupçonné d’avoir ajouté quelque chose du sien. […] Balzac n’eut pas le temps de voir cette publication des Entretiens ; il était mort dès février 1654. […] Mais l’intention de Costar se démasqua de plus en plus dans les écrits suivants qu’il publia dans cette querelle après la mort de Balzac. […] Le duel acharné dura ainsi jusqu’à la mort des deux contondants, et quand depuis longtemps déjà ils n’avaient plus de spectateurs36. […] [NdA] M. de Girac mourut en 1663 ; Costar était mort dès 1660.

467. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Mais le journal que l’abbé Le Dieu s’est avisé de tenir durant des années, et qu’il a commencé quatre ans environ avant la mort de Bossuet pour le poursuivre presque jusqu’à l’époque de sa propre mort (1699-1713), est d’un caractère tout différent, et j’ai peine à ne pas regretter qu’il ait été publié in extenso : car il ne fait honneur à personne. […] Racine est mort peut-être de n’avoir plus l’espérance de le monter ; Bossuet en garde jusqu’à la fin la vision dorée et la perspective. […] Il est exclu de la chambre de Bossuet aux approches de la mort ; on le conçoit, étant ce que son journal le déclare. […] L’autre tableau, si l’on peut donner le nom de tableau à de tels relevés de lieu, est celui d’une visite que fait l’abbé Le Dieu à l’archevêché de Cambrai peu de temps après la mort de Bossuet. […] Le Dieu ne paraît pas se douter qu’après la mort de Bossuet, et sauf le compte rendu de ses écrits posthumes, son journal n’a plus d’objet.

468. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Le général Walther était mort atteint du typhus dès la retraite de Leipsick. […] S’il y avait eu, comme dans la Révolution, peine de mort pour des signes de commisération, si les têtes avaient dû tomber, la plupart se seraient gardés de me dire un mot, et j’aurais eu peu de visites. […] « Oui, ma jeune amie, j’ai éprouvé une singulière émotion de la mort de Benjamin Constant. Je l’avais jugé dès longtemps sans espérance ; je l’attendais, je dirai même que je ne la craignais pas pour lui, cette mort. […] Quand, après la mort de Mme de Staël, je l’ai vu si éteint, j’aurais à peine pu croire que ce fût le même homme.

469. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Sur les fenêtres de mon cœur Deux pâles mains se sont collées Mains de douleur et de malheur, Mains de la Mort, mains effilées. […] Et Celle de ces mains de deuil, Qui donc pouvait-elle bien être, Pour que la mort fût sur mon seuil, Depuis ce soir de la fenêtre. […] Ma douleur regarde la mort, Car l’espoir a fermé sa porte Et tristement, le vent du Nord Souffle sur ma chandelle morte. […] Le Roy, par exemple, c’est une fenêtre où deux mains apparaissent en un geste d’énigme ; mais au lieu de donner à penser qu’il évoque ainsi un moment du cœur humain, ce poète a cru devoir en avertir dès les premiers mots, et, en spécifiant qu’il s’agit des mains de la mort, il enlève beaucoup de son mystère à une vision qui demeure pourtant belle et hantante. […] Pourtant on ne peut nier la puissance de vers tels que ceux-ci : Crois, vie ou mort, que t’importe, En l’éblouissement d’amour ?

470. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Le scandale public causé par le refus de sépulture dont elle fut l’objet, l’explication tragique et l’affreux soupçon qui ont couru au sujet de sa mort, ont répandu sur sa fin un intérêt mystérieux et ont fait d’elle une victime qu’on se sent d’abord disposé à aimer et à venger. […] Le savant mathématicien, mort depuis peu, était de cette famille. […] Racine, le tendre et autrefois amoureux Racine, parle de la Champmeslé, en apprenant sa mort, comme d’une pauvre malheureuse, et d’un ton que l’austère dévotion même n’eût jamais permis depuis à l’honnête homme du monde. […] Cette mort soudaine réveilla les bruits de poison, quoiqu’il fût certainement peu vraisemblable que les personnes soupçonnées depuis plusieurs mois eussent choisi ce moment pour renouveler leur tentative, en les en supposant capables. On expliqua plus naturellement cette mort par une dose d’ipécacuanha prise mal à propos.

471. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Dans son dernier voyage à Paris, et au moment de sa mort, il était occupé de cette réfutation. […] L’une de ces scènes sera le tableau qu’il trace de la Cour au moment de la mort de Monseigneur, fils de Louis XIV. […] À une certaine heure de la nuit, et la nouvelle positive de la mort s’étant répandue, nous assistons par lui, dans cette grande galerie de Versailles, à un immense tableau dont la confusion apparente laisse apercevoir pourtant une sorte de composition, que je ne ferai qu’indiquer. […] S’il continue de se montrer grand peintre et observateur implacable, il l’est moins innocemment et d’une façon moins désintéressée que dans la scène de la mort de Monseigneur ; sa cruauté vindicative s’y donne trop visiblement, carrière et s’y déchaîne trop à outrance. […] Il oubliait que cette noblesse, de tout temps bien légère en France et dès lors sans base, n’était plus qu’une noblesse de cour, et il n’allait pas à pressentir que, moins de vingt-cinq ans après sa mort, les plus chevaleresques seraient les premiers à changer d’idole et à faire la cour aux révolutions.

472. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

L’auteur de ce testament l’a signé de son sang, certifié de sa mort. […] C’est vrai qu’il est différent, mais comment le lire sans l’aimer, ce jeune intellectuel, mort à vingt-cinq ans pour la France ! […] L’un de ceux-ci, frappé à mort, réclame un crucifix. […] Chaque fois que je voyais qu’il fallait aller à la mort, je pensais à « Lui », et mon devoir m’apparaissait naturel, sans mérite. Lorsque j’ai été enseveli, je me suis cru blessé à mort et ma première pensée a été encore pour mon Dieu.‌

473. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Je ne crois pas que, dans le langage des sentiments privés, il y ait rien de plus touchant que la prière du poëte à la Mort, pendant la maladie de Béatrix. […] Quelle douleur plus pathétique dans la prière du poëte, suppliant à plusieurs reprises et par toutes les inventions du cœur cette inflexible Mort, et lui disant enfin, dans le culte chrétien de son amour : « Ô Mort ! […] Que Notre-Seigneur soit loué par la mort, dont nul ici-bas ne peut éviter l’atteinte ! […] ils ne verront pas la seconde mort, celle des peines éternelles. […] Toutes les merveilles semées sur la route du poëte, dans son voyage surnaturel, s’effacent devant l’ascension de son âme, qui, regardant les yeux de Béatrix attirée elle-même par l’astre du jour, monte sous cette invincible puissance, et vérifie la parole de l’Écriture : L’amour est plus fort que la mort.

474. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Comment ressusciter aujourd’hui ce qui était déjà mort quand 89 l’a tué ? […] À la mort, les incontestés décroissent et les contestés grandissent. […] Cet ardent souci du souvenir des hommes, au moment de périr par une mort violente, a déjà son ordre de grandeur. […] La mort, c’est l’oubli et c’est le silence. […] Rousseau ait produite soit celle de Le Franc de Pompignan, sur sa mort.

475. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat. (suite et fin) »

là il appelle les enfants la recrue continuelle du genre humain ; il dit que Dieu nous donne (par la mort) un appartement dans son palais, en attendant la réparation de notre ancien édifice ; tantôt cette mort est un souffle languissant ; tantôt une rature qui doit tout effacer, etc., etc. […] Il est en effet sorti de chaire sans aucune fatigue, et néanmoins, par précaution, il s’est mis au lit jusqu’au soir pour se reposer, et chacun l’est venu voir dans son lit. » Voilà Bossuet au naturel deux ans avant sa mort et à l’âge de soixante-quinze ans, édifiant encore ses diocésains et visité d’eux sans façon dans son lit après sa journée dominicale et pastorale. […] Toutes les expressions soulignées sont tirées du sermon de Bossuet sur la Mort, prêché à un carême devant le roi ; ce sermon est l’un des plus éloquents de Bossuet.

476. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Mais sa mort (en 1883) est touchante. […] Avec son ami Simon, il songe à la mort de Renan. […] Que sera-ce de la mort ? […] Afin que notre amour ne fût plus soumis à la mort. » Et elle chante la mort de la chair, la vie de l’Esprit, le désir de la nuit et de l’éternel repos. […] En revanche, l’amour des âmes continue après la mort.

477. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Note qu’il faut lire avant le chapitre de l’amour. »

Ce chapitre, me dira-t-on, est d’une couleur trop sombre, la pensée de la mort y est presque inséparable du tableau de l’amour, et l’amour embellit la vie, et l’amour est le charme de la nature. […] — Je n’ai voulu traiter dans cet ouvrage que des passions ; les affections communes dont il ne peut naître aucun malheur profond, n’entraient point dans mon sujet, et l’amour, quand il est une passion, porte toujours à la mélancolie : il y a quelque chose de vague dans ses impressions, qui ne s’accorde point avec la gaîté ; il y a une conviction intime au-dedans de soi, que tout ce qui succède à l’amour est du néant, que rien ne peut remplacer ce qu’on éprouve, et cette conviction fait penser à la mort dans les plus heureux moments de l’amour. […] Ce n’est pas le premier volume de La Nouvelle Héloïse, c’est le départ de Saint-Preux, la lettre de la Meillerie, la mort de Julie, qui caractérisent la passion dans ce roman. — Il est si rare de rencontrer le véritable amour du cœur, que je hasarderais de dire que les anciens n’ont pas eu l’idée complète de cette affection.

478. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

  Je me souviens qu’à mon entrée dans le monde, il n’y avait qu’une voix sur l’irrémédiable décadence, sur la mort accomplie et déjà froide de cette mystérieuse faculté de l’esprit humain. […] J’ai anéanti ainsi des volumes de cette première et vague poésie du cœur, et j’ai bien fait, car à cette époque, ils seraient éclos dans le ridicule, et morts dans le mépris de tout ce qu’on appelait la littérature. […] Quelquefois un long cortège de Turcs, d’Arabes, d’Arméniens, de Juifs accompagnaient le mort et défilaient en chantant entre les troncs d’oliviers, puis rentraient à pas lents et silencieusement dans la ville ; plus souvent les morts étaient seuls, et quand les deux esclaves avaient creusé de quelques palmes le sable ou la terre de la colline et couché le pestiféré dans son dernier lit, ils s’asseyaient sur le tertre même qu’ils venaient d’élever, se partageaient les vêtements du mort, et allumant leurs longues pipes, ils fumaient en silence et regardaient la fumée de leurs chibouks monter en légère colonne bleue et se perdre gracieusement dans l’air limpide, vif et transparent de ces journées d’automne. […] Un trou creusé dans la terre et qui était censé correspondre à l’oreille du mort, lui servait de porte-voix vers cet autre monde où dormait celui qu’elle venait visiter. […] si quelque chose pouvait jamais réveiller un mort, c’étaient de pareilles paroles murmurées par une pareille bouche !

479. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

À Rome, on a le sentiment qu’on domine le temps et la mort avec laquelle on aime à vivre. […] C’est avec ce cortège de douleurs qu’on avance vers la mort sans aucun courage ni pour vivre ni pour mourir. […] Je n’ai connu personne qui ait su se faire aimer à Genève comme madame W… Hier, l’hospodar m’avait raconté sa mort ; tout le raout s’en est occupé. On dirait qu’à Genève on aime plus les morts que les vivants ; du moins on y sympathise plus avec les peines qu’avec les plaisirs. C’est qu’ici on est retenu dans tous ses sentiments ; mais cette contrainte d’habitude disparaît pour les morts.

480. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

L’idée de la mort l’occupe. […] Il éprouva le plus cruel chagrin qu’il fût capable de ressentir à la mort de cette amie, dont les passions orageuses ou les caprices avaient si souvent troublé son repos et déconcerté sa sagesse. […] Cette mort de la duchesse de Mazarin a fait une sorte de mystère, et la manière dont Saint-Évremond en parle dans une lettre à M. de Canaples n’est pas tout à fait en contradiction avec ce qu’une relation plus secrète est venue révéler. […] On n’aimait pas alors, — encore moins qu’aujourd’hui, — à s’expliquer nettement sur les morts volontaires. […] Elle est plus philosophe qu’Épicure ; les approches de la mort ne l’ont point fait changer de sentiment, et je la connais assez pour croire qu’elle fera ce fâcheux pas sans aucune faiblesse. » Voilà un annotateur et un témoin original qui nous donne bien envie de connaître son nom.

481. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

C’est bien la mort qu’aurait pu souhaiter don Juan ou René. […] La vue d’un vieillard cassé par l’âge, d’un malade rongé par la lèpre ou desséché par la fièvre, d’un mort porté dans son cercueil, le plonge dans un abîme de réflexions et de rêves. […] De ce lit de mort, la jeune fille s’est relevée veuve et mère : veuve de son cœur éteint à toutes les flammes de l’amour, mère de l’enfant qu’elle a fait homme et qui lui a coûté la vie de sa jeunesse. […] On eut dit que la longue rapière qui battait aux talons des gentilshommes les aiguillonnait à la mort. […] Laffemas a reçu ordre du cardinal de découvrir celui que Diane aime ; car il lui faut la vie de celui qui a conspiré sa mort.

482. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Mais les fils de famille se trouvaient, à la mort de leurs pères, affranchis de ce despotisme domestique, et l’exerçaient à leur tour sur leurs enfants. […] C’est confondre ces premiers temps avec celui où les plébéiens étaient déjà une partie de la cité, et concouraient à élire les consuls, droit qui ne leur fut communiqué par les Pères qu’après celui des mariages solennels, c’est-à-dire au moins trois cents ans après la mort de Romulus. […] Les consuls, pendant leur règne, étaient, comme on sait, sujets à l’appel, de même que les rois de Sparte étaient sujets à la surveillance des éphores : leur règne annuel étant fini, les consuls pouvaient être accusés, comme on vit les éphores condamner à mort des rois de Sparte. […] Ce Brutus, qui immole à la liberté ses deux fils, espoir de sa famille ; ce Scévola qui effraie Porsenna et détermine sa retraite en brûlant la main qui n’a pu l’assassiner ; ce Manlius qui punit de mort la faute glorieuse d’un fils vainqueur ; ces Décius qui se dévouent pour sauver leurs armées ; ces Fabricius, ces Curius, qui repoussent l’or des Samnites, et les offres magnifiques du roi d’Épire ; ce Régulus enfin, qui, par respect pour la sainteté du serment, va chercher à Carthage la mort la plus cruelle ; que firent-ils pour l’avantage des infortunés plébéiens ? […] Si quelqu’un tentait de soulager les plébéiens par une loi agraire, l’ordre des nobles accusait et mettait à mort le bienfaiteur du peuple.

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