Necker réfutât l’idée d’un catéchisme purement moral qu’elle venait de proposer, lui décerna le prix récemment fondé pour l’ouvrage le plus utile aux mœurs. […] Il dira encore : Je souhaiterais que les hommes d’un esprit étendu, et qui découvrent mieux que personne comment tout se tient dans l’ordre moral, n’attaquassent jamais qu’avec prudence, et dans un temps opportun, tout ce qui communique de quelque manière avec les opinions les plus essentielles au bonheur. […] Arrivons au ministre maintenant, c’est-à-dire à l’homme moral dans le ministre, et connaissons-le. […] disait-il, tous les hommes sans doute sont égaux devant vous, lorsqu’ils communiquent avec votre bonté, lorsqu’ils vous adressent leurs plaintes, et lorsque leur bonheur occupe votre pensée ; mais, si vous avez permis qu’il y eût une image de vous sur la terre, si vous avez permis du moins à des êtres finis de s’élever jusqu’à la conception de votre existence éternelle, c’est à l’homme dans sa perfection que vous avez accordé cette précieuse prérogative ; c’est à l’homme parvenu par degrés à développer le beau système de ses facultés morales ; c’est à l’homme enfin, lorsqu’il se montre dans toute la gloire de son esprit.
Il énumère tel assemblage fortuit de traits, telles voix, telles mains, tel port, tel regard, tel tic personnel ; sans essayer de rendre logique ou d’expliquer ce signalement : il place son personnage dans un milieu décrit, le lance dans une aventure quelconque et ses particularités morales viennent accentuer peu à peu sa délinéation physique. […] Mais on sa science des nuances morales, son habileté à minutieusement analyser la dépendance et le jeu des départements spirituels, atteint encore au plus liant, c’est dans le débat d’un des problèmes psychologiques les plus considérables de notre époque, celui dont la solution importe le plus à nos races débilitées par une culture intellectuelle trop rapide : l’atrophie graduelle de la volonté par le développement excessif de l’intelligence. […] Ses recherches sur l’une des plus effrayantes impuissances morales de l’homme moderne, la sympathie même qui l’ai tire vers les misérables et les imparfaits, tout le spectacle attristant de l’humanité vue de près, l’ont irrémédiablement contristé, et de même qu’un aliéniste, à force de voir la fêlure légère ou béante des cerveaux qu’il examine, doute qu’il y ait des âmes normales, Tourguénef tient en suspicion la force de l’homme et la joie de la vie. […] À force de contempler les petites actions d’une multitude de créatures, de suivre leur vie par le menu, d’assister à la dépense sans grand résultat du trésor de leurs forces morales, du remuement stérile dans sa discontinuité des passions et des espoirs, à ce volettement de but en but pour aboutir « au cinquième acte toujours sanglant », on ressent une sorte d’effroi et de triomphe amer.
— Il peut paraître bizarre et il n’est qu’exact de dire que, dans le moment, l’indifférence même des croyances et le manque de convictions morales tournent plutôt au profit du clergé. […] Le sentiment moral inspire peu les gros bonnets, les chefs, et tout le corps s’en ressent.
Sophocle et Euripide furent éminemment romantiques ; ils donnèrent, aux Grecs rassemblés au théâtre d’Athènes, les tragédies qui, d’après les habitudes morales de ce peuple » sa religion, ses préjugés sur ce qui fait la dignité de l’homme, devaient lui procurer le plus grand plaisir possible. […] S’il se trouvait un homme que les traducteurs à la toise se disputassent également à Madrid, à Stuttgard, à Paris et à Vienne, l’on pourrait avancer que cet homme a deviné les tendances morales de son époque8.
Buffon n’écrivait pas davantage pour saper les institutions sociales ou les croyances morales. […] J’abandonne ses descriptions : elles sont décidément pompeuses ou coquettes, frelatées surtout, et enveloppant la vérité scientifique de lieux communs littéraires, de formes nobles ou d’idées morales ; les animaux reçoivent des sentiments généreux ou vicieux, tout comme dans les Fables de La Fontaine.
Comme l’auteur des Origines du christianisme étudiait une matière obscure et était souvent amené à douter des faits, on a lestement transformé son scepticisme historique en scepticisme moral. […] Quarante années d’héroïque labeur, de pureté et d’intégrité absolues, lui donnaient peut-être le droit d’éviter un certain ton dogmatique en parlant des vérités morales.
Il me semble que, lorsqu’on est en somme parmi les privilégiés de ce monde, lorsqu’on ne souffre ni continuellement, ni trop violemment dans son corps, et qu’on est préservé des extrêmes douleurs morales par la littérature et l’analyse (lesquelles, soyez-en sûrs, nous sauvent de plus de maux qu’elles ne nous interdisent de joies), une sorte de pudeur devrait vous empêcher de répéter trop longuement des plaintes déjà développées par d’autres. […] Or, chose remarquable, ce conteur si peu « moral » désarma, presque tout de suite, même les austères.
Ce qui prépare le mieux la solution des questions sociales, c’est en somme, pour chacun, son propre perfectionnement moral, c’est l’amour des autres : et la tolérance en est déjà un joli commencement. […] De croire que cette vie n’est qu’une épreuve et un prélude, ou de croire qu’elle n’aura aucun prolongement ultra-terrestre, il semble, à première vue, que deux morales opposées dussent s’ensuivre : mais, dans la pratique, tout s’arrange.
qu’il n’y avait qu’une faute de comptabilité à corriger pour que le monde actuel fût immédiatement renouvelé dans ses fondements et ses entrailles, lui cachait les lois morales et physiologiques de la nature humaine. […] Cette Correspondance, qui embrasse toute la vie intellectuelle de Proudhon, nous dégage du système ce qu’était l’homme, — l’homme primitif, primesautier, naïf, la créature vivante, l’être moral, en un mot ; car, il faut bien le dire, le monstre était moral. […] Proudhon ne serait-il moral que comme l’éléphant ? […] Il ne se serait jamais vautré dans les bras sacrilèges de la religieuse de Luther, Et toujours plus tard, plus tara encore, au xviie siècle, par exemple, il eût été très bien l’abbé Proudhon, un théologien qui aurait passé, haut la main, de magnifiques thèses en Sorbonne, comme, au xixe siècle, il concourait pour des prix à l’Académie des sciences morales et politiques, et il eût laissé derrière lui quelques traités de droit canon et d’érudition religieuse. […] Et cette place a été tellement bien faite que partout où la femme l’a acceptée et gardée les Sociétés ont été aussi morales qu’elles puissent être, et qu’elles doivent devenir d’autant plus immorales dans l’avenir que les femmes voudront sortir de cette place et se croiront le droit de la répudier.
Imaginons maintenant un ressort plutôt moral, une idée qui s’exprime, qu’on réprime, et qui s’exprime encore, un flot de paroles qui s’élance, qu’on arrête et qui repart toujours. […] Elle ne nous fait rire que parce qu’elle symbolise un certain jeu particulier d’éléments moraux, symbole lui-même d’un jeu tout matériel. […] II. — « Nous rions toutes les fois que notre attention est détournée sur le physique d’une personne, alors que le moral était en cause » : voilà une loi que nous avons posée dans la première partie de notre travail. […] On pourrait dire que la plupart des mots présentent un sens physique et un sens moral, selon qu’on les prend au propre ou au figuré. […] L’humoriste est ici un moraliste qui se déguise en savant, quelque chose comme un anatomiste qui ne ferait de la dissection que pour nous dégoûter ; et l’humour, au sens restreint où nous prenons le mot, est bien une transposition du moral en scientifique.
Ici se trouve, en quelque sorte, la frontière vague et indécise entre le domaine physiologique et le domaine moral. […] comme il sait sculpter les beaux discours, et la fine dialectique, et les hautes idées morales ! […] Le siège et la nature du mal sont identiques, les symptômes physiques et les effets moraux qui les distinguent ne varient que par l’intensité. […] Le fond du moral restant le même, les nuances en sont plus prononcées. […] L’étude du moral et celle du physique y sont étroitement unies, mêlées et confondues.
Variétés littéraires, morales et historiques, par M. […] Je ferai ici une simple remarque : c’est qu’ayant relu depuis peu la première édition des Maximes en la comparant à la dernière qu’a donnée l’auteur et qui est celle qu’on suit généralement, j’y ai trouvé assez de différences pour pouvoir affirmer que c’est la première seule qui contient toute la pensée de l’homme, pensée franche, absolue à l’origine, toute verte et toute crue, sans adoucissement, et qui, par la portée, va rejoindre d’autres systèmes moraux de date plus récente. […] Il ne faudrait pourtant pas trop presser ce juste milieu religieux et moral en tant que système : cela n’a toute valeur que comme expression d’une nature individuelle, et ce qui en fait la force en M. de Sacy, c’est d’être avant tout porté par un bon fonds, préparé de longue main.
Les Dits moraux et enseignements utiles et profitables, le Livre des faits et bonnes mœurs du roi Charles V, le Trésor de la Cité des Dames…, les adorables titres et qui fleurent l’antique sapience ! […] Guizot, séduite apparemment par sa jeunesse Reposons-nous avec les romans de Mme de Souza, histoires simples, morales, non point fades, abondantes en détails insignifiants et agréables, et qui sont ce que nous avons, je crois, de plus approchant des romans des authoress anglaises. […] Le sentiment moral et la passion pourront avoir leur tour ; mais il faut commencer par « objectiver », comme on dit, la sensation.
Tout désir fut une idée… Les renouvellements du désir sont inépuisables par la fécondité de l’esprit, l’originalité d’idées, l’art de voir et de trouver de nouveaux aspects moraux, enfin l’optique de l’amour. » L’amour est un exercice de l’intelligence et de la volonté. […] C’est le poème de l’amour et c’est un ouvrage d’édification, au sens exact du mot ; un traité d’élargissement, d’affranchissement de l’âme, et de perfectionnement moral par l’amour. […] Le premier homme qui aime une femme met en elle sa marque pour toujours. — Mais, au surplus, l’avancement moral de la femme et de l’homme étant à la fois le but de la vie et l’œuvre de l’amour, il est clair que la meilleure condition de cet avancement, et la plus souhaitable, c’est d’être l’œuvre d’un seul amour et qui dure autant que la vie même. — Bien différent de nos plus récents moralistes, Michelet n’a pas l’ombre de complaisance pour le libertinage, ni pour l’adultère, ni pour cette espèce « de divorce dans le mariage qui est, dit-il, l’état d’aujourd’hui (1858). » Les mauvaises mœurs ne lui inspirent aucune curiosité spéculative.
Je pourrais lui répondre à mon tour que l’écrivain, pour se peindre, a besoin de plus de travail moral, de plus de réflexion et de préméditation que le peintre proprement dit, et que, du moment que le moral intervient, un autre ordre de délicatesse commence. […] M. de Lamartine commet là un anachronisme qui n’est pas seulement un anachronisme de langage, mais qui en est un au moral.
» Ces beaux vers d’un accent si grand et si triste résument toute la science des rapports du physique et du moral, et Cabanis, dans son célèbre ouvrage, n’a fait autre chose que développer, en multipliant les faits, les arguments de Lucrèce. […] L’influence de l’âge, des tempéraments, des climats, de la maladie ou de la santé, les affections mentales, le sommeil et ses annexes, telles sont les vastes questions où se rencontrent le médecin et le philosophe, où l’on cherche à surprendre l’influence réciproque du physique sur le moral, du moral sur le physique ; mais comme toutes les actions physiologiques et nerveuses viennent se concentrer dans le cerveau, que le cerveau paraît être l’organe propre et immédiat de l’aine, c’est en définitive en lui que s’opère l’union des deux substances, et si l’on peut surprendre quelque chose de cette mystérieuse union, c’est lui qu’il faut étudier en premier lieu.
Pour ce qui est du matérialisme, Gall lui-même s’expliquait en ces termes : « Quand je dis que l’exercice de nos facultés morales et intellectuelles dépend des conditions matérielles, je n’entends pas que nos facultés soient un produit de l’organisation ; ce serait confondre les conditions avec les causes efficientes. » Cette distinction est précisément celle que font les spiritualistes quand on leur objecte l’influence du physique sur le moral, et elle est très à sa place ici. […] Suivant eux, les circonvolutions du cerveau, siège des facultés intellectuelles et morales, se manifesteraient extérieurement par des protubérances, vulgairement appelées bosses, qui peuvent servir à juger de l’intérieur par l’extérieur.
Pour bien faire comprendre cette philosophie, il faudrait pouvoir exposer avec détail et précision toutes ces belles théories, qui resteront dans la science : la théorie de l’effort volontaire, par laquelle Biran établit contre Kant et contre Hume la vraie origine de l’idée de cause ; la théorie de l’obstacle, par laquelle il démontre, d’accord avec Ampère, l’objectivité du monde extérieur ; la théorie de l’habitude, dont il a le premier démontré les lois ; ses vues, si neuves alors, sur le sommeil, le somnambulisme, l’aliénation mentale, et en général sur les rapports du physique et du moral ; la classification des opérations de l’âme en quatre systèmes : affectif, sensitif, perceptif et réflexif ; enfin sa théorie de l’origine du langage. […] Le moi l’occupait tout entier, et la pensée de l’absolu et du divin semblait dormir dans les profondeurs de sa conscience : une note mystérieuse ajoutée aux Rapports du physique et du moral était la seule indication d’une tendance religieuse et déjà mystique qui devait se développer plus tard dans sa dernière phase philosophique. […] Comme eux, nous croyons que le droit est inséparable d’un ordre intelligible et moral dont nous sommes les citoyens, et dont le souverain, c’est-à-dire Dieu, est le type absolu de la sainteté et de la justice.