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44. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Et j’avais tant d’espoir quand j’entrai dans le monde     Orgueilleuse et les yeux baissés ! […] Dans le monde, il suffit d’un de ces jolis vers, d’un de ces jolis mots (l’ingrat !) […] Cette Napoline qui se tue et s’asphyxie de désespoir, c’est le génie éteint, énervé par le monde ; c’est l’amour et la foi qui expirent dans un cœur. […] … le monde ! […] Quant aux grands intérêts du monde alors en conflit, ils ne se trouvent nulle part représentés.

45. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

(Ans du monde, 2000-2500.) […] (An du monde, 3223-3223.) […] (An du monde, 2820.) […] (An du monde, 3223.) […] (An du monde 3708 ; 489.)

46. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

A la veille de voir finir le monde, on regardait comme inutile tout ce qui ne sert qu’à continuer le monde. […] Que sert à un homme de gagner le monde entier et de se perdre lui-même 886 ?  […] Un germe fatal de théocratie est introduit dans le monde. […] La perfection étant placée en dehors des conditions ordinaires de la société, la vie évangélique complète ne pouvant être menée que hors du monde, le principe de l’ascétisme et de l’état monacal était posé. […] Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous.

47. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « Introduction »

J’entends lui restituer ici son sens véritable, le seul qu’il puisse, à vrai dire, posséder : c’est l’esprit qui tend à faire triompher une nouvelle conception du monde dans l’humanité occidentale. […] Le monde ancien — je ne dis pas le monde antique — possédait une conception de l’univers dont il s’est nourri pendant des siècles. […] Certains d’entre les libérés eurent bientôt l’intuition d’une vérité nouvelle : que le monde ne pouvait être enfermé dans un moule, quel qu’il fût, et que sa réalité seule contenait toute la révélation. […] Une confiscation du monde au profit de Dieu, de l’homme au profit des représentants de Dieu ici-bas. […] La conception nouvelle est en voie de transformer la vie toute entière de l’homme, dont la situation dans l’ensemble du monde doit changer radicalement.

48. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre III. Trois principes fondamentaux » pp. 75-80

Cela admis, tout homme qui réfléchit, ne s’étonnera-t-il pas que les philosophes aient entrepris sérieusement de connaître le monde de la nature que Dieu a fait et dont il s’est réservé la science, et qu’ils aient négligé de méditer sur ce monde social, que les hommes peuvent connaître, puisqu’il est leur ouvrage ? […] Puisque le monde social est l’ouvrage des hommes, examinons en quelle chose ils se sont rapportés et se rapportent toujours. […] Si des idées uniformes chez des peuples inconnus entre eux doivent avoir un principe commun de vérité, Dieu a sans doute enseigné aux nations que partout la civilisation avait eu cette triple base, et qu’elles devaient à ces trois institutions une fidélité religieuse, de peur que le monde ne redevînt sauvage et ne se couvrît de nouvelles forêts. […] Aussi dans toute la suite des temps, dans toute l’étendue du monde, on peut réduire à quatre le nombre des religions principales. […] Aussi les Épicuriens qui ne voient dans le monde que matière et hasard, les Stoïciens qui, semblables en ceci aux Spinosistes, reconnaissent pour Divinité une intelligence infinie animant une matière infinie et soumise au destin, ne pourront raisonner de législation ni de politique.

49. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Création du monde. — I. […] Ils sont indépendants, et leur âme affranchie promène sur leur personne et sur le monde un regard philosophique. […] Le temps où vivent Gœtz et Franz de Sickingen est cet âge héroïque du monde chrétien qui s’appelle la féodalité. […] Il se fait un monde à part dans le monde. […] La contradiction est la loi du monde physique et du monde moral241.

50. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Cela voulait dire : Un poème épique, c’est le monde ! Mais ce n’est pas assez dire ; un poème épique, ce sont les deux mondes, c’est-à-dire le monde matériel et le monde surnaturel, le fini et l’infini. […] Or le monde est double, ou plutôt il y a dans le monde deux mondes : le monde qu’on voit, et le monde invisible ; l’un est aussi certain que l’autre, quoiqu’il ne tombe pas sous les sens, parce qu’il tombe sous le sens des sens, l’intelligence ! […] Il s’ensuit que les poètes, ces organes réputés divins de l’imagination du genre humain, ont été forcés d’introduire dans le poème épique, ce grand résumé chanté des deux mondes, un monde invisible à côté et au-delà du monde visible, la matière et l’esprit, l’homme complet, héros ou martyr sur la terre, demi-dieu dans les olympes, ou supplicié dans les enfers. […] Sans ce monde de l’esprit superposé au monde de la matière, l’imagination ou la piété de l’homme n’est pas satisfaite.

51. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Il essaya de faire sa trouée dans le monde. […] Une fois donc qu’il eut remis un pied dans le monde, il pensa qu’il n’avait rien de mieux à faire que de s’y lancer tout à fait, en se fiant à son talent. […] Qu’est-ce qu’un homme de lettres selon vous, et, en vérité, selon le fait établi dans le monde ? […]  » La plupart des maximes de Chamfort, relatives à la société, ne s’appliquent qu’au très grand monde dans lequel il vivait, à la société des grands ; et heureusement elles deviennent fausses dès que l’on considère un monde moins factice, plus voisin de la famille, et où les sentiments naturels ne sont pas abolis. […] Il avait tellement la passion et la frénésie du célibat, que, s’il l’avait pu, le monde finissait à lui.

52. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Ici Lassay songeait au mariage pour la troisième fois, mais c’était encore un mariage peu régulier et assez extravagant selon le monde. […] On a retenu, grâce à Mme de Caylus, un mot très spirituel et piquant de la marquise de Lassay à son mari, un jour qu’il soutenait devant tous la vertu sans tache, l’impeccabilité de Mme de Maintenon, et qu’il s’en montrait plus opiniâtrement convaincu qu’il n’était convenable à un homme du monde. […] » Très initié malgré tout, et nonobstant les ennuis, dans ce monde de Chantilly et de Saint-Maur, devenu coûte que coûte allié des princes du sang et appartenant dorénavant du côté gauche à la maison de Condé, Lassay passait sa vie dans la familiarité du plus grand monde ; s’il essuyait quelquefois la chanson et la satire, il les rendait bien. […] En vieillissant, il était, il est vrai, fort las du monde, ou du moins il le disait volontiers, mais il y revenait sans cesse : « On méprise le monde, et on ne saurait s’en passer. » Il reconnaissait que, pour un homme qui en a pris le train et l’habitude, c’était encore la meilleure manière d’être que de ne pas s’en séparer trop longtemps. […] [NdA] Voici quelques-unes des maximes de Lassay qui approchent le plus du mot que rapporte Chamfort ; mais encore sont-elles d’un homme du monde désabusé et sans illusion, plutôt que d’une âme ulcérée et d’un cœur aigri : Il n’y a rien de si beau que l’esprit de l’homme, et rien de si effroyable que son cœur. — L’usage du monde corrompt le cœur et perfectionne l’esprit. — La plupart des connaissances qu’on a sont nos véritables ennemis ; car, pour l’ordinaire, ce ne sont pas les hommes avec qui nous ne vivons point qui nous font du mal.

53. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

S’il est une besogne dont l’homme qui s’est limité à soi-même, semble entièrement incapable, c’est bien celle de diriger le monde. […] Le monde devrait accueillir avec indulgence et joie les égarés qui lui reviennent. […] Tel est l’avenir du prêtre : devenir un objet de pitié ou de mépris pour le monde, pauvre d’esprit ou charlatan. […] Il a le monde ouvert devant lui, qu’il y rentre. […] Comment ceux qui sont fermés à toute vérité, voudraient-ils l’enseigner au monde ?

54. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Dans le monde et la haute société, ce mouvement d’esprit, si fécond alors et si imposant en promesses, avait pour centre et pour foyers deux ou trois salons dits doctrinaires. […] Mais la Restauration devait amener dans le monde élevé, et à la surface de la société qu’elle favorisait, d’autres combinaisons moins simples que celles-là. […] Ceci, joint à l’habitude de se réprimer en dehors et à l’aisance de la femme du grand monde qui reprenait vite le dessus, la ramenait tout à fait au type adouci de la Restauration. […] Le monde, même quand il n’est pas odieux ni tout a fait injuste, a une manière sèche de penser et de dire que le moraliste ne doit pas absolument ignorer, bien qu’elle puisse déplaire. […] Durant ce séjour en Angleterre, la jeune duchesse de Duras n’eut-elle pas à vaincre d’abord quelques préventions du monde émigré sur sa noble origine si avant mêlée à la Révolution ?

55. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

comme le monde entier s’écrie : C’est Homère ! […] La beauté de Crithéis porta malheur à l’orpheline et porta bonheur à la Grèce et au monde. […] Les dieux lui destinaient à son insu moins de bonheur et une autre gloire : le monde à enseigner, et la gloire immortelle pour héritage. Après la mort de Phémius et de Crithéis, sa mère, Homère erra par le monde, enseignant de ville en ville les petits enfants. […] L’homme sauvage lit, et un monde nouveau apparaît page par page à ses yeux.

56. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Liottier, elle débuta dans le monde sous le Directoire ; elle a rendu à ravir l’impression de cette époque première dans plusieurs de ses romans, mais nulle part plus naturellement que dans Les Malheurs d’un amant heureux. […] J’ai lu d’elle de très spirituels et très mordants couplets de cette époque, et qui emportaient la pièce, sur des ennuyeux et des ennuyeuses qui n’étaient pas de son monde : on ne les disait que portes closes. […] Sous le Directoire, ou est dans un tout autre monde, dans une vogue toute différente. […] elle avait des aperçus, des idées, et cela sans jamais prétendre, comme tant de femmes, refaire le monde ; elle n’aurait voulu refaire que le monde de son beau temps et de sa jeunesse. […] Le monde était pour elle un théâtre et comme un champ d’honneur dont elle ne pouvait se séparer ; elle était infatigable à causer, à veiller, à vouloir vivre.

57. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Il renoncera au Monde des Apparences actuelles, même revêtues de l’Unité parfaite. […] Nous sommes donc dans une période de transition et deux mondes sont aujourd’hui en présence : le monde ancien, qui repose sur nos traditions, sur nos habitudes et en vérité sur ce que nous avons appris ; le monde nouveau qui naît spontanément de notre intuition particulière. […] La Musique qui ne représente pas les Idées contenues dans l’Apparence du Monde, mais qui, au contraire, est, elle-même, une Idée du Monde, et une Idée toute générale, enferme en elle, déjà, le Drame entier, de même que le Drame à son tour, peut, seul, exprimer l’Idée du Monde adéquate à la Musique. […] Si nous considérons, dans son impression totale la plus profonde, le monde si complexe des formes créées par Shakespeare, avec l’extraordinaire relief des caractères que ce monde contient et qui s’y meuvent ; puis si nous comparons à ce monde le monde, également complexe, des motifs de Beethoven, avec leur expression si poignante et leur extraordinaire précision ; nous sentirons, alors, que chacun de ces mondes recouvre l’autre, entièrement, de telle sorte que nous verrons chacun d’eux contenu dans l’autre, bien qu’ils paraissent se mouvoir en des sphères absolument différentes. […] Le Monde comme volonté et représentation, trad.

58. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

Pour le monde, c’était l’oubli, et l’oubli par-dessus lequel il y avait encore l’illisible livre de l’abbé Proyart, pour en augmenter la profondeur. […] Son article de la Revue des Deux Mondes n’est que lymphe, tissus ramollis, boutons, dartres, pustules. […] Elle donc était digne d’être religieuse, d’être sainte, d’être la première des carmélites du monde chrétien. […] Telle elle fut, cette sainte dont la canonisation fait rire dans la boutique de la Revue des Deux Mondes. […] Elle l’a appelée de cet avilissant nom d’intrigante, parce que la Carmélite, qui voyait clair dans ce malheureux monde qui s’en allait, s’occupait des intérêts de la religion — tout pour elle ! 

59. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Ces simultanéités qui constituent le monde extérieur, et qui, bien que distinctes les unes des autres, se succèdent pour nous seulement, nous leur accordons de se succéder en elles-mêmes. […] Ou bien enfin on invoquera le principe de la conservation de l’énergie, sans se demander si ce principe est également applicable aux moments du monde extérieur, qui s’équivalent, et aux moments d’un être à la fois vivant et conscient, qui se grossissent les uns aux autres. […] Notre existence se déroule donc dans l’espace plutôt que dans le temps : nous vivons pour le monde extérieur plutôt que pour nous ; nous parlons plutôt que nous ne pensons ; nous « sommes agis » plutôt que nous n’agissons nous-mêmes. […] Par là il fut conduit à croire que les mêmes états sont susceptibles de se reproduire dans les profondeurs de la conscience, comme les mêmes phénomènes physiques dans l’espace ; c’est du moins ce qu’il admit implicitement quand il attribua au rapport de causalité le même sens et le même rôle dans le monde interne que dans le monde extérieur. […] C’est de quoi les Kantiens et même leurs adversaires ne paraissent pas s’être aperçus : dans ce prétendu monde phénoménal, fait par la science, tous les rapports qui ne se peuvent traduire en simultanéité, c’est-à-dire en espace, sont scientifiquement inconnaissables.

60. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Voici deux volumes qui ont fait, je ne dirai pas seulement leur bruit, mais leur bien dans le monde, et auxquels on ne saurait trop revenir. […] … Toute prédication catholique — à quelque âge du monde qu’elle ait eu ou doive avoir lieu — a donc été ou sera marquée de ces deux imposants caractères : une connaissance plus intime de Dieu ; une connaissance plus intime de l’homme. […] C’est un blessé et un enseigné du monde. […] pas besoin de ce martyre enduré ou de cet esclavage brisé du monde, qui ont laissé dans le P.  […] Mais, dans l’ordre des vertus moins héroïques, il faut en convenir, l’enseignement cruel du monde donne aux prêtres une sûreté et une profondeur de regard que l’âme ne peut plus éviter.

61. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

La religion vise au réel, l’art se contente du possible ; il n’en superpose pas moins, comme la religion, un monde nouveau au monde connu, et, de même que la religion, il nous met en rapport d’émotion et de sympathie avec ce monde ; par conséquent, il en fait un monde d’êtres animés plus ou moins analogues à l’homme ; par conséquent enfin, il en fait une société nouvelle ajoutée par l’imagination à la société où nous vivons réellement. […] Illusions ou réalités, des visions passent ; qui se trouve là, les voit18. » Aussi, pour le poète, rien de purement subjectif : le monde de l’imagination est, à sa façon, un monde réel ; le monde intérieur n’est-il pas un prolongement de l’autre, une nouvelle nature dans la nature ? […] Selon nous, le génie artistique et poétique est une forme extraordinairement intense de la sympathie et de la sociabilité, qui ne peut se satisfaire qu’en créant un monde nouveau, et un monde d’êtres vivants. […] Tarde, a excellemment montré que le monde social et même le inonde tout entier obéit à deux sortes de forces : l’imitation et l’innovation. L’imitation ou répétition universelle, dans le monde inorganique, c’est l’ondulation ; dans le monde organique, c’est la génération (qui la nutrition comprend même) ; sans doute, peut-on ajouter, la génération n’est encore qu’une ondulation qui se propage et se répète en sa forme ; enfin, dans le monde social, la répétition devient l’imitation proprement dite, autre ondulation transportée par sympathie d’un être à un autre.

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