/ 3767
529. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

Excité par la Providence, seul ce terrible souffle mit à flot tous ces chétifs brûlots humains, porte-noms, porte-enseignes et porte-flammes d’une révolution signée : Dieu ! […] Pour lui, la Révolution, qu’il disait — et avec raison — ne s’incarner dans aucun homme, se fait femme aujourd’hui, et tout aussitôt, avec la piété d’un enlumineur de fétiches, le voilà qui se met à nous peindre ce multiple visage de femme sous lequel l’idée révolutionnaire lui apparaît, peut-être d’autant plus puissante… Il est vrai qu’un remords le prend vers la fin de son travail : « Le défaut essentiel de ce livre — dit-il — c’est de ne pas remplir son titre. […] Triste procédé, qui pourrait dispenser la Critique de s’occuper d’un ouvrage dont le fond est déjà connu, si, d’un autre côté, le nom de l’auteur, le titre du livre, et les quelques points de suture qui tiennent les morceaux dont il est composé rapprochés, ne révélaient pas suffisamment l’éternel dessein de propagande contre lequel on ne saurait mettre trop en garde les esprits faibles sur lesquels Michelet, avec son talent mystico-sensuel, peut beaucoup agir. […] Les héroïnes-modèles de Michelet, transportées de l’ensemble d’événements auxquels elles appartiennent, et mises à part dans des cadres et des fonds qui repoussent vigoureusement ce que Michelet croit leurs beautés, peuvent produire sur la moralité de celles qui les lisent un effet de jettatura funeste. […] Nous en avons nommé les héroïnes ; mais ce qui dépasse infiniment l’admiration et le culte que Michelet leur a voués, c’est le sentiment qui anime son livre de la première page à la dernière ; ce sont les détails à côté de ces quelques portraits épars, mis là pour attirer peut-être la curiosité sur autre chose que sur ces portraits.

530. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

» Benjamin Constant s’est bien mis à genoux devant Madame Récamier, mais il ne s’en est relevé… que pour prendre la fuite, et elle a vécu tranquillement toute sa vie qui a été longue. […] Seulement, il mit du temps à tomber de ses mains charmantes ! […] Dieu ne l’avait pas prise avarement pour lui et mise sous ce voile qui semble transparent et qui a l’épaisseur d’un bouclier… C’était simplement une mondaine, et les vertus, on le sait, des mondaines, ont la fragilité de leurs faibles cœurs. […] Il y eut un homme à genoux et plus bas qu’à genoux, qui se mit à demander la charité de l’amour avec des implorations et des éloquences à fondre de pitié des pierres, mais qui ne touchèrent pas ce doux caillou lisse de l’âme de Madame Récamier. […] … Ne savez-vous pas vous-même — mettez la main sur votre conscience et répondez-vous ! 

531. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

Le conteur de ce conte qu’aurait admiré Shakespeare, qui, seul, aurait pu le mettre à la scène (et encore ce n’est pas bien sûr ! parce que le théâtre ne peut pas dire tout comme le conte), passionne son récit d’une analyse plus passionnée que le récit même dans son acharnement, et cette analyse déchire tout et met tout en pièces fibre à fibre, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus dans cet avare, dans ce vampire de l’or, qui le sucerait et l’avalerait, une seule fibre, une seule fibrille à montrer et à expliquer ! […] Mais le Dante de ce formidable conte descend dans l’âme de son avare les dix mille cercles de l’enfer d’une âme d’homme à qui Dieu, en le créant, avait mis de son infini dans la poitrine ! […] Un reproche pourtant que la critique pourrait hasarder, c’est d’avoir laissé un des Deux étrangers trop dans le vague de l’ombre, et de n’avoir pas mis assez de clarté dans ce redoutable personnage… On croit bien pressentir qu’il est l’Homme des Sciences occultes, quelque Magicien investi de sataniques pouvoirs, puisqu’il promet la Science universelle au docteur Williams, lequel meurt de ce funeste don ; mais le conteur aurait précisé davantage cette grandiose et inquiétante figure que son conte n’aurait été ni moins effrayant, ni moins mystérieux. […] Ils ont laissé mourir de faim Raymond Brucker, qui avait mis à leur service tout son génie.

532. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

Telle n’était pas la coutume de nos pères, qui mettaient le cœur à gauche et les Introductions à leur place. […] Autrefois, les maîtres mettaient à genoux les élèves. À présent, les élèves y mettent leurs maîtres. […] Il était, lui, le pauvre, le luxe de ces gens riches ; car, dans ce temps-là, les gens riches faisaient cas du génie, et personne ne fut plus peut-être agréé et aimé des femmes que cet homme qui mettait ses bas à l’envers… Les témoignages sur ce point abondent, et le pudibond Walckenaer en a des rougeurs qui surprennent de traverser ainsi son vieux maroquin. […] Oudry est certainement, pour interpréter La Fontaine, un talent préférable à Grandville, caricaturiste ingénieux, mais qui met de la caricature là où il y avait du caractère.

533. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

Il y a une Muse qui ne descend pas du ciel, celle-là, mais qui sort du sang de la France et vient mettre sa pâle, main divine et blessée sur l’épaule rose divine d’une autre Muse invulnérable. […] Il a un diamant de gaieté qui rit et lutine de ses feux, et cela le met à part dans l’Heptarchie romantique. Cela le met à part de Lamartine, ce Virgile chrétien plus grand que Virgile, et que Racine, s’il revenait au monde, adorerait à genoux ! Cela le met à part d’Alfred de Vigny, poète anglais en langue française, qui avait la beauté anglaise, l’originalité anglaise, la pureté et même la pruderie anglaises ; qui, comme les grands Anglais, ne relevait que de la Bible et de lui-même, et qui avait le dédain anglais pour cette société démocratique qu’est devenue l’ancienne société française. Cela le met à, part de Gautier, gai à peu près comme un émail ou comme un camée… Cela met enfin, son individualité dans sa race, et cela suffit pour le faire tout autre que Victor Hugo et Alfred de Musset avec lesquels il a pourtant des parentés si étroites et si évidentes.

534. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

C’est une frivole et une étourdie, et quand on ne la prend pas par le chignon et par la nuque pour lui tourner la tête vers un chef-d’œuvre et lui mettre le nez dedans, elle ne le voit pas et ne songe même pas à le regarder. C’est cette main sur la nuque de l’attention publique que n’eût jamais Amédée Pommier, et qu’il ne réclama jamais de ceux qui pouvaient l’y mettre pour lui. […] Il eut deux cœurs entre lesquels il mit son cœur, et ils vécurent tellement unis qu’un toit plus modeste encore que leur toit, qui était modeste, aurait pu les cacher. […] Ce fut alors que le poète de tant de poésies vigoureuses se mit à écrire ces Quelques vers pour Elle, qui ont été ses derniers vers. […] La croix qu’il avait dans le cœur, il l’a mise ici, mais j’aurais voulu qu’il en mît une autre, — celle-là qui descend du ciel et qui peut nous y faire monter.

535. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

l’écueil de ce genre de composition sera toujours le bas prix auquel il met la curiosité et l’émotion qu’il fait naître. […] Balzac a mis sa grande main d’organiste savant et inspiré sur tout le clavier de nos nerfs, tant éveillé depuis Shakespeare ; il a frappé plus longtemps et plus largement où le doigt de Shakespeare n’avait fait que pointer ce terrible accord qui s’en ira, retentissant, glacer la moëlle de tous les siècles ; mais hélas ! […] Paul Féval a mis, pour n’en rien rapporter de grand, la main à ce plat, tendu à tout le monde, du somnambulisme, mais le somnambulisme, depuis Shakespeare, attend toujours l’homme supérieur qui l’emploiera avec la justesse et le surprenant dans le vrai qui est le secret du génie ! […] C’est un esprit positif, qui a même la raillerie des esprits positifs, et qui, ne pouvant la mettre dans cette effroyable histoire de La Dame au manteau rouge, qu’il faudrait appeler La Buveuse de sang, l’embusque dans le titre des chapitres de cette histoire, et très-maladroitement, selon moi. […] Qu’on soit tenté par ce qui est la grande tentation des romanciers de ce temps, la nécessité de faire entrer l’élément physiologique dans le roman, et qu’on succombe parce qu’on l’y a mis à doses trop larges et mal gouvernées, c’est un malheur, sans doute, quant au résultat ; une autre fois, on trouvera peut-être le point juste qui fera le succès.

536. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Castille mettait tout simplement M.  […] puisque le public a mis ailleurs ses préférences. […] Machinalement je m’arrête, je prends la brochure, et je me mets à la parcourir d’un œil distrait. […] Que le public lise dans nos articles ce que nous y mettons, fort bien, mais non ce qu’il lui plairait d’y mettre. […] Quand donc les poètes et le bon Dieu sauront-ils se mettre d’accord ?

537. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Et n’est-ce pas la considération même du temps que mettent les langues à se former, qui devrait les rendre respectables, et les préserver de la témérité des innovations ? […] Les mémoires sont les souvenirs personnels d’un homme qui a été mêlé aux événements qu’il raconte ; les chroniques peuvent être l’ouvrage d’un historien de cabinet, lequel ne fait que mettre en récit les souvenirs d’autrui. […] Il s’en revint à la cour d’Angleterre où sa royale protectrice le mit dans sa maison et en fit son clerc. […] Et qui peut accuser Froissart de n’avoir pas aimé, jusqu’à se mettre mal avec les gens, la vérité, qu’il lui était presque impossible de savoir ? […] Voici la traduction de ce passage : « Le temps était beau et clair, et le vent bon et doux ; ils mirent à la voile.

538. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 79-87

La matiere mise en délibération, ils convinrent qu’on lui députeroit en poste un d’entre eux, avec pouvoir de l’interroger juridiquement, & de juger s’il avoit les qualités nécessaires pour former un bon Historien ; mais principalement pour s’éclaircir s’il savoir le Grec. […] Le Savant du pays de Gex étonné, se mit aussi-tôt à crier : Je suis Seigneur de Ferney, Gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi, & Membre de cent Académies. […] Alors l’Interrogé entre en fureur, & se met à crier : Cuistre, Faussaire *, Paillard. […] Il se met à crier, dans son délire : Janséniste, qu’on a vu donner des scènes au cimetiere de St.

539. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — IV. Les ailes dérobées »

Tu serais cause de ma perte car les yébem, à leur retour, me tueraient sans pitié sitôt qu’ils auraient senti l’odeur de chair humaine dans leur case. » Sakaye qui savait que le guinné-aux-yeux-de-soleil ne pouvait rien contre lui, puisque le grigri l’empêchait de se mettre debout, entra précipitamment dans la case. A la vue de l’intrus, les jeunes yébem qui étaient en train de jouer et s’étaient débarrassés de leurs ailes pour se mettre à l’aise, s’effrayèrent et sautèrent dans un grand trou qui s’ouvrait au milieu de l’aire de la case. […] Cela fait, elle mit le prince sur son dos et s’envola, si haut, si haut ! […] Ce conte a quelques vagues rapports avec la légende allemande mise en opéra par Scribe : Le lac des fées ; (conte de Musoeus : Le voile enlevé).

540. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Nicole, Bourdaloue, Fénelon »

En face du grand ouvrier de la morale de Jésus-Christ, de ce sombre fouilleur du cœur humain, Nicole, avec ses petits traités de morale, ne fait plus l’effet que d’un de ces patients tourneurs en ivoire qui cisèlent des cathédrales à mettre sous le pouce dans un dé de verre, et encore la cathédrale a un détail de fines nervures et de ténuité délicate que n’avait pas Nicole. […] Sacy, qui nous vante Nicole (nous avons dit pourquoi), met sous la garde des éloges de Voltaire le traité des Moyens de conserver la paix avec les hommes, mais Voltaire avait bien de la grâce pour se soucier de Nicole, lui qui ne croyait ni à l’humaine ni à la divine ! […] Fénelon, qui s’efforce de mettre dans ses œuvres spirituelles ce qu’il n’avait pas, ce fin courtisan : le détachement du monde et l’amour du petit, comme dit Sacy, a plus de quiétude que d’élan. […] On pourrait mettre au compte de Fénelon, en le modifiant un peu, un mot piquant et juste qui a été dit sur Diderot : — Diderot n’est naturel que quand il est exagéré. — Fénelon, lui, n’est naturel que dans je ne sais quelle affectation de simplicité qui lui sied et qu’on lui pardonne.

541. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Charles Barbara » pp. 183-188

Mais Charles Barbara, qui, je vous l’assure, est un homme, n’a pas craint de mettre son pied dans ce soulier éculé, rempli de sang, et, au lieu de barboter là-dedans comme un réaliste de 1855 ou un romantique de 1832, il nous a donné une étude superbe de vérité inattendue sur le remords dans les âmes fortes, — et, comme un chirurgien retire du fond d’une plaie des os brisés, des fragments de l’homme corporel il nous a retiré une conscience, les fragments d’une âme déchirée et mutilée par le crime… Jusqu’ici, la plupart des livres qui avaient peint le remords lui avaient fait pousser quelque cri sublime ou l’avaient peint accessoirement, de côté, le mêlant au torrent des autres sentiments de la vie. […] Il s’est rappelé, pour le mettre en action, le mot profond du moraliste : « Tout ce qu’on ne dit pas n’en existe pas moins, et tout ce qui est se devine. » Clément (l’assassin du Pont-Rouge) vit avec le renard du Lacédémonien qui lui mange le ventre, et toute sa vie se passe à bien boulonner son gilet de piqué blanc par-dessus. […] Et, en cela il n’est au-dessus de tous les autres scélérats de son espèce, qui voudraient mettre l’épaisseur du globe sur leur crime, que par l’ensemble des précautions et la supériorité de ses facultés. […] L’enfant qu’elle met au monde, idiot d’une grande beauté, aura, sous l’arcade pure de son front stupide, le même regard que l’assassiné quand il mourut, et le père adorera, ô Providence !

542. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Quand une sauce a déjà servi, le lendemain on y met de l’eau. […] La mère est mise en jugement et acquittée. […] Dans Polichinelle on met couicà chaque phrase, dans celui-ci on met hi ! […] On a mis plusieurs années à le faire, dit-on. […] La France est mise au-dessus de tout.

543. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Sa sagesse, c’est donc au théâtre que Ponsard la mettait. […] » Et Iza, de plus en plus gentille, met le prince à la porte et se jette dans les bras de sa maman. […] Au quatrième acte, Gaussin est au Castelet, où il s’est mis à aimer la petite Irène. […] Et alors le prince Charmant se met à chanter : « Piou ! […] Ils mettent toujours le nez sur la truffe, quelquefois sans savoir.

544. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Pour mettre ce point hors de doute, il suffit de rappeler, après M.  […] On a peine à saisir la différence que Hardy a mise ou cru mettre entre ses tragédies et ses tragi-comédies. […] Mettez-les dans la troupe du capitaine Rolando, ils voleront, puisqu’il le faut. […] Descartes, lui, commence par la mettre en dehors de ses préoccupations, — et l’y laisse. […] — toujours est-il que leur doctrine a cependant contre elle d’avoir mis les passions au large.

545. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Racine l’a quelquefois négligée aussi dans ses cinquièmes actes : c’est qu’alors on les mettait rarement en tableaux. […] Il faut ensuite que le motif d’une délibération mise sur la scène soit pressant et nécessaire. […] Les anciens n’ont presque pas mis d’amour dans leurs tragédies. […] vous avez mis les fleurs en en-bas. […] Si vous voulez je les mettrai en en-haut.

546. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

… Je remets ceci à un officier de corsaire qui le mettra à la poste à Bordeaux. […] On s’est mis à table. […] Cette réunion de troupes qui n’ont pas été annoncées a mis la disette à Burgos. […] il s’était mis en tête de faire de moi un homme de plume. […] Un jour, le patron ne le voyant pas se mit à dire : « Bernis ne vient donc pas déjeuner ? 

/ 3767