— Et c’est alors qu’on mesure toute l’étendue de l’art de Loti. […] Il chicane avec son plaisir, le mesure, le juge et le jauge. […] Dans quelle mesure une littérature est-elle l’expression d’une société ? Et inversement, dans quelle mesure les œuvres écrites façonnent-elles la société ? […] Ce sont elles qui nous donnent la mesure de son esprit.
Tout document a une valeur exactement dans la mesure où, après en avoir étudié la genèse, on l’a réduit à une observation bien faite. […] Mais les faits psychologiques restent en dehors de toute mesure. […] — Dans quelle mesure doit-on rapporter les paroles et les formules ? […] Dans quelle mesure doit-on employer les termes concrets, les termes abstraits, les termes techniques ? […] Mais, quoique les mesures prises aient été rationnellement liées les unes aux autres, le grand nombre de ces mesures n’a pas laissé, en ces derniers temps, d’étonner, et même d’effaroucher le public.
Elle aura toujours, sur ceux qui ont écrit des Mémoires, l’avantage de n’avoir rien accordé à l’imagination ; d’avoir donné comme douteux ce dont elle ne se croyoit pas assez instruite, & d’avoir su garder de justes mesures entre l’indiscrétion & la flatterie.
J’ai ouï dire seulement à plus d’un esprit convaincu et ferme, que penser de la sorte et à mesure qu’on s’élevait plus haut dans le monde de la raison, ce n’était pas se sentir inquiet et souffrir, c’était plutôt jouir du calme et de la tranquillité. […] A ceci, que ce n’est nullement la vérité, ce qui semble tel à un individu, même le plus respectable, qui doit être la mesure de la loi et du droit dans le régime moderne. […] c’est là l’unique mesure, messieurs, et cette mesure, il est temps, selon moi, qu’on rapplique indistinctement, non-seulement aux protestants, non-seulement aux juifs, aux mahométans, mais à un autre ordre d’opinions et à tous ceux que, pour un motif ou pour un autre, et à quelque degré que ce soit, on s’est accoutumé à classer et à désigner sous le nom de libres penseurs (Rumeurs. — Exclamations. […] Je dis quel chemin on a fait ; et sans sortir même de ce cercle spécial des thèses soutenues devant la Faculté de médecine, je citerai un exemple qui peut servir de mesure.
Le comte de Murray, ce frère de la reine qu’elle avait éloigné si imprudemment pour se livrer à l’ascendant de Rizzio, fut consulté et reçut avec mesure les demi-confidences des conjurés ; trop honnête homme pour tremper, par son consentement, dans un assassinat, il donna son approbation ou du moins son silence à l’entreprise de délivrance de l’Écosse ; il promit de revenir à Holyrood, à l’appel des seigneurs, et de reprendre sous le roi les rênes du gouvernement, dans l’intérêt de l’héritier du trône, que Marie Stuart portait déjà dans son sein. […] Mais toutes les grandes passions sont des prodiges ; si on les mesure à la nature ordinaire de nos sentiments, on se trompe ; il ne faut les mesurer qu’à elles-mêmes ; l’impossible est la mesure de ces passions. […] C’était un désespéré, de mouvement, d’ambition, d’aventures, un de ces aventuriers plus grands que nature, qui brisent en croissant tout le système social dans lequel ils sont nés pour se faire une place à leur mesure ou pour succomber avec éclat en la cherchant. […] Ils se récrient, comme elle devait s’y attendre, et font entendre contre Darnley des menaces significatives de mort : « Nous vous délivrerons de ce compétiteur, lui disent-ils ; Murray ici présent, mais protestant comme nous, ne participera pas à nos mesures ; mais il nous laissera faire et regardera entre ses doigts !
Par un sûr et prophétique instinct de leur destinée, ils tremblaient qu’elle ne ressuscitât dans le monde avec la liberté ; ils en jetaient au vent les moindres racines à mesure qu’il en germait sous leurs pas, dans leurs écoles, dans leurs lycées, dans leurs gymnases, surtout dans leurs noviciats militaires et polytechniques. […] Nous avancions lentement au pas de nos chevaux fatigués, les yeux attachés sur les murs gigantesques, sur les colonnes éblouissantes et colossales qui semblaient s’étendre, grandir, s’allonger, à mesure que nous en approchions ; un profond silence régnait dans toute notre caravane ; chacun aurait craint de perdre une impression de cette scène en communiquant celle qu’il venait d’avoir ; les Arabes même se taisaient et semblaient recevoir aussi une forte et grave pensée de ce spectacle qui nivelle toutes les pensées. […] Mais nous ne sommes pas à ces temps : le monde est jeune, car la pensée mesure encore une distance incommensurable entre l’état actuel de l’humanité et le but qu’elle peut atteindre ; la poésie aura d’ici là de nouvelles, de hautes destinées à remplir. […] La poésie s’est dépouillée de plus en plus de sa forme artificielle, elle n’a presque plus de forme qu’elle-même. — À mesure que tout s’est spiritualisé dans le monde, elle aussi se spiritualise. […] C’est le symbole vague et confus de mes sentiments et de mes idées à mesure que les vicissitudes de l’existence et le spectacle de la nature et de la société les faisaient surgir dans mon cœur ou les jetaient dans ma pensée ; ces sentiments et ces idées ont varié avec ma vie même, tantôt sereines et heureuses comme le matin du cœur, tantôt ardentes et profondes comme les passions de trente ans, tantôt désespérées comme la mort et sceptiques comme le silence du sépulcre, quelquefois rêveuses comme l’espérance, pieuses comme la foi, enflammées comme cet amour divin qui est l’âme cachée de toute la nature.
Ce qui ne veut pas dire, on le comprend de reste, l’homme qui raisonne ou enseigne, mais l’homme qui sent, imagine, s’émeut, se passionne dans une mesure telle, que tout lecteur se reconnaît dans ses écrits, et que nous tenons pour nôtres ses sentiments, ses passions et sa raison. […] Il y a là pourtant une sorte de naturel, c’est celui d’une personne dont la raison ne règle point toujours l’imagination et la sensibilité, mais qui met une certaine grâce à ne s’en point cacher, et qui, n’ayant d’ailleurs que des caprices supportables ou des défauts modérés, s’y abandonne naïvement, dans une mesure qui n’incommode personne. […] Je l’ai dit du reste, on n’imite d’un auteur que le tour d’esprit ou les défauts de l’individu ; on n’imite pas ce qui est de l’homme ; et c’est une mauvaise mesure de la grandeur d’un écrivain, que le nombre de ses imitateurs. […] L’un s’en appropria les principes avec la liberté d’esprit et la mesure admirable qui lui sont propres ; l’autre les reçut en disciple fidèle et les développa en disciple ingénieux ; ce furent Bossuet et Fénelon. […] Et de même que chacun de nous n’acquiert toute sa force que le jour où il se connaît, et ne vaut tout son prix, que le jour où il sait exactement sa mesure ; de même une nation n’acquiert toute sa grandeur, dans les choses de l’esprit, que le jour où elle a une connaissance exacte de son génie.
Fontenelle esquisse, à la façon de Platon, un État idéal qu’il intitule Ma République, et non seulement il y introduit l’égalité civile et politique, le suffrage universel, mais il va jusqu’à y proposer des mesures presque socialistes, témoin celle-ci : « Un homme qui offrira de cultiver les terres d’un autre mieux qu’il ne les cultive y sera reçu en payant au propriétaire le revenu quelles lui produisaient. […] La valeur d’un livre est une valeur marchande ; elle se mesure à ce qu’il rapporte. […] Mais à leur tour ces idées le transforment dans la mesure qui leur appartient. […] Les autres, les plus nombreux, sont obligés d’employer leur talent comme moyen d’existence et pour ceux-ci il faut toujours se demander quel est, en dernière analyse, le groupe qui les paie ; car de sa valeur intellectuelle et morale, de la part de revenus qu’il veut ou peut consacrer à la satisfaction de ses goûts esthétiques dépend en une mesure non négligeable l’orientation des œuvres littéraires. […] A mesure qu’on approche des temps modernes, l’homme qui écrit cesse d’avoir figure d’humble parasite et de mendiant honnête.
Dans Gwendoline une moitié est sacrifiée (descriptions, divertissements, aubades) ; une moitié est un visible essai à l’analyse ; essai à suivre une série de sentiments, essai à dire une émotion, essai à faire de l’humain, — chétif et pauvre essai pour qui se rappelle vingt mesures de Parsifal ou de la Missa Solemnis, — mais admirable et superbe effort parmi l’affaissement, l’ignorance des théories, l’incuriosité de toute recherche, le croupissement d’insignifiante badauderie où se complaisent, à la suite de la musique mendelsohnnienne, compositeurs et public. […] Parce que la vue devenait, déplus en plus, le sens spécial de l’art plastique, et son instrument, les lumières ; mais surtout parce que l’art, à mesure que les esprits s’affinent, exige sans cesse davantage des procédés différents de ceux qu’emploie la réalité, pour nous suggérer la même vie. […] Nous ne faisions que commencer à comprendre les idées Wagnériennes ; placés face à face avec la pratique, nous perdîmes le chemin, je me souviens parfaitement de l’espèce d’ahurissement avec lequel le vaste auditoire écouta, par exemple, les cent cinquante mesures de l’accord de mi bémol qui forment l’introduction du Rheingold. […] Cette cantilène, d’un motif mélodique charmant, respirant une émotion attendrie et pénétrante, est reprise dans ses huit premières mesures, et dialoguée dans l’andante d’un sextuor, formé par les cinq poètes et le Landgrave, sollicitant Tannhaeuser de revenir auprès d’eux. […] Cette marche en si majeur est relevée par une autre en sol majeur, destinée à l’entrée des poètes ; d’une mesure plus lente, elle a un caractère plus réfléchi, plus élégant et plus noble que la première ; c’est là un de ces détails finement, intentionnés, qui rendent les compositions de Wagner riches, substantielles, et d’une étude si attachante.
Ces seigneurs en perruques majestueuses, ces princesses aux coiffures étagées, aux robes traînantes, ces magistrats, ces prélats agrandis par les magnifiques plis de leurs robes violettes, ne s’entretenaient que des plus beaux sujets qui puissent intéresser l’homme ; et si parfois des hauteurs de la religion, de la politique, de la philosophie, de la littérature, ils daignaient s’abaisser au badinage, c’était avec la condescendance et la mesure de princes nés académiciens. […] Cela en vint au point qu’un jour, au sortir d’un conseil où, après l’avoir forcé de rapporter une affaire que je savais qu’il affectionnait, et sur laquelle je l’entrepris sans mesure et le fis tondre, je lui dictais l’arrêt tout de suite, et le lisais après qu’il l’eut écrit, en lui montrant avec hauteur et dérision ma défiance et à tout le conseil ; il se leva, jeta son tabouret à dix pas, et lui qui en place n’avait osé répondre un seul mot que de l’affaire même avec l’air le plus embarrassé et le plus respectueux : Mort… dit-il, “il n’y a plus moyen d’y durer ! […] C’est à ce prix qu’est le génie ; uniquement et totalement englouti dans l’idée qui l’absorbe, il perd de vue la mesure, la décence et le respect. […] L’artiste est une machine électrique chargée de foudres, qui illumine et couvre toute laideur et toute mesquinerie sous le pétillement de ses éclairs ; sa grandeur consiste dans la grandeur de sa charge ; plus ses nerfs peuvent porter, plus il peut faire ; sa capacité de douleur et de joie mesure le degré de sa force. […] « La mesure et toute espèce de décence et de bienséance étaient chez elle dans leur centre, et la plus exquise superbe sur son trône. » Cette même phrase, qu’il a cassée à demi, montre, par ses deux commencements différents, l’ordre habituel de ses pensées.
Avertissement En réimprimant une fois encore ces Portraits contemporains, je m’attacherai, tout en y ajoutant çà et là quelques mots et parfois une ou deux pages, à les maintenir dans leur première mesure : ce ne sont point des portraits complets et définitifs, ce sont des portraits faits à une certaine date, à un certain âge ; ils nous rendent aussi fidèlement que je l’ai pu les originaux, tels qu’ils étaient à ce moment, ou tels qu’ils me parurent.
Ainsi, pour revenir à l’occasion et au point de départ de ces considérations, La Fayette, venu en tête de la Révolution française, est mort en même temps qu’elle a fini, et sa vie tout entière la mesure. […] Mais il y a, ce semble, plus de liberté et plus de mérite à rester fixe dans des mesures plus modérées, ou si c’est un simple effet du caractère, c’est un témoignage de force non moins rare et dont la proportion constante a sa beauté. […] Ce monde était d’ailleurs si pitoyablement gouverné, qu’en se trouvant à la tête d’un mouvement révolutionnaire dont les premières impulsions furent libérales et les déviations atroces, Bonaparte, dans sa marche triomphante, a nécessairement amené au dehors des innovations utiles, et en France des mesures réparatrices, au lieu de la démagogie féroce dont on avait craint le retour. […] De toutes parts il s’agit pour lui de garder une difficile et presque impossible mesure, d’être républicain sans abjurer tout à fait son respect au trône, d’être du peuple sans insulter chez les autres ni en lui le gentilhomme. […] Il a beau faire, il a beau en justifier la mesure et les bases, analyser et qualifier à merveille les divers partis qui s’y opposent et les hommes qui figurent pour et contre, toujours l’un des deux éléments essentiels à son ordre de choses lui échappe : toujours, d’un côté, la cour conspire et ne veut pas se rallier ; toujours d’un autre côté, la foule et les factions ne peuvent pas avoir confiance et ne veulent pas s’arrêter.
Dans quelle mesure y ont-ils réussi ? […] C’est ainsi que son livre, d’édition en édition, s’augmente, s’enrichit, se diversifie des trouvailles de son expérience ou des « rencontres » de ses lectures ; ainsi, que ses pilleries nous le peignent lui-même au naturel ; ainsi enfin qu’à mesure que dans ses lectures il apporte plus de critique, et que son expérience devient plus étendue, à mesure aussi s’aperçoit-il, et nous nous apercevons avec lui, que son Moi est toujours le sien, — mais c’est le mien aussi et le vôtre. […] Les crimes de Catherine, les débauches d’Henri III, la corruption de la cour ont comblé la mesure. […] Sociale dans son objet, générale dans ses moyens d’expression, cette littérature sera encore morale, dans la mesure précise où il ne saurait exister de société sans morale. […] Sayous, Littérature française à l’étranger]. — Dans quelle mesure peut-on dire qu’il ait rendu la dévotion traitable, mondaine et séduisante ?
Qu’un objet soit naturel ou artificiel, peu importe, il sera poétique dans la mesure où il pourra nous inciter à la rêverie. […] Mais il faudrait en avoir arrêté la forme pour lui trouver une phrase à sa mesure. […] Parce que sa mesure est très régulière, on l’a accusé de monotonie. […] Le rythme régulier est la mesure normale. […] Comme notre oreille s’est faite à la mesure arithmétique de nos vers, elle se ferait à cette cadence vraiment rythmique.
Voici quelques sujets traités et qui donneront la mesure de l’autorité exercée par le directeur ; « L’autonomie de la personne humaine… » ; « Culte ou culture du moi… » ; « Dans quelle mesure sommes-nous libres au sein de l’Église ? […] Mais c’est dans Monsieur de Camors que son double génie de psychologue et de moraliste me paraît avoir donné sa pleine mesure. […] Nous avions pris toutes nos mesures, nous ne pouvions plus rien changer aux résolutions arrêtées, les discours étaient inutiles et n’auraient fait que nous énerver tous deux. […] Il aura été, depuis son origine et de par son origine, le défenseur né de la mesure en Europe. […] Toujours la mesure.
Or ce que les hommes n’ont point fait au commencement de l’histoire, il est vrai que dans une révolution radicale ils prétendent le faire, et, en une certaine mesure, ils le font. […] Une profonde tristesse y règne, qui n’est point jouée, et à mesure qu’on avance, une sorte d’inquiétude, d’anxiété nerveuse et d’agitation tremblante dans la poursuite du bonheur, qui sont d’une grande vérité et infiniment dramatiques. […] C’est nous imposer la clarté, l’ordre, la suite et la mesure, et au besoin les qualités oratoires ; c’est nous interdire l’épanchement, le rêve, la synthèse aussi, sinon après une série d’analyses, et la contradiction, et la contemplation qui n’aboutit point à une conclusion, toutes choses qui ne sont pas moins que les autres des aspects de la vérité. […] Ainsi il va, comme a dit admirablement Sainte-Beuve à propos de Chateaubriand, « voulant tout, et ne se souciant de rien », se désabusant de toutes choses à mesure même qu’il les goûte, toujours inassouvi et toujours malade de satiété. […] Elle n’a pas servi à Constant seulement à se connaître, ce qui est déjà un affranchissement, elle lui a servi aussi, en une grande mesure, à se délivrer de lui-même.
La philosophie ne coupe point à l’art ses ailes divines, mais elle le suit dans son vol, mesure sa portée et lui rappelle son but sublime. […] Un individu n’est pas complet s’il n’a développé en lui, dans la mesure de ses forces, l’idée de l’utile, du juste, du beau, du saint, du vrai. […] Tout se rapporte à la civilisation ; tout la mesure, tout l’exprime à sa manière. […] Cette mesure, qui fait la vraie grandeur, fait aussi la vraie beauté. […] Son tort est d’avoir emprunté son cadre et sa mesure à un système trop peu étendu pour embrasser tous les systèmes.
Je le crois assez neuf, et vous en jugerez, à mesure que nous avancerons. […] S’il ne faut pas sans doute copier les modèles, dans quelle mesure faut-il que l’on s’en émancipe ? […] Et, dans la science comme dans l’art, Le génie se mesure à ce qu’il a de personnel, d’unique, d’inimitable. […] A mesure qu’il avance en âge et qu’il grandit en popularité, si son esprit devient plus hardi, son goût, tout au rebours, devient plus timide ou même plus timoré. […] Déjà une critique nouvelle, à mesure qu’elle se développait, s’éloignait davantage des voies de la critique conservatrice et classique.