/ 2901
936. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Dans le temps même que Montesquieu mettait la dernière main à son Esprit des lois, Vauvenargues publiait son Introduction à la connaissance de l’esprit humain, 1746, et on y lisait : « Afin qu’une chose soit regardée comme un bien par toute la société, il faut qu’elle tende à l’avantage de toute la société, et afin qu’on la regarde comme un mal, il faut qu’elle tende à sa ruine : Voilà le grand caractère du bien et du mal moral. […] que la vérité ne brille pas toujours de sa propre lumière, et que de très bonnes causes ont eu cruellement à souffrir d’être mal défendues ? […] Mais si c’est ainsi que l’art, bien loin d’aider en vous la nature, l’y a d’abord comprimée, puis asservie, et finalement pervertie, quel est le remède à ce mal, et quel enseignement votre exemple nous donne-t-il ? […] Ils ont fait seulement moins de mal. […] — que sa mémoire a été mal gardée, et mal soutenue par l’aimable femme qui portait son nom [Cf. 

937. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Albalat retombe sur Fénelon, qui imite mal Homère. […] Le bien et le mal sont aussi nettement sentis par un homme civilisé que le chaud et le froid. […] Le bien et le mal n’y existent plus, parce qu’on n’y considère les actes que sous la catégorie activité. […] On n’en sait rien, mais il est certain que, réalisée, elle eût assez mal répondu aux désirs de Tolstoï. […] Sans doute, ainsi arrangé, Te Deum serait un peu francisé, mais très peu et très mal.

938. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

N’ayant rien fait encor, quel mal a-t-il pu faire ? […] Mais le mal a atteint sa plénitude depuis l’institution monstrueuse du service pour tous. […] Le mal est fait maintenant et s’aggrave encore tous les jours. […] et parcimonieuse au point de partager entre deux affamés le reste d’une moitié de grignon, assez nice pour ne plus savoir le propos des nuits de noces et peut-être abjecte assez pour écouter aux portes, la dernière lampe éteinte, dans le couloir des bonnes ; là ont mal mangé, mais mangé, mal dormi, mais dormi, mal aimé, mais aimé pendant dix-sept années, des souteneurs sans marmite et des hommes de génie sans ouvrage. […] « C’est mal calculer l’énergie d’un être passionné.

939. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

C’est qu’on le lit peu, et on le lit mal. […] Elle en est un aussi, pour le dire en passant, de l’affection qu’il portait à l’abbé de Fénelon, et dont le défenseur de Mme Guyon devait le récompenser si mal. […] Il s’autorise pour cela de ce que le christianisme s’est accommodé des dépouilles du paganisme ; « de ce que ceux qui ont mal aux oreilles se recommandent à saint Ouen, celles qui ont mal au sein à saint Mammard » ; ou encore de ce que les croisades n’ont point augmenté la vertu parmi les hommes. […] Les maux que la religion peut causer, il les a signalés en cent endroits de son œuvre. […] On ne sait pas assez qu’en révoquant l’édit de Nantes, Louis XIV, mal informé, n’avait cru rien faire de plus que d’homologuer, si je puis ainsi dire, un résultat acquis.

940. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Toutefois, le talent de Bruant est encore en pleine période de croissance et jusqu’ici il n’y a pas de mal. […] » dit Moréas, plein de courtoisie, « mais il n’a pas été mal, pas mal du tout, pour son temps. […] Cependant, pour Barrès, cette notion mal déterminée ne suffisait guère. […] Personne, si ce n’est des gens mal élevés, n’oserait railler aujourd’hui la piété dans la conversation ordinaire. […] Ainsi « moche » dans le jargon des voleurs ne serait autre que « mal » (m-oche).

941. (1924) Critiques et romanciers

… « Gil Blas est un livre mal fait. […] Vous croyez en Dieu et vous le défendez mal. […] Seulement, les réalistes ont mal accompli leur besogne. […] À le lire, on a presque toujours une impression mal assurée. […] Cécile a décidément tourné très mal.

942. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Troisièmement, le pathétique déplacé, qui, s’emparant mal à propos de l’esprit, l’échauffe d’une fureur hors de saison, qui l’enivre et l’emporte à des passions étrangères au sujet. […] Avouons que cette qualité précieuse est presque ignorée, ou mal à propos dédaignée par nos tragiques français. […] Ces deux intrigues n’agissent pas même alternativement, mais se suivent, et sont mal attachées. […] Les pièces de Crébillon et de Voltaire sur ce dernier sujet sont mal combinées ; car les moyens qui concourent à l’énormité de la catastrophe manquent de vérité. […] La pitié épurée apprenait aux Grecs à ne plaindre que ceux qui n’ont point mérité ces maux et qui souffrent injustement.

943. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Ses intimes nous assurent qu’on ne l’entendit jamais dire, d’un livre, quelque mal. […] Si l’art est l’homme ajouté à la nature, on est, quand on prétend faire à la nature un enfant, mal venu à se reconnaître impuissant. […] Et la Maison du Berger des Destinées, le Voyage des Fleurs du Mal, marquent des états de ce conflit. […] « Je ne comprends pas la philosophie de l’absolu, et je suis de la sorte trop mal fait pour expliquer M.  […] Qu’on place à l’opposé de ce sonnet la Symphonie (si mal nommée) en blanc majeur de Gautier avec sa surcharge de matérialité plastique.

944. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Il me semble n’avoir pas mal réussi à ces deux projets. […] Le caractère de Claire est très mal tracé. […] Et du moment que c’est obscur, c’est que c’est mal fait. […] C’est pour cette raison que je dis que cette duchesse part mal. […] Donnay a mal défendu sa Judith, parce qu’elle est peu défendable.

945. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

La cause du mal gît dans le titre des Successions du Code civil, qui ordonne le partage égal des biens. […] Les institutions sont mal aménagées et doivent être réformées. […] Qu’ils gouvernent et choisissent mal, qu’importe. […] Car le mal a encore grandi depuis un an. […] Le mal était à la racine même de la loi qui a décrété l’instruction laïque et obligatoire.

946. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Comment pouvait-elle l’élever au-dessus de cette émotion toute sensitive et de ces larmes vulgaires qu’excite le spectacle du mal physique ? […] Le sage consulaire envisageait la guerre civile avec horreur ; mais il aurait dû sentir que, si le mal était affreux, il était inévitable. […] Lorsque le goût se corrompît à Rome, l’éloquence de Cicéron, quoique mal imitée, resta l’éternel modèle. […] Ses motifs, mal connus il y a dix-huit siècles, ne seront guère devinés aujourd’hui. […] Il est loin de mon cœur de vous faire mal.

947. (1911) Nos directions

Trop exploitée, mal exploitée, la matière humaine semble tristement s’épuiser. […] On juge mal de la valeur exacte de son propre effort. […] Vous avez mal choisi votre « sujet ». […] Il faut que le vers aille vite, il ira donc comme il peut, bien ou mal. […] académique : celle qu’on peut endosser sur l’heure, ainsi qu’un vêtement tout fait, et qui le plus souvent va mal.

948. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

On doit reconnaître que le duc de Ferrare, à cette époque, cherchait sincèrement à le guérir de ses imaginations, derniers assauts de son mal, en lui procurant les distractions propres à évaporer ses songes. […] « Elle ne se repaît que de ses maux, elle ne s’abreuve que de ses larmes : mais le sommeil, ce doux consolateur des humains, qui leur apporte le repos et l’oubli de leurs peines, vient assoupir ses sens et ses douleurs et la couvre de ses ailes bienfaisantes. […] l’amour et la fortune payèrent trop mal tant de constance et de fidélité ! […] Le terme de ma vie approche d’heure en heure ; aucun médicament ne calme le mal qui s’est joint à tous mes autres maux, en sorte que, comme un rapide torrent, je me sens entraîné sans pouvoir opposer ni résistance ni obstacle à son cours. […] Les médecins du cardinal Cinthio et ceux du pape, qui le visitaient, lui annoncèrent enfin que leur art était sans ressource contre son mal, et qu’il fallait se préparer aux derniers adieux.

949. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Le titre seul l’exprimait, mais l’exprimait mal : Servitude et Grandeur militaires. […] Ai-je bien ou mal raisonné ? […] Cette rencontre me révéla une nature d’homme qui m’était inconnue, et que le pays connaît mal et ne traite pas bien ; je la plaçai dès lors très haut dans mon estime. […] Il se repentait de l’avoir flatté et encouragé littérairement dans Chatterton, ce toast de vin de Champagne, au dessert d’une utopie mal conçue et malfaisante ; il le redoutait pour la société comme la mort. […] vous voilà arrivé, quoique plus jeune que moi, devant Celui qui nous crée et qui nous juge, dans ce monde où toutes nos petites passions meurent avant nous, où nous ne serons appréciés ni par nos amis ni par nos ennemis, mais sur le type éternel du bien ou du mal que nous avons fait !

950. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Par malheur, on le comprenait fort mal ; et l’Aristote de notre temps, dont Corneille, il faut bien l’avouer, était bien un peu coupable, ne ressemblait guère plus au véritable Aristote que celui de la scolastique. […] Mais c’est bien mal comprendre la loi qui préside au développement de l’intelligence humaine. […] Soyez donc mes cautions auprès de Criton, mais d’une manière toute contraire à celle dont il a voulu être la mienne auprès de mes juges ; car il a répondu pour moi que je ne m’en irais point ; vous, au contraire, répondez pour moi que je ne serai pas plutôt mort que je m’en irai ; afin que le pauvre Criton prenne les choses plus doucement, et qu’en voyant brûler mon corps ou le mettre en terre, il ne s’afflige pas sur moi, comme si je souffrais de grands maux, et qu’il ne dise pas à mes funérailles qu’il expose Socrate, qu’il l’emporte, qu’il l’enterre ; car il faut que tu saches, mon cher Criton, lui dit-il, que parler improprement, ce n’est pas seulement une faute envers les choses, mais c’est un mal que l’on fait aux âmes. […] Platon a vingt fois répété que, pour bien connaître la véritable nature de l’âme, « on ne doit pas la considérer dans l’état de dégradation où la mettent son union avec le corps et d’autres maux ; et qu’il faut la contempler attentivement, des yeux de l’esprit, telle qu’elle est en elle-même, dégagée de tout ce qui lui est étranger ». […] Ainsi, l’âme s’offre à nos regards défigurée par mille maux.

951. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Ne point jurer le serment, ne point manger la viande des animaux, et vaincre, ainsi, éternellement, l’épouvantable Mal ! […] Mais son Unité est bonne, sainte, non funeste comme pour Schopenhauer ; le but de notre vie est, précisément, réaliser cette Unité bienheureuse ; la réaliser, — la reconstruire, plutôt : car le Mal, qui était, pour Schopenhauer, le lot originel et constant, le Mal paraît à Wagner l’effet d’une volontaire décadence, un état anormal et que nous pouvons finir. […] Et Wagner, aussi, nous enseigne vaincre les orgueils : les animaux nous doivent être sacrés, parce que, les traitant mal, nous affirmons notre vaine supériorité égoïste. […] Nous devons tendre la joue, non pour souffrir, mais parce que le mal est inévitable, et nos efforts vains, si nous ne devenons indifférents à la violence. […] Flosshilde Le sommeil de l’Or, vous gardez mal : mieux veillez au lit de l’assoupi : ou vous paierez, vous deux, le jeu.

952. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

On lui rend le mal qu’il vous a fait. […] Mais un livre gai de pétillement inattendu, qui leur fait tant de mal, à eux, nous fait du bien, à nous, nous donne une sensation nouvelle et charmante, par ce temps d’un ennui qui n’est pas seulement à l’Académie, mais qui est partout, et contre lequel nous nous révoltons, dans lequel nous nous abhorrons et ne voulons pas nous confire ! […] Goethe, — qui, malgré ses airs d’Olympien, fut quelquefois grotesque, s’est plaint toute sa vie de la longueur du nez des chandelles qui éclairaient (mal) les veillées de son génie ; — Goethe, mourant comme il avait vécu, criait, en mourant : « Toujours plus de lumière ! […] La haine voit plus clair pour faire le mal, que l’amour pour faire le bien. […] Si le monastère n’a pas péri de ce mal intérieur qui lui dévorait les entrailles, c’est grâce à la piété de ses moines et au courage de ses commandants militaires, parmi lesquels il se rencontra un abbé, un abbé-capitaine, Geoffroy de Servon, ami de Duguesclin, qui, au plus noir de la guerre de Cent ans, fit de sa crosse une lance et fut exactement un héros.

953. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Dieu seul le sait, Dieu seul est prescient, Dieu seul tire le bien du mal et la justice de l’injustice ; puisse-t-il en sortir un jour, non l’ambition du Piémont, mais l’indépendance et l’équilibre de l’Italie par une confédération, et non par un monopole ! […] IV Dans ses secondes Tusculanes, il traite de la douleur ; il se demande si c’est un mal de souffrir. […] « Enfin, la connaissance des vrais biens et des vrais maux étant le fondement de toute la philosophie, j’ai épuisé ce sujet important dans cinq livres consacrés à faciliter l’intelligence de tout ce qu’on a dit pour et contre chaque système. […] Que dirai-je de ma Consolation, qui, après avoir remédié à mes propres maux, soulagera davantage encore, j’espère, ceux des autres ? […] Pour moi, si mes forces ne me trahissent pas, je veux appliquer les mêmes principes, non plus aux vains fantômes d’une cité imaginaire, mais à la plus puissante république du monde, et faire toucher en quelque façon du doigt les causes du bien et du mal dans l’ordre politique.

/ 2901