/ 2379
367. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Le premier Mémoire du duc de Noailles, adressé au roi, est pour accompagner une Instruction confidentielle donnée par Louis XIV à son petit-fils, Philippe V, qui allait régner en Espagne : un des principaux articles de cette Instruction, celui que commente avec le plus d’insistance le maréchal, est la recommandation pour un roi de n’avoir jamais ni premier ministre ni favori. « Écoutez, consultez votre Conseil, mais décidez. » Toute cette suite d’avis et de vues, proposés d’abord par le maréchal de Noailles au roi en plusieurs Mémoires ou lettres développées, est à la fois fort sensée et fort noble, donnée dans un assez beau langage, qui a de l’ampleur et sent son Louis XIV. […] Fénelon n’était pas un flatteur ou il ne l’était qu’avec goût, lorsque dans son Mémoire sur les occupations de l’Académie française, et conseillant à la docte Compagnie de donner une Rhétorique et une Poétique, il disait : « S’il ne s’agissait que de mettre en français les règles d’éloquence et de poésie que nous ont données les Grecs et les Latins, il ne vous resterait plus rien à faire : ils ont été traduits… Mais il s’agit d’appliquer ces préceptes à notre langue, de montrer comment on peut être éloquent en français, et comment on peut, dans la langue de Louis le Grand, trouver le même sublime et les mêmes grâces qu’Homère et Démosthène, Cicéron et Virgile, avaient trouvés dans la langue d’Alexandre et dans celle d’Auguste. » Il y aurait à dire aux analogies, mais ce qui est certain, c’est que, s’il est naturel et juste de dire la langue de Louis XIV, il serait ironique et ridicule de dire la langue de Louis XV. […] Et pourtant tous les contemporains qui en valent la peine sont d’accord là-dessus : le maréchal est homme à donner d’admirables conseils, même au comte de Saxe (voir Lettres et Mémoires tirés des papiers de ce dernier) ; il a de l’entrain quand il écrit ; il appelle le maréchal de Saxe son fils : il a des effusions et des démonstrations qui ne déplaisent pas : mais en tout il écrit mieux qu’il n’agit, ; il fait de beaux mémoires pour justifier ses lenteurs (Journal du duc de Luynes, tome VI, page 73) ; il a des quantités de projets et des infinités d’idées à la fois, qui donnent de l’éblouissement et qui se nuisent (ibid.

368. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Sans doute (et, au défaut des nombreux mémoires du temps, les anecdotes racontées par Mme de Sévigné elle-même en feraient foi), sans doute d’horribles désordres, des orgies grossières se transmettent encore parmi cette jeune noblesse à laquelle Louis XIV impose pour prix de sa faveur la dignité, la politesse et l’élégance ; sans doute, sous cette superficie brillante et cette dorure de carrousel, il y a bien assez de vices pour déborder de nouveau en une autre régence, surtout quand le bigotisme d’une fin de règne les aura fait fermenter. […] Montaigne et Regnier en avaient déjà donné d’admirables échantillons, et la reine Marguerite un charmant en ses familiers mémoires, œuvre de quelques aprés-disnées : c’est le style large, lâché, abondant, qui suit davantage le courant des idées ; un style de première venue et prime-sautier, pour parler comme Montaigne lui-même ; c’est celui de La Fontaine et de Molière, celui de Fénelon, de Bossuet, du duc de Saint-Simon et de Mme de Sévigné. […] Dans un Mémoire pour servir à l’Histoire de la Société polie (1835), M. […] On a un charmant portrait de Mme de Sévigné jeune par l’abbé Arnauld ; il faut qu’elle ait eu bien de l’éclat et de la couleur pour en communiquer un moment au style de ce digne abbé, qui ne paraît pas avoir eu, comme écrivain, tout le talent de la famille : « Ce fut en ce voyage, dit-il en ses Mémoires (à l’année 1657), que M. de Sévigné me fit faire connoissance avec l’illustre marquise de Sévigné, sa nièce… Il me semble que je la vois encore telle qu’elle me parut la première fois que j’eus l’honneur de la voir, arrivant dans le fond de son carrosse tout ouvert, au milieu de M. son fils et de mademoiselle sa fille : tous trois tels que les poëtes représentent Latone au milieu du jeune Apollon et de la jeune Diane, tant il éclatoit d’agrément dans la mère et dans les enfants !  […] Walckenaer (Mémoires sur Mme de Sévigné) remarque très-bien qu’elle, qui eut le sentiment maternel si développé, n’eut pas le temps d’avoir le sentiment filial, étant restée orpheline en si bas âge.

369. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Avec une situation fondamentale qui est la nôtre, situation qu’on déguise, qu’on dépayse légèrement dans les accessoires, il y a moyen de s’intéresser à peindre comme pour des mémoires confidentiels et d’intéresser à notre émotion les autres. […] Mademoiselle de Tournon est le développement d’une touchante aventure racontée dans les Mémoires de Marguerite de Valois. […] C’est bien elle et non pas la maréchale de Luxembourg (comme on l’a dit par erreur dans le tome I des Mémoires de Mme de Créquy), qui a servi d’original au portrait de la maréchale d’Estouteville. […] Dans un passage d’une bienveillance équivoque, l’auteur de ces Mémoires exprime, à propos du ton exquis de grand monde, qu’il ne peut refuser à l’auteur d’Adèle de Sénange, un étonnement singulier et tout à fait déplacé à l’égard de Mme de Flahaut. Mais quand les motifs sur lesquels l’auteur des Mémoires s’appuie ne seraient pas d’une exagération visible, son étonnement ne me paraîtrait pas plus fondé ; car, suivant moi, on n’est jamais en condition d’observer mieux, d’apprécier et de peindre plus finement ce monde-là (si on a. le tact) que lorsque, n’en étant pas tout à fait, de bonne heure on y arrive.

370. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

M. de Chateaubriand, dans ses Mémoires inédits, après une vive peinture de cette même période d’émigration en Angleterre, et des diverses personnes qu’il y rencontra, ajoute : « Mais très-certainement à cette époque Mme la duchesse de Duras, récemment mariée, était à Londres ; je ne devais la connaître que dix ans plus tard. […] S’il est quelques livres que les cœurs oisifs et cultivés aiment tous les ans à relire une fois, et qu’ils veulent sentir refleurit dans leur mémoire comme le lilas ou l’aubépine en sa saison, Edouard est un de ces livres. […] Mais ces différents degrés dans le pardon chrétien, ce premier degré où l’on pardonne pour être pardonné, c’est-à-dire par crainte ou par espoir, cet autre degré où l’on pardonne parce qu’on se reconnaît digne de souffrir, c’est-à-dire par humilité, celui enfin où l’on pardonne par égard au précepte de rendre le bien pour le mal, c’est-à-dire par obéissance, ces trois manières, qui ne sont pas encore le pardon tout-à-fait supérieur et désintéressé, m’ont remis en mémoire ce qu’on lit dans l’un des Pères du désert, traduit par Arnauld d’Andilly : « J’ai vu une fois, dit un saint abbé du Sinaï, trois solitaires qui avoient reçu ensemble une même injure, et dont le premier s’étoit senti piqué et troublé, mais néanmoins, parce qu’il craignoit la justice divine, s’étoit retenu dans le silence ; le second s’étoit réjoui pour soi du mauvais traitement qu’il avoit reçu, parce qu’il en espéroit être récompensé, mais s’en étoit affligé pour celui qui lui avoit fait cet outrage ; et le troisième, se représentant seulement la faute de son prochain, en étoit si fort touché, parce qu’il l’aimoit véritablement, qu’il pleuroit à chaudes larmes. […] Mme Roland juge sévèrement Kersaint dans ses Mémoires ; elle n’aimait pas en lui certaines habitudes de mœurs du gentilhomme ; mais nous, postérité, nous aimons à marier leurs noms généreux, consacrés dans la même cause. […] Ces ouvrages inédits sont le Frère Ange, Olivier, les Mémoires de Sophie.

371. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Mais quelques années après (1787), dans un procès que le mari poursuivait contre elle, Bergasse, avocat et conseil de Kornman, rencontrant le nom de Beaumarchais et cette quantité de grands personnages qui s’étaient intéressés pour la belle coupable, en tira parti dans son Mémoire, et fit, contre Beaumarchais notamment, une sortie violente qui amena celui-ci à porter plainte en diffamation. […] Il s’était remarié en effet, le 8 mars 1786, à Marie-Thérèse-Émilie Willermawla, et il avait droit désormais de dire, en terminant son troisième Mémoire contre Kornman : Ces débats ne troublent plus la paix de mon intérieur. […] C’étaient sans cesse des visites domiciliaires, des menaces de pillage et d’incendie ; on accusait Beaumarchais d’être accapareur de blés, puis d’être accapareur d’armes cachées, et de les entasser dans des souterrains qui n’existaient pas : Quant à moi, disait-il dans ces espèces de mémoires et pétitions à la Convention qu’il faudrait toujours mettre en regard du monologue de Figaro, quant à moi, citoyens, à qui une vie si troublée est devenue enfin à charge ; moi qui, en vertu de la liberté que j’ai acquise par la Révolution, me suis vu près, vingt fois, d’être incendié, lanterné, massacré ; qui ai subi en quatre années quatorze accusations plus absurdes qu’atroces, plus atroces qu’absurdes ; qui me suis vu traîner dans vos prisons deux fois pour y être égorgé sans aucun jugement ; qui ai reçu dans ma maison la visite de quarante mille hommes du peuple souverain, et qui n’ai commis d’autre crime que d’avoir un joli jardin, etc. […] Dans les mémoires qu’il adressa à ce sujet à la Convention, et qu’il divisa en six Époques, il lui arrive (chose inattendue et singulière !) […] On lit à la fin de sa sixième Époque ou de son sixième mémoire, après un quatrain digne de Pibrac, cette signature pleine d’innocence : « Le citoyen toujours persécuté, Caron Beaumarchais. — Achevé pour mes juges, à Paris, ce 6 mars 1793, l’an second de la République. » Tout rempli de son unique objet, il ne se représente pas au juste ce que c’est que la Convention nationale ; ce qui étonne, c’est qu’il y ait sauvé sa tête.

372. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Mémoires de l’impératrice Catherine II. […] C’est là-dessus (avril 1759) que nous en restons avec les Mémoires inachevés ; et les trois années qui précèdent l’avénement à l’Empire et la grande usurpation de Catherine continuent de se dérober à nous dans leur entière obscurité et leur mystère. […] Nous n’avons prétendu avoir affaire ici qu’a la Catherine antérieure, celle des Mémoires. […] Une question des plus délicates au sujet de ce fils de Catherine, qui fut Paul Ier, semble tranchée et résolue dans les Mémoires de sa mère et d’après l’aveu même qu’elle ne craint pas de faire tout en faveur de Soltikoff.

373. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Bossuet, grand théologien, grand orateur funèbre, meurt aux premières années du xviiie  siècle (12 avril 1704) : sa mémoire recueille aussitôt la gloire qui lui est due et qui, depuis longtemps, le couronnait ; mais l’admiration, sur son compte, s’attache littérairement aux endroits célèbres, aux chefs-d’œuvre en lumière. […] — Enfin on a publié depuis lors (1856) les Mémoires mêmes, si souvent cités et invoqués, et le Journal tout entier de l’abbé Ledieu, ce secrétaire de Bossuet, dont le nom et le renom valent mieux que la personne, qui n’est pas l’exactitude ni la délicatesse même, mais qui aimait, somme toute, son évêque, qui l’admirait, et qui, ayant songé de bonne heure à tirer parti de son intimité pour écrire ce qu’il voyait et ce qu’il entendait, nous a rapporté bien des choses qui se ressentent du voisinage de la source, et que rien ne saurait suppléer. […] Chéruel pour les Mémoires de Mademoiselle, M.  […] On le distingue entre tous pour bien des qualités et des dons, et pour sa vaste mémoire, ce premier trésor de l’orateur.

374. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Beugnot que d’être un excellent administrateur et un haut fonctionnaire capable ; c’était, d’ailleurs, un tout autre caractère et d’une nature différente : esprit droit, sensé, mais sans trait et sans brillant, ayant eu les passions généreuses et les enthousiasmes de la jeunesse, cœur dévoué et qui s’était dès l’abord donné à Mirabeau ; qui conserva toujours quelques illusions sur cette grande mémoire trop mélangée ; homme public apte et laborieux, tout à la chose, assez peu observateur des personnes, de plus en plus tourné à la bienveillance en vieillissant, et que le soudain malheur qui brisa sa carrière jeta dans un complet abattement suivi de résignation, sans qu’il y entrât jamais un grain d’ironie ni une goutte d’amertume. […] « Si je revenais à la vie, disait Mirabeau, je ferais un bon mémoire sur l’art d’être garde-malade : c’est Frochot qui m’en a suggéré l’idée. » Et à un moment où, la fièvre s’apaisant au matin, Mirabeau faisait approcher son lit de la fenêtre, il dit à Frochot en regardant le soleil qui commençait à luire : « Mon ami, si ce n’est pas là Dieu, c’est son cousin germain. » Et le priant de lui soulever la tête : « Je voudrais pouvoir te la laisser en héritage. » Frochot refusa tout legs testamentaire. […] eh bien, à moi seul en France, peut-être, il serait permis de ne pas détester sa mémoire, puisqu’il sut m’estimer assez pour ne me rendre ni le confident ni le complice d’un si détestable projet4. » L’existence de Frochot, au sortir de l’Assemblée constituante, nous représente en moyenne celle de beaucoup de ses collègues : il rentra dans ses foyers, dans le bourg d’Aignay, où il comptait reprendre sa vie ordinaire. […] Ce petit mémoire commence ainsi : « Depuis le 13 ventôse, mon mari est en état d’arrestation ; des méchants le poursuivent depuis dix-huit mois avec un acharnement criminel.

375. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Ces écrivains, les hommes à système et les hommes à contradictions, ont l’avantage, étant très personnels et marquant toutes leurs pensées à leur empreinte, d’être rebelles au plagiat et de décourager les prodigieux efforts que la paresse de l’esprit impose à la mémoire : on s’en nourrit, on s’en assimile ce qu’on peut ; on ne les apprend pas par cœur, on ne les découpe pas en formules, on ne les plaque point sur ses compositions. […] Elle entre dans la mémoire, non dans l’intelligence. […] Ils croient tout ce qu’il dit, et ils le serrent précieusement au fond de leur mémoire. […] Quand on veut s’en servir, on ne trouve dans sa mémoire que des phrases de commande et des jugements de convention.

376. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

« La facilité de toutes ces dames, dit-il, avait rendu leurs charmes si méprisables, qu’on ne savait plus ce que c’était que les regarder. » De là ces amours à l’italienne décrits par le même auteur, ces amours dont Dangeau a aussi parié dans ses mémoires, et qui ont été longuement décrits dans ceux de la princesse Palatine, d’après les monuments de l’époque : ce sont ces mêmes amours contre lesquels l’éloquence de Bourdaloue a tonné le jour de Noël 1687, dans un sermon prêché devant le roi, qui le lendemain exila plusieurs jeunes gens de la cour : ait cité dans l’Abrégé chronologique du président Hénault. […] Monmerqué : ai, dis-je, écarté tout cela pour étudier les documents épars dans les Mémoires de Saint-Simon, dans les diverses correspondances de madame de Sévigné et de madame de Maintenon elle-même72. […] Mémoires de Saint-Simon, t.  […] Mémoires de Maintenon, t. 

377. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

Les Mémoires de l’Empire du grand Mogol, par François Bernier, Paris 1670. 4. vol. […] Nous n’avons rien de mieux que l’ouvrage de l’Abbé le Mascrier intitulé : Description de l’Egypte sur les Mémoires de M. […] La Description historique & critique de l’Italie ou Nouveaux mémoires sur l’état actuel de son gouvernement, des sciences, des arts, du commerce, de la population & de l’histoire naturelle, par M. l’Abbé Richard, en six volumes in-12. 1766. , est un livre infiniment curieux, rempli de goût, d’érudition, de sagacité, de critique. […] Si l’on en croit, l’Abbé de Choisi, rien de plus riche & de plus magnifique que la Cour de Siam ; lisez les Mémoires de Forbin, vous ne trouverez rien de plus mesquin.

378. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VI. Du raisonnement. — Nécessité de remonter aux questions générales. — Raisonnement par analogie. — Exemple. — Argument personnel »

Une autre fois, voulant réfuter l’objection que les astres ne changent pas, parce que de mémoire d’homme on ne les a vus changer, Fontenelle proposait l’analogie que voici : Si les roses qui ne durent qu’un jour faisaient des histoires et se laissaient des mémoires les unes aux autres, les premières auraient fait le portrait de leur jardinier d’une certaine façon, et de plus de quinze mille âges de roses, les autres qui l’auraient encore laissé à celles qui les devaient suivre, n’y auraient rien changé. Sur cela elles diraient : « Nous avons vu toujours le même jardinier ; de mémoire de rose on n’a vu que lui ; il a toujours été fait comme il est : assurément il ne meurt pas comme nous, il ne change seulement pas. » Le raisonnement des roses serait-il bon ?

379. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 8, des plagiaires. En quoi ils different de ceux qui mettent leurs études à profit » pp. 78-92

Ces ouvrages précipitez demeurent ; mais il est injuste de les reprocher à la mémoire des artisans illustres. […] Le plan d’un long ouvrage, dont la disposition pour être bonne, veut être faite dans la tête de l’inventeur, ne peut être produit sans le secours de la mémoire ; ainsi ce plan doit se sentir de l’affoiblissement de cette faculté : suite trop ordinaire de la vieillesse. La mémoire des vieillards est infidéle pour les choses nouvelles.

380. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mikhaël, Éphraïm (1866-1890) »

Qu’il sommeille donc le poète dont la mémoire nous défend des félonies envers l’art et envers les hommes, et que nul ne révèle l’intime trésor de cette âme fière et douce, douloureuse de se sentir recluse en soi-même par un trop noble amour des êtres vivants, des lueurs et des frissons qui troublent d’inquiétudes passagères la terre et le ciel, et des immuables étoiles qu’il avait entrevues ! […] Son nom demeure en quelques mémoires, gravé religieusement, mais aucun n’a songé, à la fin de cette période littéraire, à lui offrir une part des palmes cueillies le plus noblement.

381. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVI. Consultation pour un apprenti romancier » pp. 196-200

Un médaniste me confiait, dans le sourire de sa sagesse ingénue : « Moi, j’écrirais Peau d’Âne que je croirais l’inventer. » — Laissez vierge, mon jeune ami, votre mémoire littéraire. […] Ainsi je me féliciterais que la nature vous ait créé — non seulement narrateur, soit enclin à formuler, pour les sentir plus largement et mieux en détail, les légendes écloses en votre imagination — mais encore, et auparavant, et éminemment voyeur (pour ne pas dire sensuel ou sensible, mots dont la signification s’est trop épandue), oui, regardeur, écouteur, gourmet, nez fin, avec toutes ces particularités compliquées de mémoire (souvenir des paysages, gestes, odeurs, etc.), à seule fin que se manifestent en réalités immédiatement reconnaissables lesdites cérébrales éclosions.

382. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre premier. Nécessité d’une histoire d’ensemble » pp. 9-11

C’est, à l’usage des architectes futurs, une espèce de cahier des charges ou de mémoire à consulter. […] Puis, quel entassement de lettres, de mémoires, d’articles pour ou contre, de brochures, de volumes !

383. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 202-207

Duclos a fait de plus estimable, ce sont, sans contredit, ses Considérations sur les mœurs de ce Siecle, & les Mémoires qui en sont la suite. […] On trouve du moins à s’instruire dans ses Considérations * & dans ses Mémoires ; avantage qu’on chercheroit en vain chez la plupart de ceux qui ont voulu mettre la Philosophie en belles phrases.

384. (1898) Essai sur Goethe

Cet olympisme donne le ton aux Mémoires. […] Les hommes qui ont vécu par le cœur savent bien qu’il a sa mémoire : Rousseau, par exemple, se rappelait mieux ses sentiments que ses idées. […] Or, les Mémoires sont le tableau de cette vie qu’il veut nous imposer : il faut donc bien en discuter le sens et l’exactitude. […] Je ne sais vraiment qu’un seul livre qu’on peut rapprocher du sien : les Mémoires d’outre-tombe. […] À sa mémoire !

/ 2379