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823. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre Premier »

Nous ne comprenons plus, sans études préalables, le vieux français ; la tradition a été rompue le jour où les deux littératures, française et latine, se trouvèrent réunies aux mains des lettrés ; les hommes qui savent deux langues empruntent nécessairement, quand ils écrivent la plus pauvre, les termes qui lui manquent et que l’autre possède en abondance. […] Ces mots, et une quantité d’autres, appartiennent moins à la langue française qu’à des langues particulières qui ne se haussent que fort rarement jusqu’à la littérature, et si on ne peut traiter certaines questions sans leur secours, on peut se passer de la plupart d’entre eux dans l’art essentiel, qui est la peinture idéale de la vie.

824. (1887) La Terre. À Émile Zola (manifeste du Figaro)

Nous répudions énergiquement cette imposture de la littérature véridique, cet effort vers la gauloiserie mixte d’un cerveau en mal de succès. […] Il est nécessaire que, de toute la force de notre jeunesse laborieuse, de toute la loyauté de notre conscience artistique, nous adoptions une tenue et une dignité en face d’une littérature sans noblesse, que nous protestions au nom d’ambitions saines et viriles, au nom de notre culte, de notre amour profond, de notre suprême respect pour l’Art.

825. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « V »

On nous accuse de le compliquer et, à force d’y vouloir du travail, d’enseigner une littérature artificielle.‌ […] Il faut se dégager de la littérature pour être bon littérateur et du mauvais style pour être bon écrivain.

826. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Aussi manquerait-il quelque chose à notre littérature dramatique si la comédie de Marivaux n’existait pas. […] J’ai dit qu’il manquerait quelque chose à notre littérature dramatique si le répertoire de Marivaux nous manquait. […] Importer des intentions de prédicateur dans la littérature, — et de prédicateur de quel évangile ! — importer pareillement des intentions de littérature dans la peinture, nous connaissons l’objet et l’idéal de Diderot. […] par où confine-t-il au langage de la sculpture, et par où touche-t-il au langage de la littérature ?

827. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Le simple spectacle du jeu des idées et les études de littérature générale ont peu d’attraits. […] Je me réfugiais alors dans l’outrance et lisais au hasard la jeune littérature, vers quoi allaient tous mes rêves tumultueux. […] que notre littérature n’enregistrera pas de sitôt de pareils accents. […] Elles seules intéressent un historien de la littérature, décidé à étudier l’ambiance intellectuelle d’une époque. […] IV. — Étude d’esthétique comparée. — Les Propos de littérature.

828. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Et ici, qu’il nous soit permis d’insister ; car nous venons d’indiquer le trait caractéristique, la différence fondamentale qui sépare, à notre avis, l’art moderne de l’art antique, la forme actuelle de la forme morte, ou, pour nous servir de mots plus vagues, mais plus accrédités, la littérature romantique de la littérature classique. […] Il traverse en naissant la littérature latine qui se meurt, y colore Perse, Pétrone, Juvénal, et y laisse l’Âne d’or d’Apulée. […] Qu’on examine une littérature en particulier, ou toutes les littératures en masse, on arrivera toujours au même fait : les poètes lyriques avant les poètes épiques, les poètes épiques avant les poètes dramatiques. […] Paroles remarquables qui peignent à merveille cette poésie fardée, mouchetée, poudrée, du dix-huitième siècle, cette littérature à paniers, à pompons et à falbalas. […] Il faut en dérouiller la littérature actuelle.

829. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

C’est un cas de littérature bien curieux et qui eût dû attirer davantage l’attention de la critique que celui de M.  […] Gabriel Sarrazin, et en quelques passages on retrouve comme un écho de la pensée même du philosophe systématique de l’Histoire de la littérature anglaise. […] La littérature est en retard de cent ans sur la science. » Et plus loin : « Les poètes, a dit Shelley, sont les législateurs méconnus du monde. […] Les mêmes besoins ressentis à l’étranger, au moment même où la France accomplissait sa grande révolution, avaient déjà donné naissance à des mouvements littéraires magnifiques : Goethe et Schiller transformaient la littérature allemande ; les Lakistes, Coleridge, Southey, Wordsworth, puis Byron, Shelley, Keats, les Browning renouvelaient la littérature anglaise. […] Il fit en somme, comme diraient nos marxistes, une révolution bourgeoise dans la littérature.

830. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

La littérature suit la destinée de la nation et l’évolution des idées. […] Rien n’est moins éternel que la littérature du xive  siècle, tantôt expression de sentiments épuisés ou factices, tantôt forme vide et laborieux assemblage de signes sans signification, où rien n’est réel, solide et viable, pas même la langue : car ce n’est pas encore la langue moderne, et ce n’est plus la langue du moyen âge. […] Pour deux siècles aussi, le style, le goût sont fixés : la littérature, adaptée à ses milieux, milieu galant et frivole des cours féodales, milieu pédant et lourd des Puys et Chambres de Rhétorique, s’immobilise, en dépit de tant de singularités apparentes, dans la répétition mécanique de quelques procédés. […] Mais le xive  siècle est un âge prosaïque : la prose est dans les âmes, et voilà pourquoi la littérature en prose est la plus riche et la plus expressive. […] Le profit que la littérature française reçoit de cet essai de renaissance des lettres anciennes est manifeste.

831. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

Qui sait s’ils sont, autant qu’ils en ont l’air, en dehors de la littérature, et si j’ai le droit de les ignorer   Puis par un scrupule d’amour-propre, je veux faire comme Paul Bourget, qui se croirait perdu d’honneur si une seule manifestation d’art lui était restée incomprise  Enfin, par un scrupule de curiosité. […] Secondement, je suppose que le « symbolisme » ou le « décadisme » n’est pas un accident totalement négligeable dans l’histoire de la littérature. […] Mais il y avait encore beaucoup de santé dans ces maladies ; même la littérature en était parfois sortie renouvelée. […] Et ainsi il passe auprès de quelques jeunes hommes pour un abstracteur de quintessence, pour l’artiste le plus délicat et le plus savant d’une fin de littérature. […] La littérature, prise dans son ensemble, n’est même plus chrétienne.

832. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Or le véritable Horace fut, en littérature, le plus hardi des révolutionnaires. […] ce n’est que de la littérature), le comte de Vigny fut vraiment des leurs. […] J’appelle ici de ce mot très impropre de « naturalisme » le genre de littérature qui fut en faveur de 1875 à 1885, ou à peu près. […] Il lui eût été facile de produire, lui aussi, des systèmes ; d’expliquer, par exemple, tout le développement d’une littérature par deux ou trois idées directrices, et de l’enfermer de gré ou de force (et si c’est de force, c’est plus beau) dans le cadre ingénieusement contraignant d’une histoire philosophique. […] C’est qu’il est très complexe dans sa transparence… On rencontre, en littérature, de beaux monstres, des phénomènes, assez faciles à décrire grâce à l’évidence de leur faculté maîtresse et de leurs partis pris.

833. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Histoire de la littérature anglaise par M.  […] En mettant en vers les idées de Bolingbroke, en les combinant avec celles de Leibniz, il n’allait pas au-delà d’un déisme bienveillant et intelligent : l’Essai sur l’Homme, tel qu’il est sorti de sa pensée et de sa main, dans sa mesure honorable et incomplète, dans sa gravité ornée, est acquis depuis longtemps à la littérature française et nous est présent par la traduction de Fontanes et par la belle préface qu’il y a mise. […] Son troisième volume en appelle et en fait désirer un quatrième et dernier26 ; la littérature anglaise moderne, celle du xixe  siècle, n’y tient pas en effet toute la place qu’elle a droit d’exiger. […] Je profite, en ce moment, d’une intéressante dissertation que je reçois de Dublin, Considérations sur l’esprit critique en littérature, par Edward Dowden.

834. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Guizot était purement politique, je le laisserais passer sans le croire de mon ressort, fidèle à mon rôle et à mon goût, qui sont d’accord pour s’en tenir à la littérature ; mais ce Discours n’est politique que par le sens et par le but ; il est purement historique de forme et d’apparence, et, comme tel, je ne saurais le négliger sans paraître manquer à une occasion et presque à une opportunité. […] Non, il faut le reconnaître à son honneur, et ç’a été là une des causes de son importance personnelle, il est un ; la littérature, l’histoire elle-même, n’ont jamais été pour lui qu’un moyen, un instrument d’action, d’enseignement, d’influence. […] Tous les deux sont des politiques qui ont commencé par être écrivains ; ils ont passé par la littérature, ils y reviennent au besoin, ils l’honorent par leurs œuvres ; mais ils n’appartiennent pas à la famille des littérateurs proprement dits, à cette race qui a ses qualités et ses défauts à part. […] La littérature n’a jamais été son but, mais son moyen.

835. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Et voilà qu’on l’a vu se promenant par la littérature, avec le sombrero sur la tête. […] Champfleury travaille principalement, — comme tous ses confrères de la littérature, — sur le sentiment de l’amour. […] Je n’ai jamais compris pourquoi on séparait l’expression en littérature de la forme en peinture, en musique, en statuaire. […] Et, dût-il s’en fâcher tout rouge, nous répéterons que la littérature contemporaine lui doit de fort poétiques pages : on n’est pas parfait.

836. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

— qui tenons que tout un siècle d’érudition ne vaut pas une bonne heure de littérature. […] Je parais le flatter et je ne suis que juste ; mais pourquoi ne le flatterais-je pas, moi qui voudrais lui jouer, à moi seul, la tentation de saint Antoine, au nom de la littérature ? Assurément, je croirais bien avoir mérité de la littérature, de cette maîtresse de ma pensée, en lui rapportant la tête que voici et que j’estime le plus faite pour elle ! Quoique la science et la littérature ne soient pas intimement des amies, quel bon tour cependant ce serait de prendre Édelestand du Méril à la philologie !

837. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

J’ai dit que c’était un critique d’art en même temps qu’un critique en littérature. […] Renan, c’est « le Français du xixe  siècle » ; Émile Augier, c’est Molière « tombé en ses petits-fils » ; Jules Simon, « c’est le Robinson des croyances » ; Scribe, « le génie de l’opéra-comique » ; Octave Feuillet, « la littérature fashionable » ; etc. […] Pour mon compte, je ne crois pas que depuis madame de Staël il y ait eu dans la littérature un livre qui ait charrié, sur le flot mouvant des images, plus d’aperçus et de rapports piquants que le livre des Jugements nouveaux. […] C’est un livre de littérature à côté de ce qu’il souffre et plus haut que sa personnalité.

838. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Mérimée, le réaliste sans pitié, le narrateur au tragique froid, à la combinaison réfléchie, à la plume impassible, Mérimée, le Monsieur de Bois-sec de la littérature contemporaine, n’avait jamais été, au concept des amateurs du sentiment, ce qu’on appelle un sentimental. […] Gustave Planche, esprit exclusivement critique, qui ne pouvait être jamais un roi littéraire, tant sa tête manquait d’imagination par laquelle seule on est roi en littérature ! […] … Mais toujours est-il que le hargneux despote de la Revue des Deux-Mondes ne repoussa aucun de ces incroyables articles, et que les deux portefaix s’entendirent pour porter Mérimée au sommet de la littérature du temps. […] … Je ne connais, dans toute la littérature française du xixe  siècle, que About qui ait contre le catholicisme une insolence pareille à celle de Mérimée, et encore About est immortellement le gamin qui abaisse le marchepied de la voiture de Voltaire et qui ramasserait les bouts de cigare de Voltaire, si Voltaire fumait.

839. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Le développement de la littérature se lie à l’histoire générale de la société française pendant ces quarante années, et la correspondance est assez facile à saisir. […] Au reste, l’éloquence du barreau échappe de plus en plus à la littérature : elle se place ou bien hors de l’art, par la controverse juridique, ou au-dessous de l’art, par les gros effets. […] L’esprit scientifique, ici encore, est victorieux, aux dépens du talent oratoire : le dédain de l’éloquence est sensible chez Taine et Renan ; celui-ci même donne un sens défavorable aux mots littérateur et littérature.

840. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

C’est la femme qui fait métier et marchandise de littérature. […] Physiologiquement, métaphysiquement et socialement, trois choses unies et dépendantes, la femme est-elle conformée de manière à faire dans toutes les sphères de l’activité humaine, identiquement ce que fait l’homme ; et comme il ne s’agit ici que de littérature et d’art, est-elle d’organes, de cerveau, et même de main, lorsqu’il s’agît d’art, capable des mêmes œuvres que l’homme, quand l’homme est supérieur ? […] Seulement est-ce donc si malheureux d’être, en art ou en littérature, quelque chose comme la Vénus de Milo ?

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