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1140. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Sa sensibilité est, pour ainsi dire, distribuée à toutes les différentes facultés de son âme, et cette diversion pourrait bien défendre son cœur et lui assurer une liberté d’autant plus douce et d’autant plus solide qu’elle est également éloignée de l’indifférence et de la tendresse. […] Le lendemain, le sieur Belin, en qualité de chancelier, assembla la nation, les drogmans et quelques religieux, et fit signer une délibération par laquelle on me dépouilloit de mes fonctions pour en revêtir ledit sieur Belin, lequel, se voyant le maître avec le chevalier Gesson, se saisirent de ma personne le 27e, me mirent en prison dans une chambre, chassèrent mes domestiques affectionnés, et s’emparèrent de mes papiers et de mes effects, ne me donnant la liberté de voir personne que quelques religieux affidés. J’ay été dans ce triste estat plus d’un mois entier, d’où je crois que je ne serois pas sorti sans M. l’ambassadeur d’Holande, lequel m’ayant rendu visite et m’ayant trouvé avec ma santé et mon esprit ordinaires, fit tant de bruit du traitement qu’on me faisoit, qu’il me fut permis, après l’attestation que j’eus des médecins du parfait rétablissement de ma santé, d’assembler la nation, laquelle, sollicitée par le sieur Belin, et pour se mettre à couvert du blâme de la première délibération qu’elle avoit signée, ne voulut jamais me reconnoître qu’après m’avoir forcé d’aprouver ladite délibération par un acte que je fus obligé de signer le 1er du mois d’aoust dernier, pour obtenir ma liberté et reprendre les fonctions d’ambassadeur. […] Laissez-moi, par politique, quelque air de raison et de liberté.

1141. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Si l’antique liberté était rendue à la comédie moderne, les meilleurs poètes d’Allemagne ou de France ne ressusciteraient pas la comédie d’Aristophane, en produisant sur la scène le peuple et ses conducteurs, Cléon ou Socrate, et en agitant, sous les yeux des citoyens, les grandes questions du jour. […] Car nous avons perdu le secret d’Aristophane pour affranchir les personnages publics de leur tragique solennité, et pour les remplir de vie et de liberté comiques. […] En effet, la parabase, ce morceau étranger à la pièce, avait beau être sérieux en lui-même, il montrait que le poète ne prenait pas au sérieux la forme dramatique27 ; et les chœurs, tout sublimes qu’ils étaient, et précisément parce qu’ils étaient sublimes, faisaient voir avec quelle liberté il se jouait même de la comédie, en déployant tout à coup les magnificences de la poésie lyrique au sein du grotesque le plus bas. […] Le bouffon privilégié, tantôt fin et spirituel, tantôt épais et balourd, a hérité quelque chose de l’inspiration joyeuse, de l’abandon plein de franchise, et de la liberté de tout dire, qu’avaient à un si haut degré les premiers poètes comiques.

1142. (1905) Promenades philosophiques. Première série

La pauvreté n’est plus un idéal, peut-être parce que la liberté n’est plus une passion. […] Traitée avec une entière liberté d’esprit, cette partie si riche de l’histoire des hommes deviendra une source de méditation psychologique. […] On se trouve là au nœud du conflit entre le besoin de liberté et le besoin d’activité. […] Que de générations d’esclaves ont passé, qui n’ont pas connu cette heure de repos dans la paresse et dans la liberté ! […] Satisfait d’avoir quelques libertés nouvelles, et surtout apparentes, le peuple a permis à l’Etat de mettre la main sur quelques libertés anciennes, très utiles et même primordiales.

1143. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Ennemi naturel, non seulement de toute contrainte, mais de toute règle ou de toute loi, ce que Regnier défend et soutient dans ses Satires, non pas dogmatiquement, mais avec cette nonchalance, — qui est « son plus grand artifice » et son charme, — c’est l’entière et absolue liberté de l’individu. […] Ce que les libertins et les irréguliers de la régence ne revendiquaient pas moins hautement que la liberté de suivre en tout leur fantaisie, c’était celle aussi de s’attarder dans les habitudes et dans la tradition du pire esprit gaulois. […] Il se vante lui-même, dans son Examen de Mélite, d’avoir pour ses débuts établi le règne de la décence et des mœurs sur une scène où les libertés qu’on prenait avant lui rendaient le théâtre inabordable aux femmes. […] — Le même caractère de familiarité se retrouve dans son style. — Quelque travaillé qu’il soit, ce style encore est d’un « naturaliste » ; — par la liberté dans le choix des mots, qui sont chez lui de toutes les conditions ; — par la rareté des termes abstraits ou l’heureux mélange qu’il en fait avec les termes de l’usage populaire ; — et enfin par la liberté d’un tour qui suit toujours plus volontiers les indications de la sensibilité que les règles de la logique. […] Satires I, V, VIII, et Épîtres III, V, VI] sur la plupart de ses adversaires ; — et sur deux au moins de ses illustres amis. — Son indépendance entière de situation, d’humeur, et de goût ; — sa liberté de jugement [Cf. 

1144. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Notre vie est, comme l’univers dans lequel nous sommes renfermés, un incompréhensible mélange de liberté et de nécessité. […] Et Napoléon, pour la première fois, aima cette France, d’où venait, avec la brise marine, un souffle de liberté. […] Cette paix brillante, vite conclue, apparaissait à tous les Français comme la condition de leur liberté. […] Enfin, un « arbre de la Liberté » fut planté sur la terrasse du palais de France à Constantinople. […] Son malheur fut d’être lâché en liberté.

1145. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Il dira, en parlant de l’illustre critique hollandais : « le grand Valckenaer », mais en même temps il applaudira le grand Mirabeau ; il palpite pour la liberté qu’il ne sépare point, une fois gagnée et reconquise, de l’ordre et du respect pour les lois.

1146. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Ce tableau ne prouve point l’inutilité des ressources de l’étude ; mais il est impossible à l’homme passionné d’en jouir, s’il ne se prépare point par de longues réflexions à retrouver son indépendance ; il ne peut, alors qu’il est encore esclave, goûter des plaisirs dont la liberté de l’âme donne seule la puissance d’approcher.

1147. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

Et, d’une manière générale, jusque dans ses plus belles pièces, — jusque dans Éloa, jusque dans sa Maison du Berger, — sa liberté de poète est perpétuellement entravée par je ne sais quelle hésitation ou quelle impuissance d’artiste.

1148. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Les désordres de la Fronde ont pu dégoûter de la liberté politique.

1149. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

Resserrés par trop ailleurs, retenus aux octrois de la Rime vexatoire, traqués aux carrefours de la Succession Régulière, relevant des tribunaux de la Tradition, condamnés à la sportule du nombre réglementaire de syllabes, les poètes trouvaient par l’Alexandrin un simulacre de liberté.

1150. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXV » pp. 402-412

il était tranquille, au comble de la gloire, et peut-être sur une haute montagne, où, selon l’ordre que Dieu a établi dans ce monde, on trouve aussi une allée123. » Le 30 juin, madame de Sévigné représente Jo dans l’innocence et la solitude de la campagne. « Jo est dans les prairies en toute liberté et n’est observée par aucun argus.

1151. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

C’est que les instincts naturels, — sentiment de la famille, amour de la liberté individuelle, attachement aux biens immédiats et à la vie présente, — formes de l’égoïsme élémentaire, représentants d’une réalité antérieure à la genèse des sociétés humaines et contemporaine des premiers stades de la biologie, c’est que ces instincts réagissent maintenant contre la contrainte que leur imposa la croyance.

1152. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Casanove » pp. 192-197

Laissez à l’art la liberté d’un écart approuvé par les uns et proscrit par d’autres.

1153. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

La liberté d’esprit n’est gueres moins necessaire pour sentir toute la beauté d’un ouvrage que pour le composer.

1154. (1762) Réflexions sur l’ode

J’avouerai au reste, avec le même Horace, que si dans les jugements sur les anciens, quelque excès peut être permis, la liberté de penser paraît encore plus excusable que la superstition.

1155. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Les honnêtes gens du Journal des Débats » pp. 91-101

Seulement, que le Journal des Débats, le journal de la tolérance universelle, — et des coups de chapeau, — qui proclame depuis quarante ans la liberté des poids et des mesures, des mathématiques et de la conscience, fasse, à propos de nous et contre nous, ce terrible partage en deux camps et se fourre dans le bon, n’est-ce pas inconséquent, nouveau et comique ?

1156. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XI. Des éloges funèbres sous les empereurs, et de quelques éloges de particuliers. »

dit Tacite, croyait-on étouffer dans les mêmes flammes et la voix du peuple romain, et la liberté du sénat, et le cri de l’univers19 ? 

1157. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Du temps de Cicéron et de César, on avait vu fleurir l’éloquence républicaine animée par la liberté et de grands intérêts ; sous les premiers empereurs, une espèce d’éloquence monarchique, fondée sur la nécessité de flatter et de plaire ; vers les temps de Marc-Aurèle, l’éloquence des sophistes, qui, n’ayant aucun intérêt réel, était un jeu d’esprit pour l’orateur et un amusement de l’oisiveté pour les peuples.

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