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1069. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Mais, au lieu que, dans la réalité, ils se contenteraient d’user docilement des quelques locutions colorées et canailles qu’ils ont apprises, les personnages du Nouveau Jeu en trouvent continuellement d’inédites ; et leur langage est comme un tissu de métaphores cocasses, de synecdoches débraillées, et de familières et violentes hypotyposes. […] C’est ce langage, outré, convenu, mais d’un pittoresque et d’un mouvement extraordinaires, et ce sont les innombrables sautes de sentiments et d’idées que ce langage exprime, qui font l’intérêt de la simple et folle aventure de Paul Costard.

1070. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

De même que la pensée s’accompagne toujours d’une sorte de langage intérieur61, de même parler ou écrire crée spontanément des états d’âme et fait rougeoyer notre vie subconsciente. […] « Il y a des choses trop complexes, à la fois trop étendues et trop indivisibles, pour qu’elles puissent être présentées à la conscience par des procédés dialectiques… C’est donc pour réparer l’insuffisance du langage et quand nous avons besoin d’embrasser les choses avec toute l’âme, que nous recherchons les symboles : grâce à eux seulement nous pouvons arriver à cet état appelé « mystique », qui est la synthèse du cœur, de la raison et des sens. » Récéjac, op. cit. […] Gustave Kahn avait déjà émis la même idée, presque banale à force d’évidence : « N’est-il pas étonnant qu’au milieu de l’évolution perpétuelle des formes, des idées, des frontières, des négoces, des forces motrices, des hégémonies, d’un perpétuel renouvellement du langage…, seul le vers reste en général immobile et immuable ? 

1071. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

La poésie fut appelée le langage des dieux ; jusqu’au dernier jour, les oracles se rendirent en vers : parler en prose, c’est-à-dire en langue profane, dans les temples, cela eût été d’une indigne inconvenance. […] Le langage le plus magnifique, qui voile la pauvreté de sentiments humains, me fait penser aux épées de fonctionnaires municipaux de province ; la garde est en nacre, la lame est en bois, mais aussi je suis plein de reconnaissance pour les esprits chercheurs bourrés d’idées, et qui se soucient médiocrement de la forme souvent pénible et pareille à un écheveau emmêlé. […] Tout ce qui tient, soit par le style, soit par les habits, soit par le langage, à la rhétorique, à l’académie, à la phrase alignée comme une barbe qui sort de la boutique du perruquier, l’a en une sainte horreur. […] Partout au culte du beau langage, du grand style et du balancement de la phrase, se substitue le culte du fait et de l’idée. […] En parlant un langage aussi différent, il est difficile de s’entendre.

1072. (1886) Le naturalisme

Par leurs vêtements, leur langage et leur conduite, ils sont semblables au premier venu, et celui qui rencontrerait dans la rue Nuñez de Arce ou Campoamor sans les connaître, dirait qu’il a vu deux messieurs de bonne mine, l’un tout blanc, l’autre un peu pâle, qui n’ont rien de saillant. […] Quoique habilement adaptées à notre langage, lues avec délices et même avec une fureur enthousiaste, leurs histoires ne perdent jamais une tournure étrangère qui répugne au goût national. […] Là aussi, le langage et les sentiments s’alambiquaient. […] L’idée éveillée subitement au choc de la sensation, — cela est indubitable, — parle un langage beaucoup moins artificiel que celui que nous employons en la formulant au moyen de la parole. […] Certes oui, ceux-là nous donneront des listes d’objets, si, comme il est probable, le sort leur refuse le privilège d’interpréter le langage de l’aspect des choses, et le don de l’opportunité et de la mesure artistique.

1073. (1940) Quatre études pp. -154

Ces états permanents des êtres simples, ils les traitaient simplement : comme ils l’ont dit, la vie ordinaire pouvait et devait s’exprimer par un langage ordinaire, sans violences, sans excès, sans raretés. […] Que les Français se contentent donc d’être les maîtres d’une certaine prose élégante, agile, claire, et qu’ils laissent la poésie à d’autres peuples mieux doués par la nature et par le langage pour cette tâche plus haute20. […] La poésie vient de naître, elle n’a pas encore ses accents décisifs, elle balbutie encore, on retrouve encore dans son langage des expressions qui ne lui appartiennent pas en propre et qu’elle emprunte au passé : et déjà, le poète apparaît comme un inadapté, comme un homme qui ne ressemble pas à tous les autres, comme un être d’exception que la foule montre du doigt. […] Ainsi Des Grieux, faisant à Manon Lescaut de tendres reproches, abandonnait comme malgré lui le langage ordinaire, et inventait une cadence plus souple et non moins émouvante que celle des plus beaux vers :        Vous affectez        une tristesse que vous ne sauriez sentir. […] La poésie, force primitive des âmes, langage primitif, loi primitive, que le progrès ne saurait que dessécher et abolir.

1074. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Pour parler le langage de M. […] Encore une fois, je ne demande point pardon pour le négligé du récit ; tout indigne qu’on est, quand on s’est plongé à fond dans ces choses, on se sent tenté plutôt de dire comme Bossuet parlant du songe de la princesse Palatine : Je me plais à répéter toutes ces paroles, malgré les oreilles délicates ; elles effacent les discours les plus magnifiques, et je voudrois ne parler plus que ce langage.

1075. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

« Madame ma bonne amie, on me vient de donner la relation de la pauvre jeune reine Jeanne Cray, décapitée à dix-sept ans, et ne me suis pu retenir de pleurer à ce doux et résigné langage qu’elle leur a tenu à ce dernier supplice. […] Les citoyens d’Édimbourg, dans un langage muet qui exprimait en symbole leur soumission conditionnelle à sa royauté, lui présentent par les mains d’un enfant, sur un plat d’argent, les clefs de la capitale entre une Bible et un psautier presbytérien.

1076. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

En lui voyant le visage d’un ange, il s’imagine qu’elle en a l’âme aussi : Là-haut, dans sa vertu, dans sa beauté première, Veille, sans tache encore, un ange de lumière ; Un être chaste et doux, à qui sur les chemins, Les passants à genoux devraient tendre les mains… Marion ne comprend pas très bien ce langage, différent de celui qu’elle a entendu jusqu’à ce jour. […] Ces belles exagérations héroïques et castillanes, cette superbe emphase espagnole, ce langage si fier et si hautain dans sa familiarité, ces images d’une étrangeté éblouissante, nous jetaient comme en extase et nous enivraient de leur poésie capiteuse.

1077. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Tous deux ont un bon style et le langage sain. […] Ajoutez à cette séduction du tour d’esprit de l’homme, le charme d’un langage sain, naturel, aisé plutôt que négligé, assez négligé toutefois pour qu’on ne se sentît pas pris dans un filet en apparence si lâche, et vous vous figurerez les ravages que dut faire ce doute, plus semblable à une volupté de l’esprit qu’à une opinion.

1078. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

» et cette fois la volonté était toute puissante, car c’était la volonté d’un roi. » Ensuite il parlait d’une quantité de choses à propos de cette action en trois actes, — c’est le mot qu’il substitue à celui d’opéra, — il revenait sur le temps de son séjour chez nous et se félicitait chaudement de l’insuccès de Tannhaeuser : langage bien différent de celui qu’il tiendra plus tard dans ses causeries avec madame Judith Gautier et dans sa lettre à M.  […] Mais précisément parce que Wagner, en mettant dans la bouche des deux amants des idées inexprimables par le langage musical, s’est involontairement réduit à ne plus traduire par sa musique que l’idée générale d’amour et d’enlacement voluptueux. « Je me plongeai, dit-il de bonne foi, avec une intime confiance dans les profondeurs de l’âme, dans ses mystères, et de ce centre intérieur du monde, je vis s’épanouir sa forme extérieure. » Se peut-il une illusion plus grande ?

1079. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

Les idées mêmes de ressemblance et de différence, fixées dans le langage, seront devenues des centres d’action et de mouvement, des idées-forces groupant autour d’elles et sous elles toutes les autres idées, réalisant ainsi dans le monde de la vie l’idéal abstrait de la dialectique platonicienne. […] La conscience traduit selon sa nature propre les choses extérieures, elle leur répond en son langage.

1080. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

On peut se demander ce que serait le livre sans ce royalisme-là… Tout ce qui est royaliste y est sublime de langage et de conduite. […] une mauvaise action, à effet pervertissant, tout à la fois monstrueux et vulgaire, et qui emporta tous les niais de France dans un transport d’enthousiasme un peu refroidi depuis que les Misérables ont fait la Commune comme Hugo avait fait les Misérables, il y a cependant, il faut le reconnaître, dans le Quatre-vingt-treize d’aujourd’hui, tous les défauts et tous les vices de composition et de langage que nous avons reprochés aux Misérables, quand ils vinrent dépraver l’opinion et la littérature.

1081. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

Son ton et son langage m’ont paru très piquants.

1082. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Dans le journal, au contraire, écrit pour lui seul et pour servir de matière à ses souvenirs, il se montre toujours rempli sans doute d’admiration et de respect pour le personnage auquel il appartient, mais son langage n’y aide pas ; ses révélations sont de toutes sortes et sans choix ; il y a des trivialités et des platitudes qu’on regrette de rencontrer.

1083. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Quand on écrit pour de purs savants et si près du Rhin, on ne se gêne guère, on emploie leur langage, leur phraséologie, les termes en usage dans les controverses engagées.

1084. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

C’est le même langage uni et simple que dans son livre, avec l’abondance de plus, avec la particularité et un certain accent qui grave Il y a lieu de croire que la Révolution de 1848, les graves problèmes qu’elle souleva et les sombres pensées qu’elle fit naître, introduisirent un degré d’examen de plus dans quelques parties du livre, et tinrent plus constamment en éveil l’attention de l’observateur sur le principe moral qui maintient dans l’ordre certaines populations d’ouvriers, moins avancées et plus heureuses pourtant que d’autres.

1085. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

L’Empereur avait défini les rôles avec sa netteté de langage ordinaire : « Il y a préfet et préfet », disait-il. « Un préfet de la Seine et un préfet des Basses-Alpes sont deux individus très différents, quoiqu’ils aient le même titre.

1086. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Aussi, en les abordant, en écoutant cette grande voix du passé par la bouche du chantre que la Muse s’est choisi, on n’a à gagner en toute sécurité qu’un je ne sais quoi de grandeur morale, une impulsion élevée de sentiments et de langage, un accès de retour vers le culte de ces pensées trop désertées qui restaurent et honorent l’humaine nature : c’est là, après tout, et la part faite aux circonstances éphémères, ce qu’il convient d’extraire des œuvres durables, et l’âme vivante qu’il y faut respirer.

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