Ou l’imagination trop allumée ne présente plus distinctement aucun objet, et une infinité d’idées sans liaison et sans rapport s’y succedent tumultueusement l’une à l’autre ; ou l’esprit las d’être tendu se relâche ; et une rêverie morne et languissante, durant laquelle il ne joüit précisement d’aucun objet, est l’unique fruit des efforts qu’il a faits pour s’occuper lui-même.
Les violentes objections qu’on nous a faites peuvent à peu près se résumer dans deux pages, l’une de M. de Gourmont, l’autre de M.
Disons seulement deux mots de la différence entre le Temps de l’une et l’Espace de l’autre.
Dans ce cas, deux sensations se produisent à la fois, l’une qui nous semble située au bout de nos doigts, l’autre au bout du bâton. […] Si, de naissance, le bâton avait été soudé à l’une de nos mains, comme les longs poils sensitifs et explorateurs du chat sont soudés à ses joues et à ses lèvres, comme le bois du cerf est soudé à son front, comme la barbe et les dents sont soudées à notre peau, nous situerions nos heurts au bout du bâton, comme très probablement le chat situe ses attouchements au bout de sa moustache et le cerf au bout de ses cornes, comme très certainement nous situons nos contacts au bout de nos poils de barbe et de nos dents. […] Si le toucher explorateur est arrêté par une éminence fixe comme les dents, la sensation paraîtra située à la superficie de l’éminence, quoique l’ébranlement nerveux soit beaucoup plus profond. — Si le toucher explorateur ne peut vérifier l’emplacement de deux ébranlements nerveux dont l’un est situé plus haut, l’autre plus bas, ce qui est le cas pour les impressions de la rétine, et si, en même temps, il trouve les deux conditions extérieures de ces deux impressions situées l’une par rapport à l’autre dans l’ordre inverse, ce qui est le cas pour les objets visibles, nous situerons dans l’ordre inverse les deux sensations qui en dérivent. […] Elle n’avorterait pas si les narines, comme les oreilles, étant situées aux deux côtés opposés de la tête, pouvaient discerner dans la sensation totale d’odeur deux sensations, l’une plus faible et l’autre plus forte, si deux portions symétriques, délimitées et opposées du corps étaient chargées de recevoir les sensations de température. — On voit que la même loi explique l’emplacement défini comme l’emplacement indéfini que nous attribuons à nos sensations, tantôt aux environs de nos extrémités nerveuses, tantôt ailleurs et plus loin. […] Elle a deux suites, l’une immanquable et indirecte, mon illusion mentale, l’autre directe et presque immanquable, l’ébranlement du bout nerveux ; ce sont deux ruisseaux partis de la même source ; voilà pourquoi ils se correspondent.
Avant lui, il y a la farce et la comédie « régulière » ; ni l’une ni l’autre ne sont du vrai théâtre. […] On voit dans l’histoire les idées directrices de l’humanité se succéder l’une à l’autre, par action et par réaction ; chacune d’elles, d’abord vague et mélangée d’éléments hétérogènes, dégage peu à peu son principe essentiel, à travers mille difficultés et retards, atteint la plénitude de son action, puis, de vivante qu’elle était, elle se cristallise, et c’est la décadence que nul ne saurait empêcher, de même que nul n’aurait pu arrêter la marche ascendante. […] Ces deux forces agissent de concert contre l’ancien régime et se fondent parfois, de façon très curieuse, chez le même individu ; mais au fond elles sont ennemies, et elles aboutissent l’une à Voltaire, l’autre à Rousseau. […] Les trois périodes, resserrées en cent vingt années environ, y chevauchent l’une sur l’autre plus que précédemment ; c’est un fait intéressant que je signale en passant18. […] La littérature est le livre d’or où s’inscrit depuis mille ans la dette sacrée que la France et l’humanité ont l’une envers l’autre.
A peine l’une est-elle satisfaite dans un esprit puissant, et se croit-elle sûre de son objet et apaisée, que voilà l’autre qui se relève et qui demande pâture à son tour. […] A travers ce domaine infini de l’intelligence, dans la sphère de la raison et de la réflexion, comme dans une demeure à lui bien connue, il alla changeant, remuant, déplaçant sans cesse les objets ; les classifications psychologiques se succédaient à son regard et se renversaient l’une par l’autre ; et il est mort sans nous avoir suffisamment expliqué la dernière, nous laissant sur le fond de sa pensée dans une confusion qui n’était pas en lui. […] Dès l’abord, dans la psychologie de ceux-ci, on distingue sensibilité, raison, activité libre, et on suit chacune séparément, toujours occupé, en quelque sorte, de préserver l’une de ces facultés du contact des autres, de peur qu’on ne les croie mêlées en nature et qu’on ne les confonde. […] En reportant son regard, du haut de la montagne de la vie, vers ces sciences qu’il comprenait toutes, et dont il avait agrandi l’une des plus belles, il put atteindre un moment au bonheur serein du sage et reconnaître en souriant ses domaines.
Mais cette idolâtrie, cette vanité sont des faiblesses communes à tout le genre humain, et de l’une et de l’autre on peut faire sortir de grandes vertus. […] À l’une comme à l’autre de ces prétendues faiblesses, il faut des signes extérieurs : il faut un culte au sentiment religieux ; il faut des distinctions visibles au noble sentiment de la gloire.” » Ici la vérité ne manque pas au tableau, mais la réflexion manque à l’historien. […] « Ainsi la Révolution, dit-il, dans ce retour rapide sur elle-même, devait venir à la face du ciel confesser ses erreurs, l’une après l’autre, et se donner d’éclatants démentis ! […] Thiers s’en console en disant : « Mais ces institutions (les cours) étaient loin de mériter le mépris qu’on a souvent affiché pour elles ; elles composaient une république aristocratique détournée de son but par une main puissante, convertie temporairement en monarchie absolue, et destinée plus tard à redevenir monarchie constitutionnelle, fortement aristocratique, il est vrai, mais fondée sur la base de l’égalité. » Comprenne qui pourra cette république devenue en même temps monarchie absolue, cette monarchie absolue destinée à redevenir monarchie constitutionnelle, cette aristocratie et cette égalité se démentant par leurs seuls noms l’une et l’autre !
L’une, génie inquiet et politique, consacra sa vie à se grandir, l’autre à plaire ; belles toutes deux, l’une fut belle pour posséder les esprits, l’autre pour entraîner les cœurs. […] Mon arrivée interrompit la conversation entre ces deux femmes, conversation qui paraissait être animée, quoique à voix basse, car l’une d’elles (l’inconnue) avait sur les joues cette coloration fugitive du sang en mouvement sur un fond de pâleur qui prouve qu’on a poussé tête à tête un entretien jusqu’à la lassitude. […] Madame Récamier n’y perd pas, et M. de Chateaubriand y gagne ; on voit combien l’une était digne d’être aimée, indépendamment de sa beauté déjà pâlie ; on voit combien l’autre sut aimer, indépendamment de sa jeunesse morte et du désintéressement de toute espérance.
Il y en a de deux espèces, me répondis-je bientôt : l’une morte et l’autre vivante ; l’une qui disserte et ne conclut pas, l’autre qui conclut sans disserter ; l’une qui dit oui et non, l’autre qui dit : Je n’en sais rien, mais je consulte mon cœur ignorant, et j’affirme sur la parole muette de ma conscience. […] Est-ce la philosophie de Platon, qui rêve inutilement pour la vertu des idéalités à deux faces, l’une faite pour les anges, l’autre pour les démons ?
Au xixe siècle, l’École normale supérieure et l’École des Chartes n’ont certes pas imprimé à ceux qui ont traversé l’une ou l’autre la même direction intellectuelle. […] Il s’est formé en elle deux Frances qui se dressent menaçantes en face l’une de l’autre, deux nations différant de principes, de convictions politiques, de préférences littéraires, celle-ci tournée avec regret vers l’ancien régime, favorable aux prétentions de l’Eglise, admiratrice forcenée de Bossuet, du xviie siècle, de tout ce qui prêche la soumission aux puissances d’autrefois, celle-là répudiant le vieil idéal catholique et monarchique, proclamant que le xviiie siècle est « le grand siècle » et la Révolution le point de départ d’une ère nouvelle, appelant de tous ses vœux un état social où achèvent de disparaître les privilèges et les entraves du passé. […] Une lutte nécessaire s’établit entre deux forces, l’une intérieure qui tend à la maintenir dans ses opinions et ses habitudes, l’autre extérieure qui tend à la mettre en harmonie avec les changements opérés autour d’elle. […] Une transformation analogue s’est produite pour le prix de poésie, créé par Pellisson ; pendant un siècle environ, le sujet imposé fut la mise en relief de l’une des vertus du souverain ; mais il arriva que le nombre de ces vertus royales, si grand qu’il pût être, finit par s’épuiser, et, à partir de l’an 1753, le choix des sujets à traiter prit une variété qui n’est plus aujourd’hui emprisonnée dans aucune limite.
Par suite de l’une des propriétés de la langue de Flaubert, de n’employer par idée qu’une expression, un seul vocable représente chaque fonction grammaticale et s’unit aux autres selon ses rapports, sans appositions, sans membres de phrase intercalaires, sans ajouture même soudée par un qui ou une conjonction. […] Qu’elles se débattent, l’une entre une tourbe de niais et avide de trouver une âme assonante à la sienne, elle prostitue son corps et ses cris à de bas goujas et meurt abandonnée de tous par le fier refus de l’indulgence de celui qui la fit lafemme d’un imbécile ; que l’autre, plus intimement malheureuse, froissée sans cesse par le choquant contact d’un rustre, renonçant en un pudique et sage pressentiment, à l’amour probablement chétif d’un jeune homme « de toutes les faiblesses », insultée par les filles, haïe de son enfant, et finissant en une hautaine indulgence par faire à son mari l’aumône de soins délicats, — toutes deux mesurent l’amertume de la vie, hostile aux nobles, et paient la peine de n’être pas telles que ceux qui les coudoient. […] Dès qu’il parle de l’une d’elles, son style s’adoucit, chatoie et chante. […] Enfin certains passages de ses lettres indiquent à la fois l’une et l’autre de ces tendances, la conscience qu’eut Flaubert de leur coexistence, et la solution probable de cet antagonisme.
Il consiste à prendre, comme vous le voyez ici, un tube T de 1 centimètre à 1 centimètre et demi de diamètre, fermé à la lampe par l’une de ses extrémités B. […] Chez la chèvre et le mouton, au contraire, on peut assez facilement introduire par la veine jugulaire droite et le tronc artériel brachio-céphalique un thermomètre dans l’une et l’autre cavité du cœur. […] Il faut donc bien fixer les idées sur ces deux points pour apprécier la valeur des théories basées sur l’une ou sur l’autre des deux phases de la même fonction. […] Maintenant nous considérerons la moelle allongée comme formée de trois couches : l’une postérieure, une seconde moyenne, et une troisième antérieure. […] Nous ajoutons dans l’une de ces portions le réactif cupro-potassique, nous faisons chauffer.
La gloire de Bossuet est devenue l’une des religions de la France ; on la reconnaît, on la proclame, on s’honore soi-même en y apportant chaque jour un nouveau tribut, en lui trouvant de nouvelles raisons d’être et de s’accroître ; on ne la discute plus. […] Après avoir apostrophé en face l’hérétique Marcion (avec les paroles de Tertulliend) : « Tu ne t’éloignes pas tant de la vérité, Marcion… », entrant alors dans son sujet, il établit que cette miséricorde et cette justice subsistent l’une et l’autre, mais ne se doivent point séparer ; il va s’attacher à représenter dans un même discours le Sauveur miséricordieux et le Sauveur inexorable, le cœur attendri, puis le cœur irrité de Jésus : « Écoutez premièrement la voix douce et bénigne de cet Agneau sans tache, et après vous écouterez les terribles rugissements de ce Lion victorieux né de la tribu de Juda : c’est le sujet de cet entretien. » Dès cet exorde on sent un feu singulier, une imagination ingénieuse et exubérante, une érudition un peu subtile qui se prend dès l’abord à une hérésie bizarre ; selon le mot de Chateaubriand, on voit « l’écume au mors du jeune coursier ».
Deux grosses passions avaient en lui subjugué toutes les autresi : l’une était celle de s’instruire, et l’autre de se distinguer… Vicq d’Azyr avait gardé, même au milieu de ses succès académiques, un vif sentiment de ces premiers cours qu’il avait professés dans sa jeunesse et dans lesquels il s’était épanoui tout entier : « C’est un bel art, disait-il, que celui de l’enseignement. […] Haller se maria trois fois : Ces trois mariages, dit Vicq d’Azyr, se sont succédé rapidement, et les deux odes sur la mort de ses deux femmes, placées à la suite l’une de l’autre dans ses Poésies, offrent une contradiction apparente.
Au lieu de venir à l’une de ces grandes époques où le monde se rassoit, Ronsard tombait dans un temps où tout bouillonne, et où, pour ainsi dire, on entre dans la chaudière. […] Chapelain, ainsi pressé par Balzac, lui répond un peu longuement, mais très judicieusement, et cette lettre inédite, publiée ici pour la première fois, ne saurait désormais se séparer de la question même qui lui était faite et dont on se souvient encore : Vous me demandiez, lui écrit-il le 27 mai 16408, par l’une de vos précédentes, si l’épithète de grand, que j’avais donnée à Ronsard, était sérieux9 ou ironique, et vouliez mon sentiment exprès là-dessus.
Tantôt et souvent il avait ce que Buffon, parlant des animaux de proie, a appelé une âme de colère ; tantôt et non moins souvent il avait une douceur, une tendresse à ravir les petits enfants, une âme tout à fait charmante ; et il passait de l’une à l’autre en un instant. […] Et pourtant, ce même M. de Lamennais écrivait, quelques mois après, à l’une de ses pieuses amies en Italie : Vous allez entrer dans le printemps, plus hâtif qu’en France dans le pays que vous habitez ; j’espère qu’il aura sur votre santé une influence heureuse.
Qu’on le montre à jamais comme l’une des cimes de son austère pays, une de ces dents de rocher taillées en acier. […] À propos de ces conversions qu’on lui reprochait d’avoir favorisées, et dont l’une, celle de Mme Swetchine, est devenue littérairement un fait éclatant, il a de singulières paroles, et qui marquent bien l’esprit et l’accent d’aristocratie qu’il portait en tout.
Il a fallu assez de temps pour que l’œuvre fût appréciée à son prix par les modernes ; mais le bon Amyot avait certainement le sentiment et l’instinct de ce qu’elle valait, lorsqu’il choisir exprès pour l’une des premières traductions du grec qu’il comptait donner au public. […] Tout ce qu’il a dit à cet égard est juste : ce qu’il faut reconnaître en effet, c’est que ce sont deux œuvres parfaites, achevées, chacune dans son genre : Bernardin de Saint-Pierre, ce Grec d’imagination et de goût, s’est inspiré de l’une pour faire l’autre, et la faire un peu autrement ; il a vu, il a deviné au premier coup d’œil ce qu’il devait introduire de neuf dans la même donnée, pour inventer et réussir à la moderne ; non content de renouveler le paysage, il a renouvelé les âmes ; il les a montrées aussi naïves, aussi primitives, mais travaillées et comme perfectionnées à leur insu par l’air qu’elles ont respiré, par la nourriture qu’elles ont reçue des parents.