Elle jeta avec un geste de dégoût son vieux chapeau de soie noire sur un meuble ; elle découvrit de longs cheveux noirs roulés en bandeaux comme un diadème sur son front. […] Jéhu avait fait jeter par les fenêtres du palais de Samarie Jézabel, femme d’Achab et mère d’Athalie. […] Je me figure encor sa nourrice éperdue, Qui devant les bourreaux s’était jetée en vain, Et, faible, le tenait renversé sur son sein. […] Je suis, dit-on, un orphelin, Entre les bras de Dieu jeté dès ma naissance, Et qui de mes parents n’eus jamais connaissance. […] jetez des flammes.
« Si l’on ajoute à ces tortures de l’âme les tortures du corps de cette malheureuse famille, jetée, après une nuit d’insomnie, dans cette espèce de cachot ; l’air brûlant exhalé par une foule de trois ou quatre mille personnes, s’engouffrant dans la loge, et intercepté dans le couloir par la foule extérieure qui l’engorgeait ; la soif, l’étouffement, la sueur ruisselante, la tendresse réciproque des membres de cette famille multipliant dans chacun d’eux les souffrances de tous, on comprendra que cette journée eût dû assouvir à elle seule une vengeance accumulée par quatorze siècles. […] Cette fausse apparence jeta l’opinion dans la dictature et dans la voie des proscriptions en masse, proscriptions disproportionnées à la cause. […] On emporta les restes de Louis XVI dans un tombereau couvert au cimetière de la Madeleine, et on jeta de la chaux dans la fosse, pour que les ossements consumés de la victime de la Révolution ne devinssent pas un jour les reliques du royalisme. […] Il y eut du sang de Louis XVI dans tous les traités que les puissances de l’Europe passèrent entre elles pour incriminer et étouffer la république ; il y eut du sang de Louis XVI dans l’huile qui sacra Napoléon si peu de temps après les serments à la liberté ; il y eut du sang de Louis XVI dans l’enthousiasme monarchique qui raviva en France le retour des Bourbons à la restauration ; il y en eut même en 1830 dans la répulsion au nom de la république, qui jeta la nation indécise entre les bras d’une autre dynastie. […] La tête du roi jetée, comme on l’a tant dit, en défi à l’Europe, ne fut qu’un gage de guerre à mort entre les peuples et les partis.
L’émotion qu’il ressentit à cette heure de sa vie, ses propres paroles nous la révèlent : « Quand on commence à jeter les yeux sur les cartes géographiques, et à lire les descriptions des voyageurs, on éprouve pour certains pays, pour certains climats, une sorte de prédilection dont, arrivé à un âge mûr, on ne peut pas trop bien se rendre compte. […] Alors (il était huit heures) on sonna lentement la cloche des morts, les matelots se jetèrent à genoux pour dire une courte prière ; le cadavre de ce jeune homme, peu de jours auparavant si robuste, si plein de santé, allait recevoir, pendant la nuit, la bénédiction du culte catholique, pour être jeté à la mer, dès le lever du soleil. […] “Rien, disait-il, n’est comparable à l’impression de calme profond que produit la contemplation d’un ciel étoile dans ces solitudes.” — Là, quand, à l’approche de la nuit, il jetait les yeux sur la vallée qui bornait l’horizon, sur ce plateau couvert de gazon et doucement ondulé, il croyait voir la voûte étoilée du ciel supportée par la plaine de l’Océan. […] X Je n’ai jamais été lié d’amitié avec M. de Humboldt, mais je l’ai fréquemment rencontré dans le monde de Paris, à l’époque où j’y jetais moi-même un certain lustre.
M. de Lamartine a jeté dans ses admirables chants élégiaques toute cette haute métaphysique sans laquelle il n’y a plus de poésie forte ; et ce que l’âme a de plus tendre et de plus douloureux s’y trouve incessamment mêlé avec ce que la pensée a de plus libre et de plus élevé. […] Quelque fertile que soit son esprit, quelque ingénieuse que soit son érudition, quelque prodigieuse variété qu’il jette dans ses leçons, par la comparaison toujours neuve et utile de notre éloquence nationale avec les éloquences étrangères, il n’en est pas moins vrai que l’histoire et la philosophie le pressent de toutes parts, et qu’il lui faut à tout moment, pour développer ses propres forces, entrer dans le domaine de ses deux collègues ; ce qui est un désavantage pour tous les trois et un sujet d’hésitation pour l’auditoire. […] Il est temps de jeter un coup d’œil sur notre théâtre et d’examiner rapidement ce que nos grands maîtres en ont fait ; ce qu’on en fait aujourd’hui : ce qu’on peut en faire encore. […] Voltaire, après eux, jeta son drame pathétique et brûlant dans toutes les nations et dans tous les temps où n’était point parvenu le génie ses devanciers ; il fit comparaître sur la scène une grande partie des peuples modernes, et c’est en cela surtout qu’ils mérité le trône tragique où il est assis. […] Assez longtemps, on nous a donné les mêmes tragédies sous des noms différents, assez longtemps, les continuateurs, exagérant ce qu’il y avait de défectueux dans nos chefs-d’œuvre sans en reproduire les beautés, nous ont montré des personnages antiques habillés à la moderne, ou des modernes parlant un vieux langage ; la tragédie française, d’imitation en imitation, est arrivée, à fort peu d’exceptions près, à ne plus être qu’un moule banal où l’on jette des entrées et des sorties extrêmement bien motivées, sans s’occuper de faire agir et parler les personnages d’une manière neuve et attachante.
Quand un certain vent se remet à souffler, il suffit des moindres occasions ou des moindres prétextes pour jeter les plus honnêtes esprits, et les plus bourgeois, dans des irritations déraisonnables et disproportionnées dont profite aussitôt l’esprit de parti. […] « Quand je songe, écrivait-il à son ancien collègue, aux épreuves qu’une poignée d’aventuriers politiques ont fait subir à ce malheureux pays ; lorsque je pense qu’au sein de cette société riche et industrieuse on est parvenu à mettre, avec quelque apparence de probabilité, en doute l’existence même du droit de propriété ; quand je me rappelle ces choses, et que je me figure, comme cela est la vérité, l’espèce humaine composée en majorité d’âmes faibles, honnêtes et communes, je suis tenté d’excuser cette prodigieuse énervation morale dont nous sommes témoins, et de réserver toute mon irritation et tout mon mépris pour les intrigants et les fous qui ont jeté dans de telles extrémités notre pauvre pays. » C’était peut-être, il est vrai, pour consoler le chef de l’ancienne Opposition de gauche et le promoteur des fameux banquets qu’il écrivait de la sorte : quoi qu’il en soit, le philosophe est ici en défaut, et il paraît trop vite oublier ce qu’il a reconnu ailleurs, que ce ne sont pas les partis extrêmes qui ont renversé Louis-Philippe, mais que c’est la classe moyenne le jour où elle fit cause commune avec eux. […] Elle jette, de plus, une vive lumière sur l’époque qui l’a précédée et sur celle qui la suit ; c’est certainement un des actes de la Révolution française qui fait le mieux juger toute la pièce, et permet le plus de dire sur l’ensemble de celle-ci tout ce qu’on peut avoir à en dire. […] Il s’y définit et s’y peint lui-même admirablement dans une lettre à M. de Kergorlay : le portrait de son esprit y est fait par lui-même. — Je suis un curieux ; pourriez-vous me dire (s’il n’y a pas d’indiscrétion trop grande) quel est ce monsieur sans façon, un impérialiste évidemment, qui débarqué un matin au château de Tocqueville comme si de rien n’était, avec qui l’on se garde si fort de parler politique, et qui, huit heures durant, se jette à corps perdu dans la littérature, au point de citer quasi des vers de la Pucelle, devant Mme de Tocqueville ?
La Fronde précise ses espérances : il combat, il sert, il trompe la cour, les princes ; il tient le Parlement et le duc d’Orléans ; il négocie à Rome, il y jette cent mille écus ; le voilà cardinal ; c’est une nécessité pour un prêtre qui veut être ministre. […] Une enfance sans parents, un mariage sans tendresse, un mari qui la trompe, la ruine, et se fait tuer pour une autre, la laissant veuve en pleine jeunesse, en pleine beauté, avec deux enfants à élever ; ces enfants à peine élevés, les craintes pour le fils qui va à l’armée, le désespoir surtout de perdre la fille qui suit son mari à l’autre bout du royaume, et dès lors de longues séparations qui remplissent tous ses jours d’inquiétude, de brèves réunions où sa tendresse, irritée et froissée à tout instant, envie les tourments de l’absence ; la fortune qui s’en va, l’argent difficile à trouver, le dépouillement, lent et douloureux, pour payer les fredaines du fils, l’établir, le marier, mais surtout pour jeter incessamment dans le gouffre ouvert par l’orgueil des Grignan ; une petite-fille à élever, tant de veilles, de soins, d’appréhensions, pour voir la pauvre Marie Blanche, ses petites entrailles, disparaître à cinq ans dans un triste couvent ; la vieillesse, enfin, triste avec les rhumatismes et la gêne : telle est la vie de Mme de Sévigné359. […] Mais il est un coin de ce monde du xviie siècle, où nulle œuvre littéraire ne nous mène, et sur qui cependant nous ne saurions négliger de jeter un coup d’œil. […] François VI de la Rochefoucauld (1613-1689) se jeta dans les intrigues contre Richelieu, puis dans les deux Frondes, sous l’influence de Mme de Chevreuse, puis de Mme de Longueville.
Il écrit Sapho à leur adresse et jette son réquisitoire à la méditation de leurs vingt ans. […] Ses disciples pullulent et se jettent sur le vieux monde, les armes à la main. […] Il jette de la boue sur le commencement, sur la condition première de notre vie. » À merveille, et je comprendrais cela dans la bouche d’un énergumène décidé, coûte que coûte, à « vivre sa vie » et à suivre en dépit du gendarme et des lois, ses inclinations orageuses, mais que signifie cette protestation chez Nietzsche qui nous ramène à l’ascétisme et prescrit l’abstinence avec rigueur ? […] Vous m’invitez à mettre toutes voiles dehors, à me réaliser dans la plénitude de mes pires instincts, à me ruer envers et contre tous ; vous me jetez pour mot d’ordre : liberté entière et complète !
Il jetait pour premier mot le nom de régicide à la face de ses adversaires. […] Rien de plus opposé au génie politique, lequel, au contraire, cherche à tirer le meilleur parti des situations les plus compromises, et ne jette jamais, comme on dit, le manche après la cognée. […] M. de Chateaubriand ne différait plus désormais des écrivains du parti libéral que par quelques phrases de pure courtoisie royaliste jetées çà et là, par quelques restes de panache blanc agités à la rencontre, et par l’éclat éblouissant du talent. […] autant ces choses de la poésie sont délicieuses et adorables dans une âme restée vierge et doucement enivrée, autant elles révoltent quand elles ne viennent qu’à titre de mépris jeté à des intérêts après tout sérieux et sacrés, puisqu’ils sont ceux de la société même.
Je n’attends rien et j’espère cependant quelque chose d’impossible, un transport, je ne sais comment, loin des milieux où je vis, loin des journaux annonçant ou n’annonçant pas le passage du Tessin par les Autrichiens, loin de mon moi, contemporain, littéraire et parisien, un transport qui me jetterait dans une campagne couleur de rose, semblable à la Folie de Fragonard, gravée par Janinet, — et où la vie ne m’embêterait pas. […] * * * — Jeté sur le pavé Les Saint-Aubin : la première livraison d’un beau livre de biographies d’art sur le xviiie siècle que nous avons en tête. […] Les autres se jettent comme des étourneaux, et sans réflexion, dans une aventure. […] Les ouvreuses jettent les toiles sur les velours des balcons.
C’était l’heure où commençait à paraître l’Encyclopédie, où la congrégation des philosophes allait régner sans partage, et où le monde était jeté bien loin des études silencieuses. […] Et hier matin devant ma porte me jetas-tu ma sœur morte, puis t’enfuis à travers un vallon. […] Pour secourir les quatre dames, se levèrent aussitôt et Chiens et Loups, et autres bêtes, et ils leur jetèrent de l’eau au visage.
Tiècelin saisit l’occasion et en prend un pour se restaurer ; la vieille sort et lui jette des pierres. […] Tiècelin, le Corbeau, goûte la flatterie ; il ouvre la bouche et jette un cri ; mais, comme il ne tient pas le fromage dans le bec, il ne le laisse pas tomber du premier coup ; la fable serait trop tôt finie. […] Il y a là un reste de païen ou un commencement d’hérétique qui jette sur lui de la défaveur et qui montre que sa cause n’est pas pure.
De deux maux, il choisit le moindre ; il préfère encore le jeter du côté des Jésuites, car il sait bien qu’il ne peut se tenir et marcher seul. […] Deux soleils dans le monde nous jetteraient dans les ténèbres, en nous éblouissant : trop de savants nous rendraient ignorants. […] Rien peut-être ne contribua plus à le contenir et à le jeter dans la grande dévotion… » Je continue de courir le plus rapidement possible sur ces notes aiguës et perçantes comme sur un champ de blé dont les épis seraient des javelots.
Leonora, belle, éblouissante, avide de sensations, ardente dans ses fantaisies, froide de cœur, n’a pas de peine à enlever le jeune et fragile artiste : ce n’est rien de lui avoir jeté son bouquet sur la scène, et son mouchoir par mé-garde avec le bouquet, comme dans un vrai délire d’enthousiasme, il faut voir comme ensuite, dans la visite qu’il lui fait, elle le pique au jeu, lui bat froid, le mortifie, lui tient la dragée haute, le tourne et le retourne à plaisir, comme elle fait tout, en un mot, pour le chauffer, l’enflammer ; elle lui met au cœur un de ces amours furieux, dévorants, à la Musset, qui vous tuent sur place, ou qui vous laissent, pour le restant de vos jours, n’en valant guère mieux. […] Leonora est bien la superbe et la passionnée, qui va à son but, épuise son caprice, suce l’orange, jette l’écorce, brise et quitte à son gré : le fin et délicat auteur a trouvé, pour nous la rendre, des accents plus francs que de coutume, des cris énergiques et dont on dirait, s’ils étaient aussi bien de Musset, qu’ils sentent la morsure et la vengeance. […] C’est insensé : car d’abord Raoul n’a point là-dessus de parti pris absolu et irrévocable ; car, de plus, Sibylle, qui exerce un grand ascendant sur lui, doit espérer, Dieu aidant, de modifier son opinion et de l’amener à la sienne ; car, même chrétiennement parlant, il n’y a pas lieu, en pareil cas, de jeter le manche après la cognée, puisque saint Paul a écrit que « la femme fidèle justifierait le mari infidèle. » Aussi, à partir de ce moment, tout intérêt selon moi, cesse raisonnablement de s’attacher à Sibylle, qui se conduit en personne peu éclairée, en fille volontaire et opiniâtre, en fanatique fidèle à la lettre plus qu’à l’esprit, et, pour trancher le mot, comme une petite sotte.
Lefebvre, me paraît être un homme jeté dans un moule tout différent. […] Il est impossible d’allier plus d’esprit, plus de modestie et de cette urbanité qui jette sur la science un vernis si aimable. […] Thiers fut annoncée et vint, en quelque sorte, déboucher, défiler comme une grande armée, à dater de 1845, et pendant près de vingt ans occuper le devant de la scène, envahir et posséder l’attention publique : lui, l’historien diplomatique, qui avait puisé aux mêmes sources, qui en avait par endroits creusé plus avant quelques-unes, qui y avait réfléchi bien longtemps avant d’oser en tirer les inductions, les conséquences essentielles, mais qui, une fois les résultats obtenus, y tenait comme à un ensemble de vérités, il se trouvait du coup distancé, effacé, jeté de côté avec son noyau de forces.
On était en automne et par une embellie L’aurore se levait, frissonnante et pâlie ; Ses voiles teints de pourpre, échappés à ses doigts, Balançaient vaguement, comme une large écume, Les coteaux d’orient endormis dans la brume, Et jetaient cent lueurs aux tuiles des vieux toits. […] Comme son Bourgoin « qui a renoncé à faire un chef-d’œuvre », il jette au vent d’heureux dons, de l’imagination, de la fantaisie, de l’esprit sans jargon, de la malice souvent fort leste, mais sans fiel : il y joint du sens, un fonds de raison, un avis à lui et bien ferme. […] On voudrait repêcher et rassembler toutes ces perles jetées au courant de chaque jour et qui vont je ne sais où.
Les turbulents avaient jeté des pétards dans l’église : lui, il avait semé de ses vers dans la ville. […] De l’Ohio jusqu’à nous, des Natchez à Solime, Partout, sur les débris où ton astre sublime A jeté ses rayons, J’ai rêvé, médité, pleuré de douces larmes ! […] Jeté à vingt ans, seul, sans appui et sans guide, dans la société la plus remuante, la plus passionnée et la plus corrompue de l’Europe, j’ai partagé ses égarements ; mes yeux se sont éblouis à ses fausses lumières, et mon cœur s’est laissé séduire à ses sophismes religieux.
Les macérations, les austérités furent promptement adoptées par une nation que la satiété même des voluptés jetait dans l’exagération des observances religieuses. […] Quelques hommes peuvent se livrer par goût à l’étude des idées abstraites ; mais le grand nombre n’y est jamais jeté que par un intérêt de parti. […] On était lassé de cet absurde préjugé militaire qui voulait dégrader la littérature ; on se jeta dans l’extrême opposé.
Marcel le prend et le jette à terre : « Est-ce ainsi, Mademoiselle, que je vous ai enseigné à présenter quelque chose ? […] La Dauphine se jette à bas de son carrosse pour secourir un postillon blessé, un paysan que le cerf a renversé. […] À la mort du premier Dauphin313, pendant que les gens de la chambre se jettent au-devant du roi pour l’empêcher d’entrer, la reine se précipite à genoux contre ses genoux, et lui crie en pleurant : « Ah !