Il n’y a que deux tempéraments intellectuels, deux sortes d’esprits dans le monde.
Dans L’Affaire Clémenceau, il y a tout un côté Girardin qui touchera probablement jusqu’aux larmes l’homme avec qui Alexandre Dumas fils s’est brouillé, pour cause de paternité partagée… et qui le ramènera peut-être à Alexandre Dumas fils, en vertu d’un attendrissement intellectuel et généreux !
Bohèmes, malgré tout, cependant, ces derniers, malgré leur attitude de Staters et d’olympiens, leur importance, leur influence, leur situation dans tous les mondes, officiels ou non officiels, leurs chaires quand ils sont professeurs, leurs bibliothèques quand ils sont bibliothécaires, leurs palmes d’académiciens quand ils sont de l’Académie : — le signe essentiel, caractéristique, du bohème, n’étant pas de n’avoir point d’habit, mais de n’avoir point de principes, de manquer de l’asile sacré d’une morale fixe autour de la tête et du cœur, de vagabonder dans ses écrits à tout vent de doctrine, et, comme déjà nous l’avons dit, de vivre, enfant de la balle politique ou littéraire venu ou trouvé sous le chou de la circonstance, sans feu ni lieu intellectuel, — c’est-à-dire sans une religion ou sans une philosophie.
Ne lui ôtez pas l’histoire, qui est son plus bel amusement intellectuel. […] Il lui a fallu, pour se développer, une époque d’absolue liberté intellectuelle. […] L’examen des tendances de la jeunesse intellectuelle nous entraînerait beaucoup trop loin. […] Elle suppose un affinement intellectuel que de longs siècles d’art ont pu seuls produire. […] C’est aussi un esprit méditatif, habile aux spéculations intellectuelles.
C’est l’avenir intellectuel de la France qui est en question. […] Il a fait un ample recueil et une riche collection de nos misères intellectuelles et morales. […] Paul Bourget, les sensations mêmes sont intellectuelles. […] À un certain degré de perfection intellectuelle, on ne vit plus que par curiosité. […] Le Christ de M. de Wyzewa nous apporte de Russie le plus complet nihilisme intellectuel.
On ne peut la comparer qu’à une autre grande époque intellectuelle : celle de la splendeur de la philosophie scolastique. […] Il n’y a pas de restauration de ce genre dans le domaine intellectuel. […] Ce genre favori de notre siècle se substitue aux autres, adopte toutes les formes, se plie à tous les besoins intellectuels, justifie son titre d’épopée moderne. […] De si graves exercices intellectuels, unis à son culte ardent de la forme et à sa sagacité d’observateur implacable, firent de lui un artiste consommé, un classique moderne. […] Qui ne se croit affranchi de l’influence, non seulement des autres écrivains, mais même de l’atmosphère intellectuelle que l’on respire ?
Il a pris de multiples initiatives pour lutter contre les faux dieux du jour ; et il a voulu, notamment, que Bryn Mawr College pût affirmer son caractère de haute culture, en ajoutant à ses cours un enseignement qui ne correspondît à aucun programme et qui ne servît à rien — à rien qu’à faire réfléchir, qu’à provoquer des curiosités intellectuelles, qu’à ouvrir des horizons nouveaux. […] Aucun de ceux qui travaillent à resserrer les relations intellectuelles entre les États-Unis et la France n’ignore la double contribution qu’elle apporte à cette grande tâche : celle de son intelligence et celle de son cœur. […] Mais pour son compte, Baudelaire ne voulait pas se détacher du seul sujet qui importât ; et laissant les autres à ce qu’il estimait n’être que des activités de surface, demandant à la poésie les révélations, les illuminations que les facultés intellectuelles sont impuissantes à nous donner, il descendait vers les abîmes intérieurs où personne, pas même Dante, ne l’avait précédé. […] Le soleil noir de Nerval est une bien pauvre audace, à côté de la Nuit de Novalis ; les troubles de Baudelaire sont lucides ; Rimbaud n’est resté qu’une saison dans son enfer ; les poésies de Mallarmé sont encore de grands jeux d’intellectuel ; les surréalistes ont passé sans laisser derrière eux une œuvre de beauté. […] * * * Ne pourrait-on dire que le lyrisme romantique français occupe une place moyenne entre le lyrisme d’inspiration populaire, d’une part, et le lyrisme hautement intellectuel, d’autre part, qu’on a vu tous les deux se produire à l’étranger ?
Ensuite seulement, on arriverait aux explications intellectuelles, parmi lesquelles le tabou semble, en effet, tenir une grande place. […] Il ne faut, pour y adhérer, nul effort intellectuel. […] Soyons certains que Léopardi a tiré de son ennui de rares satisfactions intellectuelles. […] C’est bon signe pour notre santé intellectuelle que l’on remette Helvétius à la mode. […] Voir, sur l’invention du feu : Une loi de constance intellectuelle, dans Promenades philosophiques, IIe série.
Oui, Monsieur, pour cette jeunesse lâche et sans initiative, déshabituée du travail substantiel des bibliothèques, vous êtes la seule nourriture intellectuelle prise assidûment. […] Pour eux, tout se réduit à une question de bonne compagnie intellectuelle. […] Poser une question, c’est amasser autour d’un même point les efforts intellectuels, centraliser l’étude publique ; c’est provoquer, rapprocher l’avenir ! […] Plus d’associations intellectuelles. […] Et cette influence de la littérature, elle est d’autant plus vive et facile que l’éveil intellectuel du peuple est plus récent, que ce peuple lui est livré sans défense.
IV Des analyses précédentes ; et des définitions de l’origine et de la nature de ces trois arts spéciaux de la peinture, de la littérature et de la musique ; et de ce que la peinture est l’art des visions par l’instrument des lignes et des couleurs, la littérature l’art des idées abstraites par l’instrument des mots, la musique par l’instrument des sons l’art des sentimalités, c’est-à-dire des émotions si multiples et confuses qu’elles ne s’expriment ni en lignes ni en mots ; et de ce que le premier de ces arts est l’agent des sensations tactiles, le second des sensations intellectuelles, le troisième des passionnelles ; de cela semblerait résulter, contrairement à la théorie citérieure, la nécessaire union de ces arts afin de susciter en l’âme les sensations d’une vie complète ; si, dès le début, le développement de chaque art n’avait suivi cette loi essentielle : la majoration, en chaque artiste, des sensations de l’ordre de son art, et la diminution des autresac. […] Gœtterdæmmerung écrite en la pleine tempête de l’édification du théâtre de Bayreuth, est l’essor d’un génie las de compromis, las de mauvaises luttes, las de se contrarier, las des obstacles, las d’être autre chose que le pur musicien qu’il devait être, et las par les matérielles batailles presque autant que par les intellectuelles ; c’est l’essor d’une âme qui se libère au dehors des contingences vers l’absolu natal de son art. […] Il sentait en l’âme de l’univers, sous les milliers des cris humains, la féroce aspiration à l’idéal ; et avec des hurlements intellectuels il vivait l’universelle aspiration.
Dimanche 28 février C’est curieux, ces pures mondaines, ces femmes ayant de l’esprit, ayant surtout du montant, quand on vit quelque temps avec elles, on les sent tout à fait creuses et vides, et ne pouvant vous tenir une compagnie intellectuelle. […] Une sorte d’ivresse intellectuelle, hachichée, dit Rollinat, qui empêchait tout travail, le mettant tout entier dans la dépense orgiaque de la conversation, en ce logis, où se disait qu’on causait, comme en nul autre endroit de Paris. […] Mercredi 21 avril Un tableau donne-t-il jamais à un être organisé pour apprécier la peinture, une sensation intellectuelle, spirituelle, jamais !
Si l’on prend le mot humour dans son sens étymologique, véritable et le plus étendu, on trouvera qu’il exprime, chez un écrivain, un penchant prononcé à s’affecter, à s’émouvoir, à éprouver quelque humeur à propos de n’importe quel acte de l’entendement et de façon à réduire ainsi le jeu et l’importance des opérations plus particulièrement intellectuelles. […] Dickens avait essentiellement une nature affective, sentimentale, émotionnelle, c’est-à-dire que chez lui, plus qu’en d’autres, les impressions que ses sens recevaient du monde intérieur, les images générales, les idées qu’il s’en formait, étaient toutes accompagnées de vives sensations d’agrément ou de peine, qu’ainsi elles se transformaient presque immédiatement en sentiments, en émotions, et que celles-ci enfin, étant non pas de source intellectuelle, comme par exemple l’exaltation d’un géomètre à la vue d’une belle démonstration, mais de source sentimentale, étaient presque purement bornées à l’affection et à l’aversion simples. […] Les sentiments que Dickens a exprimés dans ses livres ne comprennent pas de sentiments intellectuels, de sentiments systématisés ; il ne s’est pas enthousiasmé pour quelque conception définie, pour la science par exemple, pour la grandeur de la passion, pour le progrès, pour la haine de la civilisation.
L’Allemagne peut se soumettre dans l’ordre extérieur et politique mais elle ne peut obéir qu’à son propre génie dans l’ordre intellectuel et moral ; elle réclama quelque liberté de détail sur un point de médiocre importance : elle ne fut pas entendue ; elle résista donc, et l’énergie de la résistance appelant la violence de la répression, et celle-ci redoublant celle-là, ainsi éclata et se répandit cette réformation religieuse et politique qui brisa l’unité de l’Europe et arracha le sceptre de l’Allemagne à la maison d’Autriche et à la cour de Rome. […] Dans ces derniers temps une certaine physiologie intellectuelle introduite par Locke semblait avoir tout pacifié et tout ramené à une seule autorité, celle de l’expérience ; mais on s’est aperçu que cette prétendue expérience était elle-même remplie d’hypothèses, et que la nouvelle autorité n’était rien moins qu’un dogmatisme tout aussi tyrannique que ceux dont on avait voulu délivrer la science. […] On ne peut pas se prononcer plus nettement. « Nul doute, dit-il, que toutes nos connaissances ne commencent avec l’expérience ; car par quoi la faculté de connaître serait-elle sollicitée à s’exercer, si ce n’est par les objets qui frappent nos sens, et qui d’une part produisent en nous des représentations d’eux-mêmes, et de l’autre mettent en mouvement notre activité intellectuelle et l’excitent à comparer ces objets, à les unir ou à les séparer, et à mettre en œuvre la matière grossière des impressions sensibles pour en composer cette connaissance des objets que nous appelons expérience ?
Dans la source divine demeure encore ce qui en est sorti, la sagesse du Père, la splendeur de la beauté suprême ; mais à toi qu’il enfante le Père a donné d’enfanter : tu es du Père même la puissance génératrice et cachée ; car il t’a donné pour créateur au monde, en te chargeant de tirer des types intellectuels les formes des corps : c’est toi qui diriges le cercle intelligent des deux, toi qui es le pasteur du troupeau des astres ! […] « Mais toi, élevant tes ailes, tu as franchi les voûtes bleues du ciel, et tu t’es arrêté dans le milieu le plus limpide des sphères intellectuelles, à l’origine du bien suprême, là où le ciel est silencieux, où n’existent plus ni le temps inépuisable, infatigable, attirant dans son cours tout ce qui vient de la terre, ni les maux sortis du vaste sein de la matière, mais seulement l’éternité exempte de vieillesse, ou plutôt jeune et vieille à la fois, distribuant aux êtres divins leur part du bienheureux séjour. » Le pontife chrétien, le défenseur, le père du peuple de Ptolémaïs, est ici redevenu le disciple enthousiaste de Platon. […] calmez en moi cette impétueuse ardeur ; enivrez-moi des leçons intellectuelles des sages, et que la voix des hommes superstitieux ne me détourne pas de cette route divine et salutaire !
Mme Brun, d’ailleurs, délicate de santé et fuyant l’âpreté du Nord, venait elle-même à Genève, où elle engagea Bonstetten, encore incertain du lieu où il se fixerait, à se rendre pour une saison ; ce séjour, devenu résidence, qui décida de la suite de sa vie intellectuelle, dura trente ans. […] Sa réputation eût fort gagné à une telle œuvre, et s’y fût assise dès l’abord ; car ce qui manque surtout à Bonstetten dans cette longue vie intellectuelle répandue sur tant de surfaces diverses, c’est un ensemble, c’est un centre ; il n’a pas de quartier général où l’on se rallie.
Elle réunit et ceux d’entre vous, Messieurs, qui, animés d’une certaine flamme, dont se préservent malaisément les esprits qu’a une fois touchés le génie des lettres, ne se contentent pas de vouloir le bien, et qui aspirent au mieux ; qui sans doute auraient tenu à réaliser d’un coup leur idéal de propriété intellectuelle, qui continuent d’y croire et de le contempler dans le lointain, mais qui en même temps ne sont pas assez excessifs pour dire : Tout ou rien, pour renoncer à ce qui est offert, à ce qui est possible, pour ne pas s’en tenir satisfaits d’ici à un assez long temps. […] Quoi de plus touchant (et, en parlant ainsi, j’ai présentes à l’esprit des images vivantes) que de voir dans un intérieur simple, modeste, ce travail intellectuel de l’homme, ce recueillement et ce silence de la pensée respecté, compris par la femme qui quelquefois même, dans un coin du cabinet et l’aiguille à la main, y assiste !
Cette opinion chez eux, non pas de pur instinct et de passion comme chez plusieurs, mais très-raisonnée, très-suivie76 et beaucoup plus arrêtée que chez leurs jeunes amis libéraux du monde, donna du premier jour à leur attaque toute sa portée et imprima à l’ensemble de leur direction intellectuelle une singulière précision. […] La figure intellectuelle de Sieyès paraît avoir eu de tout temps un attrait singulier pour la pensée de M.Mignet, et nul certainement plus que lui n’aura contribué à faire apprécier des générations héritières et de l’avenir les quelques idées immortelles de ce génie solitaire et taciturne.
C’est le tour d’esprit, ce sont les procédés intellectuels et les habitudes de raisonnement qui produisent aussi la Divine Comédie : il n’y manque que l’âme et l’art de Dante. […] La part des clercs et de l’esprit clérical dans la littérature française devient de plus en plus grande, à mesure que la bourgeoisie prend de l’importance, réfléchit, s’éclaire, à mesure aussi que les écoles, et l’Université de Paris surtout, définitivement organisée au commencement du xiiie siècle, jettent dans le monde et comme sur le pavé une foule de clercs qui ne sont plus ou sont à peine d’Église : ces clercs sans mission ni fonction répandront hors des écoles et des couvents, hors de la langue latine aussi, les idées, les connaissances, les habitudes intellectuelles, les procédés logiques du monde qui les a formés.