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206. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Peut-être ne lui a-t-il manqué que l’Instinct pour dominer ce siècle entre Hugo et Verlaine ? […] Et c’est un spectacle suffisamment baroque, de voir des gens d’instincts grossiers, se parer d’une fine attitude et affecter des coquetteries de pensée. […] Peut-être ne satisfait-il pas totalement nos instincts de latin, mais qu’importe ? […] Zola qui, pourtant, cessa de se contempler pour regarder autour de soi, a laissé parler et agir ses héros selon leurs conditions et leurs instincts. […] Car l’ignorance de son tempérament fut le signe distinctif de sa personne où s’alliaient, sans la moindre méthode, l’inconscience et l’instinct.

207. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Miłosz, Oskar Wladisław de Lubicz (1877-1939) »

………………………………………………………………… Et nous qui connaissons la certitude unique, Salomé, des instincts, nous te donnons nos cœurs aux battements plus forts que, les soirs de panique, l’appel désespéré des airains de douleur, et nous voulons qu’au vent soulevé par ta robe, et par ta chevelure éclaboussée de fleurs              se déchire enfin la fumée              de l’Idéal et des Labeurs.

208. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Parfois, en effet, ils nous font songer « aux dessous répugnants et affreux, à cette insanité du meurtre, à cette exaltation de la force et des instincts sauvages, à toute la basse animalité lâchée ». […] vains mots qui n’existiez pas il y a deux mille ans et qui, dans deux mille ans ; ne serez plus que des noms historiques : les vents de folie qui soulèvent ici ou là votre poussière d’une heure ne peuvent faire douter du soleil moral que ceux qui sont esclaves de leur temps et des mouvements de foule ou eux chez qui les persistants instincts de la brute triomphent de l’homme à peine commencé.

209. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Louis XIV. Quinze ans de règne »

Il en a l’instinct. […] Confusion et déplacement funestes, qui doivent troubler la limpidité du courant historique pour des siècles, car, si les hommes se trompent sur la nature des fautes qui ont produit les abaissements ou les calamités d’une époque, ils ne se trompent pas dans cet instinct qu’ils ont gardé depuis la Chute et qui leur fait mettre toujours des fautes partout où il y a du malheur !

210. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

L’établissement de la Paix ou Trêve de Dieu, imposée à coups de conciles, de décisions, d’excommunications civilisatrices, à des hommes que cette paix contrariait dans leurs passions et dans leurs instincts, lui paraît la victoire définitive de l’Église sur la Barbarie et la guerre. […] Malgré des instincts charmants et bons, malgré une délicieuse limpidité de conscience, l’auteur de la Paix de Dieu est un enfant du xixe  siècle.

211. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Ch. Bataille et M. E. Rasetti » pp. 281-294

Il n’y a que des instincts, des fièvres, des fureurs utérines, des hystéries, en somme, des animalités ! […] … Je voudrais bien savoir ce qu’est le devoir pour un homme qui ne croit qu’à la vie, à la génération des êtres, à la reproduction et aux instincts !

212. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Il n’y a pas encore de mots pour les nuances, ce qui paraît moins tenir à la simplicité relative des esprits en ce temps-là, qu’à une répugnance d’instinct pour tout ce qui n’est pas l’expression précise et générale, soit d’un fait, soit d’un sentiment. […] Quoique chargé à diverses reprises de messages délicats auprès de personnages qui n’avaient pas tous la loyauté chevaleresque, il ne paraît pas que sa pénétration allât au-delà de cet instinct des âges héroïques, où tout se fait de premier mouvement plutôt que par calcul, et où l’on n’a pas à deviner des passions qui se trahissent. […] Combien ces questions du roi sur Dieu ces leçons de morale qu’il donne au chevalier, lequel avouait naïvement qu’il aimait mieux se mettre trente fois en péché mortel que d’avoir la lèpre ; ces disputes avec le fondateur de la Sorbonne, en présence de Louis IX, qui jugeait entre son sénéchal et son chapelain ; combien ces entretiens sévères ou capricieux du roi avec Joinville ne donnent-ils pas plus à penser que les aventures héroïques de l’époque de Villehardouin, époque toute d’action, où il est si rare de trouver la trace d’un retour de l’homme sur lui-même, et où la pensée ne paraît être qu’un instinct perfectionné ! […] Cet aveu si naïf sur la paix, qui ne lui donne rien à faire, n’est ni une marque d’indifférence cruelle, ni la preuve que Froissart, par un instinct supérieur, aimait mieux la guerre, qui faisait les affaires de l’unité française, que la paix, qui eût perpétué la féodalité. […] Le premier jugement porté sur leurs écrits si admirés de leur vivant leur a été mortel et cette incertitude de leurs idées et de leur langue, cette invention grossière et excessive dans les mots, qui paraît bien plus venir de la mémoire échauffée par l’érudition que d’un instinct sur et profond des analogies des deux langues, leur ont été comptées comme des fautes que ne rachètent pas leurs bonnes intentions.

213. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Que lui apprenait la philosophie de Descartes sur les vérités métaphysiques, qu’il ne put connaître plus sûrement par son seul instinct ? […] Comptez, au contraire, ceux qui, ayant à lutter contre les difficultés de la vie, mal partagés du côté des biens réels ou d’opinion, pauvres, souffrants, trouveraient de quoi se consoler dans une croyance philosophique, fruit du raisonnement, et que le raisonnement aurait bientôt ruinée, si l’instinct ne lui venait en aide ! […] Il a voulu faire, d’un instinct naturel à tous les hommes, une science ; d’une croyance universelle, une théorie : entreprise sublime ! Mais cet instinct et cette croyance ne seront-ils pas toujours de meilleurs gardiens des vérités qu’ils nous révèlent que la science et la théorie cartésiennes ? […] Comment donc s’étonner qu’après avoir demandé l’explication de ce mystère à deux ordres de vérités, dont l’un est à peine aussi sûr que l’instinct populaire, et dont l’autre offre de répondre à tout, il se soit attaché au dernier ?

214. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVII » pp. 186-187

En France on a senti cela d’instinct ; tout ce qu’il y a eu de généreux, de sain et d’intègre s’est du premier jour révolté contre eux ; et comme Ordre, je ne sais qu’un éloge qu’on pourrait leur donner avec vérité : il faut les louer de toutes les vertus qu’ils ont suscitées et fomentées contre eux par leur présence. » Il nous semble qu’un tel jugement est acquis à l’histoire et subsistera, nonobstant tout ce que pourra réclamer d’adoucissements particuliers et d’égards l’apologie sincère écrite par un individu vertueux.

215. (1900) Molière pp. -283

Or l’exactitude et la justesse sont la passion, l’instinct, le besoin de Molière : il est juste et exact avant tout, surtout dans le langage qu’il prête aux personnages qu’il crée. […] Il a pris de la nature féminine uniquement les instincts aussi rapprochés de la nature brute que cela se peut dans un état de société civilisée et avancée. La crédulité, la vanité, même la vanité méchante, l’instinct du mal, voilà surtout de quoi il nous les montre pétries. […] Laissons Angélique et Dorimène toutes deux très rapprochées de la nature instinctive ; elles ne sont qu’instinct. […] À peine sont-elles en état de bégayer, qu’elles sont en ce genre de ruse passées maîtresses ; moins même elles sont façonnées, moins elles sont élevées, moins elles sont expérimentées, plus elles sont jeunes, plus rusées elles se montrent, justement parce qu’elles sont les femmes les plus voisines de l’instinct, les plus abandonnées à l’instinct qu’on ait jamais mises sur aucun théâtre.

216. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tellier, Jules (1863-1889) »

Paul Guigou Malgré deux ou trois morceaux de premier ordre, des morceaux tels qu’ils sacrent un poète, malgré de rares qualités d’expression et un instinct délicat du rythme, je dis sans hésitation que Tellier a été moins poète dans ses vers que dans sa prose.

217. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Valéry, Paul (1871-1945) »

Paul Valéry, en effet, s’adonne depuis quelques années à des recherches extra-littéraires et qu’il est malaisé de définir, car elles semblent se fonder sur une confusion préméditée des méthodes des sciences exactes et des instincts artistiques.

218. (1894) Propos de littérature « Introduction » pp. 9-10

L’un deux l’emporte par le talent, l’autre par l’instinct poétique ; chez celui-ci des images plus nouvelles, plus d’inattendu une plus riche variété de rythmes et de gestes ; chez celui-là un sens plus pur de l’attitude, une rigueur plus grande dans l’expression, un style plus noble et plus voisin de la perfection.

219. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

et comme Chateaubriand est grand artiste encore en ce qu’il a l’instinct des grands sujets !) […] L’instinct de la race persiste là, éternel. […] Mais l’instinct l’emporte. […] C’est plaisir de voir comme un Voltaire a l’instinct de son côté faible, se garde, le plus souvent, de toute attitude, de tout oubli qui prêterait à la dérision. […] Il en a eu l’instinct et l’amour en sa qualité de grand peintre décorateur ; il en a connu tous les procédés, dont quelques-uns même ont été renouvelés par le tour particulier de son imagination.

220. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Il était grand et mince comme ceux qui ne tiennent au sol que par l’extrémité inférieure, les pieds, et qui semblent prêts à s’élever dans l’atmosphère ; il ne lui manquait de l’esprit pur que les ailes ; sa tête oblongue avait l’organe du spiritualisme pieux, une proéminence visible au sommet du crâne, cette coupole intérieure où les spiritualistes contemplent et adorent d’instinct la divinité de leur pensée. […] Mais je ne veux être qu’amateur, dilettante, selon le mot des Italiens : c’est le meilleur rôle dans tous les arts, et même dans toutes les carrières de la vie civile ; on goûte, on jouit, on juge, on s’essaye, et on ne se compromet pas ; on a, en un mot, des admirateurs, et on n’a point d’ennemis. » III C’est à ce double sentiment d’instinct de la gloire et de peur du bruit dans ces hommes délicats et exquis, appelés amateurs ou dilettanti, qu’on doit ces petits volumes diminutifs du génie, sourdines de la gloire, qui se publient de temps en temps à un si petit nombre de pages et à un si petit nombre d’exemplaires qu’on ne les affiche pas sur les étalages de libraires, mais qu’on les glisse seulement de la main à la main entre quelques amis discrets, comme une confidence du talent échappée à l’imprudence du poète. […] Pasquier, alors ministre, n’avait pas peur de la poésie ni de l’éloquence, à supposer que je vinsse à développer un peu de ces avantages dans la diplomatie ; mais j’avais dès lors, comme par instinct, la conviction du danger qu’il y a en France pour un homme à développer plus d’une faculté à la fois. […] L’avez-vous entendu à son réveil, ou plutôt dans son rêve d’oiseau, avant d’être tout à fait réveillé, essayer son instinct musical dans de courtes notes à demi-voix, si imperceptibles à l’oreille qu’il faut se pencher vers son nid pour les entendre ?

221. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Par son tempérament, par ses instincts, par ses facultés, par son imagination, par ses passions, par sa morale, il semble fondu dans un moule à part, composé d’un autre métal que ses contemporains. […] La force, qui chez lui coordonne, dirige et maîtrise des passions si vives, c’est un instinct d’une profondeur et d’une âpreté extraordinaires, l’instinct de se faire centre et de rapporter tout à soi, un égoïsme prodigieusement actif et envahissant, développé par les leçons que lui donnent la vie sociale en Corse, puis l’anarchie française pendant la Révolution. […] La gloire militaire ne l’éblouit pas : car, partout ailleurs que dans la guerre défensive, elle n’est que la gloire d’opprimer et de dépouiller les autres, et ce qu’elle satisfait chez le vainqueur, ce sont les instincts les plus cupides et le plus brutal orgueil.

222. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Notre art de penser, notre manière de sentir, de goûter la vie, d’imaginer l’amour, voilà nos trésors les plus chers. » C’est la singularité d’Hugues Rebell, que ce contempteur de la morale religieuse et sociale fut un moraliste à rebours, réclamant la liberté des instincts et rêvant d’hommes capables de produire des œuvres viriles. […] Dans la Littérature anglaise, ici l’éloge de la force et des instincts, là, de la contrainte et du sacrifice. […] Personne, et les saints non plus que les ascètes, ne s’impose de contrainte ; on suit son génie, son instinct. […] Ils se sentent emportés dans un mouvement irrésistible ; tout leur effort est d’aller à droite ou bien d’aller à gauche, et ils le donnent d’instinct.

223. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Mais la mère s’efforce d’éteindre ses nobles instincts, comme une ménagère économe souffle, de ses froides lèvres, des flambeaux trop coûteux. […] Elle n’a ni les instincts ni les finesses de leur race. […] Aucune passion, nul entraînement, peu de sens ; rien que l’instinct presque animal d’étaler son plumage et de faire la roue.

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