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293. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Le sultan professait pour lui une admiration passionnée, et se plaisait à dire qu’il avait souvent entendu ces mêmes histoires, mais que la poésie de Ferdousi les rendait comme neuves, et qu’elle inspirait aux auditeurs de l’éloquence, de la bravoure et de la pitié. […] La pensée de Voltaire est toute philosophique et humaine ; il veut inspirer l’horreur des guerres civiles. […] Malgré la colère que ce récit inspire involontairement contre Roustem, le poète n’accuse personne : Le souffle de la mort, dit-il, est comme un feu dévorant : il n’épargne ni la jeunesse ni la vieillesse.

294. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Le premier livre des Confessions n’est pas le plus remarquable, mais Rousseau s’y trouve déjà renfermé tout entier, avec son orgueil, ses vices en germe, ses humeurs bizarres et grotesques, ses bassesses et ses saletés (on voit que je marque tout) ; avec sa fierté aussi et ce ressort d’indépendance et de fermeté qui le relève ; avec son enfance heureuse et saine, son adolescence souffrante et martyrisée, et ce qu’elle lui inspirera plus tard (on le pressent) d’apostrophes à la société et de représailles vengeresses ; avec son sentiment attendri du bonheur domestique et de famille qu’il goûta si peu, et encore avec les premières bouffées de printemps et ces premières haleines, signal du réveil naturel qui éclatera dans la littérature du xixe  siècle. […] « Rousseau avait l’esprit voluptueux. » a dit un bon critique ; les femmes jouent chez lui un grand rôle ; absentes ou présentes, elles et leurs charmes, elles l’occupentc, l’inspirent et l’attendrissent, et il se mêle quelque chose d’elles à tout ce qu’il écrit : Comment, dit-il de Mme de Warens, en approchant pour la première fois d’une femme aimable, polie, éblouissante, d’une dame d’un état supérieur au mien, dont je n’avais jamais abordé la pareille…, comment me trouvai-je à l’instant aussi libre, aussi à mon aise que si j’eusse été parfaitement sûr de lui plaire ? […] Il aura sans doute de délicieux moments alors et depuis jusqu’à la fin ; il retrouvera dans l’île de Saint-Pierre, au milieu du lac de Bienne, un intervalle de calme et d’oubli qui lui inspirera quelques-unes de ses plus belles pages, cette cinquième promenade des Rêveries, qui, avec la troisième lettre à M. de Malesherbes, ne saurait se séparer des plus divins passages des Confessions.

295. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Avec le tems, par une marche lente et pusillanime, par un long et pénible tâtonnement, par une notion sourde, secrette, d’analogie, acquise par une infinité d’observations successives dont la mémoire s’éteint et dont l’effet reste, la réforme s’est étendue à de moindres parties, de celles-cy à de moindres encore, et de ces dernières aux plus petites, à l’ongle, à la paupière, aux cils, aux cheveux, effaçant sans relâche et avec une circonspection étonante les altérations et difformités de nature viciée, ou dans son origine, ou par les nécessités de sa condition, s’éloignant sans cesse du portrait, de la ligne fausse, pour s’élever au vrai modèle idéal de la beauté, à la ligne vraie ; ligne vraie, modèle idéal de beauté qui n’exista nulle part que dans la tête des Agasias, des Raphaëls, des poussins, des Pugets, des Pigals, des Falconnets ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie dont les artistes subalternes ne puisent que des notions incorrectes, plus ou moins approchées que dans l’antique ou dans leurs ouvrages ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie que ces grands maîtres ne peuvent inspirer à leurs élèves aussi rigoureusement qu’ils la conçoivent ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie au-dessus de laquelle ils peuvent s’élancer en se jouant, pour produire le chimérique, le sphinx, le centaure, l’hippogriphe, le faune, et toutes les natures mêlées ; au-dessous de laquelle ils peuvent descendre pour produire les différents portraits de la vie, la charge, le monstre, le grotesque, selon la dose de mensonge qu’exige leur composition et l’effet qu’ils ont à produire, en sorte que c’est presque une question vuide de sens que de chercher jusqu’où il faut se tenir approché ou éloigné du modèle idéal de la beauté, de la ligne vraie ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie non traditionelle qui s’évanouit presque avec l’homme de génie, qui forme pendant un tems l’esprit, le caractère, le goût des ouvrages d’un peuple, d’un siècle, d’une école ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie dont l’homme de génie aura la notion la plus correcte selon le climat, le gouvernement, les loix, les circonstances qui l’auront vu naître ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie qui se corrompt, qui se perd et qui ne se retrouveroit peut-être parfaitement chez un peuple que par le retour à l’état de Barbarie ; car c’est la seule condition où les hommes convaincus de leur ignorance puissent se résoudre à la lenteur du tâtonnement ; les autres restent médiocres précisément parce qu’ils naissent, pour ainsi dire, scavants. […] Qui est-ce qui leur inspira la véritable échelle à laquelle il falloit les réduire ? […] Je ne dis pas qu’une nature grossièrement viciée ne leur ait inspiré la première pensée de réforme et qu’ils n’aient longtemps pris pour parfaites des natures dont ils n’étoient pas en état de sentir le vice léger ; à moins qu’un génie rare et violent, ne se soit élancé tout à coup du troisième rang où il tâtonnait avec la foule, au second.

296. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Après avoir suivi le genre des éloges chez les peuples barbares, ou ils n’étaient que l’expression guerrière de l’enthousiasme qu’inspirait la valeur ; chez les Égyptiens, où la religion les faisait servir à la morale ; chez les anciens Grecs, où ils furent employés tour à tour par la philosophie et la politique ; chez les premiers Romains, où ils furent consacrés d’abord à ce qu’ils nommaient vertu, c’est-à-dire, à l’amour de la liberté et de la patrie ; sous les empereurs, où ils ne devinrent qu’une étiquette d’esclaves, qui trop souvent parlaient à des tyrans ; enfin, chez les savants du seizième siècle, où ils ne furent, pour ainsi dire, qu’une affaire de style et un amas de sons harmonieux dans une langue étrangère qu’on voulait faire revivre ; il est temps de voir ce qu’ils ont été en France et dans notre langue même. […] Il faut qu’on sache dans tous les siècles que ce Jacques Clément, dominicain et parricide, fut loué publiquement dans Paris et dans Rome : le fanatisme qui inspira le meurtre, fit l’apothéose du meurtrier. […] C’est ainsi que dans un siècle où l’on n’avait encore aucune idée de la vraie éloquence, la force d’un sujet pathétique et terrible, inspirait aux orateurs ou des mouvements, ou des traits heureux64.

297. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Que cependant l’âme de Lucrèce, que sa vive impression des spectacles de la nature et des souffrances glorieuses de Rome, que son effroi de la vie publique, son amour de la retraite et de la contemplation solitaire lui aient inspiré d’admirables accents, on ne peut le méconnaître. […] Ici donc l’imitation lyrique de la Grèce commençait par le plus entier oubli de cette foi candide qui seule aurait pu l’inspirer. […] Lucrèce, presque seul, fut inspiré et égaré par ces temps affreux, alors qu’il passait du juste mépris d’un culte aussi corrompu que ses adorateurs à la négation d’une Providence qui permettait tant de crimes, et à l’apothéose du plaisir comme seul dédommagement des misères de l’homme.

298. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Levengard, Pol = Loewengard, Pol (1877-1917) »

Paul Levengard doive toujours s’inspirer d’eux : bien qu’il ait, quoique tardivement, aimé le ciel triste de Lyon, sa ville natale, il est surtout attiré par l’éclatante, l’écrasante splendeur de l’Orient, inconnu et pressenti.

299. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 150-151

Une morale saine, des sentimens délicats, des caracteres bien saisis & bien développés, des événemens présentés avec art, des réflexions naturelles & répandues avec choix, y forment un tableau intéressant, dont le but est d’inspirer l’horreur du vice & l’amour de la vertu.

300. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 466-467

Chabanon a donné au Théatre la Tragédie d’Eponine, qui n’est connue que par sa chute, justement méritée ; qu’il est Auteur d’une autre Tragédie, à qui le défaut de représentation a épargné la même disgrace ; d’une Traduction des Odes Pythiques de Pindare, où le plus animé de tous les Poëtes Lyriques paroît d’une froideur plus qu’Hyperboréenne ; & qu’il a aussi traduit les Idylles de Théocrite d’une maniere peu capable d’inspirer du goût pour cet Auteur.

301. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 83-84

Energie & vérité dans les tableaux, justesse & nouveauté dans les cadres, agrément & vivacité dans les entretiens des personnages que l’Auteur met en scène, style correct, harmonieux, semé de traits hardis & heureux ; il réunit, en un mot, tout ce qui peut attacher le Lecteur, & lui inspirer du mépris pour la secte dangereuse dont on y dévoile les menées.

302. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

par qui les gens de lettres sont-ils applaudis, enrichis et par conséquent inspirés ? […] Un but beaucoup plus élevé qu’une reproduction du pittoresque antique inspirait le génie de Fénelon. […] Quand les poètes antiques ont parlé d’un dieu qui les inspirait, c’est qu’ils l’ont senti. […] L’enthousiasme de quelques-uns alla jusqu’à proclamer le disciple de Socrate illuminé du même esprit qui avait inspiré David et Isaïe. […] Par là il a préparé le grand mouvement industriel sur lequel notre époque fonde de si belles espérances et qui nous inspire tant d’orgueil.

303. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Denne-Baron, Pierre-Jacques-René (1780-1854) »

La muse grecque l’avait nourri de son miel et bercé de ses caresses, lui avait inspiré son premier et excellent ouvrage, Héro et Léandre.

304. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 434-435

Son zele lui inspira cet artifice, pour dégoûter des lecteurs dangereuses ; exemple suivi de nos jours par un Pere Marin, Minime, à qui on eût souhaité, pour le succès de la bonne œuvre, plus de connoissance du monde & moins de prolixité, quoiqu’on doive lui savoir un très-grand gré de ses bonnes intentions.

305. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 92-93

S’il suffisoit, belle Cousine, D’avoir les charmes de Corinne, Pour inspirer de tendres sons ; Pour vous l’Auteur le plus aride Feroit cent couplets de chansons, Et vous en feriez un Ovide.

306. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 283-284

Où a-t-il pris, entre autres choses, que la Morale n’a jamais été développée avec plus de vérité & plus de charmes que de nos jours ; que ce sont nos Ecrivains modernes qui ont réduit les Romans à être l’image de la Nature & l’Ecole de la Vertu ; que nos Tragédies modernes ont plus de pathétique & d’utilité que celles de Corneille & de Racine ; que les maximes des Tragédiens de nos jours sont plus vraies, & inspirent plus d’humanité ?

307. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 225

L’intérêt des situations, la solidité des maximes, la vivacité des tableaux, tendent sans interruption à faire aimer l’innocence & à inspirer l’horreur du vice.

308. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Du poète c’est le mystère ; Le luthier qui crée une voix Jette son instrument à terre, Foule aux pieds, brise comme un verre L’œuvre chantante de ses doigts ; Puis d’une main que l’art inspire, Rajustant ces fragments meurtris, Réveille le son et l’admire, Et trouve une voix à sa lyre, Plus sonore dans ses débris104 ! […] Agréez donc, madame, ces stances trop imparfaites où j’ai essayé d’exprimer ce qu’une situation si indigne de vous et du sort m’a si souvent inspiré en pensant à vous ou en parlant de vous.

309. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

Cet enthousiasme de liberté qui caractérise les Romains, il ne paraît pas que les Grecs l’éprouvassent avec la même énergie : ils avaient eu beaucoup moins d’efforts à faire pour conquérir leur liberté ; ils n’avaient point expulsé du trône, comme les Romains, une race de rois cruels, propre à leur inspirer l’horreur de tout ce qui pouvait en rappeler le souvenir. […] De ce que les événements les plus forts et les plus malheureux de la vie ont été peints par les Grecs, il ne s’ensuit pas qu’ils aient égalé les modernes dans la délicatesse et la profondeur des sentiments et des idées que ces situations peuvent inspirer.

310. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Si vous inspirez à tous l’amour de la guerre, peut-être ferez-vous renaître le mépris de la pensée ; mais tous les maux de la féodalité pèseront sur vous. […] La valeur guerrière, cette qualité qui produit toujours un enthousiasme nouveau, cette qualité qui réunit tout ce qui peut frapper l’imagination, enivrer l’âme, la valeur guerrière que vous appelez à l’aide du despotisme, inspire l’amour de la gloire, et l’amour de la gloire devient bientôt le plus terrible ennemi de ce despotisme.

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