/ 1798
516. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IV »

Peut-être, aussi bien, n’avait-il que cela à dire dans sa vie, car si c’est le même Fabre d’Églantine qui imagina les primidi, duodi, tridi, il faut avouer que là il ne fut pas très heureux.

517. (1767) Salon de 1767 « Peintures — [autres peintres] » pp. 317-320

Et Greuze donc, qui est certainement supérieur dans son genre ; qui dessine, qui imagine, qui a le faire et l’idée.

518. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 39, qu’il est des professions où le succès dépend plus du génie que du secours que l’art peut donner, et d’autres où le succès dépend plus du secours qu’on tire de l’art que du génie. On ne doit pas inferer qu’un siecle surpasse un autre siecle dans les professions du premier genre, parce qu’il le surpasse dans les professions du second genre » pp. 558-567

La force de son génie, qui lui fait deviner et imaginer un nombre infini de choses, qui ne sont pas à portée des esprits ordinaires, lui donne plus d’avantage sur les esprits ordinaires, qui professeront un jour le même art que lui, après que cet art aura été perfectionné, que ces esprits n’en pourront avoir sur lui, par la connoissance qu’ils auront des nouvelles découvertes et des nouvelles lumieres dont l’art se trouvera enrichi lorsqu’ils viendront à le professer à leur tour.

519. (1896) Études et portraits littéraires

Ainsi, j’imagine, M.  […] Si intelligente qu’on l’imagine, et curieuse, et attentive, l’inaction éteint la vie. […] Il sent, il imagine, il pense en orateur. […] Imaginez Gambetta plaidant à sa place l’affaire Burdeau-Drumont. […] Mais, imaginez une pareille étude sous la plume d’un Michelet.

520. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VII. De la propriété des termes. — Répétition des mots. — Synonymes. — Du langage noble »

Que Denys d’Halicarnasse, grammairien subtil, signale dans un discours de Démosthène toutes les figures de la rhétorique ; ce qui loue vraiment l’orateur, c’est que l’auditeur ne les aperçoit pas, et n’y fait pas réflexion, et que ce qui est figuré lui paraît propre : il n’imagine point d’autre moyen de dire ce que l’orateur voulait dire.

521. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IX. Précision, brièveté, netteté »

Il est important de bien placer cette limite, de sorte qu’on montre tout ce qui est nécessaire, et qu’on fasse imaginer ce qu’on ne montre pas.

522. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Un grand voyageur de commerce »

Stanley la montre, j’ai peine à imaginer que la caravane eût pu y faire en moyenne, comme nous le voyons, sept kilomètres par jour.)

523. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Chirurgie. » pp. 215-222

On essaye de s’imaginer les préoccupations habituelles, l’état d’esprit, les impressions, les angoisses et les plaisirs de cet homme qui taille cette chair, qui répare ces organes, qui refait de la vie d’une manière plus visible, plus immédiate et plus sûre que le médecin, et qui a l’orgueil de créer presque après le Créateur.

524. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Aussi Boileau lui-même y reconnaît-il « une narration également vive et fleurie, des fictions très ingénieuses, des caractères aussi finement imaginés qu’agréablement variés et bien suivis Il fut fort en estime même des gens du goût le plus exquis17 ».

525. (1887) La Terre. À Émile Zola (manifeste du Figaro)

Nous n’attendons pas de lendemain aux Rougon ; nous imaginons trop bien ce que vont être les romans sur les Chemins de fer, sur l’Armée : le fameux arbre généalogique tend ses bras d’infirme, sans fruits désormais !

526. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Mais j’imagine que ce sera une noble chose, une harangue grave, de style ample et hautain, un bloc d’esthétique éloquente. […] Il a imaginé tout un monde infernal, que nous réalisons aujourd’hui. […] L’âge d’or imaginé par les poètes deviendra une réalité. […] Zola a imaginé une paysanne accouchant pendant que sa vache vêle. « Ça crève !  […] Les hommes sont plus divers en réalité qu’on ne se les imagine, et il faut désormais nous faire à l’idée d’un Napoléon valseur.

527. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Une telle attitude ne manque pas de noblesse, j’imagine. […] La couche supérieure et moyenne le laisse encore indifférent, j’imagine. […] Il s’enquiert du journal auquel il est abonné, j’imagine, et du vin qu’il boit. […] cela dépasse ce que l’on pourrait imaginer. […] Il a, j’imagine, le respect des choses sérieuses et des hommes graves.

528. (1774) Correspondance générale

C’est dans cet intervalle qu’on épouse une contrée, et qu’on l’épouse si bien qu’on n’imagine plus qu’on puisse subsister heureusement sans un vitchoura. […] Imaginez qu’une fille portait sur ses bras quatre paires de ces draps. […] Ses réponses aux principaux arguments qu’il attaque ne sont pas aussi victorieuses qu’il l’imagine ; il y en a auxquels il ne répond point du tout. […] On imagine que apparemment vous me sacrifierez à des égards, à des bienséances et cætera. […] Elle s’imagine que je vais chez vous verser un fiel dont mon âme est trop pleine ; vous m’obligerez de la détromper sur ce point.

529. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Imaginer qu’on est aimé, qu’on est puissant, c’est se donner réellement, dans une mesure très variable, les joies de l’amour et de la puissance. […] J’ai dit tout à l’heure que l’amour avait fait bien des poètes, mais il a fait encore plus de simples rêveurs préoccupés d’imaginer des scènes de bonheur, ou, s’ils sont d’esprit plus pratique, soucieux de trouver des moyens de les réaliser. […] D’abord il a imaginé une conspiration pour délivrer un pays de ses oppresseurs, et il a fait des deux hommes deux conspirateurs. […] Cela se voit souvent ; un drame dont on imagine d’abord le dénouement, un sonnet dont le dernier vers est trouvé le premier n’ont rien de bien surprenant. […] C’est pour elle qu’il avait aussi imaginé sa grande scène (« quelle situation, quel contraste pour une actrice comme Mlle Rachel ! 

530. (1914) Une année de critique

Qui donc prend plaisir à imaginer une société où chaque être bornerait son ambition à tenir de son mieux le rôle que lui assigna la nature ? […] Et puis, tout dorés qu’ils sont de la poussière d’un beau passé, ils nous aident à imaginer un avenir moins sombre. […] La donnée est si évidemment imaginée dans le but d’illustrer une sentence morale, que nous ne pouvons-nous laisser émouvoir par l’intrigue elle-même. […] Nos pères ont imaginé l’amour peintre ou l’amour médecin. […] Imaginez-vous ce causeur charmant, ce parangon d’élégance et de politesse, écrivant des articles incendiaires, ou brossant de larges fresques romanesques, toutes frémissantes de vie ?

531. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Le roi, qui se trouva gai et de bonne humeur, leur dit en souriant: « Allez le punir. » Ces gens, emportés de fureur, n’entendirent point raillerie ; ils coururent à son logis, et l’ayant rencontré comme il en sortait à cheval avec un laquais seulement, ils le renversèrent par terre, ils lui déchirèrent ses habits, et ils exécutèrent en un instant l’ordre du roi avec la rage qu’on peut s’imaginer en des gens irrités comme ils l’étaient: car c’est ainsi que souvent, en Perse, chacun venge de ses propres mains les torts qu’on lui a faits dès que la justice l’ordonne ou le permet. […] La chose arriva l’an 1643, qui était le troisième du règne d’Abas II, et voici comment: Un gouverneur de Guilan, nommé Daoud-Kan (Dâoùd khân), avait fait plus de deux millions d’extorsions durant la première année du règne de ce prince ; lequel étant venu jeune à la couronne, les gouverneurs et les intendants s’imaginaient qu’on pouvait tout faire impunément. […] J’en ai vu un tout garni ; les meubles en paraissaient les plus voluptueux qu’on puisse imaginer. […] Je me souviens que du temps que je demeurais là, la maîtresse du logis étant venue à mourir, les filles qu’elle tenait, qui étaient des esclaves géorgiennes, fort belles et fort bien faites, en menèrent le deuil le plus lamentable qui se puisse imaginer. […] Vu que l’un ni l’autre n’ayant ni droit, ni titre, ni autorité pour ce faire, aurait-on pu s’imaginer qu’ils auraient été capables de concevoir des sentiments contraires à ceux que cette illustre assemblée faisait paraître ?

532. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Emile Zola devant les jeunes I Ce serait une étrange erreur de s’imaginer que la venue du génie est aussitôt accueille par l’allégresse générale et par la reconnaissance des nations. […] Elle nous rend impossible la compréhension de la vie contemporaine, et l’on ne saurait s’imaginer l’influence néfaste qu’elle eut sur la récente littérature. […] Et j’imagine que Sophocle enfant, polissonnant avec les petits gamins d’Athènes, ne s’amusait pas autrement dans les joyeux faubourgs, que le jeune Zola, trois mille ans plus tard, qui bondit, sur les rives escarpées de l’Arc, ou qui escalade les pentes rougies du Tholonet, tandis que les lointaines montagnes, au couchant sacré, scintillent et ondulent dans des vapeurs violettes. […] Jusqu’à Zola, on s’était imaginé, — et ce fut l’erreur générale partagée par tous les auteurs, — qu’un homme était une construction isolée dans le monde, un être conscient et libre, responsable, sans aucune attache avec sa race ou avec la nature. […] « Ce serait, proclamez-vous, une étrange erreur de s’imaginer que la venue du génie est aussitôt accueillie par l’allégresse générale et par la reconnaissance des nations, etc.

533. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

On pourrait s’imaginer que l’impression reçue, au lieu de s’épanouir en mouvements encore, se spiritualise en connaissance. […] En d’autres termes, donnons-nous ce système d’images solidaires et bien liées qu’on appelle le monde matériel, et imaginons çà et là, dans ce système, des centres d’action réelle représentés par la matière vivante : je dis qu’il faut qu’autour de chacun de ces centres se disposent des images subordonnées à sa position et variables avec elle ; je dis par conséquent que la perception consciente doit se produire, et que, de plus, il est possible de comprendre comment cette perception surgit. […] Dans un espace amorphe on découpera des figures qui se meuvent ; ou bien encore (ce qui revient à peu près au même), on imaginera des rapports de grandeur qui se composeraient entre eux, des fonctions qui évolueraient en développant leur contenu : dès lors la représentation, chargée des dépouilles de la matière, se déploiera librement dans une conscience inextensive. […] Surtout, comment imaginer un rapport entre la chose et l’image, entre la matière et la pensée, puisque chacun de ces deux termes ne possède, par définition, que ce qui manque à l’autre ? […] Elle n’est donc, elle ne peut être rien de ce que nous connaissons, rien de ce que nous imaginons.

/ 1798