Montaigne, en un mot, voyageait pour amuser et régaler sa curiosité toujours éveillée et toujours fraîche ; Chateaubriand, pour occuper et remplir son imagination ardente et en tirer gloire. […] Montaigne a les sens excellents ; il voit les choses telles qu’elles sont, ni plus ni moins, et ne les complique en rien d’abord, ni par l’imagination ni par la réflexion. — Ce même jour où il a vu passer le Pape, il prend de la térébenthine : sa santé va de front avec sa curiosité. — On exécute un bandit ; il assiste à ce spectacle, en relève toutes les circonstances, et l’ancien conseiller au Parlement de Bordeaux ne manque pas de faire la comparaison avec ce qui se pratique en France.
Villemain, et de rechercher ce qu’il y a de Shakespeare ou plutôt ce qu’il n’y en a pas dans les pièces de Ducis ; il n’a guère emprunté de son original que les titres et une certaine excitation chaleureuse pour se monter l’imagination sur les mêmes sujets ; et il n’a guère fait, à son tour, que fournir des motifs de beaux rôles et de masques tragiques à de grands comédiens comme Brizard, La Rive, Monvel, et en dernier lieu Talma. […] Votre imagination a le malheureux secret de tout empoisonner.
Mitis, de ses Père Joseph ; je ne parle pas même de Béranger avec ses Missionnaires et ses Hommes noirs, déjà un peu effacés ; mais lorsque plus tard un romancier célèbre, à l’imagination robuste, a jeté dans la circulation le type odieux de Rodin qui, toutes les fois qu’on le lui représente encore, émeut le peuple bien autrement que Tartuffe parce que c’est un type plus réellement contemporain, il ne fit que s’inspirer des animosités et des rancunes de sa jeunesse. […] La poésie aussi, la rêverie de l’âme et de l’imagination, y trouvait son compte.
Aussi, ayant eu à écrire l’Introduction au volume des Lettres par elle adressées à Bancal des Issarts, je m’attachai à bien marquer la nuance et à montrer que, dans son goût assez vif pour ce personnage peu connu, il y avait eu plus d’imagination et de désœuvrement de cœur que de sérieux entraînement. […] Mon mari, excessivement sensible et d’affection et d’amour-propre, n’a pu supporter l’idée de la moindre altération dans son empire ; son imagination s’est noircie, sa jalousie m’a irritée ; le bonheur a fui loin de nous ; il m’adorait, je m’immolais à lui, et nous étions malheureux.
Mirabeau, avec tout son génie et avec les vues de haut bon sens qui y entraient, avait des écarts d’imagination, des bouffées subites, et il était sujet à illusion, à optimisme ; il n’avait pas la géométrie de l’exécution. […] … La Marck défend Mirabeau et soutient que s’il a parfois des par-delà comme il dit, il est de bonne foi pour la monarchie et fidèle, et qu’il réparera cet écart de son imagination, où son cœur n’est pour rien.
« Mais quelle que soit la puissance de l’imagination de l’homme, elle ne peut pas plus se figurer l’émouvant spectacle du chaos des dunes que celui des mers de glace à leur dégel. […] L’espace que chacun d’eux parcourt dans une année dépasse tout ce que l’imagination la plus féconde peut supposer.
A un endroit ils nous montrent une entrée de bal, un défilé de femmes au moment où elles arrivent dans le salon : il y en a six, six profils de suite décrits par eux avec un art, un soin, une ciselure, une miniature des plus achevées ; mais les peintres écrivains ont beau faire, ils ont beau dire, ils ont beau multiplier et différencier les comparaisons de médaillons et de camées, je ne me fais pas une idée distincte de ces six têtes, je les confonds malgré moi : six, c’est trop pour mon imagination un peu faible ; la prose n’y suffit pas : j’aurais besoin d’avoir les objets mêmes sous les yeux, ici la confusion des moyens d’expression entre un art et l’autre est sensible. […] Et cette idée me rend triste. » Si j’avais à tracer une histoire de l’élégie et de l’amour, je ne voudrais pas d’exemple plus piquant pour montrer où en vient l’imagination qui caresse en tout son rêve d’art ; que le cadre domine, et que la manière enchante.
Fournier en use littérairement de la sorte : il avait déjà fait preuve d’imagination et de fantaisie dans une publication précédente à propos de Corneille, et sur un point, si l’on s’en souvient, je m’étais appliqué à le réfuter (voir Nouveaux Lundis, t. […] Pour l’histoire des œuvres de l’esprit, je crois qu’il ne faut pas abdiquer l’imagination ; c’est elle, à mon avis, qui en flaire et cueille le mieux la virginité.
Je trouve cela bien mauvais. » La religion précise et régulière, qui gouvernait la vie, contribuait beaucoup alors à tempérer ce libertinage de sensibilité et d’imagination, qui, depuis, n’a plus connu de frein. […] Mme de La Fayette lui écrivait : « Votre présence augmente les divertissements, et les divertissements augmentent votre beauté lorsqu’ils vous environnent ; enfin la joie est l’état véritable de votre âme, et le chagrin vous est plus contraire qu’à personne du monde. » Mme de Sévigné avait ce qu’on peut appeler de l’humeur, dans le sens d’humour, mais une belle humeur à chaque instant colorée et variée de la plus vive imagination.
Lorsque son imagination est amusée, il ne fait point de retour sur soi. […] Le « monde » apparaîtrait, à quelque puritain qui aurait de l’imagination, comme un libre harem, inavoué, inachevé et épars.
Le poète raconte toute l’histoire des premiers rois de Perse, des fondateurs de dynasties, telle qu’elle s’est transmise et transfigurée dans la mémoire, pleine d’imagination et de féerie, de ces peuples orientaux. […] Ce thème éternel est rajeuni ici par une imagination charmante.
Cette petite fille, qui se montre d’abord toute laide, qui ne se soigne pas plus qu’un méchant garçon, et qui est la bête noire du village, mais qui, au fond, se trouve avoir toutes les qualités de l’esprit, de l’imagination et du cœur, et qui finit même, sous l’éclair de l’amour, par se métamorphoser en beauté, cette petite Fanchon Fadet qui, sous sa verve de lutinerie, cache des trésors de sagesse, remplit ici le rôle qui est volontiers réparti aux femmes dans les romans de Mme Sand ; car elles y ont toujours le beau rôle, le rôle supérieur et initiateur. […] Rien ne gâte, selon moi, l’impression saine de cette pièce touchante, et, si l’imagination n’est pas tout à fait flattée sur un point, le cœur du moins n’y est pas offensé.
Enfin, cette fête de nuit en l’honneur de Mlle Clairon se termine, dans le récit de Florian, par une très belle description de l’aurore, par un lever de soleil sur les cimes des Alpes, qui a frappé son imagination d’enfant : c’est le signal d’un sentiment tout nouveau, plein de fraîcheur, l’amour de la nature, qui va être la passion et presque l’engouement des générations naissantes. […] Vous souvient-il quand nous dévorions ces pages toutes pleines de faux pour les grandes personnes, toutes vivantes de vérité pour nos imaginations d’alors ?
La date favorite de Mme Gay, quand elle y songeait le moins et qu’elle laissait faire à son imagination, était celle précisément qui répond à la fin du Directoire et au Consulat ; jeune personne sous le Directoire et femme sous l’Empire, voilà son vrai moment, et qui lui imprima son cachet et son caractère, en littérature comme en tout ; ne l’oublions pas. […] Léonie a l’imagination vive ; elle ne conçoit rien de médiocre ; elle est de celles qui veulent être des plus distinguées ou complètement ignorées : « Adorée ou indifférente !
En rabattant de l’exaltation bien naturelle à un vieillard, plein d’imagination, qui se souvient de son plus beau moment de gloire, on sent en plus d’un passage l’accent de la conviction et d’une sincérité persuasive Beaumarchais, dans ses souvenirs, oubliait sans doute bien des détails qui eussent apporté de l’ombre au tableau, mais il avait raison en parlant de cet intérêt public, de cet aspect patriotique et général sous lequel avait toujours eu soin de placer et de voir même son intérêt particulier. […] Dans toutes ces circonstances, il obéissait franchement à la tournure de son imagination, ainsi qu’au vent de son siècle.
Il y a dans la littérature le domaine de l’imagination, les talents poétiques proprement dits, qui ont en eux un don de création et de génie ; ceux-là ne se suscitent point à volonté : Dieu et la nature y pourvoient ; il faut les laisser naître. […] Il veut une amitié toute sincère, toute vertueuse, et fondée sur le goût de l’honnête : Il faut, dit-il, dans l’amitié, non une ferveur passagère ou d’imagination, mais une chaleur continue et de raison.
Gustave Planche, esprit exclusivement critique, qui ne pouvait être jamais un roi littéraire, tant sa tête manquait d’imagination par laquelle seule on est roi en littérature ! […] L’un (Gustave Planche) est un sec aux os épais qui a du muscle, l’autre (Mérimée) est un sec maigre qui a du nerf, mais tous deux, l’un comme critique et l’autre comme écrivain de roman et de drame, sont dépourvus également d’imagination créatrice, plantureuse et féconde, et, encore une fois, c’est dans cette identique absence de la même faculté que probablement ils sympathisèrent, Mérimée, il est vrai, n’a laissé dans ses écrits à ma connaissance aucun témoignage d’admiration ou de reconnaissance pour le critique auquel il doit tout, mais s’il a été ingrat, ce sec d’esprit qui pouvait bien l’être de cœur, il l’aura beaucoup été, car il doit tout à Gustave Planche, qui l’a presque inventé tant il l’a vanté !
Toujours vieille fille romanesque, l’imagination publique s’était monté la tête, et c’était bien la peine, la pauvre diablesse ! […] L’imagination, dont son système était l’ennemi, ne lui rendit pas le coup pour coup qu’il méritait.