Et justement, sans aigreur, étant désintéressé dans la question, M. de Gourmont s’est attaché à montrer qu’un Paul Bert, farouche ennemi de l’Ordre, « écho bégayant des jansénistes », est de toutes les forces de son être un théologien qui subordonne la vie et la réalité à son « idéal moral ». […] Esprit positif, sans aptitudes pour gravir à tout propos le septième ciel, examinateur et sachant les hommes enclins à la superstition, il se tient en défiance contre l’idéal et l’absolu, — les idoles, comme il dit avec Bacon qui doit être un philosophe de son goût. […] Et puis Fénelon est théoricien littéraire dans sa « Lettre à l’Académie », éducateur des jeunes filles avec un programme merveilleux d’« idéal pratique », et enfin il est philosophe politique dans son « Plan de gouvernement ». […] Il y a, dans cet aveuglement désespéré, dans cette fuite suprême vers « l’idéal », quelque chose de l’héroïsme qui fait les martyrs. […] Pierre Louys a ses idées sur les mœurs et sur la société, mais il n’a pas d’« idéal moral », ni d’« idéal social », comme on dit, et ne prétend réformer personne. « On aura lu cette histoire ainsi qu’il convenait de la lire, écrit-il à la fin de son livre, si l’on a su de page en page ne jamais prendre exactement la Fantaisie pour le Rêve, ni Triphème pour Utopie, ni le Roi Pausole pour l’Être parfait. » N’est-ce point là l’esprit même de Candide ?
Dès le début, Saint-Simon fils d’un père antique, et, sous sa jeune mine, un peu antique lui-même, n’a pas de goût vif pour les femmes, pour le jeu, le vin et les autres plaisirs : mais il est glorieux ; il tient au vieux culte ; il se fait un idéal de vertu patriotique qu’il combine avec son orgueil personnel et ses préjugés de rang. […] S’il eut jamais espérance de faire accepter en entier sa théorie politique, son idéal de gouvernement, ce fut alors.
L’hypocrisie absolue est un idéal : elle n’est jamais complète chez l’homme ; réalisée jusqu’au bout, elle serait la contradiction même de la volonté avec soi. […] Et il en est de même de la sympathie : la nature ne connaît pas l’isolement de l’idéal égoïsme ; elle rapproche, elle confond, elle unit.
C’est qu’il ne s’agit pas de la supprimer et que le talent serait de la remplacer, celle-ci ou toute autre du même genre, par un équivalent apportant une note poétique, lyrique, idéale, de la même valeur, et un équivalent pris dans le vrai de la langue d’un amoureux. […] Je me trouvais, il y a quelques années, dans le salon d’un grand écrivain ; autour de lui des auteurs de livres connus, des esprits distingués et bêtement idéaux, gémissaient, sur un mode élevé, du remplacement au théâtre des mots spirituels par des gorges, du remplacement des phrases bien faites par des cuisses, et à défaut de chair toute crue, et toute nue, du remplacement d’à peu près tout par des robes de Worth.
Toutefois, il faut bien reconnaître, à l’honneur de l’humanité, que l’idéal social et l’idéal moral ne diffèrent pas essentiellement.
Il est vrai que quelques-uns de nos poëtes et surtout de nos romanciers ont abordé en maîtres la grande psychologie, la haute analyse des passions, des mœurs et des caractères ; mais en y regardant de près, on s’aperçoit que, dans ces brillantes et fortes peintures, l’éloquence, la logique, le sentiment de l’idéal ont encore plus de part que la représentation exacte et minutieuse de la réalité. […] La métaphysique peut toujours, avec Aristote, concevoir un idéal de la pensée pure et indépendante de tout organisme, en Dieu et chez des êtres supérieurs à l’homme.
C’est par le caractère tout personnel de ses récits que le livre de Plutarque peut être considéré comme l’expression idéale de cet esprit historique de l’antiquité, dont Hérodote, Thucydide, Xénophon, Tite-Live, Salluste, Tacite, sont les plus éclatants organes. […] Chez nous, au contraire, le sentiment de l’idéal est inné ; la fidélité au droit est invincible.
Comme secrétaire perpétuel et historien de l’Académie, il n’a écrit qu’un court chapitre, assez piquant d’ailleurs, dans lequel il insiste beaucoup sur l’égalité académique, égalité qu’il contribua plus que personne à maintenir lors de l’élection du comte de Clermont (prince du sang) dans la compagnie : La liberté que le roi nous laisse, dit-il, et l’égalité académique sont nos vrais privilèges, plus favorables qu’on ne le croit à la gloire des lettres, surtout en France où les récompenses idéales ont tant d’influence sur les esprits.
On a là toute une matière de drame, la suite et le mouvement des scènes ; les principaux caractères même sont assez bien esquissés, et il y a un personnage d’Othilie qui a de la grâce et de l’idéal.
L’auteur s’était particulièrement attaché à ressaisir et à démontrer sous la ligne idéale du premier Vauvenargues assez vaguement défini l’homme réel, ambitieux d’une carrière, soit militaire, soit politique, avide d’éloquence, d’action, d’une grande gloire supérieure encore dans sa pensée à celle des lettres.
C’est dans les lettres qu’il écrit à Mme Récamier que l’on trouverait le plus de traits exquis pour la peindre sous la forme idéale et symbolique qu’il ne cessa de lui prêter.
Et s’il est arrivé que, lui sorti de la scène politique, la France n’ait point dépéri ; que cet être collectif, cet être idéal et redoutable qu’on appelait la coalition, et qui est demeuré pendant tant d’années un grand spectre dans l’imagination des gouvernants, ait été conjuré enfin par un enchanteur habile et puissant ; que la France soit redevenue elle-même tout entière sur les champs de bataille anciens et nouveaux et dans les conseils de l’Europe ; si, à cette heure même où nous écrivons, une province, une de ses pertes, est recouvrée par elle et lui est acquise, moins à titre d’accroissement que de compensation bien due, et aussi comme un gage manifeste de sa pleine et haute liberté d’action, on est sûr qu’en cela du moins le cœur de l’historien du Consulat et de l’Empire se réjouit ; que si une tristesse passe sur son front, c’est celle d’une noble envie et de n’avoir pu, à son heure, contribuer pour sa part à quelque résultat de cet ordre, selon son vœu de tous les temps ; mais la joie généreuse du citoyen et du bon Français l’emporte.
Il souffrait de plus, et avec toute l’intensité morale qui lui était propre, de la marche des choses publiques, qui allaient à l’encontre de son rêve, de la fondation idéale de toute sa vie.
L’auteur a mis là, sous forme dramatique, ses observations de journaliste en province ; il a réuni tous les personnages plats et ridicules auxquels il a eu affaire, dans un chef-lieu idéal qu’il appelle Cignac.
Sans toi, dans l’idéal il flâne et vagabonde.
On peut refaire ainsi des figures de poètes ou de philosophes, des bustes de Platon, de Sophocle ou de Virgile, avec un sentiment d’idéal élevé ; c’est tout ce que permet l’état des connaissances incomplètes, la disette des sources et le manque de moyens d’information et de retour.
Le beau semble appartenir plus exclusivement à l’Antiquité : l’intérêt, la curiosité, l’expression fidèle et variée de tout ce qui se fait et de tout ce qui se passe sous nos yeux, sans aucune préoccupation de l’idéal, sont des parties plus volontiers réservées aux modernes : « Le vrai est ce qu’il peut, », semble être le plus souvent leur devise.
Mais Sibylle mus appelle : un cortège d’admiratrices nous attend à l’avance sur ce terrain romanesque tout idéal et nous y défie.