Il n’avait rien de la magnanimité, du désintéressement et de l’humanité, dont le mot d’héroïsme rappelle l’idée dans les temps modernes. […] Les poètes théologiens ont été le sens (ou le sentiment), les philosophes ont été l’intelligence de l’humanité.
La sagesse est la faculté qui domine toutes les doctrines relatives aux sciences et aux arts dont se compose l’humanité. […] Toutes se réunissent dans la contemplation de la Providence divine ; cette Providence qui conduit la marche de l’humanité, voulut qu’elle partît de la théologie poétique qui réglait les actions des hommes d’après certains signes sensibles, pris pour des avertissements du ciel ; et que la théologie naturelle, qui démontre la Providence par des raisons d’une nature immuable et au-dessus des sens, préparât les hommes à recevoir la théologie révélée, par l’effet d’une foi surnaturelle et supérieure aux sens et à tous les raisonnements.
La malédiction est la seule justice qui reste aux victimes contre les auteurs de ces désastres de l’humanité ; amollir cette justice, c’est désarmer la conscience des peuples et encourager les conquérants futurs à tout oser devant des historiens qui pardonnent tout. […] Toutes ses plus grandes accusations sont des accusations de témérité, jamais ou presque jamais des accusations de sévices contre l’humanité ou contre la Divinité. […] Plaignez-vous plus l’humanité ? […] Après tant d’événements, après tant de bruit, après tant de mouvement, après tant de génie, après tant de cadavres et tant de ce que l’écrivain appelle gloire, on se demande : L’humanité a-t-elle grandi ? […] Qu’est-ce qu’un homme qui a rapetissé l’humanité tout en immolant des millions d’hommes à sa seule personnalité ?
C’est à ce titre qu’ils exercent vraiment une fonction sainte dans l’humanité. […] Il eût mieux valu, sans doute, que la France et que l’humanité attendissent que M. […] En somme, sauf Marianna, qui est mal écrite, mais pleine de passion, tous ces livres sont sans humanité, et le caprice et la nervosité des femmes oisives leur a beaucoup prêté, mais l’âme en est absente. […] Peut-être aussi était-ce une bataille contre lui-même qu’il livrait secrètement, une lutte contre son génie et son humanité. […] Les mots de charité et d’humanité ne retentissent plus que dans les discours politiques, parce qu’ils ne représentent plus rien pour personne.
L’humanité lui paraissait depuis longtemps sortie de ses voies ; les hommes, en s’écartant de la nature, s’étaient créé mille passions factices dont ils devenaient tour à tour instruments et victimes. […] Certains esprits amis de l’humanité, épouvantés de ses maux et de son délire, avaient eu recours aussi, comme le poète romain, à cette philosophie austère et sans larmes qui se pique de voir les choses comme elles sont, qui se console de la tristesse de ses résultats par l’idée de leur vérité, et qui, faisant l’homme si petit en face de la nature, et osant pourtant le maintenir dans tous ses droits, ne manque certes ni de générosité ni de grandeur. […] des maux d’où naquirent nos pleurs, Le premier il connut, il nomma les auteurs Et dénonça devant l’humanité proscrite De Calchas et des rois l’alliance hypocrite.
Dieu éternel, l’humanité égarée et souffrante, rien entre deux ! […] L’Océan n’a-t-il donc, ô poëte, que des harmonies pacifiques, et l’humanité que des grincements ? Ce n’est plus croire à la rédemption que de parler ainsi ; c’est voir l’univers et l’humanité comme avant la venue, comme avant Job, comme en ces jours sans soleil où l’esprit était porté sur les eaux.
Mais, en y regardant mieux, on s’aperçoit que l’humanité de Fléchier et de son cercle n’est pas ici à mettre en cause. […] Lorsqu’il est à bout de toutes ces pédanteries d’étiquette et de toutes ces pendaisons, M. de Caumartin écrit à son ami, le joyeux Marigny, pour se relâcher un instant : mais en tout il représente là-bas la bienséance et l’humanité même. […] Peyrat, dans son intéressante Histoire des Pasteurs du Désert, s’est montré bien sévère et décidément injuste contre Fléchier (tome Ier, page 204) ; il a méconnu, dans les relations du prélat adressées à M. de Montausier, ce caractère d’impartialité un peu compassée que nous retrouvons ici dans les Mémoires, cette justesse ennemie de tous les fanatismes, très-conciliable certes avec l’humanité comme avec un certain agrément, et qui, en démêlant les erreurs et les démences humaines, ne se défend pas d’en sourire.
Mais le souci de perfection et le besoin de beauté qui hantaient les Parnassiens devaient, au moins dans les commencements (car toute école nouvelle est intransigeante), les conduire à préférer la poésie impersonnelle, presque uniquement descriptive et plastique, celle qui demande ses tableaux à l’histoire et à la légende ou qui reproduit les symboles par lesquels l’humanité passée s’est représenté l’univers. […] La mythologie, ce sont les forces naturelles personnifiées, et c’est aussi, par conséquent, l’humanité déifiée. […] Elle exprime d’abord l’exaltation d’une âme tendue à jouir superbement de toute la beauté éparse dans le monde et dans l’histoire et de toutes les œuvres où l’humanité a le plus joyeusement épanché son génie.
Métius, l’aristocrate méchant et habile, qui se moque de l’humanité, sera confondu. […] L’ami de la raison doit aimer l’humanité, puisque la raison ne se réalise que par l’humanité… Ô univers, ô raison des choses, je sais qu’en cherchant le bien et le vrai je travaille pour toi. » Il croit à l’obligation de se sacrifier pour les fins de l’univers, telles qu’il nous a été donné de les concevoir.
Le Représentant de l’humanité ronge, dans son livre, qui porte ce titre : The Representative Men, l’originalité de l’homme. […] Si l’on pouvait supprimer l’homme tout à fait, à raide de cette ingénieuse machine, l’humanité, Emerson le supprimerait, et il réduirait le génie à une production mystérieuse à laquelle beaucoup de choses ont obscurément, contribué, comme la perle dans le fond des mers. […] Ni Aubrey, le premier historien de Shakespeare, qui écrivait cinquante ans après la mort de ce grand homme, compris par le public de son temps avec la finesse et la sûreté d’appréciation ordinaires à toutes les foules et à tous les publics ; ni Nathan Drake, qui a fait un livre énorme sur Shakespeare qu’il appelle Shakespeare et son temps (Shakespeare and His Time), un titre, je crois, de la connaissance de Guizot ; ni Guizot enfin, lequel pourtant, je m’imagine, ne doit pas être l’ennemi complet du représentatif dans l’humanité, n’ont pensé comme Emerson et, comme lui, fait également bon marché de la prodigieuse originalité du génie de Shakespeare et de la vie privée de cet homme phénoménal, — à lui seul tout un monde perdu, qui attend encore son Cuvier !
Dans tout prêtre qui enseigne, il y a, dans la mesure de son humanité pensante, le moraliste et le théologien : le théologien fait par la méditation et la contemplation des grands problèmes de cette double vie de l’âme et du corps qui nous cernent de toutes parts et qui nous étreignent ; et le moraliste fait par la confession, cette institution qui décuple la valeur d’un homme en ouvrant les cœurs à ses pieds et en l’y faisant regarder ! […] C’est l’homme qui a mis la main sur les artères de l’humanité, et qui a compté goutte par goutte ce qu’il y passe de sang orageux ou de sang corrompu. […] Être saint, c’est être plus que tout ; c’est un déclassement sublime de l’humanité.
Il n’y a plus d’être absolu. » Aussi, cela posé une fois pour toutes, l’abbé Gratry, avec la magnifique souplesse et la magnifique étendue de l’instrument logique dont il dispose, force-t-il la pensée philosophique à s’établir dans le terre-plein de l’humanité et de l’histoire, et, sous peine de se détruire elle-même, à n’en plus sortir. […] N’est-il pas la confession la plus complète des certitudes ou des croyances de l’humanité ? […] Le procédé simple et puissant dont l’abbé Gratry a tiré un si bon parti et qu’il a élevé jusqu’à la rigueur d’une méthode, est le procédé de l’humanité tout entière pour aller à Dieu, — comme nous disons, nous, — pour passer du fini à l’infini, comme disent les philosophes, — et soit que nous y allions sur les fortes ailes de la Méditation ou sur les humbles ailes de la Prière.
Elle quitte notre terre empoisonnée de civilisation, et le temps est peut-être proche, où le décor naturel sera contrefaçonné par l’industrie, et où les capitales modernes, les monstrueuses accumulations d’humanités, n’auront plus pour ombre et pour verdure, que le fer-blanc découpé et peint des palmiers de la Samaritaine. […] Nous n’avons fait aucune objection, mais nous croyons bien qu’à ce moment-là de la science, le vieux bon Dieu à barbe blanche, arrivera sur la terre, avec son trousseau de clefs, et dira à l’humanité, ainsi qu’on dit au Salon, à cinq heures : « Messieurs, on ferme ! […] C’était tout ignoré et tout nouveau en nous, cette appréciation de la belle ligne d’une plante, de la qualité distinguée de sa feuille, de son aristocratie, pour ainsi dire ; car la nature a, comme l’humanité, ses êtres préférés, caressés, auxquels elle donne une beauté spéciale et supérieure. […] Après de si longs siècles, une si lente éducation de l’humanité sauvage, revenir à la barbarie du nombre, à la victoire de l’imbécillité des multitudes aveugles. […] »… Chez lord Hertford la méchanceté noire de sa famille et la haine de l’humanité.
Personne ne saurait dire à quel degré d’abaissement et de dérèglement tomberait l’humanité. […] Il est enclin à penser qu’il en est de l’humanité en masse comme de bien des hommes en particulier : elle voudrait bien se faire passer pour ce qu’elle n’est pas. […] Aussi le répéterai-je encore, il vit pour le mieux en dehors des liens, exempt et affranchi de ce qu’entraînent à leur suite les relations de famille, les devoirs de société, les convenances publiques et oratoires : dès qu’on entre dans cet ordre mixte, le point de vue change ; il y a lieu de payer tribut, plus ou moins, au décorum de l’humanité, à ses désirs, à ses préjugés et à ses conventions honorables, aux bienfaits immédiats et à l’utilité pratique qui en découlent. […] « L’impiété, a dit Rivarol, est la plus grande des indiscrétions. » L’humanité n’est pas un philosophe ; la majorité des hommes ne supporte pas le doute, l’incertitude ; il leur faut des solutions, et qu’elles soient encourageantes, consolantes, salutaires ; il leur faut des réponses à tout prix : à défaut de celles des savants, ils en demanderaient plutôt aux oracles.
Plus de repentir du Créateur devant une création mauvaise ; plus de péché originel et d’humanité déchue : le monde est bon, l’homme est bon, les fins du monde et de l’homme sont bonnes ; et le monde et l’homme vont spontanément par une intime impulsion de leur nature vers ces tins qui sont bonnes. […] Car voilà le trait dominant et comme la source profonde de tout son génie : il a aimé la vie, plus largement, plus souverainement qu’aucun de ses ancêtres ou descendants intellectuels, comme on pouvait l’aimer seulement en ce siècle, et à cette époque du siècle, dans la première et magnifique expansion de l’humanité débridée, qui veut tout à la fois, et tout sans mesure, savoir, sentir, et agir. […] De plus, comme il arrive souvent aux constructeurs des morales les moins morales, l’auteur répare par la rectitude de sa nature l’insuffisance de son système : comme il sent en lui la bonne volonté, la chaude sympathie, des formes affectueuses d’égoïsme, il érige son instinct en loi générale de l’humanité, et il se fait d’optimistes illusions sur le penchant inné des hommes à « faire tous ce qu’à un seul voyaient plaire ». […] Comme penseur, il fonde ce qui avait déjà paru avec Jean de Meung, et qui ne pouvait recevoir toute sa force et tout son sens que de l’humanisme seul : il fonde le culte antichrétien de la nature, de l’humanité raisonnable et non corrompue.
Il fait remarquer qu’en donnant ses Maximes, La Rochefoucauld a gravé son propre portrait : Et le portrait, ajoute-t-il magnifiquement, est aussi celui de l’homme de son temps, tel que La Rochefoucauld l’avait vu, et même de l’humanité tout entière. […] Mais il y a tel instant où, du fond de cette vanité, de cet égoïsme, de cette petitesse, de ces misères, de cette boue dont nous sommes faits, sort tout à coup un je ne sais quoi, un cri du cœur, un mouvement instinctif et irréfléchi, quelquefois même une résolution, qui ne se rapporte pas à nous, mais à un autre, mais à une idée, à notre père et à notre mère, à notre ami, à la patrie, à Dieu, à l’humanité malheureuse, et cela seul trahit en nous quelque chose de désintéressé, un reste ou un commencement de grandeur, qui, bien cultivé, peut se répandre dans l’âme et dans la vie tout entière, soutenir ou réparer nos défaillances, et protester du moins contre les vices qui nous entraînent et contre les fautes qui nous échappent. […] Malgré tout, malgré cet appel héroïque qui dit à l’humanité : Montons au Capitole ! […] Vous, les maîtres dans les humanités classiques, quels préceptes de conduite en avez-vous tirés ?
est-ce que l’humanité leur manque ? […] Nous l’avons dit déjà, et nous y insistons, la nature et l’humanité sont en eux plus qu’en qui que ce soit. […] Là où vous n’avez que la parcelle, ils ont le tout ; ils portent dans leur vaste cœur l’humanité entière, et ils sont vous plus que vous-même ; vous vous reconnaissez trop dans leur œuvre ; de là votre cri. À cette nature totale, à cette humanité complète, à cette argile, qui est toute votre chair et qui en même temps est toute la terre, ils ajoutent, et ceci achève votre terreur, la réverbération prodigieuse de l’inconnu.
Ce qui, dans la réalité, est à portée de nos regards est une moyenne de l’humanité. Ce que les auteurs mettent sous nos yeux, ce sont êtres qui, ou sont dans la moyenne de l’humanité, ou s’en écartent en étant supérieurs ou inférieurs à elle, mais doivent lui ressembler et sont de purs monstres d’imagination s’ils ne lui ressemblent pas. […] Le romanesque est un être très aimable qui nous donne bien des satisfactions : celle d’abord de l’aimer ; celle ensuite de l’admirer un peu comme un noble exemplaire en somme de l’humanité ; celle ensuite de ne pas le craindre, encore qu’il ne fallût pas, à cet égard, avoir une pleine confiance ; celle enfin de lui donner ces fameux conseils de bon sens, de prudence, de sagesse pratique, qu’à donner nous nous épanouissons, nous nous élargissons, nous nous enorgueillissons et qui comblent de plaisir, de pleine satisfaction, de joie intime et profonde, du sentiment de la supériorité indulgente et bienfaisante, ceux de qui ils partent. […] Il se sent par là d’une classe un peu supérieure au reste de l’humanité.