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1813. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sainte-Beuve, Charles-Augustin (1804-1869) »

Il a écrit à la loupe, il a rendu visibles des mondes sur un brin d’herbe, il a miniaturé le cœur humain ; il a été le Rembrandt des demi-jours et des demi-nuances, li a efféminé le style à force d’analyser la sensation.

1814. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « III »

Les volontés humaines changent ; mais qu’est-ce qui ne change pas ici-bas ?

1815. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 317-322

On lui a reproché, dans la Société, un égoïsme qui rapprochoit tout de lui-même ; c’est un grand défaut, sans doute, mais on peut le lui pardonner, en ce qu’il a pris soin de le cacher autant qu’il a pu, & qu’il n’a pas cherché à l’inspirer par ses Ecrits, comme nos Moralistes modernes qui en font la base du bonheur de l’humanité, & croient s’acquitter envers la Patrie, envers le genre humain, par un amour universel pour les individus qui le composent.

1816. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Introduction » pp. 5-10

Cela ne veut pas dire que nous n’ayons pas souci de vérité humaine.

1817. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la comédie chez les Anciens. » pp. 25-29

La comédie, qu’on peut définir l’art de faire servir la malignité humaine à la correction des mœurs, est presque aussi ancienne que la tragédie ; et ses commencements ne sont pas moins grossiers.

1818. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre II. Vue générale des Poèmes où le merveilleux du Christianisme remplace la Mythologie. L’Enfer du Dante, la Jérusalem délivrée. »

Nous verrons, à l’appui de cette vérité, que plus le poète dans l’Épopée garde un juste milieu entre les choses divines et les choses humaines, plus il devient divertissant, pour parler comme Despréaux.

1819. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XII. Suite du Guerrier. »

Qui lui aurait donné cette douceur, si ce n’était une religion humaine qui porte toujours au respect pour la faiblesse ?

1820. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre premier. Que le Christianisme a changé les rapports des passions en changeant les bases du vice et de la vertu. »

Cette seule transmutation de principes montre la nature humaine sous un jour nouveau, et nous devons découvrir dans les passions des rapports que les anciens n’y voyaient pas.

1821. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IV. Suite des précédents. — Julie d’Étange. Clémentine. »

Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité : et tel est le néant des choses humaines, que, hors l’être existant par lui-même, il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas… ……………………………………………………………………………………………… Une langueur secrète s’insinue au fond de mon cœur ; je le sens vide et gonflé, comme vous disiez autrefois du vôtre ; l’attachement que j’ai pour ce qui m’est cher ne suffit pas pour l’occuper : il lui reste une force inutile dont il ne sait que faire.

1822. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Hallé  » pp. 127-130

Il n’en est pas de nous ainsi que des Anciens qui avaient des bains, des gymnases, peu d’idées de la pudeur, des dieux et des déesses faits d’après des modèles humains, un climat chaud, un culte libertin ; nous ne savons ce que c’est que les belles proportions.

1823. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — I »

Et nous le remercions, parce qu’il nous a appris, grâce à cette méthode et grâce à son enthousiasme contagieux, à aimer toutes les formes de l’intelligence humaine.‌

1824. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Ces petits récits, amusettes d’enfants, contiennent en abrégé la société du dix-septième siècle, la société française, la société humaine. […] Le Rastignac de Balzac ressemble beaucoup au renard de La Fontaine, et on découvre bien vite les mêmes moeurs, sous des apparences différentes, dans la Comédie humaine, dans les Fables de La Fontaine et dans les Mémoires de Saint-Simon. […] L’homme disparaît, la machine reste ; chacun prend les défauts de son état, et de ces travers combines naît la société humaine. […] Les humains sont plaisants de prétendre exceller Par-dessus nous ! […] Ce ne sont pas les individus avec leurs particularités personnelles et singulières, Louis XIV, M. le duc, l’abbé de Polignac, M. d’Antin qui nous intéressent, mais les caractères principaux qui résument la société humaine et l’histoire du temps, le roi, le noble, le courtisan, le bourgeois, l’artisan, le peuple.

1825. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Cela ne nous ôte rien de notre confiance et de notre conscience dans l’avenir ; mais cela nous est amer de sentir que, pendant toute notre vie, rien ou presque rien ne nous sera payé pour tout ce que nous avons apporté de neuf, d’humain, d’artiste ; tandis qu’à côté de nous, le tintamarre des moindres petits talents fait tant de bruit, et que ces petits talents touchent un si retentissant viager. […] 6 mars La princesse a un charmant sourire, un aimable sourire humain, plein de choses. […] * * * La beauté du sang ne se fait que dans la prodigalité de la procréation humaine. […] Enfin, sous le débandelettement, commence à s’esquisser un peu de la forme humaine d’un corps. « Berthelot, Robin, voyez cela !  […] Avant dîner, dans la chambre d’Eugène Giraud, pendant qu’on se chausse, qu’on se lave les mains, qu’on passe l’habit de circonstance, qu’on fume une cigarette, Charles Giraud raconte qu’à Taïti, les femmes ont l’habitude de s’oindre le corps d’une certaine préparation jaune qui leur enlève l’apparence solide d’un corps humain, et donne à leur corps, à leur chair, la transparence d’une bougie transparente, en fait des statues étrangement douces à l’œil, presque diaphanes.

1826. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Et il continua. " n’y aurait-il pas à cette idée un côté vrai et moins affligeant pour l’espèce humaine ? […] Le bel éloge de l’espèce humaine que ce jugement impartial du cœur en faveur de l’innocence ! […] L’ignorance et l’intérêt, qui brouillent et obscurcissent tout dans les têtes humaines, montreront l’intérêt général où il n’est pas. […] Je ne néglige point ces petits phénomènes lorsqu’ils sont constans, parce qu’alors ils éclairent sur la nature humaine que le même ressort meut dans les grandes occasions et dans les frivoles. […] — C’est que la société leur a fait un goût et des beautés factices. — Il me semble que la logique de la raison a fait bien d’autres progrès que la logique du goût. — Aussi celle-ci est-elle si fine, si subtile, si délicate, suppose une connaissance si profonde de l’esprit et du cœur humain, de ses passions, de ses préjugés, de ses erreurs, de ses goûts, de ses terreurs, que peu sont en état de l’entendre, bien moins encore en état de la trouver.

1827. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Orgueilleux humains sous un extérieur humble, vous qui parlez d’un ton si doux & qui trempez vos mains dans le sang ; quel démon funeste vous introduisit parmi nous » ? […] Il est peu de livres où l’on sente plus les derniers efforts de l’esprit humain. […] L’histoire des congregations de auxiliis est plus honteuse peut-être à l’esprit humain, que celle de toutes les hérésies du monde. […] Leur nom seul paroissoit aux Port-royalistes devoir être l’objet de l’exécration du genre humain. […] Ils vouloient qu’on crût le droit d’une foi divine, & le fait d’une foi humaine : leurs antagonistes exigeoient la foi divine pour le fait.

1828. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

A propos de Montaigne, par exemple, il dira : « Montaigne, élevé dans un siècle d’érudition et de disputes, accablé de tout ce qu’il avait lu, et n’y trouvant aucune solution positive, préfère le doute comme plus facile, et peut-être aussi comme plus humain, dans un temps où l’on s’égorgeait par conviction. […] Thiers estime que, seul, il a donné une doctrine complète sur l’homme, sa nature et sa destination ; et si c’est là beaucoup dire, il montre du moins que, sans nier le mal, et sans se l’exagérer non plus, Vauvenargues, dans son optimisme pratique, a considéré le monde comme un vaste tout où chacun tient son rang, et la vie comme une action où, à travers les obstacles, la force humaine a pour but de s’exercer. […] C’est bien le même qui, dix ans plus tard, dans un admirable article sur les Mémoires de Gouvion Saint-Cyr21, après avoir montré, à la louange des grands capitaines, que penser fortement, clairement, non pas au fond de son cabinet, mais au milieu des boulets, est, à coup sûr, l’exercice le plus complet des facultés humaines, c’est lui qui ajoutera en des termes tout à fait semblables : « Ceux qui ont rêvé la paix perpétuelle ne connaissaient ni l’homme ni sa destinée ici-bas. […] J’ai déjà moi-même tant discuté ailleurs28 cette théorie de la fatalité, cette forme particulière de la philosophie de l’histoire, qu’il me répugne de m’y étendre de nouveau : qu’on me permette seulement de dire que je ne suis pas de ceux qui croient en général à un si visible et si appréciable enchaînement des choses humaines. […] Penser fortement, clairement, au fond de son cabinet, est bien bea sans contredit ; mais penser aussi fortement, aussi clairement, au milieu des boulets, est l’exercice le plus complet des facultés humaines. » Thomas, si l’on s’en souvient, en son Éloge de Duguay-Trouin et dans une page qu’on dit éloquente, a décrit les difficultés et les dangers des combats de mer, plus terribles que ceux de terre ; mais ici que le Thomas est loin !

1829. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

II Or ces diplomaties parlent et écrivent ; leurs manifestes, leurs protocoles, leurs dépêches, leurs notes, sont leur littérature : grande littérature en action des rois, des assemblées, des peuples, qui bouleverse ou reconstruit les nations ; qui fait droit aux faibles, résistance aux oppresseurs ; qui lance la guerre, justice de la mort, ou qui maintient la paix, la paix, première propriété de l’espèce humaine, puisque c’est la propriété de la vie. […] C’est cette conclusion des grandes crises perturbatrices du genre humain qui devient la géographie légale du globe, en d’autres termes, le droit public, la légitimité des nations. […] C’est le beau phénomène de la solidarité du genre humain. […] Cette théorie l’a soutenu cinquante ans à la surface des choses humaines, précurseur de tous les succès, surnageant après tous les naufrages, survivant à toutes les ruines. […] J’assistai, par respect pour la haute intelligence humaine, à sa sépulture.

1830. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

On voit déjà les instincts se dessiner : naturel, moralité, simplicité, finesse ou bonhomie humaine plutôt qu’idéal poétique et grandeur. […] Le grand prêtre de l’art, qui ne dédaignait rien d’humain, y prit goût et voulut voir les autres : tous les cahiers à la file se mirent en route pour Weimar, Goëthe en dit un mot dans un numéro du journal Kunst und Alterthum. […] Il se croit malade par manie, il se fait élégant faute de mieux ; sa jeunesse se va perdre dans les futilités, et son âme s’y dessécher, lorsqu’une nuit, allant au bal du Casino, un incendie qu’il admire d’abord comme pittoresque, le prend au collet sérieusement ; il est obligé de faire la chaîne avec ses gants blancs ; il s’irrite d’abord, puis la nouveauté de l’émotion le saisit ; le dévouement et la fraternité de ces braves gens du peuple lui gagnent le cœur : il a retrouvé la veine humaine, et son égoïsme factice s’évapore. […] Ce sont mes amitiés d’abord… » Ensuite ce sont ses plaisirs, ses jouissances saines d’homme naturel, d’artiste, le dîner du dimanche sous la treille, le coudoiement du peuple, la source perpétuelle de l’observation vive. « Sous ces feuillages je retrouvais, dit-il, les jeux charmants de l’ombre et de la lumière, des groupes animés, pittoresques, et cette figure humaine où se peignent sous mille traits la joie, l’ivresse, la paix, les longs soucis, l’enfantine gaieté ou la pudique réserve. » Jean-Jacques sentait de même, pauvre grand homme tant dévoré du bourgeon !

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