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404. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Thiers, par une prédestination heureuse pour son pays et pour lui-même, nous paraît avoir été doué par la nature d’abord, par sa vie ensuite, de la plupart de ces qualités natives ou acquises qui doivent constituer l’historien éminent d’une grande page du livre du monde. […] Thiers sur les fautes ou sur les attentats des heureux. […] Thiers, on le voit, applaudit lui-même de l’esprit et du cœur à cet heureux attentat du 18 brumaire. […] L’esprit a pu en être ébloui, mais il n’y a pas une conscience qui n’en ait été troublée et inquiétée jusqu’à la fin de ce forfait heureux. […] Pitt, si heureux pendant dix-huit ans, fut malheureux dans les derniers jours de sa vie.

405. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

C’est du bonheur, c’est le fruit d’une veine heureuse ; voilà pourquoi l’auteur l’impose aux autres en son nom, comme une vue propre, plutôt qu’il ne leur en fait le partage aimable, comme du bien de tous. […] En revanche, il ne s’y trouve rien pour qui ne chercherait pas dans la connaissance des femmes un moyen de les rendre plus solides et plus heureuses. […] C’est par cette raison, entre autres, qu’il est inférieur, dans le sermon, à Bossuet et à Bourdaloue, malgré des passages très brillants et d’heureux changements au patron commun. […] Dans le plan de Fénelon, cette invention de l’Olympe, que nous trouvons un peu froide, était heureuse et appropriée. […] Ce bonheur, fort grossier, est plus dans l’esprit du paganisme que les douces joies de la contemplation, que Fénelon prête aux âmes heureuses dans les Champs Elysées, si semblables au paradis chrétien.

406. (1898) Essai sur Goethe

Heureux enfant ! […] — Comme je serai heureux là ! […] Heureux ! Heureux ! […] Son mariage ne fut pas heureux.

407. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre V. Un livre de Renan et un livre sur Renan » pp. 53-59

Celle-ci, pratiquée patiemment, a apporté une unité à sa vie, et une unité non limitée, car dans la science rien ne se perd, et, dans l’effort heureux, on a conscience de continuer, de couronner les efforts du passé, de capitaliser en même temps pour l’avenir. […] Les esprits sans résistance seront heureux de se laisser prendre par lui.

408. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 348-356

A une heureuse habitude de réfléchir, il joignoit le talent de donner à ses idées une tournure saisissante, & d’embellir, par la vivacité du style, le fruit de ses profondes méditations. […] Semblable à un Architecte, qui, sur les débris informes d’un édifice miné, en traceroit le plan, en dessineroit les proportions, en sentiroit les beautés & les défauts, & assigneroit, sur les plus foibles indices, la cause de sa chute : son génie, par d’heureuses combinaisons, a ranimé les objets effacés, a rappelé ceux qui avoient disparu, en a recréé de nouveaux, pour achever le tableau qu’il vouloit mettre sous les yeux.

409. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre V. Suite des précédents. — Héloïse et Abeilard. »

Après le morceau que nous avons cité, on lit ces vers : Chères sœurs, de mes fers compagnes innocentes Sous ces portiques saints, colombes gémissantes, Vous qui ne connoissez que ces faibles vertus Que la religion donne… et que je n’ai plus ; Vous qui, dans les langueurs d’un esprit monastique, Ignorez de l’amour l’empire tyrannique ; Vous, enfin, qui, n’ayant que Dieu seul pour amant, Aimez par habitude, et non par sentiment, Que vos cœurs sont heureux, puisqu’ils sont insensibles ! […] On en découvre à peine quelques traces dans ce passage, que nous traduisons mot à mot : « Heureuse la vierge sans tache qui oublie le monde, et que le monde oublie !

410. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XIV. Parallèle de l’Enfer et du Tartare. — Entrée de l’Averne. Porte de l’Enfer du Dante. Didon. Françoise de Rimini. Tourments des coupables. »

Lorsqu’enfin l’heureux Lancelot cueille le baiser désiré, alors celui qui ne me sera plus ravi colla sur ma bouche ses lèvres tremblantes, et nous laissâmes échapper le livre par qui nous fut révélé le mystère de l’amour86. » Quelle simplicité admirable dans le récit de Françoise, quelle délicatesse dans le trait qui le termine ! […] Voltaire n’est pas plus heureux sur le mot sin, péché, dont le genre féminin le scandalise.

411. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

D’autres enfin (MM. de Rémusat, Dubois, etc.) allaient prodiguer sur tout sujet et en toute occasion des vues critiques à la Staël, un peu vagues peut-être, un peu trop déliées ou inachevées, mais ingénieuses, singulièrement variées, d’une grande excitation et d’un heureux renouvellement. […] Magnin était dès lors à la Revue des Deux Mondes, et c’est de ce côté que sa faculté littéraire et critique allait désormais trouver un ample espace et un cadre heureux pour s’étendre et se développer. […] Je dis illusion à dessein, car toute cette science n’était en effet qu’une appropriation heureuse et instantanée de l’écrivain : c’était du talent de metteur en œuvre, de rédacteur ingénieux et élégant. […] sous quels heureux et honorables auspices il s’annonçait ! […] Quand il en vient aux farces, à cette veine heureuse et riche de notre vieux théâtre, à cette première forme de la comédie, M. 

412. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Une chose gêne cet heureux et ce tout-puissant, une feuille de rose est dans son lit de sybarite qui, pourtant, est un sybarite très revenu : la chaumière et les trois tilleuls de Philémon et Baucis gênent sa vue, gênent la perspective qu’il a sur l’étendue des flots ; et, ce qui lui est singulièrement reproché, du reste, ce qui est considéré comme sa dernière faute, presque son dernier crime, quelque chose du moins entre la faute et le crime, il fait abattre les tilleuls et la chaumière. […] Tantôt ils choisissaient l’épaisseur d’un ombrage : Là, sous des chênes vieux où leurs chiffres gravés Se sont avec les troncs accrus et conservés, Mollement étendus, ils consumaient les heures Sans avoir pour témoins, en ces sombres demeures, Que les chantres des bois, pour confident qu’Amour Qui seul guidait leurs pas en cet heureux séjour. […] Ce qu’il y a de très heureux, ce sont des vers isolés et des couplets, peu longs en général, où La Fontaine retrouve absolument toute sa grâce et tout son charme. […] La lutte du jour et de la nuit, soit au crépuscule du matin, soit au crépuscule du soir, c’est une des idées poétiques qu’il caresse sans cesse et qu’il a le plus souvent exprimée, toujours avec une certaine variante, variante heureuse. […] Un de mes compagnons, qu’autrefois on a vu Des dons de la fortune abondamment pourvu, Qui, tenant table ouverte, et toujours des plus braves, Voulait être servi par un monde d’esclaves, Devenu maintenant moins superbe et moins fier, S’estimerait heureux d’être mon estafier.

413. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

Personne, parmi les plus heureux d’une époque où les réputations étaient faciles, parce que l’amour des lettres, maintenant éteint, jetait sa dernière flamme, ne fut moins discuté et plus aisément accepté que Villemain. […] Excepté l’article sur le Milton de Chateaubriand, d’un renseignement assez agréable et luisant de plusieurs mots heureux, vous n’avez plus que l’ennui navrant et mortel d’appréciations sans saveur de livres sans saveur, comme l’Histoire littéraire de Nettement ou les élucubrations politiques de MM. de Broglie et de Rémusat. […] C’est un livre qui, grâce à la renommée de son auteur, est bien heureux d’avoir sa place dans la publicité, car, s’il ne l’avait point, il ne se la ferait pas… Il est écrit comme Villemain sait écrire, de cette longue phrase cicéronienne, moins pure que l’antique et que Villemain émaille de ces prosopopées (ô Racine ! […] Vous verrez qu’à propos de ce commentaire sur Pindare, écrit par un homme dont le seul mérite net et vrai fut de savoir bien le latin dans son temps, il est des gens qui parleront encore longtemps de la gloire de collège de Villemain ; et ils auront raison, car cette gloire a fait son heureuse position dans les lettres, et tous les livres qu’il a écrits depuis n’y ont pas beaucoup ajouté. […] Ce sont tous les deux — l’un moins que l’autre, il est vrai, — les heureux coupables de l’Histoire.

414. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Heureuse défiance, dont l’œuvre nouvelle a profité. […] Zola est heureuse même pour sa réputation d’écrivain. […] Heureux Pierre Loti ! […] comme il est heureux pour toi que tu sois mon frère !  […] On est heureux apparemment ?

415. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

Ô le profane, ô le libertin) s’écria-t-on de toutes parts ; mais on le savait par cœur aussi, on retenait, on récitait de ce Mardoche des dizains entiers sans se bien rendre compte du pourquoi, si ce n’est que c’était plein de facilité, de fantaisie, parfois d’un bon sens inattendu jusque dans l’insolence, que c’étaient des vers amis de la mémoire, et les rêveurs eux-mêmes, et les plus tendres, allaient d’un air de gloire se répétant tout bas le couplet : « Heureux un amoureux, etc. » Quant au don Juan de Namouna, à cette forme nouvelle du roué qui pouvait sembler l’enfant chéri de l’auteur, l’idéal, hélas ! […] Que manquait-il donc en ces années au poète, bien jeune encore, pour être heureux, pour vouloir vivre et aimer la vie, pour laisser son esprit courir et jouer en conversant sous des regards prêts à lui sourire, et son talent désormais plus calme, plus apaisé, s’animer encore par instants et combiner des inspirations renaissantes avec les nuances du goût ? […] Qu’on se rappelle ses premières chansons de page ou de cavalier amoureux : « En chasse, et chasse heureuse !

416. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

Remarquons toutefois qu’au xive  siècle, du temps de Pétrarque et de Boccace, à cette époque de grande et sérieuse renaissance, lorsqu’il s’agissait tout ensemble de retrouver l’antiquité et de fonder le moderne avenir littéraire, le but des rapprochements était haut, varié, le moyen indispensable, et le résultat heureux, tandis qu’au xvie  siècle il n’était plus question que d’une flatteuse récréation du cœur et de l’esprit, propice sans doute encore au développement de certaines imaginations tendres et malades, comme celle du Tasse, mais touchant déjà de bien près aux abus des académies pédantes, à la corruption des Guarini et des Marini. […] Quelques amitiés solides et variées, un petit nombre d’intimités au sein des êtres plus rapprochés de nous par le hasard ou la nature, intimités dont l’accord moral est la suprême convenance ; des liaisons avec les maîtres de l’art, étroites s’il se peut, discrètes cependant, qui ne soient pas des chaînes, qu’on cultive à distance et qui honorent ; beaucoup de retraite, de liberté dans la vie, de comparaison rassise et d’élan solitaire, c’est certainement, en une société dissoute ou factice comme la nôtre, pour le poëte qui n’est pas en proie à trop de gloire ni adonné au tumulte du drame, la meilleure condition d’existence heureuse, d’inspiration soutenue et d’originalité sans mélange. […] Heureuses de telles amitiés, quand la fatalité humaine, qui se glisse partout, les respecte jusqu’au terme ; quand la mort seule les délie, et, consumant la plus jeune, la plus dévouée, la plus tendre au sein de la plus antique, l’y ensevelit dans son plus cher tombeau !

417. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

Cousin a eu une heureuse idée, celle de revoir, de retrouver en quelque sorte son Cours de 1815 à 1820, et de le donner au public aussi fidèlement qu’il a pu le ressaisir, mais sans se faire faute au besoin de suppléer l’éloquent professeur de ce temps-là par le grand écrivain d’aujourd’hui. […] Un homme d’esprit, aimable, disert, légèrement sceptique, s’était avisé d’un compromis heureux qui, sans satisfaire les idéologues sévères, n’était pas fait non plus pour les alarmer. […] Il y a quelques écrivains de notre temps, en très-petit nombre qui ont un don bien rare, ou plutôt une heureuse incapacité : ils ont beau écrire en courant et improviser, ils ne sont jamais en danger de rien rencontrer qui soit contre le goût et le génie de la langue.

418. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

« Les patriciens lisaient ces écrits, et leur accordaient volontiers ce sourire de compassion qu’ils eussent donné aux rêveries d’un poète en délire. » L’heureux temps pour les gens de lettres ! […] Parmi tant de graves découvertes, sir Walter Scott ne néglige pas les plus menus détails ; il affecte d’entremêler son style de locutions françaises y et n’est pas moins heureux investigateur sac ce point que dans le reste. « L’Assemblée (constituante) abolit toutes les distinctions honorifiques, toutes les armoiries, jusqu’aux titres insignifiante de monsieur et de madame, locutions de pure courtoisie, si l’on veut, mais qui, réunies à d’autres semblables, rendent plus douces les relations ordinaires de la vie, et entretiennent cette urbanité de mœurs que les Français désignaient par l’expression heureuse de petite morale. » Notez ce mot en passant, MM. de l’Académie ; et vous tous qui étudiez l’histoire, n’oubliez pas que l’Assemblée constituante abolit les titres de monsieur et de madame.

419. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

Atys est trop heureux , répondit le roi, en citant un vers de la quatrième scène du deuxième acte. […] La fermeté tranchante du duc de Montausier pouvait n’être pas déplacée dans un homme de sa profession et surtout de son caractère ; mais la longue expérience de Bossuet et sa profonde connaissance du cœur humain lui avaient appris que la douceur, la patience et les exhortations évangéliques sont les véritables armes a un évêque pour combattre les passions et qu’elles servent plus souvent à en triompher que ces décisions brusques et absolues qui obtiennent rarement un si heureux succès. […] M. de Beausset aurait peut-être dû se défier de l’intérêt qui rattachait à la gloire de Bossuet, et surtout de l’aversion qu’il a dû reconnaître dans le duc de Saint-Simon pour madame de Maintenon ; il n’aurait pas refusé à cette femme illustre un témoignage mérité de son heureuse influence sur le retour du roi à des habitudes régulières, pour l’attribuer exclusivement au prélat qui avait tant d’autres titres à ses hommages.

420. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

Les chagrins, les infirmités du poëte redoublant, il fut assez heureux pour obtenir son congé ; mais toujours à des conditions très-flatteuses pour lui. […] On discuta ses talens* : l’homme trop heureux fit évanouir dans Maupertuis l’écrivain supérieur. […] L’exemple de ce grand poëte & les vers* d’Alain Chartier, sont une belle leçon : Le chagrin suit les cours ; fuis-les pour être heureux.

421. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

il avait toujours été si heureux qu’il avait sans doute le sentiment du néant de la plus belle vie ! […] été une heureuse, cette sainte de l’amour, comme dit Renée, eut le courage de devenir une sainte tout à fait. […] Seulement, sa perfection, à lui, sera plus heureuse que celle de madame de Montmorency, qui s’est ensevelie dans la sienne.

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