/ 1676
962. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

Lamartine ne monta jamais, ou plutôt ne descendit jamais sur ce char-là, et ne prit point la lance qu’on lui offrait, pour le tenter, comme on eût fait à un héros d’Homère.

963. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

Comparez seulement les vivants, si violemment vivants et vrais, des Contes drôlatiques, aux pâles et exsangues momies habillées du Capitaine Fracasse, lesquelles font l’amour du même air, du même ton, avec la même phrase qu’elles se plaisantent ou qu’elles se battent, le long de ce fatigant roman, sans que l’auteur lui-même se départe un moment de l’emphase suspecte de son récit, dans laquelle le plaisant et le sérieux se confondent au point qu’on ne sait plus si l’auteur est réellement un romancier sincère, qui croit à ses héros et qui les aime, ou un humouriste en pointe d’ironie, qui se moque également de ses personnages et de son lecteur !

964. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Les Mémoires d’une femme de chambre » pp. 309-321

Mais les Mémoires d’une femme de chambre, c’est-à-dire de la femelle de ce genre d’animal dont on a dit le mot resté proverbe : « Pour un valet de chambre, il n’y a pas de héros » (et, vous le savez, la femelle de toutes les espèces est, en fait d’observation, de finesse et de tact, bien au-dessus de tous les mâles de la terre, même dans cette espèce supérieure de messieurs les valets !) 

965. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Deux choses à remarquer, cependant : le siècle d’Alexandre, si l’on peut appeler ainsi la course de dix ans du jeune héros, et les fondations d’empires qui, jetées sur son passage, s’achevèrent après lui, le siècle d’Alexandre fut bien loin d’atteindre, dans l’ordre des arts et du génie, à la gloire du siècle de Périclès, ou plutôt d’Athènes, dans sa période la plus étendue, de la naissance d’Eschyle à la mort de Platon.

966. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Elle était fiancée à un jeune homme, sans doute plein de qualités, à qui elle en prêtait d’autres encore, qu’elle considérait comme un héros, un être éthéré, exempt de tout le prosaïsme de la vie. […] — Un héros ? […] — Cela lui suffisait d’avoir été un héros, dit tante Lili, il a bien fait. […] grogna le grand-père qui avait une quinte de toux, le héros est à présent un vieux catarrheux. […] Un passage du livre me troubla spécialement, celui où l’héroïne de la première partie, dans ses remords d’avoir trompé son mari, attribue à sa faute la maladie de ses enfants.

967. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Les personnes de la cour et de la ville, au courant des récentes anecdotes royales et littéraires, substituaient facilement les véritables noms aux noms factices des héros de l’illustre Sapho. […] Si l’on avait demandé à l’un ou à l’autre des Scudéry, étroits collaborateurs, la vie véritable du Grand Cyrus, ils l’eussent écrite les yeux fixés sur le grand Roi, Racine, tout imprégné qu’il fût de la véritable grécité, ne distingue pas bien la psychologie d’un héros homérique ’d’avec celle d’un héros de la Fronde. […] Comment, avec les pâles personnages humains, les grands poètes ont-ils créé des héros mille fois plus forts, plus nobles et plus beaux, ou plus laids, plus venimeux que les êtres qu’ils avaient sous les yeux ? […] Ce jeune homme, mort à vingt-sept ans, fut un des héros de l’esprit français ; rien de biblique ne l’avait touché ; sa morale était charmante, instinctive et libre ; une vie d’art et de cœur s’épanouissait en lui. […] On y trouve : Actif, Aristocratie, Barbare, Contemplation, Démagogue, Démocratie, Despote, Héros, Économie, Illégal, Incontinent, Législation, Mélodie, Armonie.

968. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Aimer n’est rien, le plus plat bourgeois en est capable, mais aimer avec enthousiasme, un héros seul le peut faire et c’est encore ce qu’on a pu trouver de plus beau sur cette sphère raboteuse où, depuis six mille ans, pâture le genre humain ! […] Il n’avait pas vu le dernier opéra, ni le dernier vaudeville il n’avait pas lu le dernier roman ; il ne connaissait pas les héros de la dernière aventure. […] D’après les idées belges, tout homme qui dépose un excrément contre le mur de l’Église est nécessairement un héros, un tonneau d’Heidelberg de toutes les vertus, un martyr même, mais surtout et avant tout, c’est une âme religieuse de la plus sublime élévation. […] Donc, le héros devient amoureux. […] Essayez, par exemple, de rapprocher ces deux héros, Regnaut de Montauban et Mes Bottes, vous aurez à peu près la différence des époques, en même temps que la différence des poèmes.

969. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Il dépose sur le tombeau d’Agamemnon l’épée du héros, ce qui est bien imprudent ; mais une épée fait bien ici. […] Le héros, d’abord, d’une si belle inconscience morale, mêlée de naïveté et d’une espèce de bonté. […] La plupart des personnages sont des héros, et tous sont de braves gens. […] Et voici Hoche, le héros pur comme un lis. […] Allez vous promener, héros !

970. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Voltaire avait fait de l’Angleterre, alors assez peu connue, une espèce de pays merveilleux, où il plaçait les héros, les opinions et les idées dont il pouvait avoir besoin. […] Bientôt la reconnaissance ou la frayeur des peuples plaça des législateurs, des héros et des rois au rang des divinités. […] Il revient sur ses pas : il examine ce héros païen, à la clarté d’une lumière plus sûre et plus pénétrante, et il montre tout ce qui lui a manqué, et par l’excès et par l’imperfection de ses vertus. […] Alors l’admiration des héros de l’antiquité est aussi favorable à la vertu que les chefs-d’œuvre où ils sont célébrés est féconde pour le talent, et toute l’éducation s’accomplit. […] Elle marche de pair avec celle des grands rois et des héros : Homère et Alexandre, Virgile et César occupent également les voix de la renommée.

971. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Il a poussé la sincérité de cette confession jusqu’à supprimer à son Adolphe toutes les excuses que les circonstances donnent à nos pires faiblesses, pour ne chercher d’explication aux actes de son triste héros que dans un caractère identique au sien propre. […] Les trois héros en sont presque surhumains : le premier, Amaury, par son inépuisable effusion mystique ; le second, d’Albert, par son infatigable élan vers le Beau ; le troisième, Julien, par l’intarissable jet de sa volonté. […] Un frémissement de toute notre nature s’émeut alors, qui exalte jusqu’à son énergie suprême la conscience de notre vitalité A ce point de vue les diverses passions sont identiques, et le philosophe, en poursuivant cette extase souveraine de son cerveau, est le frère du joueur et du débauché, comme du héros et du martyr. […] C’est alors, en effet, que le héros du roman et du théâtre cesse d’être le mélancolique, ou poitrinaire ou révolté, toujours en désaccord avec les circonstances, pour devenir le brutal et rude manieur de réalités que M.  […] Quand cet amoureux de la vie physique décrit un de ses héros précisément il laisse de côté les détails de cette vie physique et note seulement les détails de la vie morale.

972. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Les trompettes sonnent, les tambours battent, les armures défilent, les armées s’entre-choquent, les gens se poignardent entre eux ou se poignardent eux-mêmes ; les discours ronflent avec des menaces titanesques et des figures lyriques39 ; les rois expirent, tendant leurs voix de basse ; « la mort hagarde, de ses serres rapaces, étreint leur cœur sanglant, et comme une harpie se gorge de leur vie. » Le héros, le grand Tamerlan, assis sur un char que traînent des rois enchaînés, fait brûler les villes, noyer les femmes et les enfants, passer les hommes au fil de l’épée, et à la fin, atteint d’un mal invisible, s’emporte en tirades gigantesques contre les dieux qui le frappent et qu’il voudrait détrôner. […] Il veut voir dans le héros, non-seulement le héros, mais l’individu avec sa façon de marcher, de boire, de jurer, de se moucher, avec le timbre de sa voix, avec sa maigreur ou sa graisse59, et plonge ainsi, à chaque regard, jusque dans le dessous des choses comme par une profonde percée de mineur. […] On les connaît les héros de cette population tragique, les Iago, les Richard III, les lady Macbeth, les Othello, les Coriolan, les Hotspur, tous comblés de génie, de courage et de désirs, le plus souvent insensés ou criminels, toujours précipités par eux-mêmes dans leur tombe. […] The White Devil, c’est le nom qu’il donne à son héroïne.

973. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Ils s’ennoblissent par leurs grandes œuvres, ils deviennent les rivaux, les égaux, les vainqueurs de leurs maîtres ; ils n’ont plus besoin de les imiter, ils ont des héros à leur tour, ils peuvent montrer comme eux leurs croisades, ils ont gagné comme eux le droit d’avoir une poésie, et vont avoir une poésie comme eux. […] Elle l’a repris, et « tant que des deux mains elle pourra tenir son verre ferme, elle boira à la santé de son vieux héros. » J’espère que voilà du style franc, et que le poëte n’est pas petite bouche. […] Nous savons par lui que nous ne sommes plus forcés d’aller chercher en Grèce, à Rome, dans les palais, chez les héros et les académiciens, les objets poétiques. […] Cependant les danseuses posent la main sur leur cour avec une émotion délicate et profonde, les jeunes premiers chantent qu’ils sont prêts à mourir, les tyrans font gronder leur voix de basse, l’orchestre se démène, accompagnant les variations des sentiments par les soupirs doucereux de ses flûtes, par les clameurs lugubres de ses trombones, par les mélodies angéliques de ses harpes ; jusqu’à ce qu’enfin, au moment où l’héroïne met le pied sur la gorge du traître, il éclate triomphalement par ses mille voix vibrantes réunies en un seul accord. […] Ajoutons qu’il y a des dames et même de jeunes demoiselles, qu’il faut arranger la représentation de manière à ne point choquer leur morale sévère et leurs sentiments délicats, les faire pleurer décemment, ne point mettre en scène des passions trop fortes, qu’elles ne comprendraient pas ; tout au contraire choisir des héroïnes qui leur ressemblent, attendrissantes toujours, mais surtout correctes ; de jeunes gentlemen, comme Évandale, Morton, Ivanhoe, parfaitement élevés, tendres et graves, même un peu mélancoliques (c’est la dernière mode) et dignes de les conduire à l’autel.

974. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Le chef et le héros de cette école, Gongora (1561-1627), s’y employa si bien qu’il fallut une succession de commentateurs pour expliquer ses poésies à un public qui s’obstinait à les admirer sans les comprendre Ce que j’ai cité plus haut des faiblesses de Malherbe pour la mode italo-hispanique donne une idée du genre de poésie auquel Boileau allait avoir affaire. […] Dans le même temps, Boileau allait récitant dans les compagnies le Dialogue des héros de roman, petit ouvrage à la manière des dialogues de Lucien, où il tournait en ridicule le Cyrus et la Clélie de Mlle de Scudéry. […] Dialogue sur les héros de roman. […] Préface des Héros de roman. […] Préface du Dialogue des héros de roman.

975. (1896) Le livre des masques

La littérature n’est pas en effet autre chose que le développement artistique de l’idée, que la symbolisation de l’idée au moyen de héros imaginaires. Les héros, ou les hommes (car chaque homme est un héros, dans sa sphère) ne sont qu’ébauchés par la vie ; c’est l’art qui les complète en leur donnant, en échange de leur pauvre âme malade, le trésor d’une immortelle idée, et le plus humble peut être appelé à cette participation, s’il est élu par un grand poète. […] Pourtant, dès que s’éteignent le cantique Et l’antienne naïve et prismatique, Un deuil d’encens évaporé s’empreint Sur les trépieds d’argent et les autels d’airain ; Et les vitraux, grands de siècles agenouillés Devant le Christ, avec leurs papes immobiles Et leurs martyrs et leurs héros, semblent trembler Au bruit d’un train hautain qui passe sur la ville. […] Ce mot est le mot bien aimé du poète ; ses héroïnes sont fleuries de gemmes autant que ses jardins sont fleuris de lys.

976. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Telles armes, forgées par les dieux, ne sont bonnes que dans la main des héros. […] Quelquefois, non loin du temple, des statues de héros, de déesses ou de nymphes, ayant derrière elles des massifs de myrtes et de lauriers-roses, dessinent leur beauté chastement nue dans la chair étincelante du Paros. […] Aux héros demi-fabuleux de l’histoire succèdent les héros d’invention, comme aux épopées succèdent les romans de chevalerie. […] Nature singulière, marquée au front d’un signe saisissant, elle avait un moment traversé le Gymnase, qui avait alors, par occasion, un rôle à sa mesure et qui fit d’elle une enfant de la lande bretonne, une petite héroïne du Bocage vendéen. […] Elle se défendit pendant deux ans de jouer Adrienne Lecouvreur, qui fut un de ses grands succès et qui ne lui donna que la peine de se ressembler ; car l’héroïne d’Eugène Scribe et de M. 

977. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Quel vaste champ, pour ce génie sublime & fécond, que ces fables où l’orgueil humain trouvoit à s’exalter, où les passions jouoient un si grand rôle, où le merveilleux éclipsoit la raison, où le mensonge & l’erreur, ingénieusement travestis, & triomphans de la vérité, excitoient, augmentoient sans cesse l’enthousiasme d’un peuple amoureux de son origine, en lui rappelant le souvenir des Héros dont il croyoit descendre ! […] La beauté des Dames, l’éclat & la richesse de leurs atours & de leurs habillemens, (dont elles se dépouilloient quelquefois pour en revêtir les Chevaliers), la valeur & le nom des Héros, tout devoit animer la Poësie, & l’inviter à joindre ses chants aux acclamations publiques. […] Faisoit-elle l’Apothéose des Héros ? […] Ce n’est point au sein des richesses & de l’abondance que se forment les Héros & les grands hommes.

978. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Sans doute on peut appliquer à Hugo ce qu’il a dit lui-même d’un de ses héros : il n’a pas étudié Dieu, il s’en est « ébloui ». […] Un jour, dit-il en parlant d’un de ses héros, « il voyait des gens du pays très occupés à arracher des orties ; il regarda ce tas de plantes déracinées et déjà desséchées, et dit : — C’est mort. […] Hugo dit d’un de ses héros, M.  […] A peu d’exceptions près, toutes les héroïnes de V. 

979. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Aventure galante dont il est le héros. […] Madame, avez-vous vu, dans ces tapisseries, Ces héros de romans ? […] Ces héros de romans ? […] Ces héros de romans ? […] Cet aimable héros de boudoir, forcé de sortir de France, avait emporté aux bords de la Tamise et ses goûts passagers et sa changeante humeur.

/ 1676